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23/07/1976 | MONACO | N°25834

Monaco | Tribunal de première instance, 23 juillet 1976, Dame B. c/ S.C.I. Sambeau et S.A.M. Entreprises J. B. P. et Fils.


Abstract

Codes

Code civil - Édition usuelle - Vice caché - Erreur matérielle

Garanties

Vice caché - Immeubles anciens ou neufs - Appréciation différente

Résumé

L'article 1483 du Code Civil vise bien la garantie de vice caché et non pas celle de tous les vices apparents ou cachés ainsi que pouvait le laisser supposer une regrettable erreur matérielle figurant dans le Code Civil tel qu'imprimé par le Jurisclasseur.

En matière de garantie de vice caché, une différence fondamentale doit être faite entre les immeubles neufs et les imm

eubles anciens ; si, dans ce dernier cas, il est normal qu'en fonction du temps écoulé, certains troubles...

Abstract

Codes

Code civil - Édition usuelle - Vice caché - Erreur matérielle

Garanties

Vice caché - Immeubles anciens ou neufs - Appréciation différente

Résumé

L'article 1483 du Code Civil vise bien la garantie de vice caché et non pas celle de tous les vices apparents ou cachés ainsi que pouvait le laisser supposer une regrettable erreur matérielle figurant dans le Code Civil tel qu'imprimé par le Jurisclasseur.

En matière de garantie de vice caché, une différence fondamentale doit être faite entre les immeubles neufs et les immeubles anciens ; si, dans ce dernier cas, il est normal qu'en fonction du temps écoulé, certains troubles se manifestent comme conséquence du vieillissement de l'immeuble, à laquelle l'acheteur peut s'attendre, en revanche, dans le cas d'une construction neuve, l'acheteur est en droit d'obtenir la livraison de locaux dans un parfait état de finition et d'espérer que ce parfait état durera plusieurs années.

Motifs

Le Tribunal

Attendu que dame H. A. épouse B. a acquis le 11 mars 1968, suivant acte Rey, notaire, un appartement sis au dixième étage de l'immeuble ., qui lui avait été vendu par la société civile particulière monégasque Sambeau et la société anonyme monégasque société des Entreprises J. B. P. et Fils ; que faisant état de diverses malfaçons qu'elle avait fait constater par exploit Marquet du 5 juin 1972, elle a obtenu, par demande de référé du 3 janvier 1973, la désignation du sieur Ancona, en qualité d'expert, avec mission de décrire les malfaçons relevées sur les plafonds, cloisons et toutes parties des pièces de cet appartement, de dire les causes de ces malfaçons, de décrire les travaux nécessaires à la remise en état et d'en évaluer le coût et d'évaluer éventuellement le préjudice subi par dame B.,

Attendu que l'expert a déposé son rapport le 29 novembre 1973 et que, par l'exploit susvisé du 29 mai 1974, dame B. a assigné la société Sambeau et la société des Entreprises J. B. P. et Fils, aux fins d'homologation dudit rapport et de condamnation, conjointe et solidaire des défenderesses, au paiement, d'une part, de la somme de 9 118,59 francs montant des travaux de remise en état, tels qu'évalués par l'expert et, d'autre part, de la somme de 36 000 francs représentant le trouble de jouissance subi durant soixante mois, sur la base de 500 francs par mois, à titre de dommages-intérêts, sous réserve de réclamer ultérieurement réparation du trouble de jouissance qu'elle subira pendant les travaux de remise en état de l'appartement ;

Attendu que les deux défenderesses ont, dans un premier temps et aux termes de conclusions communes déposées sous la signature de Maître Clerissi qui avait comparu, devant le juge des référés en déclarant que l'U.A.P., assureur de ces deux sociétés, ne déniant pas la garantie contractuelle, conclut à l'irrecevabilité et, en tous cas, au mal fondé de cette demande, motif pris de ce que dame B., qui fondait apparemment son action sur les articles 1630 et 2090 du Code Civil, demandait réparation de troubles qui n'étaient pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage, ni à mettre celui-ci en péril ni n'ayant rendu l'immeuble impropre à sa destination ;

Attendu que dans ses conclusions du 13 mars 1975, dame B. précisait qu'elle entendait invoquer la garantie du vice caché due par le vendeur à l'acheteur, aux termes des articles 1483 et 1485 du Code Civil, et subsidiairement, se fonder sur les articles 1630 et 2090 du Code Civil ;

Attendu que la société civile immobilière Sambeau a conclu, le 12 novembre 1975, par l'intermédiaire de Maître Boisson, qui s'était constitué aux lieu et place de Maître Clerissi le 3 juillet précédent, que l'article 1483 était inapplicable en l'espèce car ce texte qui s'applique aussi bien aux vices apparents qu'aux vices cachés, ne lui permettait pas de rechercher la garantie de ces venderesses dame B. ayant, aux termes du contrat de vente, pris les parties d'immeuble dans l'état de fait où elles se trouvaient actuellement, et ayant déclaré les avoir vues et trouvées à son entier agrément sans aucune exception ni réserve ;

Attendu que la société P., de son côté, a conclu, le 10 mars 1976, par Maître Clerissi, que les articles 1483 et 1485 imposaient des conditions, savoir que la chose fût impropre à l'usage auquel elle était destinée ou dans un état qui diminuait tellement son usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il en avait connu l'existence, conditions qui ne sont pas remplies en l'espèce car les désordres constatés par l'expert Ancona sont de caractère mineur et ne constituent pas des vices rédhibitoires ; que, subsidiairement, elle conteste que les articles 1630 et 2090 du Code Civil soient applicables en l'espèce, la garantie décennale de l'entrepreneur ne pouvant être invoquée que si la solidité de l'immeuble est mise en cause ou que si celui-ci est mis en péril ;

