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28/06/1984 | MONACO | N°25989

Monaco | Tribunal de première instance, 28 juin 1984, R. L. c/ Ste Microtechnic.


Abstract

Brevets d'invention

Action en revendication de brevet - Recevabilité - Antériorité de l'invention - Appropriation frauduleuse - Invention invoquée : conception théorique mais absence de concrétisation matérielle - Description non définitive de l'invention (oui) - Rejet de la demande

Résumé

Si, préalablement à toute demande de brevet de sa part, un inventeur se trouve spolié de ses travaux de recherche par un tiers qui prend un brevet à sa place, il est recevable, nonobstant le silence sur ce point de la loi n° 606 du 20 juin 1955, modifiée p

ar la loi n° 675 du 5 novembre 1956, à poursuivre ce tiers pour se faire subroger dans ...

Abstract

Brevets d'invention

Action en revendication de brevet - Recevabilité - Antériorité de l'invention - Appropriation frauduleuse - Invention invoquée : conception théorique mais absence de concrétisation matérielle - Description non définitive de l'invention (oui) - Rejet de la demande

Résumé

Si, préalablement à toute demande de brevet de sa part, un inventeur se trouve spolié de ses travaux de recherche par un tiers qui prend un brevet à sa place, il est recevable, nonobstant le silence sur ce point de la loi n° 606 du 20 juin 1955, modifiée par la loi n° 675 du 5 novembre 1956, à poursuivre ce tiers pour se faire subroger dans l'ensemble de ses droits.

Le revendiquant est tenu de justifier, outre l'antériorité de son invention, de ce que l'appropriation de celle-ci par le titulaire du brevet s'est faite, sans droit par une usurpation frauduleuse et qu'au préalable soit établie la réalité de l'invention invoquée aux fins de sa protection légale ; à cet effet, l'invention doit être matériellement concrétisée ou bien se trouver décrite par des indications réellement et définitivement formulées, précises et détaillées, permettant son exécution sur la base de sa seule description.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par l'exploit susvisé, R. L. - qui reproche à la Société Microtechnic, d'avoir demandé, le 19 mars 1981, la délivrance (ultérieurement obtenue le 27 avril 1982 sous le n° 1507.82-1384) d'un brevet, relatif à un « bloc présentoir permettant une diminution notoire du risque de vol lors de la présentation d'articles à la vente », dont il se prétend l'inventeur - a fait assigner ladite société à l'effet de se voir reconnaître la propriété ab initio du brevet précité, d'obtenir sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, à la charge de cette même société, que ce brevet soit transféré à son nom avec tous autres brevets ou demandes de brevet étrangers relatifs au même objet - dont il sollicite sous la même astreinte, la liste, l'état de leur situation, et les documents annexes - de faire ordonner la restitution à son profit, et après expertise de tous fruits et revenus provenant de l'exploitation desdits brevets et demandes de brevet, d'obtenir par ailleurs, que soit ordonnée l'inscription du jugement à intervenir au registre spécial des brevets, outre sa publication dans 5 journaux ou revues qu'il se réserve de choisir, aux frais de la société Microtechnic et, enfin, de faire condamner celle-ci à lui payer 1 500 000 francs de dommages-intérêts pour le préjudice qu'il aurait subi par suite de la divulgation de son invention, le tout sous le bénéfice demandé de l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;

Attendu que la Société Microtechnic demande principalement au Tribunal d'une part de qualifier l'action introduite de « revendication de brevet » en disant en conséquence qu'une pareille action, non prévue par la loi, doit être, pour ce, déclarée irrecevable, et d'autre part de relever que L. revendique la propriété d'une invention réalisée au sein d'une société Impact qui seule serait dès lors propriétaire de ladite invention, en sorte de ce dernier chef, l'action introduite serait également irrecevable ;

Que, subsidiairement, cette défenderesse estime que L. ne rapporterait aucunement la preuve qu'il aurait personnellement inventé le modèle de boîte antivol pour musicassettes, ayant fait l'objet du brevet susvisé, alors en revanche qu'elle serait en mesure de prouver avoir seule imaginé, conçu et réalisé la boîte brevetée ; qu'elle conclut en conséquence au débouté du demandeur de ses demandes ;

Qu'enfin, reconventionnellement, elle réclame à L. la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice par elle éprouvé du fait de la procédure présentement engagée, en concluant par ailleurs à l'absence d'urgence certaine pouvant motiver l'exécution provisoire réclamée ;

Sur quoi :

Attendu que si la loi n° 606 sur les brevets d'invention du 20 juin 1955, modifiée par la loi n° 675 du 5 novembre 1956, ne traite pas expressément de l'action en revendication de brevet - prévue à l'étranger notamment par l'article 2 de la loi française 68.1 du 2 janvier 1968 modifiée et complétée par la loi 78-742 du 13 juillet 1978, la jurisprudence, tout en reconnaissant, par principe, valeur de titre aux brevets régulièrement délivrés, a constamment admis en revanche, tant à Monaco, qu'en France sous l'empire de l'ancienne loi française du 5 juillet 1944 (qui ne prévoyait pas non plus l'action en revendication de brevet) que si préalablement à toute demande de brevet de sa part, un inventeur se trouve spolié du fruit de ses travaux de recherche par un tiers qui prend un brevet à sa place, il est recevable à poursuivre ce tiers pour se faire subroger dans l'ensemble de ses droits en obtenant alors le cas échéant, la substitution de son nom à celui du premier titulaire du brevet frauduleusement obtenu ;

