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19/06/1986 | MONACO | N°25228

Monaco | Tribunal de première instance, 19 juin 1986, Société Générale c/ époux L., S.A.R.L. Confection Thouarsaise.


Abstract

Billet à ordre

Conflit de lois - Application de la Convention de Genève

Résumé

Dès qu'un billet à ordre a été souscrit et se trouve payable en France, le porteur est en droit d'agir, en l'état du règlement judiciaire du souscripteur, contre les deux avals ayant domicile élu à Monaco, en se prévalant des dispositions du Code de commerce français, applicables en vertu de l'article 4 de la Convention internationale de Genève rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance souveraine n° 1594 du 20 mai 1934 destinée à régler certains conflits de

lois en matière de lettres de change et de billets à ordre.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu ...

Abstract

Billet à ordre

Conflit de lois - Application de la Convention de Genève

Résumé

Dès qu'un billet à ordre a été souscrit et se trouve payable en France, le porteur est en droit d'agir, en l'état du règlement judiciaire du souscripteur, contre les deux avals ayant domicile élu à Monaco, en se prévalant des dispositions du Code de commerce français, applicables en vertu de l'article 4 de la Convention internationale de Genève rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance souveraine n° 1594 du 20 mai 1934 destinée à régler certains conflits de lois en matière de lettres de change et de billets à ordre.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que la société à responsabilité limitée de droit français, dénommée Confection Thouarsaise, agissant sous la signature de son gérant P. L., a souscrit le 15 juin 1984 à Thouars, dans le département français des Deux-Sèvres, un billet à ordre payable dans cette localité et venant à échéance le 15 juillet 1984, d'un montant de 400 000 francs, au profit de l'établissement bancaire français dénommé Société Générale ;

Attendu que ce billet à ordre, dont la Société Générale est porteur bénéficiaire, comporte l'aval de P. L. et celui de G. S. A., épouse sous contrat de P. L. ;

Attendu que, n'ayant pu en obtenir le paiement à l'échéance, de la part de la Société Confection Thouarsaise, ultérieurement déclarée le 5 septembre 1985 en règlement judiciaire par le Tribunal de grande instance de Bressuire, la Société Générale a fait assigner, par l'exploit susvisé du 8 janvier 1985 cette débitrice, P. L. ainsi que G. S. A., aux fins d'obtenir d'une part, leur condamnation « conjointe et solidaire » à lui payer, outre la somme de 3 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, la somme de 450 000 francs en principal, frais, intérêts et accessoires, (qui comprendrait pour 422 000 francs le montant du billet à ordre assorti de ses intérêts, calculés au taux de 16,50 % et arrêtés au 6 novembre 1984, mais dont elle demande le versement jusqu'à parfait paiement) et d'autre part, sur le jugement de condamnation ainsi requis, dont elle sollicite qu'il soit déclaré exécutoire, sur minute nonobstant appel, la transformation en inscription définitive d'une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire qu'elle avait régulièrement prise à Monaco le 28 décembre 1984 - en vertu d'une ordonnance présidentielle du même jour, ayant provisoirement évalué sa créance à la somme de 450 000 francs - ce, sur les parties d'immeuble dont G. S. A. est propriétaire ., et, pour avoir garantie du paiement de la somme précitée de 450 000 francs ;

Qu'en ses dernières conclusions la Société Générale a toutefois déclaré renoncer à l'ensemble de ses demandes ainsi dirigées contre la Société Confection Thouarsaise sous réserve de tous ses droits et actions qu'elle pourrait exercer pardevant les juridictions françaises compétentes ;

Qu'une telle renonciation doit s'analyser en un désistement d'instance valable sans acceptation en l'état de la suspension légale des poursuites individuelles dont bénéficie la Société Confection Thouarsaise de par son règlement judiciaire prononcé en France, les effets de celui-ci s'étendant de plein droit à Monaco en vertu de l'article 3 de la Convention franco-monégasque relative à la faillite et à la liquidation judiciaire signée à Paris le 13 septembre 1950 ;

Qu'il s'ensuit que le Tribunal ne doit présentement statuer que sur les demandes dont il est saisi dirigées contre P. L. et son épouse, sans qu'il y ait lieu, dès lors, d'avoir égard à la circonstance que la Société Confection Thouarsaise, qui apparaît avoir régulièrement comparu par son avocat-défenseur avant le règlement judiciaire dont s'agit, n'ait pas, depuis, conclu dans la présente instance avec l'assistance de son syndic ;

Attendu que, pour s'opposer à la demande principale, et en contestant, en tous les cas, l'applicabilité du taux d'intérêt invoqué de 16,50 % qui n'aurait été nullement convenu antérieurement, les deux défendeurs susnommés ont fait valoir, pour l'essentiel, d'abord que, leur aval n'ayant pas indiqué le bénéficiaire, l'article 130 alinéa 6 du Code de commerce français le réputerait donné pour le tireur, en sorte que la Société Générale qui aurait seule cette qualité, et non la Société Confection Thouarsaise, devrait être déboutée de sa demande, ensuite et, en réponse à des conclusions adverses invoquant l'article 187 dudit code, qu'ayant cru tous deux avaliser une lettre de change au lieu d'un billet à ordre, l'un avait pensé être tiré accepteur, l'autre donner son aval à celui-ci, ce qui devrait conduire le Tribunal à faire application des dispositions légales susvisées prévues pour la lettre de change et faisant échec à la demande ;

