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04/12/1986 | MONACO | N°25250

Monaco | Tribunal de première instance, 4 décembre 1986, S.A.M. Roccabella c/ S.A.M. H. V.


Abstract

Photographie

Responsabilité délictuelle - Préjudice d'une diffusion non autorisée - Réparation

Résumé

La reproduction faite par une entreprise de nettoyage, dans l'annuaire téléphonique de la Principauté, d'un immeuble de haut standing de Monaco, accompagnant une annonce publicitaire, réalisée sans autorisation préalable de son propriétaire, constitue une imprudence de la part de cette entreprise, engageant sa responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que la S.A.M. Roccabella, q

ui expose être propriétaire d'un immeuble de très grand luxe du même nom sis . dont la photographie a été ...

Abstract

Photographie

Responsabilité délictuelle - Préjudice d'une diffusion non autorisée - Réparation

Résumé

La reproduction faite par une entreprise de nettoyage, dans l'annuaire téléphonique de la Principauté, d'un immeuble de haut standing de Monaco, accompagnant une annonce publicitaire, réalisée sans autorisation préalable de son propriétaire, constitue une imprudence de la part de cette entreprise, engageant sa responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que la S.A.M. Roccabella, qui expose être propriétaire d'un immeuble de très grand luxe du même nom sis . dont la photographie a été reproduite sans son accord dans une annonce publicitaire que l'entreprise de nettoyage H. V. a fait paraître dans l'annuaire téléphonique de Monaco 1985, a fait assigner la S.A.M. H. V., à qui elle reproche d'avoir à tort laissé croire par cette publicité qu'elle assure l'entretien de cet immeuble, ce qui ne serait pas compatible avec le standing du Roccabella, à l'effet de faire constater que la photographie de l'immeuble a été abusivement utilisée à des fins de publicité mensongère et que les agissements de la société H. V. lui ont occasionné un grave préjudice « en raison du standing élevé de l'immeuble qui ne saurait souffrir d'être mêlé à ce genre d'opération », d'obtenir en conséquence la condamnation de la société défenderesse à lui payer 500 000 francs à titre de dommages-intérêts et l'interdiction pour l'avenir de toute utilisation par cette société de la photographie de l'immeuble à des fins publicitaires, et de voir ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux locaux aux frais de la défenderesse, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu que la société H. V., sans contester la matérialité des faits allégués, se livre à une analyse de l'annonce publicitaire litigieuse, composée de quatre pleines pages, pour en déduire qu'il s'agit d'un ensemble dont on ne peut dissocier un seul élément et soutient que le choix de l'immeuble Roccabella n'a été dicté que par des motifs d'impact publicitaire pour en faire un symbole anonyme des capacités de l'entreprise de nettoyage, en soulignant qu'aucun élément ne permet d'en inférer qu'elle est chargée de l'entretien dudit immeuble ;

Qu'elle estime n'avoir commis aucun abus ou faute dans l'utilisation nullement répréhensible de cette photographie et excipe de sa bonne foi en la cause ;

Qu'elle considère dans ces conditions faire l'objet d'une procédure manifestement abusive et sollicite reconventionnellement le paiement de 50 000 francs en réparation de ses préjudices matériel et moral, après avoir conclu au rejet des demandes de la S.A.M. Roccabella ;

Attendu qu'en réponse cette société conteste cette présentation des faits ; qu'elle affirme que par son architecture de conception moderne « particulièrement originale », l'immeuble Roccabella est aisément identifiable au plan local par une grande majorité de personnes, que la publicité a pour but évident de donner à penser à la clientèle potentielle que la société H. V. fait état d'une référence de ses capacités professionnelles - ce qui serait constitutif d'une publicité mensongère, dès lors que l'immeuble en cause n'est pas entretenu par la société H. V. -, et que cette société aurait facilement pu, comme elle l'a fait par ailleurs, diffuser le message publicitaire choisi par elle sans utiliser la photographie du Roccabella ;

