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06/02/1978 | MONACO | N°26609

Monaco | Tribunal de première instance, 6 février 1978, M. J. S. c/ M. H. R.


Abstract

Élections nationales et communales

Conseil National - Réclamation portant sur l'annulation de bulletins multiples, constitués par des listes différentes contenues dans la même enveloppe - Dispositions claires et précises de l'article 47 de la loi n° 839 ne se prêtant point à une interprétation

Résumé

La réclamation des électeurs tend à faire juger par le Tribunal de Première Instance que l'article 47 de la loi n° 839 du 23 février 1968 qui dispose : « sont nuls les bulletins multiples contenus dans la même enveloppe lorsqu'ils sont cons

titués par des listes différentes ; les bulletins multiples ne comptent que pour un seul qua...

Abstract

Élections nationales et communales

Conseil National - Réclamation portant sur l'annulation de bulletins multiples, constitués par des listes différentes contenues dans la même enveloppe - Dispositions claires et précises de l'article 47 de la loi n° 839 ne se prêtant point à une interprétation

Résumé

La réclamation des électeurs tend à faire juger par le Tribunal de Première Instance que l'article 47 de la loi n° 839 du 23 février 1968 qui dispose : « sont nuls les bulletins multiples contenus dans la même enveloppe lorsqu'ils sont constitués par des listes différentes ; les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste ou le même candidat », doit être interprété comme n'interdisant pas à un électeur d'utiliser plusieurs bulletins différents dans la mesure où les noms contenus ne dépassent pas le nombre de postes à pourvoir, alors que l'interprétation restrictive qui en a été faite par le bureau de vote a écarté un nombre important de suffrages clairement exprimés, ce qui a eu pour effet d'abaisser la majorité absolue, le réclamant faisant observer que si référence est faite à la jurisprudence française du Conseil d'État, référence s'autorisant de la similitude des textes en vigueur dans les deux pays, il en ressort que cette juridiction s'est prononcée pour la validité de tels votes.

Or, l'article 47 est parfaitement clair et ne peut, dès lors, donner lieu à cette interprétation de la part du tribunal, qui a pour devoir d'appliquer la loi, sans avoir à faire référence à une jurisprudence étrangère, au demeurant fondée sur un texte rédigé dans une forme différente ; il doit au surplus être relevé d'une part qu'il résulte des travaux préparatoires (Journal de Monaco de 1968, pages 983 et 1016) qu'alors que le rapporteur du projet de loi avait proposé de modifier l'alinéa présenté sous la forme suivante : « sont nuls les bulletins qui, contenus dans une même enveloppe, portent des listes et des noms différents », en suggérant la rédaction nouvelle « sont nuls les bulletins contradictoires ou comportant des mentions contradictoires contenues dans une même enveloppe », le législateur a, en définitive, retenu la rédaction actuelle, dans le dessein d'éviter tout risque d'ambiguïté et, partant, de difficultés, et, d'autre part, que si ce législateur avait entendu prendre en considération l'hypothèse envisagée par le réclamant, il n'aurait pas manqué, dans le souci de clarification qui l'animait, de l'exprimer sous une forme positive dans cet article 47.

D'où il suit que cette réclamation doit être rejetée.

Motifs

Le Tribunal

Attendu, sur la présence à l'audience de M.M. R. et G., que la réclamation déposée par M. S. le 18 janvier 1978 comporte l'alinéa suivant : « Toutefois, dans l'hypothèse où il s'avérait (sic) impossible d'opérer une ventilation entre les bulletins nuls pour la cause sus-indiquée et ceux l'ayant été pour des motifs différents, cela mettrait les Magistrats dans l'impossibilité de procéder à un contrôle normal et, de ce chef, également, l'annulation s'imposerait » ;

Attendu que, à raison de l'ambiguïté de cette rédaction, qui laisse supposer qu'une annulation globale des élections du 15 janvier 1978 pouvait être envisagée, c'est à bon droit que la présente réclamation a été communiquée à l'ensemble des Conseillers Nationaux élus, en sorte que la présence de deux d'entre eux, M.M. H. R. et É. G., ne présente aucun caractère irrégulier ;

