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11/11/1976 | MONACO | N°25841

Monaco | Tribunal de première instance, 11 novembre 1976, Ministre d'État, Administrateur des Domaines et Trésorier Général des Finances c/ Société Project Planning Associates (International) Limited.


Abstract

Vente

Promesse de vente - Caution - Engagement non tenu - Résolution de plein droit (non) - Contrat synallagmatique - Résolution par voie de justice (oui)

Résumé

Lorsqu'une convention portant promesse de vente assortit cette promesse de l'engagement par le bénéficiaire de fournir une caution d'un montant égal au prix de vente dans un délai donné et que cet engagement n'a pas été tenu, la résolution ne peut intervenir de plein droit faute de clause claire et précise prévoyant la résolution en cas de non constitution de caution ; par contre, el

le trouve son fondement dans les dispositions de l'article 1039 du Code Civil, s'agiss...

Abstract

Vente

Promesse de vente - Caution - Engagement non tenu - Résolution de plein droit (non) - Contrat synallagmatique - Résolution par voie de justice (oui)

Résumé

Lorsqu'une convention portant promesse de vente assortit cette promesse de l'engagement par le bénéficiaire de fournir une caution d'un montant égal au prix de vente dans un délai donné et que cet engagement n'a pas été tenu, la résolution ne peut intervenir de plein droit faute de clause claire et précise prévoyant la résolution en cas de non constitution de caution ; par contre, elle trouve son fondement dans les dispositions de l'article 1039 du Code Civil, s'agissant d'un contrat synallagmatique, dans lequel la clause résolutoire est toujours sous-entendue et doit être prononcée par voie de justice.

Motifs

Le Tribunal

Attendu que par exploit en date du 1er mars 1976, les demandeurs, agissant en vertu d'une ordonnance rendue le 26 février 1976 par le Président du Tribunal de première instance de Monaco, qui, sur le fondement de l'article 160 du Code de procédure civile, avait autorisé à assigner à bref délai, ont fait donner assignation à la Société Project Planning Associates (International) Limited, société de droit canadien ayant son siège social à Toronto (Canada) ., ladite Société (ci-dessous désignée par les lettres PPAL) étant citée au Parquet du Procureur Général près la Cour d'appel de Monaco, compte tenu de ce que son domicile était à l'étranger, et cela, en application des dispositions de l'article 150 dudit Code de procédure civile ;

Attendu que copie de cet exploit a été déposée au Parquet Général le même jour et que, conformément aux dispositions de l'article 150 susvisé, l'exploit a produit ses effets du jour de ce dépôt, en sorte que PPAL a été régulièrement cité aux termes du Code de procédure civile, étant observé à titre d'information, que le destinataire a reçu signification le 24 avril 1976 selon un affidavit établi par le sieur L. R. proposé aux significations à Toronto (Ontario) ;

Attendu que PPAL ne comparaît pas et qu'il doit donc être statué par défaut faute de comparaître à son encontre, conformément à l'article 211 du Code de procédure civile ;

A) Exposé des faits :

Attendu que les demandeurs exposent :

« Attendu que dès 1962, une importante entreprise de conquête de terrains sur la mer fût entreprise avec succès dans la Principauté, quartier de Fontvieille ;

Que, courant 1971, le Gouvernement de la Principauté se vit proposer par la Société concessionnaire le rachat desdits terrains.

Que le Gouvernement, de même que le Conseil National de la Principauté, considérant que, financièrement ce rachat ne pouvait avoir lieu qu'à la condition d'une revente immédiate de la partie des terrains qui ne serait pas affectée au Domaine Public pour des fins d'intérêt général, décidaient de lier les deux opérations ;

Que la Société requise prit, dans ces conditions, contact avec le Gouvernement de la Principauté, à l'effet d'acquérir les terrains à bâtir constituant la zone qualifiée de portuaire et partie de la zone qualifiée de résidentielle, le tout figurant sous les lettres D à E 1 sur le plan de l'étude préliminaire d'urbanisme et dit » terre-plein de Fontvieille « et d'une contenance d'environ 50 000 m2 ;