Que la demanderesse estime ainsi avoir établi la mauvaise foi de son adversaire, dont elle conclut au débouté de la demande reconventionnelle en réitérant les termes de l'exploit d'assignation ;

Sur quoi,

Attendu qu'à défaut pour la S.A.M. Roccabella d'avoir précisé le fondement de sa demande, il doit être admis qu'elle entend se placer sur le terrain de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de droit commun à l'effet d'obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

Attendu à cet égard qu'en faisant reproduire et diffuser auprès des abonnés du réseau téléphonique de Monaco, à des fins commerciales, la photographie, isolée de tout environnement, de l'immeuble appartenant à la S.A.M. Roccabella sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de celle-ci, la S.A.M. H. V. apparaît avoir commis une faute, d'imprudence à tout le moins, engageant sa responsabilité civile, dès lors qu'elle aurait dû s'assurer, avant parution, que la publicité litigieuse ne heurterait pas les intérêts de la société propriétaire de l'immeuble, tels que celle-ci pouvait librement les concevoir en l'espèce ;

Attendu toutefois que l'examen de la photographie en cause montre qu'elle se borne à reproduire deux façades de l'immeuble sous un angle de vue très particulier excluant toute référence ou tout repère par l'environnement, sur un fond blanc artificiellement retouché et sans que l'entrée puisse être distinguée ;

Qu'ainsi cette photographie soumise au lecteur de l'annonce publicitaire n'évoque pour celui-ci que la représentation d'un immeuble de grande hauteur en forme de tour, semblable en cela à l'idée généralement admise d'une construction très élevée, en sorte qu'il est difficile, même pour des résidents de la Principauté en majorité non avertis, d'en déduire immédiatement qu'il s'agit de l'immeuble le Roccabella et donc, après association d'idées, que la société H. V. assure l'entretien et le nettoyage de cet immeuble ;

Attendu dans ces conditions que le préjudice subi par la demanderesse ne saurait revêtir l'importance qu'elle lui confère et sur la nature duquel elle ne s'explique pas ; qu'à défaut de toute motivation de ce chef, le tribunal estime que la société Roccabella ne subit qu'un préjudice d'ordre moral devant conduire à lui octroyer 1 F à titre de dommages-intérêts ;

Que la réparation de ce préjudice justifie qu'il soit en outre fait droit à la demande tendant à interdire pour l'avenir l'utilisation, par la société H. V., de la photographie de l'immeuble à des fins publicitaires, et à celle, inhérente à l'urgence caractérisée en la cause, aux fins d'exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu en revanche qu'en l'absence de tout autre chef de préjudice articulé par la S.A.M. Roccabella et eu égard à la nature de la faute commise, il n'apparaît pas nécessaire d'ordonner la publication de la présente décision ;

Attendu qu'en l'état de sa succombance, la S.A.M. H. V. ne saurait être suivie en sa demande reconventionnelle et doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la S.A.M. H. V. responsable du préjudice qu'elle a occasionné, par sa faute, à la S.A.M. Roccabella et tenue de le réparer ;

La condamne au profit de cette société au paiement de 1 F à titre de dommages-intérêts ;

Fait défense à la société H. V. d'utiliser à l'avenir à des fins publicitaires la photographie - objet de la présente instance - de l'immeuble le Roccabella sans y avoir été autorisée ;

Déboute la société Roccabella du surplus de sa demande et la société H. V. de sa demande reconventionnelle ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans caution ;

Composition

M.M. Huertas, prés. ; Serdet, subst. proc. gén. ; M.Me Marquilly, Sbarrato, av. déf..

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25250
Date de la décision : 04/12/1986

Analyses

Publicité ; Droit des obligations - Responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle


Parties
Demandeurs : S.A.M. Roccabella
Défendeurs : S.A.M. H. V.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1986-12-04;25250 ?

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