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13/06/1985 | MONACO | N°25107

Monaco | Tribunal de première instance, 13 juin 1985, Sieurs B. et D. c/ État de Monaco.


Abstract

Bail d'habitation

Local vacant disponible - Attribution d'office à un prioritaire (article 4, alinéa 2) dans le délai de 20 jours -Ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 (article 8) - Point de départ dudit délai à compter de la réception de la déclaration (articles 3, 4 de ladite Ordonnance).

Résumé

En dépit d'un exploit d'assignation laissant présumer que les demandeurs entendent contester, pour excès de pouvoir, la décision prise par le Ministre d'État de la Principauté, l'attribution d'office d'un appartement considéré vacant à un

prioritaire, il demeure qu'une telle action ressortit à la compétence du Tribunal de premi...

Abstract

Bail d'habitation

Local vacant disponible - Attribution d'office à un prioritaire (article 4, alinéa 2) dans le délai de 20 jours -Ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 (article 8) - Point de départ dudit délai à compter de la réception de la déclaration (articles 3, 4 de ladite Ordonnance).

Résumé

En dépit d'un exploit d'assignation laissant présumer que les demandeurs entendent contester, pour excès de pouvoir, la décision prise par le Ministre d'État de la Principauté, l'attribution d'office d'un appartement considéré vacant à un prioritaire, il demeure qu'une telle action ressortit à la compétence du Tribunal de première instance, par application de l'article 8 de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959, lui permettant d'apprécier la validité de toute attribution faite en violation de cette loi ou des dispositions prises pour son application ;

La vacance d'un appartement, définie par l'ordonnance-loi en son article 1er, ne saurait être remise en cause sur le fondement d'une disposition d'ordre réglementaire et implique une déclaration au Ministre d'État.

Il résulte de l'article 4 alinéa 2 de l'ordonnance souveraine du 21 septembre 1959 que la date de réception, par le service du logement, de la déclaration de vacance fait courir un délai de 20 jours pendant lequel les locaux vacants peuvent faire l'objet d'une location en faveur de prioritaires par application des dispositions des articles 3 et 4 de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 ;

L'application de la régularité de la décision d'attribution d'office par l'administration qui commande, en l'espèce, de déterminer le point de départ de ce délai, pour cause d'indisponibilité de l'appartement par exemple, ne saurait être décidé que par le service du logement en fonction de son appréciation de la situation ;

Par ailleurs, l'indisponibilité de l'habitation n'étant pas établie, il résulte de ces circonstances que le délai litigieux n'a pu commencer à courir qu'à compter de la date devant être considérée comme celle de la réception de la déclaration de vacance ;

L'attribution d'office de l'appartement étant intervenue dans les délais légaux n'est donc pas judiciairement contestable dans sa validité ;

Il n'appartient pas aux propriétaires d'apprécier la conduite, la moralité ou la solvabilité du locataire attributaire désigné par l'Administration.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il est constant que R. I., veuve en premières noces de B. et en secondes noces de D., propriétaire d'un appartement de 4 pièces principales et de ses dépendances, sis au 1er étage de l'immeuble . - que le dernier locataire a libéré en octobre 1978 - est décédée le 7 avril 1983 laissant pour héritiers ses trois enfants, R. B., A. et G. D., devenus propriétaires indivis de l'appartement ci-dessus désigné ;

Que par suite d'une enquête menée par le service du logement de la Principauté ayant fait apparaître que l'appartement n'était plus occupé depuis 1978, R. B. a été invité, en sa qualité de co-propriétaire, à effectuer la déclaration de vacance de ce logement par lettre de l'Administrateur des domaines chargé de l'habitat datée du 7 septembre 1984 ;

Que par l'intermédiaire de leur mandataire, R. B., les héritiers ont effectué ladite déclaration de vacance sur la formule spéciale délivrée par le service du logement qui mentionne notamment, en regard de la question « le local est-il disponible ? Oui, le 1er octobre 1984 » et, comme date d'établissement, le 23 août 1984, tandis que le cadre réservé au service porte comme indications : « Date : 23 août 1984, Affiché le 27 août 1984, Transmis au Journal de Monaco le 24 août 1984 » ;

Que le service du logement a délivré récépissé de cette déclaration effectuée par B. sous la date du 27 août 1984 ;

