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13/02/1986 | MONACO | N°25197

Monaco | Tribunal de première instance, 13 février 1986, Le Roqueville c/ S.C.I. Saint-André.


Abstract

Servitudes foncières

Interprétation de la portée de la servitude « non altius tollendi »- figurant dans un cahier des charges de lotissement - eu égard à la transformation urbanistique du quartier

Résumé

Les juges du fond sont souverains pour interpréter un cahier des charges de lotissement contenant des servitudes foncières et en limiter la portée.

Observation :

Le Tribunal a retenu l'interprétation donnée par un arrêt de la Cour d'appel du 28 février 1984, quant à la portée d'un cahier des charges de lotissement limitant

les effets d'une servitude « non altius tollendi », au voisinage « immédiat », c'est-à-dire direct, san...

Abstract

Servitudes foncières

Interprétation de la portée de la servitude « non altius tollendi »- figurant dans un cahier des charges de lotissement - eu égard à la transformation urbanistique du quartier

Résumé

Les juges du fond sont souverains pour interpréter un cahier des charges de lotissement contenant des servitudes foncières et en limiter la portée.

Observation :

Le Tribunal a retenu l'interprétation donnée par un arrêt de la Cour d'appel du 28 février 1984, quant à la portée d'un cahier des charges de lotissement limitant les effets d'une servitude « non altius tollendi », au voisinage « immédiat », c'est-à-dire direct, sans intermédiaire, de deux fonds l'un par rapport à l'autre.

Il a, par ailleurs, estimé que les appartements, dépendent d'un ensemble immobilier, construit sur le lotissement pour ne pas avoir été prévus dans le cahier des charges de 1875, ne pouvaient bénéficier de la servitude instaurée à l'époque pour des maisons individuelles.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il ressort des pièces produites la relation suivante des faits et de la procédure :

Il est constant que les propriétés des parties en cause dépendant d'un terrain de 25 000 m2 environ - loti au siècle dernier et alors dénommé Domaine de Roqueville - comprenant diverses parcelles individualisées sous les nos 1 à 34 dans un plan du 18 janvier 1875 dit Plan Baron annexé au cahier des charges établi le 20 mars 1875 ;

Ce dernier document, comme un cahier des charges ultérieur rédigé le 20 mars 1876, spécifiait : « Il est spécialement stipulé que les constructions qui seront élevées sur les lots nos 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 31 et 32 ne devront être composées que d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée et d'un premier étage, afin que la vue des lots placés immédiatement derrière ne soit pas enlevée ; dans ces constructions, les acquéreurs devront en outre respecter les hauteurs qui seront déterminées dans le plan dont il est parlé ci-dessus, de manière à ce que lesdites constructions n'aient pas plus de 8,90 mètres de hauteur de plancher du rez-de-chaussée au faîte de la maison » ;

Par ailleurs, des conditions relatives à la destination des constructions étaient prévues, notamment quant à l'occupation bourgeoise, ainsi prescrite : « Ils (les acquéreurs) ne pourront non plus ouvrir aucun magasin pour le commerce sur les avenues et la route de Menton, ni faire aucun établissement pour usine ou dépôt de marchandises incommodes par le bruit ou les exhalaisons, lesdits terrains étant destinés à des villas et des maisons qui devront être occupées bourgeoisement ou à des hôtels et maisons meublées ainsi qu'il est dit plus haut » ;

Il n'est pas contesté que les clauses ci-dessus retranscrites se sont imposées aux différents acquéreurs des lots dépendant du Domaine de Roqueville et s'imposent en dernier lieu aux parties au présent litige ;

En 1956, un différend a opposé les hoirs S., alors propriétaires des lots 29, 30, 31 et 32 sur lesquels était édifiée une construction dite « Villa L. C. », à la Société Foncière du Domaine de Roqueville, propriétaire de parcelles voisines - dont les lots nos 28 et 34 - laquelle avait entrepris la construction d'un important groupe d'immeubles à usage d'habitation sur son terrain ;

