La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/1985 | MONACO | N°25159

Monaco | Tribunal de première instance, 28 novembre 1985, N. C. c/ Compagnie La Mutuelle - substituée aux Laboratoires Marsan


Abstract

Accident du travail

Maladie professionnelle : caractère progressif et cause interne - Accident : action soudaine et violente d'un événement extérieur

Résumé

La présomption d'imputabilité résultant des dispositions de l'article 1er de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 tendant à modifier et à codifier la législation sur la déclaration, la réparation et l'assurance des accidents du travail apparaît devoir être retenue dès lors qu'il est constant que le micro-traumatisme décrit par l'expert est survenu à l'occasion et par le fait du travail e

t, d'autre part, que son apparition a coïncidé avec la manipulation soudaine et provisoire ...

Abstract

Accident du travail

Maladie professionnelle : caractère progressif et cause interne - Accident : action soudaine et violente d'un événement extérieur

Résumé

La présomption d'imputabilité résultant des dispositions de l'article 1er de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 tendant à modifier et à codifier la législation sur la déclaration, la réparation et l'assurance des accidents du travail apparaît devoir être retenue dès lors qu'il est constant que le micro-traumatisme décrit par l'expert est survenu à l'occasion et par le fait du travail et, d'autre part, que son apparition a coïncidé avec la manipulation soudaine et provisoire d'un nouveau produit ;

En effet, contrairement à la maladie qui a un caractère progressif et souvent une cause extérieure, l'accident est considéré selon une jurisprudence constante comme une atteinte au corps humain provenant de l'action soudaine et violente d'un événement extérieur, lequel a été en l'espèce caractérisé par l'utilisation de l'acide chénodesoxycholique et l'apparition de lésions, irritatives, sur les doigts de la victime, qualifiés par l'expert de « micro-traumatisme » ;

La présomption d'imputabilité exclut au moment de la prise en charge tout partage de causalité et par voie de conséquence, toute réduction de l'indemnisation, à moins qu'il ne soit démontré que la lésion résulte uniquement de l'état antérieur et que le travail n'a joué aucun rôle, si minime soit-il, dans son apparition ce qui ne s'avère pas être le cas en l'espèce.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que N. C., employé pour le compte des Laboratoires Marsan, dont l'assureur-loi est la Compagnie La Mutuelle, a été victime, le 8 novembre 1984, d'une dermatose apparue lors de la manipulation de divers solvants et produits chimiques ;

Qu'à la suite d'une déclaration d'accident du travail régulièrement effectuée auprès de la sûreté publique par leur assuré, les Laboratoires Marsan, la Compagnie La Mutuelle avisait N. C. selon courrier du 30 novembre 1984 de ce que l'affection précitée ne revêtait pas le caractère de maladie professionnelle et ne serait dès lors pas prise en charge par l'assureur-loi ;

Que le docteur Marchisio, alors désigné en qualité d'expert par le juge chargé des accidents du travail aux fins de déterminer le régime de prise en charge de la dermatose, déposait le 23 janvier 1985 son rapport aux termes duquel il concluait que les lésions irritatives devaient bien être prises en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ;

Qu'en suite de l'ordonnance de non-conciliation rendue le 8 mars 1985 par le juge des accidents du travail constatant le refus de la Compagnie La Mutuelle de prendre en charge les conséquences pécuniaires de l'accident du 8 novembre 1984, N. C. assignait, selon exploit du 26 mars 1985 la Compagnie d'assurances « La Mutuelle » et les « Laboratoires Marsan » aux fins d'entendre dire que son état de santé relève bien de la législation sur les accidents du travail, voir les défendeurs condamner à lui payer tous les débours effectués et frais médicaux futurs, s'entendre désigner tel médecin expert qu'il appartiendra, spécialisé en dermatologie, aux fins de fixer son taux d'I.P.P., et s'entendre enfin renvoyer devant la commission chargée d'évaluer sa capacité résiduelle de gains ;

Attendu que les co-défendeurs s'opposent à cette demande en faisant valoir que si les séquelles dermiques alléguées ne présentent pas les caractères requis pour être prises en charge au titre d'une maladie professionnelle, elles ne sauraient pour autant être assimilées aux suites d'un accident du travail, lequel ne résulte que de « l'action soudaine et violente d'une cause extérieure » ; qu'ils concluent dès lors au débouté de N. C. des fins de sa demande et au renvoi de ce dernier à se pourvoir comme il appartiendra ;