Qu'à la suite de plusieurs conférences entre les parties et de la communication du 16 mars 1973 par le Gouvernement de l'avant-projet du contrat, la signifiée -par lettre du 28 mai 1973 signée de son Président, Monsieur R.-L. T., et remise en mains propres - fit connaître son accord au rachat desdits terrains pour une superficie de 46 000 m2 et au prix de 4 000 francs le m2, et cela, sous diverses autres clauses, charges et conditions précisées dans ladite lettre entre autres, la prise de concession du port de plaisance, étant précisé, particulièrement, qu'à la signature de la promesse cette Société fournirait » une lettre d'engagement firme (sic) donnée par une Société financière ou une banque de premier rang qui va s'engager à vous payer, lors de la signature de l'acte de vente, le montant du prix fixé ci-dessus... « ;

Que le 29 mai 1973, confirmation en anglais était donnée par Monsieur R.-L. T. qui précisait l'identité des diverses Sociétés formant son groupe et les importantes et nombreuses références dont il se prévalait ;

Que, par télex du 4 juin, la Société confirmait son désir de voir accepter son offre et le sérieux de son financement ;

Que par télex du 5 juin, confirmé par lettre du même jour, le Gouvernement Princier, faisait connaître son accord de principe à la proposition d'achat de la requise sous condition toutefois, de l'agrément du Gouvernement sur les groupes financiers avec lesquels il serait appelé à traiter et sur la caution demandée, précisant, enfin, que la signature de la promesse devrait intervenir le 20 ou le 21 juin ;

Que le 8 juin, la requise faisait connaître qu'elle était extrêmement désireuse (most anxious) de réaliser l'opération aussi vite que possible et, le 15 juin, demandait immédiate conférence à cet effet, considérant qu'un accord général avait été atteint (son télex du 20) ;

Qu'en conséquence, le 22 juin 1973, était signé entre l'administrateur adjoint des Domaines - délégué à cet effet - et Monsieur R.-L. T., Président de la Société, se disant régulièrement habilité, un accord consistant en la promesse simultanée de vendre et d'acquérir les terrains sus-désignés au prix déjà convenu de quatre mille francs le mètre carré, plus concession d'exploitation du nouveau port de plaisance, cela sous diverses clauses, charges et conditions, en particulier sous la condition suspensive de la rétrocession au Gouvernement par la S.A.D.I.M. ex-concessionnaire, des terrains, objet de la présente promesse de vente ; ce qui souligne la connaissance que la requise avait de l'intention formelle du Gouvernement de lier l'opération de rachat à l'ex-concessionnaire à l'opération de revente à la requise ;

Que d'autre part, il était expressément stipulé que l'acte d'acquisition serait établi dans le délai d'un mois de la réalisation de ladite condition et que la requise fournissait » à la signature des présentes en garantie de sa promesse, dans les conditions définies par l'acte ci-annexé, une caution du même montant qui sera de plein droit libérée en cas de réalisation de la promesse de vente au fur et à mesure du paiement du prix ou en cas de résolution de ladite promesse.

Qu'en fait, par un échange de lettres du même jour, il était reconnu que cette caution n'avait pas été présentement remise mais il était convenu ce qui est littéralement rapporté ci-après :

« me référant aux dispositions de l'acte de promesse de vente signé en date de ce jour (écrivait la requise comme en prenait ensuite acte le représentant du Gouvernement Princier), j'ai l'honneur de vous faire connaître que la Société que je représente sera associée pour l'acquisition des terrains faisant l'objet de ladite promesse de vente notamment avec Mobil Oil (Department Land Development) basé à Vancouver (Canada). Cet accord fournira au Gouvernement Princier, dans un délai d'un mois maximum, une caution du montant du prix de vente des terrains et de la concession du port ».

Que, le 27 juin 1973, le Conseil National de la Principauté entérinait l'opération dans le cadre strict d'une simultanéité des opérations de rachat et de cession et compte tenu notamment de la puissance financière de Mobil Oil, revendiquée par le Groupe candidat acquéreur ;

Que le 28 juin, le Gouvernement acquérait le terre-plein de Fontvieille et le notifiait le même jour à la requise ;

Que, le 12 juillet 1973, le Gouvernement avait la surprise d'apprendre, par une lettre du 9, de l'un des associés du Groupe de la requise (la firme Hanscombe Partnership) que les discussions entre le Groupe de la requise et Mobil Oil s'étaient terminées de telle sorte que Mobil Oil se refusait à participer au projet ;

Qu'en conséquence, dès le même jour le Gouvernement Princier notifiait à la requise cette situation lui rappelant que le point de la caution « avait toujours été et demeurait un élément fondamental et décisif de notre accord » et que la requise n'avait que jusqu'au 22 juillet 1973 pour y satisfaire.