Les hoirs S. poursuivaient la destruction d'une partie des constructions ne respectant pas, selon eux, la servitude « non altius tollendi » dont elles étaient frappées et soutenaient en particulier que le lot n° 28 appartenant à la Société Foncière du Domaine de Roqueville, placé immédiatement « devant » ses propres parcelles - c'est-à-dire en aval - devait être considéré comme supportant ladite servitude à titre de fonds servant ; la société défenderesse faisait valoir que les constructions élevées ou qu'elle se projetait d'édifier n'empiétaient que sur les lots 25 et 27, exempts de toute servitude ;

Par jugement en date du 13 avril 1956, confirmé par arrêt de la Cour d'appel du 18 mars 1957, le Tribunal a dit la demande non fondée quant aux constructions éventuellement édifiées sur les lots 25 et 27, faute de servitude frappant lesdits lots au profit de la propriété S., l'a déclarée par contre fondée dans son principe en ce qui concerne le lot n° 28, tributaire d'une servitude « non altius tollendi » au profit du lot n° 31 compris dans la propriété susvisée ; qu'avant dire droit sur la demande en démolition relative à la partie d'immeuble débordant sur ledit lot n° 28, le Tribunal a ordonné une expertise ;

La Société Foncière du Domaine de Roqueville - qui avait formé un pourvoi devant la Cour de révision - et les hoirs S. ont conclu une transaction par acte de Maître Rey, notaire, en dates des 30 mai et 8 octobre 1958 ;

Aux termes de cet acte, les hoirs S. ont renoncé définitivement pour les lots leur appartenant, en faveur de la propriété acquise par la Société Foncière du Domaine de Roqueville, à la servitude « non altius tollendi » spécifiée par les cahiers des charges précités ; ils ont en outre renoncé à toutes décisions de justice rendues en leur faveur et se sont désistés de toutes les instances pendantes ainsi que de toutes les actions qu'ils pourraient intenter par la suite au sujet de ladite servitude ; de son côté, la Société Foncière du Domaine de Roqueville s'est désistée de son pourvoi en révision et a confirmé, en tant que de besoin, qu'aucun des lots acquis par elle le 7 juin 1952, soit les lots 21 à 34, ne se trouvant en amont et immédiatement derrière un quelconque des lots susmentionnés appartenant aux hoirs S., il ne peut exister aucune servitude « non altius tollendi » en faveur de sa propriété à la charge de la propriété S. ;

Suivant règlement de copropriété du 18 janvier 1956 et ses annexes, la Société Foncière du Domaine de Roqueville a affecté en copropriété et divisé les terrains et immeubles construits ou à construire lui appartenant ; cet ensemble immobilier, connu sous le nom de R., a donc été vendu par appartements à divers acquéreurs devenus copropriétaires ; c'est dans ces conditions que M. B. et M. M. veuve D., notamment, ont acquis chacun le 18 mai 1956 et le 10 novembre 1961 un appartement dépendant dudit immeuble ;

Les lots 29 à 32 propriété des hoirs S. ont été vendus le 17 juin 1974 à V. G. qui les a revendus, selon acte du 13 juillet 1976, à la S.C.I. Saint-André, laquelle les a à son tour cédés à la S.C.I. dénommée Saint-André II par acte de Maître Rey, notaire, en date du 26 septembre 1978 ; cette dernière société a fait édifier un immeuble à usage principal d'habitation (« Le S.-A. ») sur ces parcelles en vertu d'un arrêté ministériel du 2 février 1979 complété le 14 décembre suivant ;

