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12/06/1986 | MONACO | N°25221

Monaco | Tribunal de première instance, 12 juin 1986, D. c/ M.


Abstract

Conditions du contrat de travail inexistantes

Absence de salaire - Incompétence

Résumé

La convention par laquelle une partie accepte d'assumer toute la responsabilité de la gestion d'une entreprise commerciale, de supporter seule les pertes ou les profits découlant de son activité et de rétribuer une employée mensuellement ne saurait être assimilée à un contrat de travail au sens de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 qui suppose notamment l'exécution d'un travail au profit d'une autre personne et sous son autorité.

Il s'ensu

it que la rémunération perçue au titre de cette activité ne saurait être qualifiée de salai...

Abstract

Conditions du contrat de travail inexistantes

Absence de salaire - Incompétence

Résumé

La convention par laquelle une partie accepte d'assumer toute la responsabilité de la gestion d'une entreprise commerciale, de supporter seule les pertes ou les profits découlant de son activité et de rétribuer une employée mensuellement ne saurait être assimilée à un contrat de travail au sens de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 qui suppose notamment l'exécution d'un travail au profit d'une autre personne et sous son autorité.

Il s'ensuit que la rémunération perçue au titre de cette activité ne saurait être qualifiée de salaire, sans qu'il puisse être tiré argument des « bulletins de paye » versés aux débats, étant donné que la loi n° 729 du 16 mars 1963 sur le salaire définit celui-ci comme étant la rémunération due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier. Il en résulte que le Tribunal du travail n'était pas compétent

Motifs

LE TRIBUNAL,

statuant comme juridiction d'appel

du Tribunal du travail,

Attendu que par jugement non signifié du 10 octobre 1985 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des circonstances de la cause, le Tribunal du travail, saisi du litige opposant D. à A. M. à qui était réclamé le paiement de trois mois de préavis, d'un complément de salaire pour le mois de mai 1984, de congés payés afférents à cette période et à celle du préavis, d'indemnités de congédiement et de licenciement, du remboursement d'un véhicule automobile, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour perte de clientèle et de restitution de bulletins de salaire, après avoir relevé que la réalité de l'emploi de directeur commercial de D. auprès d'A. M. paraît suspecte dans la mesure, en particulier, où il n'est pas justifié d'une autorisation d'embauchage ou d'un permis de travail, que le contrat signé le 1er juillet 1983 a modifié la qualification des relations de travail ayant existé entre les parties et ne peut être considéré comme un contrat de travail, que les pièces produites n'établissent pas que D. ait été soumis à un lien de subordination mais démontrent qu'il a adhéré à une société de fait et que, nonobstant la délivrance de bulletins de paye, la relation ayant existé entre les parties ne présente pas les éléments essentiels d'un contrat de travail, s'est déclaré incompétent et a renvoyé le demandeur à mieux se pourvoir, en le condamnant aux dépens ;

Attendu que par l'exploit susvisé, C. D. a relevé appel de ce jugement et prétend à nouveau que tous les éléments constitutifs d'un contrat de travail entre les parties se trouvaient réunis dès lors qu'il avait pour tâche la mise en place de la structure commerciale du fonds de commerce dont A. M. est titulaire et remplissait les fonctions de représentant chargé de transmettre les commandes des clients à l'employeur, que ce travail s'accomplissait sous le contrôle permanent de l'employeur quant aux tournées et aux horaires, qu'il percevait régulièrement un salaire et était indemnisé de ses frais de déplacement et qu'il n'a, en outre, jamais assuré la gestion du fonds de commerce ;

Qu'il fait grief aux premiers juges d'avoir suspecté la réalité de son travail au vu de la stabilité de son salaire et de la durée du travail et estime que ces éléments ne permettent pas de douter de son travail accompli au titre de représentant salarié ; qu'il affirme qu'il détient un permis de travail à Monaco, que ses relations de travail sont demeurées identiques postérieurement à la signature de la convention du 1er juillet 1983 et que les obligations essentielles de cette convention n'ont pas été exécutées, ce qui démontrerait son caractère factice ;

Que l'appelant demande en conséquence au Tribunal d'appel de juger que la relation de travail ayant existé entre les parties est constitutive d'un contrat de travail, de retenir sa compétence « ratione materiae » et de faire droit à ses divers chefs de demande ;

