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27/06/1985 | MONACO | N°25114

Monaco | Tribunal de première instance, 27 juin 1985, S.A.M. R.M.C. Textiles c/ S.A.M. Saez Merino


Abstract

Contrat de vente commercial

Conditions de formation : accord de volonté sur la chose cédée, le prix et les modalités secondaires d'exécution : montant de l'acompte comptant et de l'échelonnement des règlements.

Retrait d'une offre de vente (oui). Aucune condition de forme exigée du pollicitant qui retire sa promesse avant acceptation.

Formation du contrat (non).

Résumé

Le contrat de vente commercial existe dès lors que l'accord de volonté des parties porte tant sur la chose cédée que sur le prix et les modalités secondaires d'ex

écution, que sont notamment l'échelonnement des règlements à intervenir ou le montant de l'acompte...

Abstract

Contrat de vente commercial

Conditions de formation : accord de volonté sur la chose cédée, le prix et les modalités secondaires d'exécution : montant de l'acompte comptant et de l'échelonnement des règlements.

Retrait d'une offre de vente (oui). Aucune condition de forme exigée du pollicitant qui retire sa promesse avant acceptation.

Formation du contrat (non).

Résumé

Le contrat de vente commercial existe dès lors que l'accord de volonté des parties porte tant sur la chose cédée que sur le prix et les modalités secondaires d'exécution, que sont notamment l'échelonnement des règlements à intervenir ou le montant de l'acompte comptant initial.

S'agissant d'une promesse de vente, aucune condition de forme n'est exigée du pollicitant qui désire retirer sa promesse avant acceptation.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, suivant exploit en date du 30 mars 1984, la S.A.M. « R.C.M. Textiles » a assigné la société anonyme Saez Merino aux fins de s'entendre celle-ci déclarée responsable de la rupture d'un contrat de livraison de marchandises et condamner à lui payer la somme de 454 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi occasionné, et ce, avec exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Attendu que suivant nouvel exploit du 12 novembre 1984, la S.A.M. « R.C.M. Textiles », autorisée par ordonnance du 8 novembre 1984 à faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains du Crédit Lyonnais à concurrence de la somme de 100 000 francs, montant auquel la créance de la société demanderesse a été provisoirement évaluée, a assigné le Crédit Lyonnais, aux fins de déclaration conformément à la loi, et la société Saez Merino aux fins de s'entendre condamner à payer le montant des causes de ladite saisie-arrêt ;

Attendu que la banque Crédit Lyonnais a, en sa qualité de tiers saisi, régulièrement déclaré par courrier en date du 1er septembre 1985, versé aux débats, détenir pour le compte de la société Saez Merino une somme de 100 000 francs ;

Attendu qu'à l'appui des deux demandes précitées - dont la S.A.M. « R.C.M. Textiles » a précisé à la barre qu'elles tendaient aux mêmes fins et qu'elle sollicitait la jonction des deux instances y afférentes - la S.A.M. « R.C.M. Textiles » expose avoir passé commande le 5 mars 1984 à la société Saez Merino d'un certain nombre de livraisons mensuelles de tissu Denim et ce, pour une valeur estimée à 2 700 000 francs et avoir obtenu l'accord de la société Saez Merino, pour un télex du 15 mars 1984 précisant les modalités de paiement dudit contrat ; que la société demanderesse indique avoir confirmé par télex les 19 et 22 mars 1984 son accord sur lesdites modalités de règlement et les dates de livraison de la marchandise et avoir été en conséquence très étonnée de recevoir en réponse de sa co-contractante un télex daté du 22 mars 1984 lui signifiant le retrait de son offre de vente ;

Que la S.A.M. « R.C.M. Textiles » fait valoir dans le dernier état de ses écrits judiciaires qu'une telle rupture du contrat lui a occasionné un préjudice commercial certain dès lors qu'elle n'a pas pu trouver dans un bref délai un autre fournisseur lui permettant d'honorer les nombreuses commandes de clients qu'elle avait d'ores et déjà enregistrées, lequel préjudice peut être évalué à la somme de 100 000 francs ; qu'en outre, la société demanderesse allègue avoir subi un important manque à gagner résultant pour elle de l'impossibilité d'obtenir un produit de remplacement au même prix que celui offert par la société Saez Merino, lequel préjudice peut être chiffré à la somme de 454 000 francs représentant la marge bénéficiaire usuelle de 20 % sur le montant de la vente ; que, par conclusions du 6 février 1985, la S.A.M. « R.C.M. Textiles » porte donc le montant de sa demande à la somme globale de 554 000 francs « ;