Que le 24 juillet 1973 à la demande de la défenderesse le Gouvernement Princier acceptait, par lettre de reporter au 31 juillet 1973 ladite date, faute de quoi, la promesse de vente serait résolue de plein droit sans préjudice de tous dommages et intérêts « la caution et la qualité des associés ayant toujours été et demeurant un élément fondamental et décisif de notre accord ».

Que le même jour, accusé de réception de cette lettre était donné par la requise qui en prenait acte et espérait « être en mesure d'apporter avant la date donnée la caution requise », ajoutant « qu'elle pourrait être amenée, en vue d'éviter la résolution de la promesse de vente, à demander un nouveau et court report... » ;

Que, le 30 juillet 1973, la requise reconnaissait qu'elle était dans l'incapacité de remplir son obligation en temps utile et demandait un nouveau report d'un mois ;

Qu'elle déclarait en cette lettre :

« Je suis conscient, ce faisant, que le non respect par Project Planning Associates (International) Limited de cet engagement entraînerait la résolution des actes signés le 22 juin 1973, laissant au seul Gouvernement de Monaco le soin d'apprécier, néanmoins, si cette résolution pourrait être, le cas échéant, reportée en fonction des éléments qui lui auraient été apportés à la date du 31 août 1973 »;

Que, dans un ultime souci de compréhension, et devant l'assurance que le groupe B.P. serait intéressé, le Gouvernement Princier, le 3 août écrivait à la requise, que, tout en réitérant les lettres concernant la réparation du préjudice d'ores et déjà, causé au Gouvernement Princier, le Gouvernement consent, néanmoins à titre exceptionnel et au regard de la période de vacances à reporter au 31 août 1973 la date d'expiration du délai de présentation de la caution qui est exigée par les accords du 22 juin 1973. Je souligne que le non respect de cette obligation à la nouvelle date prévue entraînera, comme vous le reconnaissez vous-même, la résolution de plein droit et sans aucune formalité de tous accords et conventions passés avec la Société Project Planning Associates (International) Limited ;

Que ce n'est que le 30 août que la requise accusait réception de cette lettre et en donnait acte au Gouvernement Princier en sollicitant un nouveau report ;

Qu'un ultime et court report lui fut accordé encore le 5 septembre, dans les mêmes termes et sous les mêmes conclusions, compte tenu de l'entrée dans le groupe de puissantes Sociétés financières ;

Que, cependant, le 21 septembre, le Gouvernement Princier devait rappeler à la requise que la caution n'était toujours pas fournie ;

Que le 10 octobre 1973, la défenderesse, à la grande surprise du Gouvernement Princier, mettait en cause les accords, ce qui lui appelait une très ferme réponse du Gouvernement Princier, dès le 18 octobre ; nouvel et ultime délai lui étant accordé pour le 28 octobre 1973 à minuit ;

Que sous le singulier motif que cette lettre serait obscure - alors qu'il n'en est, fort évidemment rien - la requise attendait le 25 pour proposer une réunion le 28 ;

Que, devant une telle réponse de mauvaise foi à tous ses gestes de compréhension, le Gouvernement Princier ne pouvait que constater, le 29 octobre 1973, l'absence de remise de caution dans le dernier délai imparti et la résolution de la promesse du 22 juin 1973, ce qu'il notifiait à la requise le même jour, tout en réservant ses droits à la réparation pour le préjudice subi ;

Qu'il serait vain de s'attarder sur les télégrammes et lettres de la requise, le 29 octobre et ultérieurement, persistant dans la singulière attitude de méconnaître la réalité des faits, sa carence, en dépit des délais accordés et des mises en demeure du Gouvernement Princier et de la sanction de plein droit de la résolution des accords ;

Attendu ainsi, que la résolution de plein droit de la promesse du 22 juin 1973 résultait en premier lieu du caractère de cause impulsive et déterminante que revêtait la fourniture en temps convenu d'une caution sérieuse, importance soulignée, tout au cours des cinq mois courus depuis la signature des accords, ainsi qu'il appert du rappel des faits auquel il a été ci-dessus procédé ;

Que cette résolution résulte non moins d'un accord formel des parties, en particulier de la lettre du Gouvernement Princier du 24 juillet 1974, et des réponses de la requise en date du même jour et du 30 juillet 1973, comme il a été ci-dessus rappelé ;

