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28/11/1985 | MONACO | N°25155

Monaco | Tribunal de première instance, 28 novembre 1985, B. c/ Ministère Public.


Abstract

Nationalité

Absence de résidence à Monaco pendant une certaine période - Non acquisition de la nationalité monégasque

Résumé

Ayant résidé en Principauté de Monaco pendant sa minorité, puis ayant distendu sinon rompu pendant près de 15 ans ses attaches avec celle-ci où il est venu se fixer deux ans avant sa déclaration de nationalité, un déclarant ne peut dès lors soutenir, sans tenir compte de ses obligations militaires ou estudiantines, avoir eu son domicile et sa résidence habituelle à Monaco dans les années précédant sa déclaratio

n, au sens de l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 dans sa rédaction résultant de l...

Abstract

Nationalité

Absence de résidence à Monaco pendant une certaine période - Non acquisition de la nationalité monégasque

Résumé

Ayant résidé en Principauté de Monaco pendant sa minorité, puis ayant distendu sinon rompu pendant près de 15 ans ses attaches avec celle-ci où il est venu se fixer deux ans avant sa déclaration de nationalité, un déclarant ne peut dès lors soutenir, sans tenir compte de ses obligations militaires ou estudiantines, avoir eu son domicile et sa résidence habituelle à Monaco dans les années précédant sa déclaration, au sens de l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 dans sa rédaction résultant de la loi n° 1070 du 23 mai 1984.

Motifs

CONCLUSIONS

Le Procureur Général de la Principauté de Monaco,

Attendu que M. R. B., né le 22 octobre 1943 à Monaco, de J. et de P. B., de nationalité française, demeurant ., a souscrit le 26 juillet 1984 à la mairie de Monaco, une déclaration en vue d'acquérir la nationalité monégasque par application des dispositions de la loi n° 1070 du 23 mai 1984 modifiant la loi n° 572 du 18 novembre 1952 ;

Attendu que l'officier de l'état civil ayant refusé d'enregistrer cette déclaration, M. R. B. a saisi le Tribunal conformément aux dispositions de l'ordonnance souveraine n° 6257 du 26 avril 1978 ;

Attendu, en la forme, que l'action dirigée contre le Procureur Général, a été introduite dans le délai légal ;

Attendu, au fond, que M. le maire de Monaco a refusé d'enregistrer la déclaration motif pris que la condition de domicile de droit ou de résidence habituelle exigée par la loi n'était pas remplie ;

Attendu que M. R. B. conteste cette décision et produit à l'appui de ses dires divers documents et attestations ;

Sur ce,

Attendu qu'il convient de relever que l'article 2 modifié de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 édicte que le déclarant doit justifier qu'il eu dans la Principauté « son domicile de droit ou sa résidence habituelle dans les années qui précèdent cette déclaration » ;

Attendu que les diverses attestations versées aux débats ne permettent pas de considérer que cette condition est remplie, qu'en effet :

- les attestations émanant du Directeur de l'École Publique de Garçons de Monaco-Ville (côte 15), des administrateurs de l'Académie de Musique Rainier III (côte 16) et du Directeur de l'École Nationale de Musique et de Danse de Boulogne-Billancourt (côte 17) ont été établies en 1965 et 1966,

- celles de l'Abbé F. G. (côte 18) et du Docteur M. B. (côte 19) n'indiquent aucune période précise,

- celle de M. A. R. (côte 19 bis) se borne à exposer que le rédacteur a connu et fréquenté M. B. sur le port durant sa minorité,

- celle de Mme I. (côte 20) ne vise que la période de scolarité du requérant (né en 1943),

- celle de M. M. (côte 21) qui indique que M. B. a un domicile à Monaco, a été délivrée le 20 mai 1965,

- celle du Directeur du personnel des services municipaux (côte 22) certifie seulement que M. B. a été instrumentiste à la musique municipale d'octobre 1962 à octobre 1963,

- celle de M. F. concerne une époque se situant au milieu de l'année 1950 ;

Attendu que le certificat de résidence (côte 23) daté du 4 juin 1965 ne peut valoir pour la période postérieure à sa délivrance ;

Attendu que le second certificat de résidence (côte 24) en date du 29 octobre 1982 et le certificat d'immatriculation (côte 25) en date du 5 août 1982 établissent que l'intéressé a résidé à Monaco à compter du mois de juillet 1982 ;

Attendu, par ailleurs, qu'il appert d'une enquête des services de police que M. B. a résidé à Monaco depuis sa naissance jusqu'à l'année 1945, qu'ensuite il a quitté la Principauté pour y revenir à compter du 1er juillet 1982 ;

Attendu que le requérant peut en définitive soutenir qu'il a eu un domicile pendant les deux années qui ont précédé la déclaration ;

Attendu que le législateur, même s'il n'a pas fixé de durée précise, a cependant entendu que la période précédant la déclaration soit suffisamment longue pour tenir comme acquis que les requérants, par leur éducation et leur vécu, soient empreints des traditions ancestrales, marqués par l'esprit propre au terroir monégasque et attachés au sol de leurs aïeux ;

Attendu en définitive que M. B. en raison de son éloignement prolongé de la Principauté et d'une résidence préalable à la déclaration, très brève, ne paraît pas remplir la condition exigée par la loi, que son pourvoi ne saurait en conséquence être accueilli ;

AUDIENCE DU 28 NOVEMBRE 1985,

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il n'est pas contesté que R. B., né à Monaco le 21 octobre 1943 d'un père français et d'une mère née monégasque - pour être elle-même issue de parents monégasques - a fait le 26 juillet 1984 devant l'Officier de l'État Civil de Monaco la déclaration prévue par la loi n° 572 du 18 novembre 1952, ultérieurement modifiée, à l'effet d'acquérir la nationalité monégasque, ce, dans le délai ouvert à son bénéfice par la loi n° 1070 du 23 mai 1984 ;