Que par lettre recommandée avec accusé de réception, le Conseiller de gouvernement pour les Finances et l'Économie, pour le Ministre d'État, a fait connaître à ce mandataire, après avoir indiqué que l'affichage prévu par la loi avait eu lieu pendant vingt jours du 27 août au 15 septembre 1984, que l'appartement dont s'agit était attribué d'office à un prioritaire, R. S., conformément aux dispositions du 2e alinéa de l'article 4 de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 ;

Que par suite du refus de mise à disposition des locaux par les héritiers, l'attributaire désigné n'a pu prendre possession du logement ;

Attendu que par l'exploit susvisé du 2 octobre 1984, les co-propriétaires indivis précités, qui déclarent contester cette décision d'attribution par application de l'article 8 de l'ordonnance-loi n° 669, ont fait assigner l'État de Monaco aux fins ci-dessous reproduites :

« - Constater que la comptabilisation des délais prévus par la loi n° 669 n'est pas exacte, puisque en l'état de l'insalubrité de cet appartement, et par application des dispositions de l'article 4 alinéa 2 du titre 1 de l'ordonnance n° 2057, cet appartement ne pouvait être considéré comme vacant ;

* Constater en conséquence que le Ministère d'État aux Finances et à l'Économie a outrepassé ses droits en sa décision d'affectation d'office de cet appartement, sans attendre que le délai de vingt jours puisse commencer à s'écouler, et qu'il soit complètement écoulé ;

* Annuler purement et simplement la décision dont s'agit du 25 septembre 1984 ;

* Donner acte aux requérants de ce qu'ils s'engagent à faire non seulement les travaux nécessaires pour la remise en état de l'appartement mais également les travaux nécessaires à faire changer cet appartement de catégorie et à leur permettre de louer cet appartement aux locataires de leur choix » ;

Qu'au soutien de leurs prétentions, les demandeurs allèguent :

* en la forme, que les délais prévus par l'ordonnance-loi n° 669 n'ont pas été respectés par l'Administration lors de sa décision d'attribution d'office puisqu'ils n'ont été comptabilisés qu'à compter du 27 août 1984, alors qu'ils auraient dû l'être à compter du 23 août précédent, date effective de la déclaration de vacance ; qu'ils entendent ainsi faire juger que la décision d'attribution d'office est irrégulière comme ayant été prise après l'expiration du délai de 20 jours prévu par la loi et qu'ils peuvent en conséquence librement disposer du local par application du dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance-loi n° 669 ;

* au fond, que l'appartement litigieux ne peut être considéré comme vacant bien qu'ils aient effectué une déclaration en ce sens mais sous la menace de poursuites pénales ; qu'ils prétendent, en effet, qu'en raison de l'état d'insalubrité de l'appartement, des dégradations importantes qu'il présente et des meubles dépendant de la succession - non encore réglée - qui y sont entreposés, les locaux ne sont pas actuellement disponibles, ni susceptibles d'une habitation immédiate, en sorte que le délai de 20 jours susvisé ne pouvait commencer à courir lors de la déclaration mais doit être « reporté au jour où prend fin la situation de droit ou de fait (rendant) le local indisponible », aux termes de l'article 4 de l'ordonnance-loi n° 2 057 du 21 septembre 1959 portant application de l'ordonnance-loi n° 660 ;

Qu'ils estiment, en définitive, que le Tribunal devrait déclarer irrégulière la décision d'attribution d'office, soit qu'il considère que les délais auraient dû commencer à courir le 23 août 1984 et non le 27 août, soit qu'il juge que l'appartement n'était pas réellement vacant et que les délais doivent être reportés ;

Que subsidiairement ils s'opposent au choix du locataire qui leur est attribué en mettant en doute sa bonne foi et sa solvabilité ;

Attendu qu'en réponse l'État de Monaco fait valoir, pour conclure au rejet de ces demandes :

1° que le Tribunal de première instance est incompétent pour connaître de la présente action tendant à l'annulation d'une décision qui ressortit à la compétence exclusive du Tribunal Suprême en vertu de l'article 90 B. de la Constitution ;

2° subsidiairement, au fond, que l'appartement est incontestablement vacant selon la définition même de l'article 1er-5° de l'ordonnance-loi n° 669 et que les co-propriétaires étaient tenus d'en déclarer la vacance ;