Attendu, enfin, que le pouvoir de prononcer la résolution du contrat de vente pour inexécution par l'acheteur est, de droit général, attribut de la Souveraineté de tout État, dès lors que ledit contrat le concerne (rapprocher en droit français la déchéance-résolution L. 15 Floréal an X art. 8 ord. 11 juin 1817 art. 2 et textes subséquents - Encyclopédie Dalloz, droit administratif - Ve Domaine de l'État et des collectivités publiques n° 103 et st.) ;

Attendu qu'en conséquence, ce point étant établi et la résolution étant la conséquence directe et nécessaire de la faute exclusive de la requise, le Gouvernement Princier est fondé à demander réparation du préjudice moral et financier qui lui a ainsi été causé par la carence de la requise et par ses atermoiements.

Attendu que la requise a eu depuis lors largement le temps de déférer à l'amiable à la demande du Gouvernement Princier, mais n'en fit rien ;

Attendu que le Tribunal de première instance de Monaco est compétent, tant en vertu d'une clause expresse d'attribution de compétence (art. 9) que du droit commun ;

Sur les dommages et intérêts

Attendu, d'une part, que la carence de la requise a obligé l'État Monégasque à rechercher un nouvel acquéreur mais que dans les conditions du moment et sous l'empire de la nécessité de procéder rapidement à l'opération, l'État Monégasque a supporté une très importante perte en capital, à laquelle s'ajoutent divers frais d'études et divers exposés ;

Attendu qu'également, l'État Monégasque a supporté une perte financière importante du fait des atermoiements de la requise ;

Attendu que l'État Monégasque a supporté également une perte d'intérêts sur le capital et des coûts de financement ;

Attendu que s'ajoute à ces chefs de préjudice un fort grave préjudice moral  ;

Attendu qu'en conséquence, les demandeurs requièrent qu'il plaise au Tribunal,

* Déclarer leur demande recevable et bien fondée,

* Constater la résolution de plein droit, à la date du 29 octobre 1973, de la promesse du 22 juin 1973 à l'encontre de la Société Project Planning Associates (International) Limited,

* Condamner ladite Société à leur payer la somme de 25 000 000 de francs en réparation du préjudice subi par l'État Monégasque, toutes causes confondues, tant du chef de la résolution que du retard et atermoiements de cette Société,

* Ordonner l'exécution provisoire, vu l'urgence, nonobstant opposition et appel, et sans caution, du jugement à intervenir,

* Condamner la Société défenderesse aux dépens ;

B) Jugement du Tribunal :

Attendu qu'en application de l'article 211 du Code de procédure civile, le Tribunal ne peut adjuger les conclusions des demandeurs que si celles-ci se trouvent justes et bien vérifiées ; qu'il lui appartient donc de rechercher, au vu des pièces communiquées, si les prétentions de ces demandeurs sont justifiées ;

Attendu que ces pièces établissent que le 22 juin 1973, d'une part, l'Administrateur des Domaines-Adjoint, agissant par délégation de l'Administrateur des Domaines, avec l'autorisation de Son Excellence Monsieur le Ministre d'État et de Son Excellence Monsieur le Ministre Plénipotentiaire Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l'Économie, (dénommé dans la suite de l'acte « le Gouvernement » ) et d'autre part le sieur R. L. T., Président de la Société Project Planning Associates (International) Limited, société de droit canadien . à Toronto (Canada), agissant es qualités au nom et pour le compte de cette Société et étant régulièrement habilité à cet effet par les statuts de cette dernière (dénommée dans la suite de l'acte « le Groupe » ) ont signé une convention écrite aux termes de laquelle le Gouvernement Princier promettait de vendre au Groupe qui acceptait, les terrains à bâtir constituant la zone qualifiée de portuaire et partie de la zone qualifiée de résidentielle qui figuraient sous les lettres D et E1, sur les plans de l'étude préliminaire d'urbanisme annexée a cette convention, l'ensemble de ces terrains ayant une superficie minimale de 46 000 mètres carrés ; que le prix de cette vente était fixé à 184 millions de francs, hors taxe, sur la base d'un prix de mètre carré au sol de 4 000 francs et compte tenu des surfaces de planchers constructibles telles qu'elles étaient fixées à l'étude préliminaire d'urbanisme susvisée ;