Soutenant que les lots nos 28 et 34 de la copropriété du Domaine de R. bénéficient de la servitude « non altius tollendi » sur les lots nos 29, 30, 31 et 32 de la S.C.I. Saint-André II, « l'immeuble Le R. », (qui a par la suite conclu sous l'appellation de « copropriété du R. » et qui sera désigné dans le présent jugement La Copropriété), a fait assigner la S.C.I. Saint-André (qui, bien qu'ayant conclu sous cette désignation erronée, apparaît être en réalité la S.C.I. Saint-André II, dernière propriétaire), à qui elle reproche d'avoir édifié, au mépris des cahiers des charges applicables et du plan Baron, des constructions dépassant les hauteurs autorisées au détriment des lots nos 28 et 34 dont les appartements supporteraient en outre de graves nuisances dues à l'exploitation d'un commerce de restaurant, piano-bar dans l'immeuble S.-A., pour obtenir sous astreinte la « démolition des étages excédant la hauteur réglementaire » et la « fermeture » du commerce à l'enseigne « T. » exploité dans ledit immeuble ;

M.-M. K. veuve B., venant aux droits de son mari décédé, et N. D. veuve D., venant aux droits de sa mère M. D. née M., sont intervenues volontairement aux débats en déclarant s'associer aux demandes de La Copropriété qu'elles indiquent reprendre à leur compte ;

La S.C.I. Saint-André II s'est opposée à ces demandes en excipant de l'acte Rey des 30 mai et 8 octobre 1958, transcrit à la Conservation des hypothèques le 12 février 1959, par lequel les auteurs des parties en cause ont convenu de mettre fin au litige les opposant, en reconnaissant qu'aucune servitude de hauteur ne grève l'ex-propriété S. ;

Eu égard à l'ignorance, qu'elle juge volontaire, de cet élément décisif, la S.C.I. Saint-André II sollicite le paiement de 1 000 000 de francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

En réponse La Copropriété mentionne que dès le 10 mai 1958, date d'une assemblée générale des copropriétaires, la Société Foncière du Domaine de Roqueville, constructrice de l'immeuble, n'était plus propriétaire d'aucune partie d'immeuble dans les blocs A1, A2, B et C édifiés sur les lots 34 et 28, en sorte que le représentant de cette société n'avait pas qualité pour transiger sur des droits dont ladite société n'était plus titulaire, ce qui aurait pour conséquence de rendre la transaction précitée inopposable tant à La Copropriété qu'aux copropriétaires des parties d'immeubles dont la vue est masquée par l'immeuble S.-A. ;

Sur le fond, La Copropriété soutient indifféremment que le lot 34 domine les lots 29, 30, 31 et 32 (conclusions du 9 décembre 1982), ou les lots 29, 30 et 31 (conclusions du 14 avril 1983) ou encore le seul lot 31 (conclusions du 9 octobre 1985), tandis que le lot 28 dominerait immédiatement le lot 29, lesquels lots servants sont frappés de la servitude « non altius tollendi » au bénéfice des lots situés en amont ; elle invoque d'autre part la clause d'occupation bourgeoise pour en déduire l'interdiction d'exploitation d'un restaurant avec piano-bar dans l'immeuble S.-A., dont le local a été vendu, pour un usage prohibé par les cahiers des charges, par la S.C.I. Saint-André II qui doit en répondre ;

Pour sa part, la Société Saint-André II réplique que les stipulations et interprétations judiciaires de la clause de servitude de hauteur litigieuse doivent conduire à considérer :

1) qu'un fonds ne peut être dit « servant » et supporter la servitude « non altius tollendi » que s'il est situé en aval du fonds dominant, eu égard à la déclivité des lieux vers la mer, et, dans tous les cas, que s'il s'interpose entre le fonds dominant et la mer, dans un champ de vues semi-circulaire sud-sud-est ;

2) et que la servitude n'existe qu'au profit d'un fonds contigu au fonds servant, ce qu'exprime l'adverbe « immédiatement » employé dans le cahier des charges ;