Que la date du 27 août a été retenue comme point de départ du délai de 20 jours par application de l'ordonnance du 21 septembre 1959 précitée et par suite de l'omission, par B. sur la déclaration de vacance, de l'indication des jours et heures de visite de l'appartement, ce qui a retardé la date d'affichage et fait obstacle au déroulement normal de la procédure à compter du 23 août ;

Que l'état d'inhabitabilité allégué est sans pertinence dès lors que plusieurs prioritaires se sont déclarés disposés à occuper l'appartement et que l'attributaire entend faire réaliser, à ses frais, les travaux nécessaires ; qu'au demeurant, l'état d'insalubrité, qui doit faire l'objet d'une déclaration par arrêté, ne peut résulter d'un constat d'huissier et est en contradiction avec l'affirmation de disponibilité contenue dans la déclaration de vacance ;

Que par ailleurs, les motifs tirés de l'absence de règlement, à ce jour, de la succession ne sauraient faire obstacle à l'application de la loi ;

Enfin, que si la qualité de prioritaire de l'attributaire de l'appartement peut être discutée, les demandeurs ne sont pas pour autant autorisés à contester sa moralité et sa solvabilité ;

Sur quoi,

1° La compétence

Attendu que si les termes improprement employés dans l'exploit introductif d'instance peuvent donner à penser que les demandeurs entendent former un recours en annulation pour excès de pouvoir contre la décision du 25 septembre 1984 émanant du Ministre d'État - instance qui relèverait de la compétence du Tribunal Suprême - il ne saurait être méconnu que les demandeurs se sont expressément référés, pour définir le cadre juridique de la présente action, à l'article 8 de l'ordonnance-loi n° 669 qui investit le Tribunal de première instance, siégeant en Chambre du Conseil, d'une compétence spéciale pour apprécier la validité de toute attribution faite en violation de cette ordonnance-loi ou de l'ordonnance souveraine prise pour son application ;

Que les demandeurs, contestant l'attribution prononcée le 25 septembre 1984 au motif qu'elle méconnaîtrait les dispositions des règles édictées par ces textes - notamment quant à la computation des délais et à la vacance effective de l'appartement -, le Tribunal ne peut que retenir sa compétence en la matière, sous peine de priver d'effet la faculté de contestation ouverte par l'article 8 de l'ordonnance-loi n° 669 et de vider ce texte de sa substance ;

Qu'il s'ensuit qu'il doit être passé outre à l'exception d'incompétence soulevée par l'État le Tribunal étant régulièrement saisi du recours formé par les propriétaires dans le respect des prescriptions de l'alinéa 2 dudit article ;

2° Le fond

Attendu que l'ordonnance-loi n° 669, qui constitue une norme législative, définit en son article 1er les locaux vacants comme étant, en particulier, ceux à usage d'habitation libérés par le départ d'un occupant (§§ 5° et 6°) ou n'ayant fait l'objet d'aucune location et inhabités depuis plus de 3 ans (§ 7°), situations qui apparaissent recouvrir les circonstances de l'espèce ;

Qu'il s'ensuit que l'appartement des demandeurs, considéré comme vacant par la loi, devait être déclaré au Ministre d'État dans les formes et conditions définies par l'ordonnance souveraine d'application du 21 septembre 1959, par application de l'article 2 de l'ordonnance-loi n° 669 ; qu'en conséquence, et alors que cette déclaration a été au demeurant effectuée - sans qu'il puisse être sérieusement soutenu qu'elle a été faite sous la menace de l'application de la loi pénale -, la vacance, au sens de l'article 1 susvisé de l'ordonnance-loi n° 669, de l'appartement dont s'agit ne saurait être remise en cause sur le fondement de l'ordonnance précitée du 21 septembre 1959, d'ordre réglementaire ;

Attendu que par l'effet combiné des articles 3 et 4 de l'ordonnance-loi n° 669, les locaux vacants peuvent faire l'objet d'une location en faveur de prioritaires déterminés pendant un délai de 20 jours courant à compter de la date à laquelle les lieux seront devenus vacants et susceptibles d'une habitation immédiate, délai qui est augmenté à son terme d'une période de 10 jours - si, au cours de celui-ci, aucune location n'est consentie à un prioritaire -, pour permettre l'attribution d'office de l'appartement à un postulant prioritaire, laquelle, à défaut d'intervenir dans le délai ainsi prorogé, a pour effet de permettre au propriétaire de disposer librement de son local dans les conditions prévues par la loi ;