Attendu qu'en ce qui concerne le paiement de ce prix, l'article 7 de cette convention prévoyait un certain nombre de conditions et comportait la clause suivante, reproduite in extenso : « II (le Groupe) fournit, à la signature des présentes, en garantie de ce paiement, dans les conditions définies par l'acte ci-annexé, une caution du même montant qui sera de plein droit libérée en cas de réalisation de la promesse de vente au fur et à mesure du paiement du prix ou en cas de résolution de ladite promesse » ;

Attendu qu'à cette convention du 22 juin 1973, étaient effectivement jointes deux lettres, échangées entre les parties et notamment une lettre du Ministre d'État adressée au sieur R.-L. T., Président de PPAL, dans laquelle il était mentionné in extenso :

« Vous avez bien voulu me remettre, ce jour, la lettre dont le texte est reproduit ci-après :

Me référant aux dispositions de l'acte de promesse de vente signé en date de ce jour, j'ai l'honneur de vous faire connaître que la Société que je représente sera associée, pour l'acquisition des terrains faisant l'objet de ladite promesse de vente, notamment avec » Mobil Oil « (Département » Land Development « basé à Vancouver, Canada). Cet associé fournira au Gouvernement Princier, dans un délai d'un mois maximum, une caution du montant du prix de vente des terrains et de la concession du port ».

« J'ai l'honneur de prendre acte de votre engagement ».

« Le présent échange de lettres sera joint à ladite promesse de vente et constituera » l'acte ci-annexé « prévu au dernier paragraphe de l'article 7 » ;

Attendu que l'article 9 de cette convention du 22 juin 1973 stipulait enfin : « les différends qui pourront apparaître relativement à l'interprétation et à l'exécution de la présente convention et de celles qui en seront la suite et la conséquence seront de la compétence exclusive des Tribunaux de Monaco. Toutefois, ils ne pourront donner lieu à des recours judiciaires sur le fond qu'après l'échec d'une tentative de règlement amiable, et au plus tôt trois mois après l'apparition de chaque différend ; les parties s'engagent à déployer tous leurs efforts pour parvenir, dans ledit délai de trois mois, à la solution amiable et équitable de leurs différends. »

Attendu que ce contrat, tel qu'il a été rédigé et signé, et tel qu'il est éclairé par l'échange de lettres du 22 juin 1973 entre le Ministre d'État et le Groupe, démontre que l'obligation qui était faite à ce dernier de fournir une caution du montant du prix d'achat, soit 184 millions de francs, constituait une des conditions sine qua non de l'engagement du Gouvernement Monégasque ; qu'en effet, PPAL ne pouvait ignorer, car il avait été mêlé de très près aux transactions poursuivies à ce sujet, que la promesse de vente qui lui était consentie était subordonnée au rachat à la S.A.D.I.M., par l'État Monégasque du terre-plein de Fontvieille ; qu'un tel rachat supposait nécessairement un paiement immédiat puisque S.A.D.I.M. qui avait dépensé des sommes considérables pour réaliser ce terre-plein était en droit, se dépossédant de celui-ci, d'obtenir aussitôt le versement de sa contre-valeur ; que d'autre part, ce rachat exigeait de la part de l'État Monégasque un effort financier considérable et était subordonné à la revente immédiate d'une partie de ce terre-plein ; que l'État Monégasque ne pouvait donc envisager d'encourir un risque quelconque à l'occasion de la réalisation d'une opération d'une ampleur financière exceptionnelle et de ce fait, ne pouvait qu'être intransigeant sur la fourniture de la caution qui garantissait l'équilibre de ladite opération ; qu'ainsi, le délai d'un mois fixé pour la fourniture de cette caution avait un caractère nécessairement impératif, et que seul le Gouvernement Princier avait la faculté, unilatérale, de le prolonger, sans que PPAL puisse prétendre de quelque manière que ce soit, obtenir une telle prorogation ;

Attendu que PPAL ne s'est d'ailleurs jamais mépris sur ce point car, dans une lettre adressée le 30 juillet 1973 au Ministre d'État, le sieur H. qui signait pour le sieur T., Président, écrivait : « Je peux en conséquence indiquer qu'une prolongation d'un mois sera adéquate pour remplir toutes mes obligations. Je suis conscient, ce faisant, que le non-respect par » Project Planning Associates (International) Limited «, de cet engagement entraînerait la résolution des actes signés le 22 juin 1973, laissant au seul Gouvernement de Monaco le soin d'apprécier néanmoins si cette résolution pourrait être, le cas échéant, reportée en fonction des éléments qui lui auraient été apportés à la date du 31 août 1973 » ;