Sur quoi,

Attendu que le présent litige commande d'apprécier si la dermatose subie le 8 novembre 1984 par N. C. peut résulter d'une des maladies professionnelles prévues par la loi n° 444 du 16 mai 1946 qui leur étend la législation sur les accidents du travail, ou si elle fut provoquée par un accident du travail relevant de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, ou s'avère enfin consécutive à une cause exclusive, extérieure au travail, notamment un état pathologique, entraînant dès lors un autre régime de prise en charge ;

Attendu à cet égard que N. C. employé en qualité d'aide-chimiste aux Laboratoires Marsan, a été amené, au mois de septembre 1984, à fabriquer un nouveau produit (Chenodex) en manipulant de l'acide chenodésoxycholique ; que peu de temps après, diverses lésions rouges et croûteuses sont apparues sur le dos des articulations P1-P2 des cinq doigts droits et du pouce gauche ;

Que cependant, eu égard tant à l'absence d'allergie de la victime pour les autres substances chimiques qu'au fait que le seul produit incriminé par elle, soit l'acide chenodesoxycholique, ne figure pas sur le tableau des maladies professionnelles indemnisables, l'expert a pu valablement conclure à l'absence de maladie professionnelle ;

Attendu, par ailleurs, que le Dr Marchisio, qui relève le caractère régulier de la déclaration d'accident du travail effectuée le 8 novembre 1984 par l'employeur, évoque la survenance d'un « micro-traumatisme » - consistant dans l'apparition de lésions irritatives peu importantes sur les doigts - et ce, peu de temps après la manipulation d'un nouveau produit, étant au demeurant observé par l'expert que le port de gants n'était pas permanent ;

Attendu que la présomption d'imputabilité résultant des dispositions de l'article 1er de la loi n° 636 apparaît devoir produire tous ses effets en l'espèce, dès lors d'une part qu'il est constant que le « micro-traumatisme » décrit par l'expert est survenu à l'occasion et par le fait du travail, et, d'autre part, que son apparition a coïncidé avec la manipulation soudaine et provisoire d'un nouveau produit ;

Qu'en effet, contrairement à la maladie qui a un caractère progressif et souvent une cause interne, l'accident est considéré selon une jurisprudence constante comme une atteinte au corps humain provenant de l'action soudaine et violente d'un événement extérieur, lequel fut, en l'espèce, caractérisé par l'utilisation de l'acide chenodesoxycholique et l'apparition de lésions irritatives sur les doigts de la victime, qualifiée par l'expert de « micro-traumatisme » ;

Attendu, par ailleurs, qu'il est indifférent que la victime ait présenté, ainsi que le relève l'expert, un terrain prédisposé aux maladies de peau, et ce, dès lors qu'une règle fondée sur la présomption d'imputabilité précitée, exclut au moment de la prise en charge tout partage de causalité, et, par voie de conséquence, toute réduction de l'indemnisation, à moins qu'il ne soit démontré que la lésion résulte uniquement de l'état antérieur, et que le travail n'a joué aucun rôle, si minime soit-il, dans son apparition, ce qui ne s'avère pas être le cas de l'espèce ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de dire que les lésions irritatives subies le 8 novembre 1984 par N. C. doivent être prises en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ;

Que cependant, eu égard aux ultimes observations effectuées par l'expert en page 7 de son rapport, qui relève le caractère non invalidant ou peu gênant desdites séquelles qui ne lui apparaissent pas indemnisables, il n'y a pas lieu de désigner en l'état un médecin expert aux fins de fixation de l'I.P.P., ni de renvoyer la victime devant la commission spéciale ; que lesdites demandes pourront être présentées au magistrat chargé des accidents du travail devant lequel l'affaire sera renvoyée, et qui prendra toute décision utile au vu des justificatifs médicaux produits ;

Que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Ayant tels égards que de droit pour le rapport d'expertise déposé le 23 janvier 1985 par le Dr Marchisio ;

Dit que l'état de santé de N. C. tel que décrit dans la déclaration d'accident du travail effectuée par son employeur le 8 novembre 1984, relève de la législation sur les accidents du travail ;

Dit que la Compagnie La Mutuelle - substituée aux Laboratoires Marsan - est tenue d'assurer la prise en charge des conséquences pécuniaires de cet accident ;

Déboute N. C. de ses autres chefs de demande, fins et conclusions ;

Renvoie l'affaire devant le juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe J.-Ch. Marquet, Karczag-Mencarelli, av. déf. ; Pastor, Afchain, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25159
Date de la décision : 28/11/1985

Analyses

Sécurité au travail


Parties
Demandeurs : N. C.
Défendeurs : Compagnie La Mutuelle - substituée aux Laboratoires Marsan

Références :

article 1er de la loi n° 636 du 11 janvier 1958
loi n° 444 du 16 mai 1946
loi n° 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1985-11-28;25159 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award