Attendu que la société Saez Merino expose en réponse que la société » R.C.M. Textiles « a fait délivrer le 30 mars 1984 - soit le même jour que l'assignation signifiée à son encontre devant le Tribunal de première instance - une notification défense au Crédit Lyonnais de se dessaisir de la somme de 225 460 francs bloquée pour le compte de la défenderesse ; que toutefois, sur assignation en référé formée par la société Saez Merino, le Président du Tribunal de première instance a ordonné le 8 novembre 1984 main-levée de cette opposition et autorisé le Crédit Lyonnais à se libérer valablement entre les mains de la Saez Merino de la somme de 225 460 francs ; qu'en dépit de cette décision, la société » R.C.M. Textiles « a persisté dans ses errements en sollicitant la saisie-arrêt de la même somme entre les mains du Crédit Lyonnais, demande à laquelle il n'a pas été fait droit intégralement, dès lors que la saisie-arrêt n'a été autorisée qu'à concurrence de la somme de 100 000 francs ;

Attendu que la société Saez Merino expose que la société » R.C.M. Textiles « est mal fondée en sa demande dès lors principalement qu'il n'y a jamais eu d'accord de volonté entre les parties ; qu'il suffit pour s'en convaincre d'analyser d'une part le télex du 4 mars 1984 par lequel la défenderesse offrait à la S.A.M. » R.C.M. Textiles « que soit payé au comptant 20 % de l'ensemble de la commande et, d'autre part, le télex du 19 mars 1984 par lequel la demanderesse, loin d'accepter cette offre, faisait une contre-proposition prévoyant le règlement d'un acompte de 20 % relatif uniquement à la livraison du mois en cours ; qu'en l'état du désaccord ayant opposé les parties, il échet selon la société Saez Merino de constater qu'aucune rupture de contrat n'a pu intervenir à défaut de formation valable d'une telle convention ; que subsidiairement, si l'existence d'un contrat était retenue, la société défenderesse fait valoir qu'il n'a eu d'existence que dans la période de temps comprise entre le télex de confirmation adressé le 22 mars 1984 à 10 h 55 par la S.A.M. » R.C.M. Textiles « et le télex en réponse confirmant la réalité de la rupture à 11 h 53 ; que dès lors, la convention ayant été dans cette hypothèse rompue quelques minutes seulement après sa conclusion, il apparaît improbable que la société R.C.M. Textiles ait pu, dans un intervalle aussi bref, accepter de multiples commandes justifiant l'important préjudice commercial allégué ;

Qu'en conséquence, la Saez Merino conclut au débouté de la S.A.M. » R.C.M. Textiles « des fins de ses demandes et sollicite verbalement à l'audience du 21 juin 1985 main-levée de la saisie-arrêt pratiquée le 12 novembre 1984, selon exploit de Maître Escaut-Marquet ;

Sur ce,

Attendu que les instances introduites selon exploits du 30 mars 1984 et 12 novembre 1984 étant toutes deux en état d'être jugées, il y a lieu, compte tenu du lien de connexité certain qui existe entre elles, d'ordonner leur jonction dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice afin qu'il soit statué par un seul et même jugement ;

Attendu que dans le cadre des deux instances précitées dont la jonction vient d'être ordonnée, la société » R.C.M. Textiles « prétend avoir passé commande à la société Saez Merino, qui l'aurait acceptée, d'un certain nombre de livraisons mensuelles d'un tissu Denim pour un montant évalué à 2 270 000 francs ;

Attendu qu'en l'état des dénégations de la société Saez Merino à cet égard, il convient d'examiner préalablement si un contrat a été valablement formé entre les parties, et ce, avant d'analyser la responsabilité de l'une ou l'autre d'entre elles dans la rupture alléguée dudit contrat ;

Attendu à cet égard que le contrat de vente commercial existe dès lors que l'accord de volonté des parties porte tant sur la chose cédée que sur le prix et les modalités secondaires d'exécution, que sont notamment l'échelonnement des règlements à intervenir ou le montant de l'acompte comptant initial ;

Attendu qu'un tel accord de volonté des deux parties n'apparaît pas résulter des nombreux télex versés aux débats dont l'objet était néanmoins d'aboutir à la conclusion du contrat ; qu'il ressort, en effet, de l'analyse du premier télex adressé le 4 mars 1984 par la » R.C.M. Textiles « à la défenderesse, qui énonce : » Nous vous confirmons la commande passée par Monsieur C. lors de sa visite en vos bureaux «, que cette pièce ne comporte aucun accord sur le prix de 2 270 000 francs, ni sur ses modalités de règlement, et ce, contrairement aux allégations de la S.A.M. » R.C.M. Textiles « à cet égard ;