Attendu que la requête susvisée tend à faire juger par le tribunal de première instance que l'article 47 de la loi 839 du 23 février 1968 qui dispose : « sont nuls : les bulletins multiples contenus dans la même enveloppe lorsqu'ils sont constitués par des listes différentes ; les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste ou le même candidat », doit être interprété comme n'interdisant pas à un électeur d'utiliser plusieurs bulletins différents dans la mesure où les noms contenus ne dépassent pas le nombre de postes à pourvoir, alors que l'interprétation restrictive qui en a été faite par le bureau de vote a écarté un nombre important de suffrages clairement exprimés, ce qui a eu pour effet d'abaisser la majorité absolue, le réclamant faisant observer que si référence est faite à la jurisprudence française du Conseil d'État, référence s'autorisant de la similitude des textes en vigueur dans les deux pays, il en ressort que cette juridiction s'est prononcée pour la validité de tels votes ;

Attendu que l'article 47 est parfaitement clair et ne peut, dès lors, donner lieu à interprétation de la part du tribunal, qui a pour devoir d'appliquer la loi, sans avoir à faire référence à une jurisprudence étrangère, au demeurant fondée sur un texte rédigé dans une forme différente ; qu'il doit, au surplus, être relevé, d'une part, qu'il résulte des travaux préparatoires (JO Monaco 1968, page 983 et page 1016) qu'alors que le rapporteur du projet de loi avait proposé de modifier l'alinéa présenté sous la forme suivante : « sont nuls les bulletins qui, contenus dans une même enveloppe, portent des listes et des noms différents », en suggérant la rédaction nouvelle « sont nuls les bulletins contradictoires ou comportant des mentions contradictoires contenus dans une même enveloppe », le législateur a, en définitive, retenu la rédaction actuelle, dans le dessein d'éviter tout risque d'ambiguïté et, partant, de difficultés, et, d'autre part, que si ce législateur avait entendu prendre en considération l'hypothèse envisagée par le réclamant, il n'aurait pas manqué, dans le souci de clarification qui l'animait, de l'exprimer sous une forme positive dans cet article 47 ;

D'où il suit que cette réclamation doit être rejetée ;

Audience de la Cour d'appel du 10 mars 1978

La Cour,

Statuant en audience publique après débats en Chambre du Conseil, le 3 mars 1978 ;

Attendu que par lettre adressée le 13 février 1978 au Greffier en Chef, M. J. S. a manifesté son intention d'interjeter appel du jugement du Tribunal de première instance du 6 février 1978, qui a rejeté sa réclamation du 18 janvier contre les opérations électorales du 15 janvier 1978 ;

Qu'il déclare reprendre les motifs énoncés devant les premiers juges, les développe oralement et soutient qu'un certain nombre de suffrages ont, à tort et par une mauvaise interprétation de l'article 47 de la loi n° 839 du 23 février 1968, été déclarés nuls parce qu'ils étaient exprimés au moyen de plusieurs bulletins joints dans la même enveloppe, alors que le scrutin majoritaire de liste permet le panachage ; qu'il invoque, en l'absence de précédent à Monaco, une jurisprudence du Conseil d'État français qui, en présence d'un texte comparable, admet la validité de tels votes dans la mesure où les noms contenus ne dépassent pas le nombre de postes à pourvoir et estime que la prise en considération des 129 bulletins déclarés nuls modifierait la majorité absolue et que ceux qui n'ont pas atteint ce chiffre rectifié devraient voir leur élection annulée ;

Attendu qu'en son écrit du 24 février 1978, le Procureur général soulève, à titre principal, l'irrecevabilité en la forme de l'appel qui n'a pas été interjeté par exploit d'huissier alors que la voie de la requête, autrefois prévue par l'article 53 de la loi du 3 mai 1920, abrogé, n'a pas été reprise par la loi n° 839 qui, ne prescrivant pas de forme particulière pour l'appel, ne peut se référer qu'à la procédure civile de droit commun, c'est-à-dire, en matière contentieuse, l'assignation prescrite par l'article 7 de l'Ordonnance du 21 mai 1909 et par l'article 850 du Code de Procédure Civile, d'ailleurs visé, quant à la procédure à suivre, par l'article 55 de la loi ; qu'il conclut, à titre très subsidiaire, à la confirmation du jugement en reprenant les conclusions écrites déposées par lui devant le Tribunal ;

Attendu qu'en un mémoire du 24 février qu'il reprend verbalement, M. H. R. soutient que l'article 47, parfaitement clair, ne nécessite aucune interprétation ; qu'il conclut à la confirmation du jugement ;

Sur la recevabilité en la forme :