Qu'en l'état de ce que le brevet d'invention est un titre auquel est due provision, qu'il est présumé viser une nouvelle invention et qu'en outre son titulaire doit jusqu'à preuve contraire, en être présumé propriétaire, il s'en suit qu'à l'effet de l'action ainsi admise par la jurisprudence, le revendiquant est tenu de justifier, outre l'antériorité de son invention, de ce que l'appropriation de celle-ci par le titulaire du brevet s'est faite, sans droit, par une usurpation frauduleuse, ce qui en d'autres termes, suppose que ce même revendiquant prouve que c'est une faute du titulaire du brevet réclamé qui l'a dépossédé de l'invention qu'il invoque et, au préalable, que soit établie la réalité de celle-ci aux fins de sa protection légale ;

Attendu que cette dernière circonstance requiert sur la base de l'article 2 de la loi précitée n° 606 qu'à la différence d'une conception purement théorique l'invention dont s'agit se traduise de manière concrète par l'application industrielle d'une telle conception soit à un produit soit à l'usage de moyens propres à obtenir un produit ou un simple résultat de fabrication ;

Qu'à cet effet, l'invention doit être matériellement concrétisée ou bien se trouver décrite par des indications réellement et définitivement formulées, précises et détaillées, permettant son exécution sur la base de sa seule description ;

Attendu toutefois que L. n'a pas justifié en l'espèce de ce qu'il serait, quant à l'objet de sa demande de revendication, l'auteur d'une invention ainsi définie, puisque, s'il se borne à prétendre à cet égard qu'alors qu'il était employé par la Société Impact il avait, au sein d'une société Polygram, participé, le 20 novembre 1980, à une réunion professionnelle au cours de laquelle il aurait exposé aux techniciens de la Société Microtechnic, le système objet du brevet revendiqué, en demandant à ladite société de « réaliser des prototypes aux fins de mise au point » - il n'a pas en revanche établi qu'il aurait été personnellement l'auteur, hors la mission de recherche qu'il avait incontestablement reçue de son employeur, d'une réalisation ou d'une description définitive qu'il aurait alors faite de son invention dans les termes généraux ci-dessus spécifiés qui seuls pouvaient la rendre protégeable dans la présente instance en revendication ;

Qu'en effet, s'il a pu, lors de la réunion susvisée, donner à la Société Microtechnic des orientations de recherche, qu'il ne précise pas d'ailleurs, quant au déverrouillage électrique d'un boîtier servant à la vente d'articles de prix, et supposant une séparation du verrou et de la source d'énergie - ce qui constituerait selon lui l'invention dont il aurait été spolié - ces indications, qui au demeurant ne sont pas établies dans leur réalité, d'une part ne sauraient être par lui présentées comme pouvant être détachées de ses activités professionnelles, en sorte que la paternité ne pourrait comme il le soutient, lui en revenir exclusivement, et, d'autre part, ne pouvaient en toute hypothèse permettre une mise en œuvre définitive de son invention, qu'il admet n'avoir pas jusque là, matériellement concrétisée puisque, en particulier de deux télex datés des 11 et 17 décembre 1980 qu'il verse lui-même aux débats, émanant de la défenderesse, il ressort que les bureaux d'étude de celle-ci ont été chargés de fabriquer 3 prototypes d'ensembles porte-cassettes ; (dont il est prétendu qu'ils mettraient en œuvre l'invention revendiquée), devant être facturés à l'employeur de L. et que ces mêmes bureaux d'étude ont alors sollicité de leur donneur d'ordre, la société Polygram, des précisions et observations quant au choix non encore décidé de diverses composantes desdits ensembles, essentielles au fonctionnement de ces derniers ;

Qu'alors que la Société Microtechnic a pu dès lors valablement prétendre avoir pris une part active à leur conception, il s'ensuit que L. qui ne peut se prévaloir de la réalité d'une invention personnelle correspondant au brevet revendiqué et étant antérieure à celui-ci, doit être dès lors débouté de l'ensemble de ses demandes, ainsi que le sollicite la Société Microtechnic ;

Que toutefois, celle-ci ne peut prétendre obtenir les dommages-intérêts qu'elle réclame, au paiement desquels L. qui n'apparaît pas avoir fautivement usé des voies de droit qu'il a exercées, ne saurait être, pour ce, condamné ;

Qu'en revanche, ce dernier doit supporter les dépens de l'action qu'il a intentée et sur laquelle il succombe ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement ;

Déboute R. L. de l'ensemble de ses demandes, et la Société Microtechnic de sa demande reconventionnelle ;

Composition

MM. J.-Ph. Huertas, prés. ; J.F. Landwerlin, vice-prés. ; G. Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Clerissi et Boisson, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25989
Date de la décision : 28/06/1984

Analyses

Propriété intellectuelle - Général ; Marques et brevets


Parties
Demandeurs : R. L.
Défendeurs : Ste Microtechnic.

Références :

loi n° 606 du 20 juin 1955
loi n° 675 du 5 novembre 1956


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1984-06-28;25989 ?

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