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17/03/1983 | MONACO | N°25935

Monaco | Tribunal de première instance, 17 mars 1983, Dame de M.-T. c/ A. V.


Abstract

Divorce - Compétence

Compétence internationale - Action relative à l'état d'un défendeur étranger (article 4 du Code de Procédure Civile) - Privilège de juridiction du demandeur monégasque - Portée générale de l'article 3, alinéa 2 du Code de Procédure Civile dérogeant à l'article 4 - Irrecevabilité de l'exception d'incompétence

Résumé

Le privilège de juridiction dont bénéficient les personnes de nationalité monégasque en vertu de l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile rend irrecevable l'exception d'incompétence soulevÃ

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Abstract

Divorce - Compétence

Compétence internationale - Action relative à l'état d'un défendeur étranger (article 4 du Code de Procédure Civile) - Privilège de juridiction du demandeur monégasque - Portée générale de l'article 3, alinéa 2 du Code de Procédure Civile dérogeant à l'article 4 - Irrecevabilité de l'exception d'incompétence

Résumé

Le privilège de juridiction dont bénéficient les personnes de nationalité monégasque en vertu de l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile rend irrecevable l'exception d'incompétence soulevée sur le fondement de l'article 4 du même Code, par le défendeur étranger, dans une action en divorce.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que, par l'exploit susvisé P. de M.-T., née le 20 mars 1942 à Nice a fait assigner en divorce A. V., né le 28 janvier 1941 à Charenton-le-Pont (Val de Marne), qu'elle avait, le 25 septembre 1976, épousé à Grilly (Ain), sous le régime de la séparation de biens, aux termes d'un contrat de mariage dressé le 24 septembre 1976 par Depery, notaire à Divonne-les-Bains, et dont elle a eu un enfant né à Paris le 5 février 1979, prénommé A. ;

Que par ledit exploit elle a demandé au Tribunal, préalablement au prononcé du divorce, de statuer sur les mesures provisoires, s'agissant de la garde de l'enfant qu'elle sollicite sous réserve du droit de visite du père, d'une contribution mensuelle de celui-ci aux frais de l'éducation de l'enfant qu'elle entend voir fixer à 7 500 francs, et, enfin, d'une pension alimentaire qu'elle réclame à son mari pour elle-même, d'un montant de 5 000 francs par mois ;

Attendu qu'avant toute contestation au fond, A. V. a conclu le 23 février 1983 à l'incompétence du Tribunal ;

Qu'il a fait valoir à cet égard qu'il est de nationalité française et domicilié [adresse], comme l'indiquent son passeport et sa carte d'identité, et qu'il acquitte dans cette commune, dans laquelle il est inscrit sur les listes électorales, ses factures de gaz et d'électricité ainsi que les primes d'assurances relatives à son habitation, alors, par ailleurs, qu'il verse ses impôts, dans le département de l'Ain au titre tant de ses revenus que de la taxe d'habitation ;

Qu'il estime, en conséquence, en relevant que son épouse connaissait son adresse, car elle l'a fait assigner à Grilly, que c'est en ce lieu que se situe le domicile conjugal devant, selon lui, fonder la compétence territoriale du Tribunal appelé à connaître de la demande en divorce formulée par son épouse ;

Qu'au surplus, il observe que celle-ci est elle-même de nationalité française et a figuré sur une carte d'identité française qui lui a été délivrée le 26 août 1979 par le sous-préfet de Gey, comme domiciliée à Grilly, enfin, que contrairement aux allégations qu'elle formulerait par ailleurs, elle ne saurait soutenir qu'il aurait quitté le domicile conjugal alors, au contraire, que c'est elle-même qui aurait refusé de le suivre à Grilly ;

Attendu qu'en réplique cette demanderesse a sollicité le rejet de l'exception d'incompétence soulevée et conclu à la condamnation de son mari à lui payer 5 000 francs de dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice, ainsi qu'au prononcé immédiat des mesures provisoires susvisées qu'elle a demandées ;

Qu'elle soutient à ces fins,

* d'une part, que le demandeur à l'exception se devait d'indiquer quel serait, selon lui, le Tribunal compétent, et que, faute de l'avoir fait, il ne saurait être admis en son moyen d'incompétence qui serait inopérant et de nature purement dilatoire,

* d'autre part, qu'aux termes des lois françaises récentes les règles de compétence en matière de divorce ont été modifiées, en sorte, en particulier, que le Tribunal compétent pour statuer est celui du lieu où l'époux se trouve avec ses enfants, ce qui conduirait en l'espèce, selon elle, à conférer compétence aux juridictions monégasques,

