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13/01/1983 | MONACO | N°25930

Monaco | Tribunal de première instance, 13 janvier 1983, V. c/ Sté Eurostuc et Cie Assurances Générales de France.


Abstract

Accident du travail

1° Accident de trajet : Présomption légale : article 2 alinéa 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 - Preuve contraire : interruption ou détour dans le trajet non rapportée - 2° Défaut de déclaration dans les délais légaux : Non prévu à peine de forclusion - Article 14 - Refus de prise en charge : motif non valable

Résumé

L'accident survenu à un travailleur salarié qui se rend de son lieu de travail à sa résidence et inversement est considéré comme un accident du travail, mais cette qualification se trouve écartée

s'il est établi que la victime ait été détournée de son parcours normal ou qu'elle l'ait inter...

Abstract

Accident du travail

1° Accident de trajet : Présomption légale : article 2 alinéa 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 - Preuve contraire : interruption ou détour dans le trajet non rapportée - 2° Défaut de déclaration dans les délais légaux : Non prévu à peine de forclusion - Article 14 - Refus de prise en charge : motif non valable

Résumé

L'accident survenu à un travailleur salarié qui se rend de son lieu de travail à sa résidence et inversement est considéré comme un accident du travail, mais cette qualification se trouve écartée s'il est établi que la victime ait été détournée de son parcours normal ou qu'elle l'ait interrompu pour un motif étranger à son emploi.

Lorsque les deux moyens de transport successifs utilisés par le salarié pour se rendre de son travail à son domicile et inversement sont justifiés par les nécessités de la vie courante, ils conservent un lien étroit avec l'exercice de la profession et ne constituent pas une interruption de parcours pour un motif étranger à l'emploi.

Le fait pour l'employeur de déclarer un accident du travail 19 jours après sa survenance ne constitue pas pour l'assureur-loi un motif valable de refus de prise en charge.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que le sieur V. a été victime à la date du 10 janvier 1981 d'un accident consistant en une fracture de la main gauche, alors qu'employé au service de la société Eurostuc - dont l'assureur-loi est la Compagnie A.G.F. - il rentrait à son domicile après sa journée de travail ;

Que par suite de sa blessure il était hospitalisé 5 jours à l'hôpital de Vintimille ;

Attendu que la Compagnie A.G.F. refusait cependant de prendre en charge, dans le cadre de la législation sur les accidents du travail, les conséquences pécuniaires de cet accident ; qu'en dépit d'une enquête effectuée le 7 octobre 1981, une Ordonnance de non-conciliation était rendue par le juge chargé des accidents du travail le 17 novembre 1981, autorisant la partie la plus diligente à saisir le Tribunal ;

Attendu que, suivant l'exploit susvisé, le sieur V. assignait la société Eurostuc et la Compagnie A.G.F. aux fins d'entendre dire que l'accident survenu le 10 janvier 1981 est bien un accident du travail, s'entendre condamner la Compagnie A.G.F. - substituant son assurée la Société Eurostuc - à prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident, et voir les parties renvoyées devant le juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande le sieur V. expose qu'après avoir accompli son travail sur le chantier du Parc Saint Roman à Monaco, le samedi 10 janvier 1981, il était raccompagné en voiture par son chef de chantier jusqu'à la gare de Vintimille où il avait laissé sa bicyclette le matin même en venant de son domicile ;

Qu'après avoir posé sa sacoche sur le guidon, il enfourchait aussitôt ladite bicyclette pour rentrer chez lui, mais perdant l'équilibre il tombait sur sa main gauche qu'il se fracturait ;

Attendu que par conclusions en réponse, les défenderesses se sont opposées à cette demande et invoquent à l'appui de leur refus de prise en charge le fait d'une part, que le salarié se soit détourné de son trajet habituel pour des raisons personnelles, et, d'autre part, que les allégations de celui-ci ne soient corroborées par aucun témoignage ;

