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15/05/1986 | MONACO | N°25214

Monaco | Tribunal de première instance, 15 mai 1986, D. M. c/ B.


Abstract

Procédure civile

Exception « judicatum solvi » : inapplicable à l'égard des ressortissants monégasques ou français

Résumé

Un défendeur qui n'est point de nationalité monégasque ne peut se prévaloir de l'article 259 du Code de procédure civile pour requérir d'un demandeur principal étranger de fournir la caution « judicatum solvi ».

De surcroît le demandeur principal étant de nationalité française, cette caution ne saurait être exigée, dès lors que la loi française n° 75-595 du 9 juillet 1975 qui en a supprimé l'existen

ce, a pour effet de faire bénéficier ledit demandeur de l'exception prévue à l'article 260 - 4° du Code de pr...

Abstract

Procédure civile

Exception « judicatum solvi » : inapplicable à l'égard des ressortissants monégasques ou français

Résumé

Un défendeur qui n'est point de nationalité monégasque ne peut se prévaloir de l'article 259 du Code de procédure civile pour requérir d'un demandeur principal étranger de fournir la caution « judicatum solvi ».

De surcroît le demandeur principal étant de nationalité française, cette caution ne saurait être exigée, dès lors que la loi française n° 75-595 du 9 juillet 1975 qui en a supprimé l'existence, a pour effet de faire bénéficier ledit demandeur de l'exception prévue à l'article 260 - 4° du Code de procédure civile.

Au surplus, en vertu de l'article 1er de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1944 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco dont la valeur normative est supérieure à celle des lois internes aucune caution ne peut être exigée à raison de leur qualité d'étranger des ressortissants monégasques ou français lors des instances judiciaires par eux introduites respectivement en France et à Monaco.

Observation :

Un demandeur français introduisant devant le Tribunal de première instance de Monaco une action tendant à l'exequatur en Principauté d'un jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Nice s'est vu opposer par le défendeur non monégasque l'exception de caution « judicatum solvi ».

Le Tribunal rejette cette exception en relevant que seul le défendeur monégasque peut la soulever.

De surcroît, se basant sur l'article 260 - 4° du Code de procédure aux termes duquel la caution ne peut être exigée lorsque l'étranger demandeur appartient à un pays dont les lois en dispensent les sujets monégasques, il se fonde sur la loi française du 9 juillet 1975 qui, en supprimant la caution « judicatum solvi » par abrogation de l'article 16 du Code civil français, a rendu impossible la réciprocité prévue par l'article 260 - 4°.

Enfin, le Tribunal motive le rejet de l'exception soulevée sur les dispositions de l'article 1er de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco rendue exécutoire par l'ordonnance n° 106 du 2 décembre 1949 aux termes desquelles : « il ne peut être imposé aux ressortissants des deux parties contractantes ni caution, ni dépôt, sous quelque dénomination que ce soit à raison soit de leur qualité d'étranger, soit du défaut de domicile ou de résidence dans le pays ».

Or, comme le rappelle justement cette juridiction, ces dispositions ont une valeur normative supérieure à celle des lois internes même lorsque ces dernières sont postérieures à la Convention internationale ainsi que l'a énoncé la Cour de révision de Monaco dans son arrêt du 21 avril 1980.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que, par l'exploit d'assignation susvisé, P. D. M. a saisi le Tribunal d'une demande, dirigée contre P. B., tendant à l'exequatur à Monaco d'un jugement, rendu le 13 juin 1983 par le Conseil de Prud'hommes de Nice, par lequel ce défendeur a été condamné à lui payer une somme principale de 13 216,60 francs, 2 000 francs à titre de dommages-intérêts, et, enfin, 2 000 francs pour frais irrépétibles ;

Attendu qu' « in limine litis » et sous la date du 6 mars 1986, P. B., qui a comparu en personne, assisté de son conseil, a requis, sur la base des articles 259 et suivants du Code de procédure civile, que P. D. M. fournisse, au titre de la caution « judicatum solvi » prévue par lesdits articles, une caution bancaire définitive et irrévocable d'un montant de 3 500 francs, destinée à garantir le paiement des frais de justice, des dommages-intérêts et des dépens auxquels, le cas échéant, ce demandeur pourrait être déclaré tenu au terme de la présente instance ;

