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03/05/1984 | MONACO | N°26008

Monaco | Tribunal de première instance, 3 mai 1984, Caisse Interprofessionnelle de Retraite des Cadres de l'Industrie et assimilés (CIRCIA) c/ Société d'Étude, de Recherche et de Fabrication de produits chimiques (OPOCHIMIE).


Abstract

Droit social

Droits à la retraite des cadres - Convention collective française applicable à Monaco par arrêté ministériel - Avenants à la convention collective n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté ministériel les rendant exécutoires à Monaco - Non-application des avenants en Principauté

Résumé

Les modifications apportées à une convention collective conclue en France, laquelle a été rendue exécutoire en Principauté de Monaco en vertu d'un arrêté ministériel, ne sauraient y être également applicables, à défaut d'accords contractuel

s, le pouvoir réglementaire monégasque n'ayant pas entendu renoncer par avance à exercer son contrô...

Abstract

Droit social

Droits à la retraite des cadres - Convention collective française applicable à Monaco par arrêté ministériel - Avenants à la convention collective n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté ministériel les rendant exécutoires à Monaco - Non-application des avenants en Principauté

Résumé

Les modifications apportées à une convention collective conclue en France, laquelle a été rendue exécutoire en Principauté de Monaco en vertu d'un arrêté ministériel, ne sauraient y être également applicables, à défaut d'accords contractuels, le pouvoir réglementaire monégasque n'ayant pas entendu renoncer par avance à exercer son contrôle sur les modifications ultérieurement apportées en France à cette convention ni à apprécier dès lors l'opportunité de les rendre applicables en Principauté.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il résulte des écritures judiciaires des parties et des pièces produites que la société anonyme monégasque dénommée « L'Opochimie société d'étude, de recherche et de fabrication de produits chimiques » dont l'activité dépend de la convention collective nationale (française) des industries chimiques du 30 décembre 1952, modifiée en particulier par l'accord national du 10 août 1978 ayant institué de nouvelles classifications d'emploi dans les industries chimiques, a procédé à compter du 1er janvier 1979 en application de cet accord au reclassement de ses salariés inscrits au régime de retraite des cadres ;

Qu'à la suite de ce reclassement, il a été attribué à sept de ces salariés un coefficient hiérarchique inférieur au nouveau seuil d'accès minimum à ce régime en sorte que la société l'Opochimie, par lettre du 20 novembre 1979, a fait connaître à l'organisme de retraite auquel ils étaient jusqu'alors affiliés, la caisse interprofessionnelle de retraite des cadres de l'industrie et assimilés (en abrégé CIRCIA), son intention de ne plus cotiser au régime géré par cette caisse, en précisant que ses « collaborateurs ne répondent plus à compter du 1er janvier 1979 aux conditions requises aux fonctions de cadres (... et) sont affiliés et cotisent obligatoirement à l'AGRR-AMRR » (lettre du 8 janvier 1981) ;

Qu'en réponse, la CIRCIA a soutenu que les sept collaborateurs concernés, bien que classés à un coefficient inférieur au seuil d'accès minimum au régime des cadres, doivent demeurer affiliés auprès d'elle en vertu d'une « clause de sauvegarde » instituée par la commission paritaire nationale (créée en application de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947) et ayant précisément pour objet de ne pas remettre en cause l'affiliation de personnes qui ne répondent plus aux conditions prévues par les nouveaux textes, lesquels résultent d'avenants annexés à la convention collective du 14 mars 1947 (avenants A 19 du 28 juin 1966 modifié par l'avenant A 44 du 22 février 1972) qui ont fait l'objet en France, pour chacun d'eux, d'un arrêté interministériel d'agrément ;

Attendu que dans ces conditions, la CIRCIA a fait assigner la société l'Opochimie pour obtenir de cette société la délivrance, sous astreinte, de :

1. - l'état nominatif des salaires depuis le 1er janvier 1979 des salariés précédemment affiliés au régime de retraite des cadres et classés depuis cette date à un coefficient inférieur à 325 ;

2. - l'indication du nombre de personnes classées, à la date du 31 décembre 1978 au moins au coefficient 270, et du nombre de ces personnes classées au 1er janvier 1979 dans chaque nouveau coefficient (225, 235, 250, 275 et 300 ainsi que du nombre d'employés techniciens qui, au 1er janvier 1979, auraient été reclassés à l'une de ces 5 coefficients ;

Qu'elle lui réclame par ailleurs le paiement :

1. - des cotisations dues pour la période du 1er trimestre 1979 au 3e trimestre 1982 évaluées à 20 691,67 F ;

2. - des majorations de retard évaluées à 8 177,14 F ;

3. - de dommages intérêts pour résistance abusive, évalués à 5 000 F ;

Et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Qu'au soutien de sa demande, la CIRCIA expose que le régime de retraite complémentaire des cadres, résultant de la convention collective précitée du 14 mars 1947 signée en France entre le CNPF et les diverses organisations syndicales des cadres, a été rendu applicable de manière obligatoire à Monaco depuis le 1er janvier 1960 par arrêté ministériel du 11 janvier 1961 et que de ce fait, la SAM l'Opochimie se trouve tenue d'appliquer les dispositions réglementaires en vigueur et notamment, aux termes de l'article 3 ibis de cette convention « de respecter toutes dispositions particulières qui seraient prévues par la commission paritaire à l'occasion de l'extension (du bénéfice du régime de retraite), lorsque le caractère propre des entreprises ou organismes concernés par celle-ci rendrait nécessaires des mesures d'adaptation » ;