* par ailleurs, quant à la domiciliation de A. V., que depuis septembre 1979 elle a, avec ce dernier, résidé [adresse], ayant été tous deux locataires de la Caisse de Retraite aux termes d'un bail signé par A. V., que leur fils a fait ses classes de 8e, 7e et 6e au Lycée de Monaco où il se trouve actuellement scolarisé en classe de 5e, que A. V. est résident privilégié monégasque, qu'il a, en octobre 1977, emménagé avec elle dans l'immeuble [adresse] à l'adresse duquel il a fait immatriculer un véhicule, et, que ces divers éléments, établiraient, selon elle, que A. V. était antérieurement domicilié à Monaco, l'habitation de celui-ci à Grilly ne constituant, en définitive, qu'une résidence secondaire,

Sur quoi,

Attendu qu'une demande en divorce, en ce qu'elle touche à la situation familiale des personnes, traduit une action relative à l'état de celles-ci ;

Attendu, à ce propos, qu'aux termes de l'article 4 du Code de Procédure Civile, les Tribunaux de la Principauté ne peuvent connaître des actions relatives à l'état d'un étranger lorsque cet étranger décline leur compétence conformément à l'article 262 du même Code et justifie avoir conservé dans son pays un domicile de droit et de fait devant les juges duquel la demande pourrait être utilement portée ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'A. V. ait la nationalité française ;

Que, par ailleurs, il ressort d'une autorisation pour travailleurs frontaliers délivrée le 28 janvier 1982 sous le numéro 72 993 par le département de justice et de police du canton de Genève, et valable jusqu'au 31 janvier 1983, qu'A. V. était, à la date de l'assignation, employé en qualité de directeur commercial par la société anonyme I.C.M. sise [adresse] ; que cette carte précise que A. V. est domicilié à Grilly ; que cette précision est conforme aux mentions de son passeport français de sa carte d'électeur, d'un avis d'imposition établi selon la convention franco-suisse pour ses revenus de 1981, d'un décompte de salaire établi par son employeur en avril 1982 et de divers autres documents fiscaux versés aux débats ;

Qu'il s'ensuit que A. V. a justifié de la réalité de son domicile actuel à Grilly ;

Mais attendu que l'exception d'incompétence soulevée ne saurait en l'espèce être admise sur le fondement de l'article 4 du Code de Procédure Civile, ce texte ne pouvant faire échec au privilège de juridiction dont P. de M.-T., de nationalité monégasque, bénéficie en vertu du chiffre 2 de l'article 3 de ce même code, tel que cet article résulte de sa modification apportée par la loi n° 911 du 18 juin 1971, dès lors que ledit article, analogue par son contenu à l'article 14 du Code Civil français, revêt nécessairement une portée générale quel que soit le domicile du défendeur, puisqu'en limiter son application au domaine patrimonial, comme sa formulation y apparaît incliner, pourrait obliger les monégasques à exercer à l'étranger des actions en divorce les opposant, comme en l'espèce, à un défendeur étranger, alors que celui-ci, qui ne saurait pourtant jouir de droits civils plus favorables que ceux des nationaux, pourrait en ce cas, exiger de recourir à sa juridiction nationale ;

Que par voie de conséquence, l'article 4 du Code de Procédure Civile ne pouvant, en d'autres termes, être opposé à un monégasque, le privilège, dont bénéficie P. de M.-T., de saisir sa juridiction nationale d'une demande en divorce commande au Tribunal de rejeter l'exception d'incompétence soulevée ;

Attendu par ailleurs, qu'il n'apparaît pas que les parties aient conclu de manière contradictoire sur les mesures provisoires ;

Attendu par ailleurs, qu'il n'apparaît pas que les parties aient conclu de manière contradictoire sur les mesures provisoires ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement.

Se déclare compétent sur la base de l'article 3, 2° du Code de Procédure Civile, pour connaître de la demande en divorce introduite par P. de M.-T. contre A. V. ;

Renvoie la cause et les parties à la date du 24 mars 1983, à laquelle il sera conclu et plaidé sans autre renvoi sur les mesures provisoires ;

Composition

MM. J. Ph. Huertas, près. ; J.F Landwerlin, vice-près. ; V. Garrabos, subst. proc. gén. ; MMe Sanita, av. déf. et Escaut, av. (Barreau de Nice).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25935
Date de la décision : 17/03/1983

Analyses

Civil - Général ; Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps


Parties
Demandeurs : Dame de M.-T.
Défendeurs : A. V.

Références :

article 4 du Code de Procédure Civile
loi n° 911 du 18 juin 1971
article 3, alinéa 2 du Code de Procédure Civile
article 3, 2° du Code de Procédure Civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1983-03-17;25935 ?

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