Attendu que dame B. ayant maintenu sa demande dans ses conclusions du 2 juin 1976, en s'en prenant à la compagnie l'U.A.P. qui n'est pas aux débats, la société Sambeau, a répondu, le 28 juin 1976, en reprenant, en droit, les moyens développés par la société P. le 10 mars 1976 et que la société P., dans d'ultimes conclusions du 2 juillet 1976, conteste essentiellement la faculté pour dame B. de réclamer paiement d'une indemnité pour troubles de jouissance, aucune preuve n'étant rapportée de l'existence d'un tel trouble ;

Attendu qu'au plan juridique, il résulte des conclusions ci-dessus analysées que la demanderesse fonde son action sur la garantie du vice caché due par ses vendeurs, aux termes des articles 1483 et 1485 du Code Civil, devant être précisé que l'article 1483 vise bien la garantie du vice caché et non pas de tous les vices apparents ou cachés, ainsi que pouvait le laisser supposer une regrettable erreur matérielle figurant dans le Code Civil tel qu'imprimé par le Jurisclasseur, erreur qui doit vraisemblablement être à l'origine des conclusions prises par la société Sambeau, le 12 novembre 1975 ;

Attendu que si cet article apparaît rédigé dans des termes restrictifs, dans la mesure notamment où il impose que le défaut ou le vice rende la chose impropre à l'usage auquel on la destine ou diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un prix bien inférieur s'il en avait connu l'existence, il ne doit cependant pas être considéré que la garantie du vice caché ne peut s'appliquer, en matière d'immeuble, que dans la mesure où celui-ci est devenu inhabitable, ainsi que le soutiennent les défenderesses, en se fondant d'ailleurs sur une jurisprudence ancienne ; qu'en effet, une différence fondamentale doit être faite entre les immeubles neufs et les immeubles de construction relativement ancienne ; que si, en effet, dans ce dernier cas, il est normal qu'en fonction du temps écoulé, certains troubles se manifestent comme conséquence du vieillissement de l'immeuble, que l'acheteur a nécessairement connu et auxquels il doit s'attendre, en revanche, dans le cas d'une construction neuve, ce qui est celui de l'espèce, l'acheteur est en droit d'obtenir la livraison de locaux dans un parfait état de finition et d'espérer que ce parfait état durera plusieurs années, car il est évident que c'est le motif essentiel pour lequel l'acheteur porte son choix sur une construction neuve plutôt que sur une construction ancienne devant être observé que le prix de la construction neuve qui est bien plus élevé que celui de la construction ancienne correspond à une garantie du vendeur différente et plus importante dans le premier cas que dans le second ;

Attendu qu'en l'espèce, il apparaît que l'appartement a été acheté le 11 mars 1968 et que le constat Marquet qui a officialisé les troubles dont se plaignait dame B. est du 5 juin 1972 ; qu'il doit être admis que, s'agissant d'une construction neuve, pour laquelle les troubles n'ont pu apparaître immédiatement, l'action a été intentée dans un délai normal, l'article 1490 étant inapplicable en matière immobilière ;

Attendu que l'expert Ancona, aux termes d'un rapport clair et bien rédigé, a démontré que les désordres dont s'agit constituaient des vices cachés car ils ont été la conséquence directe du choix des matériaux et de leur mise en œuvre défectueuse, facilitée par les contraintes dues au tassement différentiel de tout le bâtiment au moment de sa mise en charge définitive, ledit tassement n'ayant à l'évidence pu se produire qu'un certain temps après l'entrée dans les lieux de dame B. ;

Attendu qu'il apparaît donc que les frais de remise en état, relativement modestes et fixés par l'expert à 9 118,59 francs, frais qui ne sont d'ailleurs discutés par aucune des parties en cause, doivent être alloués à dame B., qui est en droit de se prévaloir de la garantie du vice caché ;

Attendu en ce qui concerne la privation de jouissance, que les dégâts constatés sont, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'une faible importance et n'ont pas un caractère de gravité justifiant la demande de dame B. ; que compte-tenu des éléments d'appréciation suffisants dont le Tribunal dispose, ce chef de préjudice doit être chiffré à la somme de 5 000 francs ;

Attendu que les deux sociétés qui, en leur qualité de co-venderesses sont toutes deux tenues de la garantie des vices cachés doivent être condamnées solidairement au paiement de ces sommes ainsi qu'aux dépens, en l'état de leur succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Homologue le rapport de l'expert Ancona, déposé le 29 novembre 1973,

Condamne la Société civile particulière monégasque dénommée « Société civile immobilière Sambeau » et la Société anonyme monégasque dénommée « Société des Entreprises J. B. P. et Fils », solidairement à payer à dame H. A. épouse B. la somme de neuf mille cent dix-huit francs cinquante neuf centimes (9 118,59 F), montant des frais de remise en état de son appartement et celle de cinq mille francs (5 000 F) à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance ;

Condamne les deux sociétés défenderesses solidairement aux dépens qui comprendront notamment les frais de la procédure de référé et de l'expert Ancona ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita, Boisson et Clerissi av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25834
Date de la décision : 23/07/1976

Analyses

Contrat - Formation ; Vente d'immeuble


Parties
Demandeurs : Dame B.
Défendeurs : S.C.I. Sambeau et S.A.M. Entreprises J. B. P. et Fils.

Références :

article 1483 du Code Civil
articles 1630 et 2090 du Code Civil
articles 1483 et 1485 du Code Civil
Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1976-07-23;25834 ?

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