Cette société en déduit que la parcelle n° 28 est un fonds servant par rapport au lot 31 et se trouve donc exclue du bénéfice de la servitude, ainsi que l'a retenu le jugement du 13 avril 1956 ; en ce qui concerne la parcelle n° 34, limitrophe sinon contiguë au lot 32, et, dans sa partie sud, au lot n° 31, elle affirme que la servitude ne s'applique pas puisque le lot 32 ne comporte pas d'ouvrage en superstructure qui dépasserait la hauteur prévue, tandis que le lot n° 31 situé à l'ouest est en dehors du champ de vue défini par les directions sud-sud-est ci-dessus mentionnées ;

Quant à la portée qu'il convient de conférer au jugement du 13 avril 1956 et à la transaction qui a mis fin à l'instance, la Société Saint-André II prétend que ces actes sont opposables à la demanderesse nonobstant les cessions particulières qu'elle a pu réaliser ; elle estime sur ce point que la Société Foncière du Domaine de Roqueville s'est à tout le moins comportée à l'égard des hoirs S., tiers de bonne foi, en mandataire apparent de tous ses ayants cause à titre particulier, tenus par les engagements contractés à leur profit - pour la réalisation de l'opération immobilière - lors de la transaction dans laquelle il est reconnu qu'aucun des lots 29 à 32 ne peut être grevé de la servitude « non altius tollendi » ;

Dans le cas où la prétention de La Copropriété tendant à être déliée desdits engagements serait reconnue fondée, la S.C.I. Saint-André II sollicite à titre subsidiaire la reprise de l'action, terminée par la transaction, qui visait à obtenir la démolition des bâtiments édifiés sur le lot n° 28 notamment grevé de la servitude de hauteur au profit du lot n° 31, outre le paiement de 1 000 000 de francs à titre de dommages-intérêts devant réparer le préjudice résultant de la violation de la servitude ;

Par ailleurs, la S.C.I. Saint-André II conclut au rejet de la demande relative à la fermeture du commerce M.-M. eu égard à l'absence de lien de droit entre elle et l'exploitant du commerce ;

A titre principal, elle réitère et poursuit la condamnation in solidum de La Copropriété et des copropriétaires intervenants au paiement d'une somme de 1 000 000 de francs pour procédure abusive ;

Sur quoi,

Attendu qu'avant d'examiner - le cas échéant - le moyen de défense de la S.C.I. Saint-André II tiré de l'acte de transaction des 30 mai et 8 octobre 1958, il appartient en premier lieu au Tribunal d'apprécier le bien-fondé éventuel des demandes formées à titre principal par La Copropriété ;

Attendu que l'examen du plan Baron - versé aux débats par les parties et par elles considéré comme élément de référence - fait apparaître que le domaine loti en 34 parcelles dit Domaine de Roqueville est approximativement limité dans le sens nord-sud en amont par l'actuel boulevard Princesse-Charlotte (lots nos 33 et 34) et en aval par l'actuelle avenue de la Costa (que bordent les lots 1 à 8) ; que la limite ouest de ce domaine est constituée notamment par les lots nos 29 à 32, propriétés de la S.C.I. Saint-André II, en bordure desquels, mais séparés par l'actuelle avenue de Roqueville, s'emplacent à l'est les lots 34 et 28 faisant partie des lots réunis pour la construction de l'ensemble immobilier du R. (nos 21 à 28 et 34) ;

Attendu qu'eu égard aux limites assignées par les parties quant au litige présentement soumis au Tribunal, il convient d'examiner successivement si les lots 28 et 34 appartenant à La Copropriété bénéficient de la servitude de hauteur à rencontre des lots 29 à 32 appartenant à la S.C.I. Saint-André, servitude dont l'utilité a été définie par la Cour d'appel de Monaco, selon arrêt du 28 février 1984, comme devant permettre au fonds supérieur immédiatement voisin du fonds servant, non pas d'avoir une vue sur la mer ou vers le large, mais d'avoir une vue suffisamment dégagée, étant ici indiqué que l'ancien Domaine de Roqueville s'étend en déclivité vers la mer et le port dominé par le rocher, partant des lots périphériques au nord vers le sud ;