Qu'elle indique que la commission paritaire instituée par la convention collective a seule compétence pour statuer sur l'application de cette convention « aux participants du régime de retraite des cadres en fonction des différentes classifications professionnelles des branches d'industrie concernées » et qu'elle a décidé que les agents se situant du fait de la nouvelle classification professionnelle, en dessous des nouveaux seuils d'accès au régime des cadres, resteraient néanmoins affiliés à ce régime ;

Attendu que la société l'Opochimie s'oppose à ces diverses demandes en soutenant à titre subsidiaire que la commission paritaire ne dispose pas des pouvoirs lui permettant d'étendre le champ d'application de la convention ;

Qu'à titre principal, elle prétend que les avenants des 28 juin 1966 et 22 février 1979 et la « clause de sauvegarde » qui en résulte ne peuvent lui être appliqués à défaut d'avoir été rendus obligatoires à Monaco par un texte réglementaire spécifique à la Principauté ;

Qu'elle conclut en conséquence au débouté de la CIRCIA et lui réclame reconventionnellement la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Sur quoi,

Attendu qu'il apparaît des écrits judiciaires échangés entre les parties que les demandes de la CIRCIA trouvent leur fondement dans des dispositions particulières prévues par la commission paritaire de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, dispositions que cette commission était habilitée à prendre en vertu d'avenants à la convention collective ayant fait l'objet d'agréments interministériels ;

Attendu qu'il résulte en effet, des avenants et des arrêtés interministériels invoqués - lesquels ont expressément pour effet de rendre obligatoires les dispositions des avenants agréés pour tous les employeurs et travailleurs compris dans le champ d'application professionnel et territorial de la convention collective du 14 mars 1947 - que la commission paritaire a défini certaines catégories de personnels concernées par les dispositions de cette convention collective et agréé certaines classifications professionnelles pour la détermination des bénéficiaires du régime de retraite ;

Attendu cependant qu'il y a lieu de constater qu'alors qu'une procédure d'agrément par voie réglementaire a été mise en œuvre en France pour rendre obligatoires les avenants conclus en 1966 et 1972, aucune disposition similaire n'a été prise à Monaco dans ce dessein où, aux termes de l'article 1er de l'arrêté ministériel n° 61011 du 11 janvier 1961 modifiant l'arrêté ministériel du 24 mai 1960 portant extension de la convention collective de retraite et de prévoyance des cadres, seules « les stipulations de (cette) convention collective, annexées (à cet) arrêté » ont été rendues obligatoires aux employeurs et salariés cadres de la Principauté ;

Qu'il est constant qu'à la date de l'arrêté, les avenants ne pouvaient être compris dans ces « stipulations », lesquelles ne comportaient pas, notamment, les dispositions ayant fait l'objet de l'article 3 bis de la Convention collective, ci-dessus citées par la demanderesse ;

Attendu en conséquence qu'à défaut d'accords conventionnellement conclus entre les parties - selon le droit commun des contrats -, la CIRCIA ne saurait imposer à la société l'Opochimie le respect de textes, - et de décisions pouvant en résulter -, qui n'ont pas été rendus applicables à Monaco et n'y revêtent aucune force obligatoire, étant observé qu'en étendant à la Principauté en 1961 les dispositions de la convention collective française, le pouvoir réglementaire monégasque n'a pas entendu renoncer par avance à exercer son contrôle sur les modifications ultérieurement apportées en France à cette convention ni à apprécier dès lors l'opportunité de les rendre applicables à Monaco ;

Attendu qu'il s'ensuit que la CIRCIA n'est pas fondée à exiger la délivrance des renseignements qu'elle sollicite, ni à réclamer le paiement des cotisations et des majorations de retard relatives aux salariés concernés - dont il n'est pas même allégué au surplus qu'ils aient demandé à être affiliés auprès de cette institution -, leur employeur, la société l'Opochimie n'étant pas tenue de cotiser de leur chef ;

Que par voie de conséquence, la CIRCIA doit également être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu qu'il n'est pas pour autant démontré que cet organisme ait abusivement attrait la société défenderesse devant le tribunal dès lors qu'il apparaît des éléments de la procédure qu'il a pu, en l'absence de toute faute, se méprendre sur l'étendue de ses droits ;

Qu'il y a lieu en conséquence de débouter la société l'Opochimie de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS ;

Le Tribunal ;

Statuant contradictoirement ;

Déboute la CIRCIA de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Déboute la SAM l'Opochimie de sa demande reconventionnelle.

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén ; Mes Clerissi, Boeri av.-déf. ; Charles, av. bar. de Nice ; Lafarge, av. c. app. de Paris.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26008
Date de la décision : 03/05/1984

Analyses

International - Général ; Traités bilatéraux avec la France ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : Caisse Interprofessionnelle de Retraite des Cadres de l'Industrie et assimilés (CIRCIA)
Défendeurs : Société d'Étude, de Recherche et de Fabrication de produits chimiques (OPOCHIMIE).

Références :

arrêté ministériel du 11 janvier 1961
article 1er de l'arrêté ministériel n° 61011 du 11 janvier 1961
arrêté ministériel du 24 mai 1960


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1984-05-03;26008 ?

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