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19/06/1986 | MONACO | N°25229

Monaco | Tribunal de première instance, 19 juin 1986, Société Flonic Schlumberger c/ S.A.M. Microtechnic, sieur O. syndic.


Abstract

Cessation des paiements

Compensation possible - Obligations connexes.

Résumé

S'il est de principe que la cessation des paiements d'un débiteur empêche à dater du jugement qui la constate, que soient compensées les dettes et créances réciproques unissant ce débiteur à un tiers en raison de la règle de l'égalité des créanciers, il demeure qu'une telle interdiction de compensation n'est pas applicable lorsque les obligations respectives du débiteur et du tiers sont connexes, et, non plus, lorsqu'une compensation légale s'est produite de plein d

roit avant le jugement constatant la cessation des paiements considérée.

Observation :...

Abstract

Cessation des paiements

Compensation possible - Obligations connexes.

Résumé

S'il est de principe que la cessation des paiements d'un débiteur empêche à dater du jugement qui la constate, que soient compensées les dettes et créances réciproques unissant ce débiteur à un tiers en raison de la règle de l'égalité des créanciers, il demeure qu'une telle interdiction de compensation n'est pas applicable lorsque les obligations respectives du débiteur et du tiers sont connexes, et, non plus, lorsqu'une compensation légale s'est produite de plein droit avant le jugement constatant la cessation des paiements considérée.

Observation :

Deux sociétés en rapport d'affaires étaient réciproquement créancières, l'une de l'autre (leurs créances étant certaines, liquides et exigibles) avant que n'intervienne la cessation de paiements de l'une d'entre elles (A). L'autre société (B) a introduit une action en restitution du montant de sa dette, qu'il avait séquestré entre les mains du syndic.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que la Société Anonyme Monégasque Microtechnic dont la cessation des paiements a été constatée par un jugement du Tribunal rendu le 13 décembre 1984 et le règlement judiciaire ultérieurement prononcé le 20 mars 1986 est débitrice envers la Société Anonyme française dénommée Flonic Schlumberger d'une somme de 324 226,48 francs montant non contesté du total de 20 factures datées des mois d'août à décembre 1984 que cette dernière société avait établies à son encontre comme correspondant pour l'essentiel à de la matière première qu'elle lui avait livrée pour être manufacturée et ensuite retournée après usinage à cette même Société Flonic Schlumberger ;

Attendu qu'en raison notamment des cessions de matière première susvisée ainsi effectuées dans un deuxième temps par la Société Microtechnic, celle-ci s'est elle-même trouvée, dès avant la date du jugement, constatant sa cessation de paiements, créancière de la Société Flonic Schlumberger pour une somme non contestée de 372 761,84 francs, sur laquelle ladite société lui a payé, après le jugement précité, ainsi qu'il est constant, une somme de 48 535,36 francs en sorte que les deux sociétés se sont désormais trouvées débitrices l'une envers l'autre de la même somme de 324 226,48 francs ;

Attendu qu'après avoir d'abord admis avec la Société Microtechnic, la réalité de la créance produite pour ce montant au passif de cette société par la Société Flonic Schlumberger, R. O., syndic de la procédure consécutive au jugement précité du 13 décembre 1984, sans mettre aucunement en doute l'existence initiale d'une telle créance a consenti, à la demande expresse de la Société Flonic Schlumberger, à ce que cette même créance ne soit admise que par provision pour son montant à l'état des créances de ladite procédure ce sur quoi, le Juge commissaire de celle-ci a rendu le 20 décembre 1985 une ordonnance constatant l'accord des parties sur ce point et prononçant dès lors l'admission convenue à titre provisionnel ;

Attendu qu'en l'état de ces deux dettes réciproques, la Société Flonic Schlumberger qui avait été sollicitée par le syndic de la cessation des paiements de la Société Microtechnic de verser à celle-ci la somme de 324 226,48 francs qu'elle reconnaissait lui devoir, a convenu avec ledit syndic de remettre cette somme à celui-ci pris en qualité de séquestre ce que ce même syndic a accepté ;

Attendu que, par l'exploit susvisé la Société Flonic Schlumberger estimant qu'elle est fondée à opposer à la Société Microtechnic et au syndic susnommé, la compensation entre sa dette de 324 226,48 francs et la créance de même montant qu'elle possède sur la Société Microtechnic et pour laquelle elle a produit entre les mains dudit syndic, a fait assigner celui-ci, outre la Société Microtechnic aux fins d'obtenir la restitution de la somme dont s'agit par lui détenue en qualité de séquestre depuis le 12 mars 1985, en sollicitant le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement requis ;