Le lot n° 28 :

Attendu que ce lot a pour lots voisins à l'ouest les lots nos 29, 30 et 31 disposés d'aval en amont, dont il est séparé par l'avenue de Roqueville ;

Attendu qu'à l'égard des lots nos 29 et 30, le lot n° 28 ne saurait être considéré comme dominant dès lors que s'il peut être regardé comme placé derrière lesdits lots 29 et 30 dans l'axe est-ouest, il n'est pas en revanche situé « immédiatement en amont » d'eux comme l'exigent les juridictions de la Principauté (dont la jurisprudence a été récemment confirmée à cet égard par la décision précitée de la Cour d'appel), par suite de l'interprétation qu'elles ont ainsi donnée de l'expression « lots placés immédiatement derrière » ; qu'en effet, les cotes portées sur le plan Baron annexé au cahier des charges de 1875 mentionnent 9,97 et 11,24 pour les points les plus élevés des lots 29 et 30 et 10,85 ou 10,45 pour le lot 28, ce qui exprime qu'il s'agit de fonds latéraux qui, pour être voisins, ne sont pas pour autant situés les uns devant ou derrière les autres, dans le sens de la déclivité du terrain ;

Qu'en conséquence, à défaut pour le lot 28 d'être placé en amont, au sens ci-dessus rappelé, des lots 29 ou 30, il ne saurait être reconnu à ce fonds aucune servitude de hauteur lui bénéficiant ;

Attendu que pour les mêmes motifs, il en va de même par rapport au lot n° 31, dont les cotes s'établissent à 12,83 - 14,68 et 15,98 ; que cette situation a d'ailleurs été consacrée par les décisions précitées du 13 avril 1956 et 18 mars 1957 qui, après avoir pris acte de ce que le lot 28 situé immédiatement au sud-est du lot 31 se trouve à une cote de beaucoup inférieure à celle de ce dernier, ont, au contraire de ce qui est prétendu non sans quelque audace par la demanderesse, jugé de manière définitive que le lot 28 n'est pas bénéficiaire mais tributaire d'une servitude « non altius tollendi » au profit du lot n° 31 ; que ces décisions judiciaires, confortatives de l'appréciation portée sur ce point par le Tribunal dans le présent jugement, apparaissent au surplus s'imposer erga omnes, en dépit de la renonciation à s'en prévaloir acceptée par les hoirs S. dans la transaction de 1958, dans la mesure où elles intéressent des droits réels de servitude grevant des immeubles, quels que soient leurs propriétaires successifs ;

Le lot n° 34 :

Attendu que ce lot, sans les jouxter, est limitrophe du lot n° 32 et, dans sa partie la plus au sud, du lot n° 31 dont il est séparé par l'avenue de Roqueville ;

Attendu, en ce qui concerne le lot n° 32, que la S.C.I. Saint-André II a affirmé sans être contredite que ce lot ne supporte pas de construction en superstructure qui serait en contravention avec les prescriptions de hauteur résultant du cahier des charges ; que de ce fait, La Copropriété s'est abstenue de faire porter sa discussion sur ledit lot en cours de procédure et a axé son argumentation sur le lot 31 dont elle prétend qu'il serait servant par rapport au lot 34 dominant ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu d'admettre dans le présent débat que le lot 32, à le supposer grevé de la servitude « non altius tollendi », en a respecté les prescriptions sans susciter de contestation de la part de La Copropriété ;

Attendu, quant aux rapports de la parcelle n° 34 avec la parcelle n° 31, qu'il convient de souligner que seul l'angle sud du lot 34 est limitrophe du lot 31 situé au sud-ouest, l'essentiel de sa superficie se trouvant, en ce qui concerne les lots n'appartenant pas à La Copropriété, au voisinage de la parcelle n° 32 ;