Qu'il résulte par ailleurs de l'article 4 alinéa 2 de l'ordonnance souveraine d'application du 21 septembre 1959 que la date de réception, par le service du logement, de la déclaration de vacance, dont il délivre récépissé et qui y est mentionnée, fait courir le délai de 20 jours ci-dessus décrit ; que toutefois, lorsque le local n'est pas disponible, le point de départ dudit délai est reporté par le service, au jour où prend fin la situation qui rendait le local indisponible ;

Attendu que pour apprécier si en l'espèce l'attribution d'office a été régulièrement exercée par l'Administration, il y a lieu de vérifier si elle est intervenue conformément aux textes précités, lesquels commandent de déterminer le point de départ du délai litigieux, au regard tant de l'ordonnance-loi n° 669 que de l'ordonnance souveraine du 21 septembre 1959 ;

Attendu qu'au sens de ce dernier texte, qui prévoit que la déclaration de vacance doit être sincère et véritable en instituant le déclarant responsable des indications mentionnées, l'indisponibilité alléguée du local ne saurait être admise ; qu'en effet, cette indisponibilité ne résulte nullement du mauvais état de l'appartement ou de la présence de meubles qui dépendraient de la succession dès lors que ces circonstances, auxquelles il peut être remédié sans difficulté, sont sans effet sur la possibilité d'occupation par l'attributaire, à telle enseigne que le déclarant a lui-même répondu affirmativement à la question de savoir si le local était disponible ; qu'en tout état de cause, il ne doit pas être perdu de vue que le report éventuel du point de départ du délai ne saurait être décidé que par le seul service du logement, en fonction de son appréciation de la situation, lequel n'a pas estimé, en l'espèce, que le local était indisponible et n'a donc pas reporté le délai prévu par la loi ;

Attendu en conséquence, alors par ailleurs que l'appartement était vacant et susceptible d'être immédiatement habité au sens de l'ordonnance-loi n° 669 - les pièces du dossier n'établissant nullement l'impossibilité d'habitation, sous réserve de travaux de remise en état -, que conformément à l'article 4 alinéa 2 de l'ordonnance du 21 septembre 1959, le délai litigieux n'a pu commencer à courir que le 27 juillet 1984, date devant être légalement considérée comme celle de la réception de la déclaration ; que le déclarant, au demeurant, n'a pas contesté en son temps la date de délivrance du récépissé de la déclaration de vacance, déclaration qui ne répondait pas, lors de son établissement le 23 août 1984, à la demande d'indication des jours et heures de visite et a été postérieurement et verbalement complétée sur ce point, en sorte que le service du logement était fondé à n'en accuser réception que le 27 août suivant ; qu'il suit de là que le délai de 20 jours, augmenté de celui de 10 jours, prévu par les articles 3 et 4 de l'ordonnance-loi n° 669 a été régulièrement décompté à partir de cette dernière date, et que l'attribution d'office intervenue le 25 septembre 1984 dans les délais légaux et signifiée aux propriétaires du local par voie administrative conformément à l'article 14 de l'ordonnance du 21 septembre 1959, n'est pas judiciairement contestable dans sa validité ;

Attendu par ailleurs qu'il n'y a pas lieu de concéder aux demandeurs le donner-acte qu'ils sollicitent - cette demande s'avérant sans portée en l'espèce - ni d'apprécier la conduite, la moralité ou la solvabilité du locataire attributaire désigné par l'Administration ;

Attendu que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Siégeant en chambre du conseil et statuant en audience publique,

Se déclare compétent pour connaître du présent litige, par application de l'article 8 de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 ;

Déboute R. B., A. D. et G. D., ès-qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; Me Marquet, Sbarrato, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25107
Date de la décision : 13/06/1985

Analyses

Baux ; Immeuble à usage d'habitation ; Secteur protégé


Parties
Demandeurs : Sieurs B. et D.
Défendeurs : État de Monaco.

Références :

article 4 de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959
article 14 de l'ordonnance du 21 septembre 1959
article 4 alinéa 2 de l'ordonnance souveraine du 21 septembre 1959
article 90 B. de la Constitution
article 8 de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959
ordonnance du 21 septembre 1959
articles 3 et 4 de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959
Ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1985-06-13;25107 ?

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