Qu'enfin, toujours selon les défenderesses, la déclaration d'accident du travail datée du 29 janvier 1981 n'aurait pas été faite dans les délais légaux et serait parvenue à l'assureur-loi deux mois et demi après l'accident ;

Attendu que par d'ultimes conclusions en date du 17 novembre 1982, le demandeur reprenant au principal le bénéfice de son exploit introductif d'instance demande subsidiairement l'autorisation de faire entendre un automobiliste témoin des faits ;

Sur quoi,

Attendu qu'il résulte de l'article 2, alinéa 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 que l'accident survenu à un travailleur salarié qui se rend de son lieu de travail à sa résidence et inversement est considéré comme un accident du travail ; que toutefois, la présomption d'après laquelle l'accident de trajet présente un lien avec le travail se trouve écartée s'il est établi que la victime ait été détournée de son parcours normal ou qu'elle l'ait interrompu pour un motif étranger à son emploi ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment du certificat médical délivré par l'hôpital de Vintimille que le sieur V. a été accidenté le 10 janvier 1981 à 18 heures, et examiné à l'hôpital précité à partir de 18 heures 45 ; que ces éléments, ne sont pas contraires en fait avec la déclaration d'accident du travail, dont il résulte que le demandeur terminait son travail à Monaco à 17 heures 30 ;

Attendu que l'interruption ou le détour dans le trajet ne fait perdre au salarié le bénéfice de la protection légale qu'autant que le comportement de ce dernier démontre qu'il a recouvré en fait une totale indépendance et repris le cours de sa vie privée dégagée de toute préoccupation professionnelle ;

Qu'en l'espèce toutefois, le fait d'avoir changé de véhicule pour rentrer à son domicile n'a nullement constitué une interruption de parcours pour un motif étranger à son emploi ; qu'au contraire, il est constant que parvenu à la gare de Vintimille - que ce soit par le train venant de Monaco où grâce au véhicule de son chef de chantier - il devait se rendre aussitôt à son domicile en bicyclette, ainsi qu'il le faisait tous les jours ;

Que les deux moyens de transport successifs utilisés par le salarié pour se rendre de son travail à son domicile et inversement sont justifiés par les nécessités de la vie courante et conservent un lien étroit avec l'exercice de sa profession ;

Que dès lors, le sieur V. doit en l'espèce bénéficier de la protection légale, l'accident survenu le 10 janvier 1981 étant bien un accident de trajet et devant être considéré, conformément à l'article 1 alinéa 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, comme un accident du travail ;

Attendu enfin que le fait pour l'employeur de déclarer un accident du travail 19 jours après sa survenance ne constitue pas pour l'assureur un motif valable de refus de prise en charge ;

Qu'en effet, le délai fixé par l'article 14 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 n'est pas prévu à peine de forclusion et peut être couvert durant un an à compter de l'accident par une déclaration de la victime, de ses représentants ou ayants droit, soit enfin de l'employeur lui-même ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de dire la Compagnie A.G.F. - substituant son assurée la Société Eurostuc - tenue de prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident du travail, et de renvoyer les parties devant le juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement, :

Déclare que l'accident survenu au sieur V. le 10 janvier 1981 sur le trajet le ramenant de son travail à son domicile constitue un accident du travail et dit qu'il y a lieu pour la Compagnie Assurances Générales de France - substituant la Société Eurostuc - de prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident ;

Déboute le demandeur du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

Renvoie les parties devant le juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Composition

MM. J.-Ph. Huertas, prés. ; J.F. Landwerlin, vice-prés. ; V. Garrabos, subst. proc. gén. ; MMe Boeri, J.-Ch. Marquet, Sangiorgio, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25930
Date de la décision : 13/01/1983

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : V.
Défendeurs : Sté Eurostuc et Cie Assurances Générales de France.

Références :

article 14 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958
article 1 alinéa 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958
article 2 alinéa 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1983-01-13;25930 ?

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