Attendu que le Syndic R. O. et la Société Microtechnic ont d'abord excipé de l'irrecevabilité de cette action qui contreviendrait, dès lors qu'elle tend à un paiement, à la règle de suspension des poursuites individuelles, et, soutenu subsidiairement par ailleurs, que la compensation invoquée par la société demanderesse ne pourrait aucunement être admise comme devant permettre la restitution demandée de la somme de 324 226,48 francs au regard de ce qu'elle n'aurait pas produit ses effets avant le jugement susvisé du 13 décembre 1984 et qu'elle ne pourrait les produire depuis lors qu'à la condition, qu'ils n'estiment pas remplie, que les dettes réciproques actuellement en présence soient entre elles unies par un lien de connexité ;

Sur quoi,

Attendu que s'il est de principe que la cessation des paiements d'un débiteur empêche, à dater du jugement qui la constate, que soient compensées les dettes et créances réciproques unissant ce débiteur à un tiers, soumis à la règle de l'égalité des créanciers, tenu comme l'ensemble de ceux-ci de produire sa créance entre les mains du syndic de payer intégralement, par l'intermédiaire de celui-ci, ses dettes envers le débiteur, et de ne percevoir le montant de ses créances sur ce même débiteur que par dividende s'il y a lieu, il demeure qu'une telle interdiction de compensation n'est pas applicable lorsque les obligations respectives du débiteur et du tiers sont connexes, et, non plus, lorsqu'une compensation légale s'est produite de plein droit avant le jugement constatant la cessation des paiements considérée ;

Attendu qu'en l'espèce, sans qu'il y ait dès lors lieu d'apprécier les circonstances de fait ou de droit soulignées par les parties dans leurs conclusions respectives, dont résulterait l'existence ou l'inexistence d'une connexité entre les dettes mutuelles de la Société Flonic Schlumberger et de la Société Microtechnic l'une envers l'autre, il doit être relevé qu'en l'état de l'absence totale de contestation des sommes et factures invoquées de part et d'autre, dont le montant initialement indiqué n'a pas varié en cours d'instance, les dettes originaires ci-dessus mentionnées de 324 226,48 francs et de 372 761,84 francs existant, de l'accord des parties avant même le jugement précité du 13 décembre 1984, avaient alors les caractères de liquidité et d'exigibilité prévus par l'article 1139 du Code civil comme devant permettre la compensation légale édictée par l'article 1137 dudit code ;

Que l'interdiction de compensation ci-dessus mentionnée ne saurait être dès lors appliquée en la circonstance - étant observé qu'il n'est nullement soutenu que l'une des dettes considérées ne soit devenue liquide et exigible qu'après le jugement susvisé - puisque, par application de l'article 1137 précité et de l'article 1138 subséquent, dès lors que dès avant ledit jugement la Société Flonic Schlumberger se trouvait incontestablement débitrice d'une somme de 372 761,84 francs envers la Société Microtechnic et que cette dernière lui devait, en revanche, mais tout aussi certainement une somme de 324 226,48 francs, s'est opéré entre ces deux dettes de plein droit, par la seule force de la loi et même à l'insu des deux sociétés débitrices qui n'avaient nul besoin de le déclarer, une compensation éteignant réciproquement ces deux dettes dès leur existence simultanée, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ;

Que la Société Microtechnic et le Syndic O. doivent être dès lors déboutés de leurs moyens de défense faisant obstacle à la demande de restitution formulée (distincte d'une action en paiement dirigée contre un débiteur de cessation de paiements) de la somme susvisée de 324 226,48 francs dont le séquestre conventionnel constitué devra dès lors se libérer par le versement qu'il en fera entre les mains de la société demanderesse ;

Attendu par ailleurs que l'exécution provisoire sollicitée n'a pas lieu d'être présentement prononcée au regard de l'article 572 du Code de commerce ;

Qu'enfin toute partie qui succombe doit légalement supporter les dépens de l'instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Reçoit la Société Flonic Schlumberger en sa demande et l'y déclarant fondée sur la base d'une compensation légale s'étant opérée avant le jugement susvisé du 13 décembre 1984, dit que R. O. syndic de la cessation des paiements de la Société Microtechnic se libérera valablement de la somme de 324 226,48 francs qu'il détient en qualité de séquestre, par le versement qu'il devra en faire à la société demanderesse ;

Déboute les parties du surplus des fins de leurs conclusions ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquilly, Sbarrato, av. déf. ; Cohen, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25229
Date de la décision : 19/06/1986

Analyses

Contrat - Général ; Contrat - Effets


Parties
Demandeurs : Société Flonic Schlumberger
Défendeurs : S.A.M. Microtechnic, sieur O. syndic.

Références :

article 1139 du Code civil
article 572 du Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1986-06-19;25229 ?

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