Attendu que A. M. s'oppose à ces prétentions et conclut pour sa part à la confirmation pure et simple de la décision entreprise ;

Sur quoi,

Attendu qu'à l'appui de ses prétentions, D. a soutenu et soutient qu'il exerçait en fait, sous l'autorité réelle de C. qui était le véritable maître de l'affaire F. et signait à ce titre ou ès-qualités de « directeur général » sous la rubrique « employeur » l'ensemble des bulletins de paye qui lui ont été délivrés - P. M. puis A. M., cessionnaires du fonds de commerce F., n'ayant en réalité servi que de prête-noms -, les fonctions de représentant de commerce chargé du démarchage auprès des détaillants des produits commercialisés par l'Entreprise F. ;

Attendu cependant que les pièces qu'il verse aux débats pour témoigner de son activité commerciale (attestations de la clientèle) sont insuffisantes à établir, à défaut de tout autre élément relatif aux conditions de son entrée au service de F., qu'il a conclu avec A. M. ou P. M. une convention de représentation qui aurait pu avoir pour effet de le soumettre aux règles particulières de la loi n° 762 du 26 mai 1964 fixant le statut professionnel des voyageurs, représentants ou placiers ;

Attendu qu'il résulte au contraire des propres énonciations de l'appelant et des documents produits que D. ne peut se prévaloir des dispositions de ladite loi ;

Qu'aux termes de son article premier, en effet, la convention dont l'objet est la représentation n'est qualifiée contrat de travail que si, en particulier, le représentant travaille pour le compte d'un employeur et ne fait effectivement aucune opération commerciale pour son compte personnel ; que, d'autre part, selon l'article 1-1 modifié par la loi du 5 juillet 1979, la loi précitée ne s'applique pas aux employés « rémunérés exclusivement ou principalement par des appointements fixes, ayant des frais de déplacement à la charge de l'entreprise et dont l'activité est dirigée et journellement contrôlée par l'employeur » ;

Or attendu que D., en signant la convention du 1er juillet 1983, a accepté d'assumer toute la responsabilité de la gestion du Commerce F. depuis son entrée en fonction dans l'entreprise, s'est engagé à supporter seul les pertes ou recueillir les profits découlant de son activité et s'est obligé à rétribuer A. M. par une allocation mensuelle ; qu'il affirme d'autre part avoir perçu un salaire fixe et obtenu le remboursement de ses frais de déplacement ;

Attendu d'autre part que les dispositions de cette convention du 1er Juillet 1983 - dont D. se borne à alléguer qu'elle n'a pas été exécutée, sans toutefois en administrer la preuve, et que les éléments du dossier soumis à l'appréciation du Tribunal n'autorisent pas à affirmer qu'elle ne serait pas le reflet de la volonté des parties - sont exclusives de toute notion de contrat de travail au sens de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 dès lors qu'elles contredisent expressément les critères définissant un tel contrat, lequel suppose notamment l'exécution d'un travail au profit d'une autre personne et sous son autorité ;

Attendu qu'il s'ensuit que la rémunération que D. a pu percevoir au titre de son activité ne saurait être qualifiée de salaire puisque la loi n° 739 du 16 mars 1983 sur le salaire définit celui-ci comme étant la rémunération due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier ; qu'il ne peut en conséquence être tiré aucun argument des « bulletins de paye » versés aux débats ;

Attendu qu'eu égard à ces circonstances, et sans qu'il soit besoin d'avoir à qualifier la convention du 1er juillet 1983 dont il a été dit qu'elle ne constituait pas un contrat de travail, le Tribunal du travail apparaît avoir à juste titre décliné sa compétence en la matière, en invitant D. à mieux se pourvoir pour le respect des droits qu'il estimerait être les siens, dès lors que cette juridiction, et par voie de conséquence la juridiction d'appel, n'est appelée à connaître, selon l'article 1-1 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, que des différents qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de louage de services entre employeurs et salariés ;

Que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Confirme le jugement entrepris du 10 octobre 1985 en toutes ses dispositions ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquilly, Blot, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25221
Date de la décision : 12/06/1986

Analyses

Conditions de travail ; Travail illégal ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : D.
Défendeurs : M.

Références :

loi du 5 juillet 1979
loi n° 739 du 16 mars 1983
article 1-1 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
loi n° 762 du 26 mai 1964
article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963
loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1986-06-12;25221 ?

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