Attendu qu'il est exact, comme le relève le Procureur général, que la loi n° 839 n'a pas repris la disposition de l'article 53 de la loi du 3 mai 1920 prévoyant formellement qu'en matière de contentieux électoral, l'appel était formé par requête et qu'elle n'a pas précisé la forme sous laquelle cet appel devait être interjeté, se bornant à prévoir, en son article 55, 4e alinéa, qu'appel de la décision peut être relevé dans les 10 jours de son prononcé ;

Que si le droit commun en la matière, auquel le Ministère Public préconise de recourir, résulte de l'article 850 du Code de Procédure Civile, lequel prévoit l'assignation en matière contentieuse ou lorsqu'il y a des défendeurs en la cause, la référence indirecte à cet article 850 n'est faite pour l'appel dans le 4e alinéa de l'article 55 par le renvoi aux alinéas qui précèdent, qu'en ce qui touche aux conditions dans lesquelles l'appel est, dans le mois, instruit et jugé ; que le renvoi à l'article 850 n'est donc que partiel, d'autant que les dispositions n'en sont pas toutes applicables au contentieux électoral, notamment la dernière phrase imposant l'intervention d'un avocat-défenseur, puisque les réclamants peuvent comparaître en personne devant la Cour pour présenter leurs observations orales ; que cette dérogation à l'article 15 de l'Ordonnance du 21 mai 1909 s'étend aussi à l'article 7 dont toutes les règles ne sont pas nécessairement observées ;

Qu'il ne peut donc être considéré comme certain, en une matière où le législateur a voulu rendre aisés et peu coûteux les recours, qu'il ait entendu exclure pour l'appel le moyen de la requête ou de la déclaration au Greffe qui se rapproche le plus de la forme très simplifiée du recours en première instance tel que l'organise l'article 53 ;

Attendu, en tout cas, que devant le silence ou l'obscurité de la loi et dans le doute sur l'intention du législateur, que ne peuvent éclairer les travaux préparatoires, muets sur ce point, ce serait faire preuve d'un formalisme excessif que de déclarer irrecevable en appel, faute d'assignation par exploit d'huissier, une réclamation qui avait pu être soulevée, à l'origine, de la manière la plus simplifiée ; qu'il y a donc lieu de déclarer l'appel recevable en la forme ;

Sur le fond :

Attendu que pour qu'un texte nécessite une interprétation, il doit être incomplet ou ambigu, ce qui ne résulte ni de la rédaction même de l'article 47, § 1er de la loi n° 839, ni de l'intention du législateur, que le Tribunal a très exactement relevé dans le compte rendu de la séance au cours de laquelle a été votée cette loi ; que la notion équivoque de « bulletins contradictoires », un moment suggérée par le rapporteur, a été écartée pour laisser place à une rédaction parfaitement claire et de portée générale dès le moment où plusieurs bulletins concernant des listes différentes sont trouvés dans la même enveloppe ;

Attendu que la nécessité d'un bulletin unique résulte encore de l'avant-dernier alinéa de l'article 47 qui, dans l'hypothèse de désignations excédentaires, exclut les derniers noms inscrits au-delà du nombre de candidats à élire, puisque ces derniers noms seraient impossibles à déterminer en présence de bulletins multiples totalisant ensemble plus de dix-huit noms ;

Attendu que devant la précision, littérale et voulue, de l'article 47, il ne saurait être recouru à une interprétation du texte, non plus qu'à la référence à une jurisprudence française intervenue sur un texte non identique et dans des cas d'espèce inconnus, mais où est surtout pris en considération le fait que l'électeur n'avait pas eu l'intention de se faire connaître ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé ;

PAR CES MOTIFS :

Accueille en la forme M. J. S. en son appel mais l'y déclare mal fondé et l'en déboute ;

Confirme le jugement du Tribunal du 6 février 1978 ;

Dit n'y avoir lieu, par application de l'article 82 de la loi n° 839, de statuer sur les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal

Rejette la réclamation présentée le 18 janvier 1978 par Monsieur J. S. ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais par application de l'article 82 de la loi susvisée ;

Composition

MM. François près. ; Zambeaux Proc. Gén. ; Me S. av. déf.

Note

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel du 10 mars 1978, publié à la suite du présent jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26609
Date de la décision : 06/02/1978

Analyses

Élection


Parties
Demandeurs : M. J. S.
Défendeurs : M. H. R.

Références :

article 850 du Code de Procédure Civile
article 47 de la loi n° 839 du 23 février 1968
article 7 de l'Ordonnance du 21 mai 1909
article 15 de l'Ordonnance du 21 mai 1909
article 53 de la loi du 3 mai 1920


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1978-02-06;26609 ?

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