Qu'il apparaît en conséquence excessif, alors que la généralité des vues dont la parcelle bénéficie en tant que fonds dominant est par ailleurs préservée pour l'essentiel, de considérer, au mépris de l'intention des rédacteurs du cahier des charges de 1875 qui ne pouvaient envisager à l'époque que la construction de demeures traditionnelles composées d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée et d'un étage sur les différentes parcelles du domaine, que la servitude de hauteur doive bénéficier à chacun des appartements dépendant des blocs d'immeuble A1, A2, B et C édifiés sur le lot concerné ;

Qu'il y a lieu d'observer par ailleurs que la partie sud de la parcelle n° 34 n'est pas contiguë ni ne jouxte le lot n° 31 ; que ces lots apparaissent en effet séparés par la voie publique de l'avenue de Roqueville, laquelle ne présente assurément plus l'aspect de la « rue étroite » décrite par la Cour d'appel en 1957, par suite des modifications de voiries intervenues depuis ; qu'ainsi, la situation de voisinage direct, sans intermédiaire, au sens de l'adverbe « immédiatement », sur laquelle a insisté cette même Cour dans sa décision du 28 février 1984, ne peut être invoquée en la circonstance, le Tribunal estimant, eu égard aux éléments d'appréciation qui lui sont soumis, que la finalité et l'utilité pour le fonds 34 de la servitude « non altius tollendi » sont atteintes en l'espèce ;

Attendu en conséquence que la demande de La Copropriété et des parties intervenantes tendant à obtenir la démolition de parties de l'immeuble le S.-A. n'est pas fondée ; qu'il s'ensuit que la discussion instaurée par les parties sur la portée de la transaction intervenue les 30 mai et 8 octobre 1958 s'avère inopérante ;

Attendu quant à la demande singulièrement formulée, de « fermeture » de l'établissement M.-M., que La Copropriété indique sans autre précision dans ses conclusions que le local dans lequel cet établissement est exploité a été vendu par la Société Saint-André II, ce qui semble confirmé par cette société lorsqu'elle affirme être sans lien de droit avec l'exploitant du commerce ;

Que dès lors il ne saurait être fait grief à la société défenderesse de n'avoir pas respecté la clause d'occupation bourgeoise dont La Copropriété se prévaut, cette société, du fait de la cession alléguée, n'étant pas personnellement tenue des obligations que ladite clause comporte ;

Qu'il s'ensuit que La Copropriété doit également être déboutée de ce chef de demande ;

Attendu, sur la demande reconventionnelle formée à titre principal, que pour n'être pas fondée, l'action de La Copropriété n'apparaît pas pour autant avoir été engagée de façon téméraire ou abusive, les circonstances de l'espèce et l'interprétation pouvant être donnée aux documents contractuels ayant pu conduire la demanderesse à se méprendre sur la véritable portée de ses droits sans commettre de faute ;

Qu'en outre la Société Saint-André II, malgré l'importance des dommages-intérêts réclamés, s'abstient de s'expliquer sur la nature du préjudice - qu'elle ne justifie pas ni même n'allègue de façon précise - qui lui aurait été occasionné ;

Qu'il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à cette demande ;

Attendu que les parties intervenantes, qui ont pris fait et cause pour La Copropriété, doivent être tenues avec celle-ci des dépens de l'instance, en raison de leur succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Donne acte à M.-M. K. veuve B. et N. D. veuve D. de leur intervention régulière aux débats ;

Déboute la Copropriété du Domaine de Roqueville et les parties intervenantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Déboute la société civile dénommée S.C.I. Saint-André II de sa demande reconventionnelle formée à titre principal ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMes Marquilly, Lorenzi, av. déf. ; Charrières, av.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 25197
Date de la décision : 13/02/1986

Analyses

Publicité foncière et droit d'enregistrement ; Immobilier - Général


Parties
Demandeurs : Le Roqueville
Défendeurs : S.C.I. Saint-André.

Références :

arrêté ministériel du 2 février 1979


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1986-02-13;25197 ?

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