Que P. B., par ailleurs, a sollicité, dans le dessein de déposer ultérieurement les conclusions au fond qu'il se propose de formuler, qu'une audience à venir soit fixée à cette fin sous réserve que D. M. ait au préalable justifié de la caution requise ;

Attendu que ce dernier, demandant au Tribunal de joindre l'incident au fond, afin qu'il soit statué par un seul jugement tant sur l'exception ainsi soulevée que sur la demande d'exequatur du jugement français susvisé, a conclu le 18 mars 1986 au rejet de ladite exception en faisant valoir, d'une part, que B. serait dépourvu de la qualité de défendeur monégasque exigée par l'article 259 précité du Code de procédure civile des demandeurs de caution « judicatum solvi », et, d'autre part, que lui-même étant Français, ne pourrait aucunement être contraint de fournir une telle caution puisqu'une loi française n° 75-596 promulguée le 9 juillet 1975 en aurait purement et simplement supprimé l'exigence de la part des demandeurs étrangers en France, en sorte que la réciprocité au profit des Monégasques prévue par l'article 260 - 4° du Code de procédure civile comme faisant échec à l'application de l'article 259 du même code se trouverait désormais acquise, étant, en outre, à cet égard soutenu par D. M. qu'avant même la promulgation de la loi française précitée, les ressortissants monégasques étaient déjà en France exemptés de caution « judicatum solvi » ;

Que D. M., maintenant les termes initiaux de son assignation a, enfin, conclu quant au fond, au prononcé de l'exequatur sollicité en exposant que celui-ci était à tous égards conforme aux dispositions de l'article 18 de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949, rendue applicable à Monaco par l'Ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949 ;

Sur quoi,

Attendu qu'en l'état de l'absence de conclusions au fond actuellement déposées par le défendeur principal, l'examen de l'exception soulevée par ce dernier ne saurait être joint au fond, comme il est demandé par P. B., sauf à surseoir présentement au jugement de l'exception, ce qui n'apparaît pas, en l'espèce, conforme à une bonne administration de la justice, du fait qu'une décision immédiate peut en l'état être rendue de ce chef ;

Et sur ce,

Quant à l'exception,

Attendu que s'il est constant que P. B. n'est pas Monégasque, ce qui le prive légalement de la faculté de recourir comme il l'a fait à l'article 259 du Code de procédure civile, et si, par ailleurs, il est exact que la loi française n° 75-596 du 9 juillet 1975 a abrogé l'article 16 du Code civil français qui édictait le principe général d'une caution « judicatum solvi » devant être fournie par les étrangers, ce qui établit sans conteste la réciprocité prévue par l'article 260 - 4° du Code de procédure civile, à juste titre invoquée par D. M., comme il a été ci-dessus rapporté, il doit être liminairement relevé qu'en vertu de l'article 1er de la Convention franco-monégasque précitée, dont la valeur normative est supérieure à celle des lois internes, même postérieures, (C. révision 21 avril 1980), aucune caution ne peut être exigée, à raison de leur qualité d'étranger, des ressortissants monégasques ou français lors des instances judiciaires par eux introduites respectivement en France et à Monaco ;

Que ces dispositions devant en l'occurrence recevoir au premier chef application s'opposent, dès lors, à elles seules, à l'exception soulevée par B. ;

Quant au fond,

Attendu qu'il y a lieu, par suite, de procéder à l'examen au fond de la demande principale, mais, préalablement, ainsi que le commande l'absence présente de conclusions au fond de B., de mettre la cause en l'état d'être jugée à cet égard, en renvoyant B. à conclure au fond à une audience ultérieure ;

Quant aux dépens,

Et attendu que B. qui succombe en son exception doit supporter les dépens du présent jugement par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Rejette l'exception de caution soulevée par B. ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du 5 juin 1986 pour qu'il y soit conclu au fond par P. B. ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Clérissi, av. déf. ; Brugnetti, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25214
Date de la décision : 15/05/1986

Analyses

Procédure civile ; Traités bilatéraux avec la France ; International - Général


Parties
Demandeurs : D. M.
Défendeurs : B.

Références :

article 259 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
ordonnance n° 106 du 2 décembre 1949
article 260 - 4° du Code de procédure civile
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1986-05-15;25214 ?

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