Attendu qu'il résulte des lettres et télex échangés que PPAL n'a pas été en état de produire la caution qu'elle s'était engagée à faire apporter par Mobil Oil, un tel engagement s'analysant juridiquement en une clause de porte-fort, au sens de l'article 975 du Code Civil, et cela, en dépit des différentes prorogations qui lui ont été accordées, unilatéralement, par le Ministre d'État et dont la dernière expirait le 28 octobre à minuit, aucune contestation ne pouvant exister quant à cette date ;

Attendu dès lors que les demandeurs sont fondés dans le principe de leur action tendant à faire constater la résolution de la convention intervenue le 22 juin 1973 ; que cependant, cette résolution ne peut intervenir de plein droit, faute de clause claire et précise prévoyant la résolution en cas de non constitution de la caution, mais trouve son fondement dans les dispositions de l'article 1039 du Code Civil, s'agissant d'un contrat synallagmatique dans lequel la clause résolutoire est toujours sous-entendue et qu'elle doit être prononcée par voie de justice ; qu'il apparaît qu'en l'espèce PPAL n'a point satisfait à son engagement et que la résolution demandée doit donc être admise ;

Attendu que le Tribunal de première instance de Monaco est compétent ratione loci pour connaître de cette demande, tant par application de la clause d'attribution de compétence figurant dans l'article 9 de la convention du 12 juin 1973 qu'en vertu des dispositions de l'article 3, chiffre 1er et 2e du Code de procédure civile : « actions ayant pour objet des immeubles situés dans la Principauté » et « actions fondées sur des obligations qui sont nées ou doivent être exécutées dans la Principauté » ;

Attendu que le délai de trois mois prévu par l'article 9 afin de rechercher une conciliation entre les parties est largement dépassé, puisqu'il devait prendre pour point de départ l'apparition du différend et qu'en l'espèce, ce point de départ se serait emplacé, au plus tard le 28 octobre 1973 à minuit ;

Attendu sur les dommages-intérêts évalués à 25 000 000 de francs par les demandeurs, qu'il résulte des pièces communiquées que l'État Monégasque, se fondant sur l'engagement de PPAL, a racheté le terre-plein à SADIM pour le prix de 436 millions de francs, somme sur laquelle 188 millions de francs devaient être versés immédiatement à ladite SADIM ; que cependant la carence de PPAL l'a contraint à rechercher un autre acquéreur avec qui il n'a traité que le 22 novembre 1974, et à des conditions nettement plus onéreuses puisque pour un prix identique de 184 millions de francs il devait lui céder une surface plus importante, 185 500 mètres carrés au lieu de 175 000 mètres carrés et que ce prix était payable sur plus de quatre ans, au lieu de 40 % à la signature et 60 % dès autorisation de construire, étant ajouté que la concession du port était chiffrée à 33 millions de francs au lieu de 50 millions ;

Attendu qu'en l'état de ces considérations financières, il apparaît que l'évaluation du préjudice faite par les demandeurs doit être admise, le Tribunal ayant des éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 25 millions de francs le montant de ce préjudice ;

Attendu que l'exécution provisoire doit être ordonnée sans caution, l'urgence tenant à l'obligation dans laquelle se trouve l'État d'assurer la sauvegarde des deniers publics ;

Attendu que, la cause étant juste et bien vérifiée, il y a lieu de faire droit à la demande dirigée contre PPAL ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant par défaut faute de comparaître à l'encontre de la Société Project Planning Associates (International) Limited ;

Prononce la résolution à compter du 29 octobre 1973 de la promesse de vente signée le 22 juin 1973, aux torts exclusifs de la Société Project Planning Associates (International) Limited ;

Condamne cette dernière à payer aux demandeurs es qualités la somme de vingt-cinq millions de francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'État, tant du chef de la résolution que des retards et

Ordonne l'exécution provisoire.

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquet av. déf. et Jeantet (du barreau de Paris) av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25841
Date de la décision : 11/11/1976

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de vente


Parties
Demandeurs : Ministre d'État, Administrateur des Domaines et Trésorier Général des Finances
Défendeurs : Société Project Planning Associates (International) Limited.

Références :

article 160 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 211 du Code de procédure civile
article 975 du Code Civil
article 1039 du Code Civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1976-11-11;25841 ?

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