Attendu cependant, qu'alors que les parties se réfèrent à juste titre en leurs conclusions au Code de commerce français - dès lors qu'en vertu de l'article 4 de la Convention internationale de Genève du 7 juin 1930, rendue applicable à Monaco par l'Ordonnance souveraine n° 1594 du 20 mai 1934 et destinée à régler certains conflits des lois en matière de lettres de change et de billets à ordre, la loi française doit être en l'occurrence appliquée comme étant celle du lieu des signatures du billet à ordre de l'espèce ainsi que celle du lieu où ledit billet était payable - l'article 187 de ce code ne peut que conduire présentement à faire droit, en son principe, à la demande de la Société Générale tendant notamment au paiement de la somme principale de 400 000 francs par P. L. et son épouse, puisqu'il est constant que ceux-ci, qui ne pouvaient ignorer se trouver en présence d'un billet à ordre explicitement désigné comme tel par ses propres mentions, n'ont pas indiqué celui pour le compte de qui ils avaient donné aval et qu'ils doivent être, dès lors, tenus pour avoir incontestablement cautionné selon le droit cambiaire la Société Confection Thouarsaise souscripteur de l'effet sans que la jurisprudence invoquée par les défendeurs dans leurs conclusions soit à cet égard de quelque utilité en tant qu'elle est seulement relative à l'article 130 - 6° du Code de commerce français, texte manifestement étranger au cas de l'espèce ;

Qu'il y a dès lors lieu de faire application des articles 151, 152 et 185 de ce même Code de commerce français relativement aux demandes de paiement fondées sur le billet à ordre dont s'agit, et de prescrire en conséquence le paiement solidaire par P. L. et son épouse à la société demanderesse, du montant de ce billet, et des intérêts dudit montant calculés à compter du 15 juillet 1984 au taux légal français prévu par la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975, sans qu'il puisse être fait application en l'espèce d'un taux conventionnel distinct, non stipulé par la Société Générale lors de la création du billet à ordre précité ;

Attendu, par ailleurs, qu'en l'état des signatures d'aval qui ont été apposées sur ce billet à ordre par P. L. et son épouse, la contestation actuelle de ces derniers apparaît abusive et justifie que soient alloués à la société demanderesse les dommages-intérêts que celle-ci réclame en réparation du préjudice certain lui ayant été occasionné de ce chef par l'obligation qui lui a été faite d'introduire, puis de poursuivre pendant plus d'un an, la présente action en justice relative à des sommes réclamées depuis l'année 1984 ;

Que P. L. et son épouse devront être dès lors déclarés solidaires tenus envers la Société Générale du paiement de la somme de 3 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu en outre que les mêmes signatures d'aval susvisées révèlent en l'espèce une promesse reconnue telle que prévue par l'article 11 alinéa 1er de l'Ordonnance souveraine sur l'appel du 21 mai 1909, au titre de l'exécution provisoire des jugements de première instance, nonobstant appel ;

Que l'exécution provisoire du présent jugement s'avère dès lors fondée quant aux condamnations, en principal et accessoires, qui viennent d'être évoquées et doit être en conséquence ordonnée, ainsi qu'il est requis ;

Qu'il échet, en définitive, de renvoyer la Société Générale à l'accomplissement des formalités légales prévues par l'article 762 ter du Code de procédure civile, l'inscription provisoire d'hypothèque susvisée, dont elle se prévaut, apparaissant en l'état avoir été régulièrement prise ;

Attendu enfin que par application des articles 231 et 235 alinéa 2 du Code de procédure civile, P. L. et G. S. A. doivent être solidairement condamnés aux dépens du présent jugement ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement à l'encontre de P. L. et de G. S. A.,

Donne acte à la Société Générale de ce qu'elle se réserve d'exercer en France tous droits et actions éventuels contre la société à responsabilité de droit français dénommée Confection Thouarsaise ;

Constate son désistement d'instance du chef des demandes introduites par l'exploit d'assignation susvisé contre cette société ;

La déclare recevable en son action dirigée contre P. L. et G. S. A. ;

Condamne solidairement ces deux défendeurs à lui payer la somme principale de 400 000 francs, les intérêts de cette somme calculés à compter du 15 juillet 1984, au taux légal appliqué en France ce jusqu'à parfait paiement, ainsi que la somme de 3 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne de ces chefs l'exécution provisoire du présent jugement ;

Constate la régularité de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 28 décembre 1984 à Monaco sur les portions d'immeuble dont G. S. A., épouse de P. L., est propriétaire dans l'immeuble dénommé « L. T. » sis . ;

Renvoie de ce chef la Société Générale à l'accomplissement des formalités légales prévues par l'article 762 ter du Code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus des fins de leurs conclusions ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe J.-Ch. Marquet, Marquilly, av. déf. ; Ader, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25228
Date de la décision : 19/06/1986

Analyses

Traités bilatéraux avec la France ; International - Général


Parties
Demandeurs : Société Générale
Défendeurs : époux L., S.A.R.L. Confection Thouarsaise.

Références :

loi n° 75-619 du 11 juillet 1975
Ordonnance souveraine n° 1594 du 20 mai 1934
articles 231 et 235 alinéa 2 du Code de procédure civile
article 762 ter du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1986-06-19;25228 ?

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