Attendu qu'en considération des dispositions applicables au déclarant - lesquelles permettent en particulier à tout individu, né dans la Principauté, d'un auteur direct né monégasque d'acquérir la nationalité monégasque à condition de résider dans la Principauté et de justifier y avoir eu son domicile de droit ou sa résidence habituelle dans les années précédant la déclaration -, l'Officier de l'État Civil a refusé de procéder à la transcription de la déclaration et a avisé l'intéressé par lettre du 1er août 1984 en lui faisant connaître que la condition relative au domicile ou à la résidence habituelle en Principauté durant les années qui précèdent cette déclaration n'était pas remplie en l'espèce ;

Attendu que R. B. a alors, par l'exploit sus-visé, régulièrement saisi le Tribunal à l'effet d'obtenir la mise à néant de la décision de l'Officier d'État Civil de Monaco, la reconnaissance de la validité de sa déclaration du 26 juillet 1984 et la constatation de ce qu'il remplit toutes les conditions requises pour acquérir la nationalité monégasque ;

Qu'au soutien de ses prétentions, B. affirme que les pièces qu'il produit démontrent qu'il a eu sa résidence habituelle en Principauté durant toute sa minorité (octobre 1943 - octobre 1964), qu'il a accompli son service militaire de novembre 1964 à février 1966 et qu'il « réside à nouveau » en Principauté depuis le 1er juillet 1982 ;

Attendu que le Procureur Général, partie défenderesse, s'est opposé à ces demandes au motif que la condition de domicile ou de résidence exigée n'est pas remplie, en versant aux débats un rapport de police en date du 4 juillet 1985 justifiant de sa position ;

Qu'il est mentionné dans les conclusions prises le 15 octobre 1985 que B. ne peut en définitive se prévaloir d'un domicile en Principauté que pendant les deux années qui ont précédé la déclaration et que l'intention du législateur - qui n'a pas fixé de durée précise de domicile ou de résidence préalable à la déclaration - est néanmoins d'exiger une période préalable suffisamment longue pour tenir comme acquis que les requérants, par leur éducation et leur voeu, sont empreints des traditions ancestrales, marqués par l'esprit propre au terroir monégasque et attachés au sol de leurs aïeux ;

Sur quoi,

Attendu que si les pièces produites par B. démontrent, sinon qu'il a eu sa résidence habituelle à Monaco, . durant sa minorité, à tout le moins qu'il a fréquenté durant sa période de scolarisation divers établissements d'enseignement de la Principauté où il avait des attaches certaines, leur effet probatoire relatif à la résidence à Monaco cesse à compter de l'époque où il est devenu majeur ;

Qu'à partir de cette période en effet, il résulte du rapport de police comme aussi des pièces versées aux débats par le demandeur sous les nos 5 et 6, que R. B., qui s'est marié à Peille (Alpes-Maritimes) en 1968, a été employé de 1968 à 1977 dans un établissement hôtelier géré par ses beaux-parents dans cette localité puis a exploité un commerce de poissonnerie sis à Nice à compter de cette dernière date jusqu'à l'année 1982 ; qu'il est établi par ces documents que B., avant de se fixer à nouveau à Monaco - comme lui-même l'admet - le 1er juillet 1982, a eu son domicile ou sa résidence habituelle à Peille, ce que confirment les extraits de naissance de ses enfants respectivement nés en 1973 et 1976 et sa propre demande de titre de séjour à Monaco formée en juillet 1982, et a séjourné en tout état de cause hors du territoire de la Principauté, sans tenir compte de ses obligations militaires ou estudiantines, de 1968 à 1982 ;

Attendu que le demandeur ne peut dès lors soutenir avoir eu son domicile ou sa résidence habituelle à Monaco dans les années précédant sa déclaration souscrite le 26 juillet 1984, au sens de l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 dans sa rédaction résultant de la loi n° 1070 du 23 mai 1984 ;

Que B., en ce qu'il s'est installé hors du territoire national, y a fondé une famille et créé ses centres d'intérêts, apparaît en effet avoir distendu sinon rompu pendant près de 15 années les attaches le liant à la Principauté de Monaco, en sorte que sa situation ne correspond pas à celle envisagée par le législateur de 1984 qui a manifestement entendu exiger, en substituant la période de domicile ou résidence à Monaco durant « les années » précédant la déclaration à celle couvrant « la minorité » du déclarant, une installation en Principauté supérieure à la durée de deux ans dont peut en l'espèce se prévaloir le demandeur ;

Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'admettre la validité de la déclaration de B. et de le débouter de ses demandes en le déclarant tenu aux dépens en raison de sa succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement après débats en Chambre du Conseil par jugement rendu en audience publique ;

Dit n'y avoir lieu d'admettre la validité de la déclaration faite par R. B. le 26 juillet 1984 devant l'Officier de l'État Civil de la Principauté, à défaut pour ce déclarant de justifier avoir eu son domicile de droit ou sa résidence habituelle à Monaco dans les années ayant précédé cette déclaration ;

Déboute en conséquence B. de sa demande tendant à acquérir la nationalité monégasque ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; Mme Sbarrato, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25155
Date de la décision : 28/11/1985

Analyses

Droit des personnes - Nationalité, naturalisation


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : Ministère Public.

Références :

article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952
loi n° 572 du 18 novembre 1952
loi n° 1070 du 23 mai 1984
ordonnance souveraine n° 6257 du 26 avril 1978


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1985-11-28;25155 ?

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