Qu'il ressort, par ailleurs, du télex en date du 15 mars 1984, que la société Saez Merino demande confirmation à la » R.C.M. Textiles « des modalités de règlement qu'elle envisage et propose que soit versé au comptant 20 % de l'ensemble de la commande, soit la somme de 452 000 francs ; qu'en suite de cette offre, réitérée par un second télex du 16 mars, qui n'a été suivie d'aucune confirmation en réponse de la demanderesse, cette dernière faisait parvenir le 19 mars 1984 à la société Saez Merino un nouveau télex formulant une contre-proposition afférente aux conditions de paiement et énonçant : » Nous vous confirmons être d'accord avec le règlement d'un acompte de 20 % uniquement sur la livraison du mois en cours « ;

Attendu que le 22 mars 1984, en l'état du désaccord flagrant l'opposant à la demanderesse, un responsable qualifié à la société Saez Merino téléphonait au sieur C., représentant la société » R.C.M. Textiles «, pour l'aviser de ce que la vente ne pouvait avoir lieu et qu'elle retirait son offre de vente ;

Attendu qu'il résulte des ultimes pièces de la procédure qu'en dépit de la signification du refus de contracter émanant de la société défenderesse, un télex en date du même jour lui fut néanmoins adressé par la S.A.M. » R.C.M. Textiles «, à 10 h 55, tendant à la confirmation » de la commande relative aux mois de mars, avril, mai et juin 1984 et aux prix donnés « ;

Que la société Saez Merino, surprise de recevoir un tel document, confirmait, par un nouveau télex adressé à la » R.C.M. Textiles « les termes de sa précédente communication téléphonique relative au retrait de son offre ;

Attendu, en conséquence, qu'il ressort de l'analyse ci-dessus effectuée qu'à la date du 19 mars 1984 aucun accord sur le prix et ses modalités n'était intervenu entre les parties ; que l'offre de vente de la Saez Merino n'a pas été acceptée, telle qu'elle était formulée dans son ensemble, par la S.A.M. » R.C.M. Textiles « qui, en sa qualité de bénéficiaire d'une promesse de vente, ne pouvait, en vertu d'une jurisprudence constante, procéder à un quelconque choix dans les éléments de celle-ci pour ne retenir que ceux qui lui étaient favorables ;

Qu'en cet état des négociations contractuelles qui s'avéraient infructueuses, il apparaît que la société Saez Merino a pu valablement retirer son offre de vente qui n'avait fait l'objet d'aucun consentement le 22 mars 1984 avant 10 h 55, et, qu'aucune condition de forme particulière n'étant exigée du pollicitant qui désire retirer sa promesse, une simple communication téléphonique pouvait permettre à la Saez Merino d'y procéder valablement ; que s'agissant par ailleurs de la preuve du retrait de cette offre, elle apparaît ressortir clairement de l'ultime télex adressé à 11 h 53 par Saez Merino à » R.C.M. Textiles « dont les termes sont les suivants :

» Nous ne comprenons pas le télex que vous venez de nous envoyer à 10 h 55 puisque M. A. avait parlé avec M. C. avant.« ;

Attendu ainsi que le retrait de l'offre de vente opéré téléphoniquement est bien intervenu avant le télex litigieux par lequel la S.A.M. » R.C.M. Textiles « prétend avoir confirmé son acceptation des conditions du contrat ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de constater que le contrat dont la rupture est attaquée est inexistant dès lors que le défaut d'accord de volonté des parties sur ses conditions a empêché sa formation et il convient de débouter, dès lors, la S.A.M. » R.C.M. Textiles « des fins de sa demande, et par voie de conséquence, de donner mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée selon exploit de maître Escaut-Marquet en date du 12 novembre 1984 entre les mains du Crédit Lyonnais, tiers-saisi ;

Que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant par jugement contradictoire ;

Joint les instances n° de rôle 508/29.05.1984 (assignation du 30 mars 1984) et 291/11.01.1985 (assignation du 12 novembre 1984) ;

Déboute la S.A.M. » R.C.M. Textiles " de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée selon exploit de Maître Escaut-Marquet en date du 12 novembre 1984 entre les mains du Crédit Lyonnais ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Boeri, Lorenzi, av. déf. ; Leandri, Godefroy, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25114
Date de la décision : 27/06/1985

Analyses

Contrat de vente ; Contrat - Formation


Parties
Demandeurs : S.A.M. R.M.C. Textiles
Défendeurs : S.A.M. Saez Merino

Références :

ordonnance du 8 novembre 1984


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1985-06-27;25114 ?

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