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05/12/1974 | MONACO | N°25737

Monaco | Tribunal de première instance, 5 décembre 1974, Cie U.A.P. et consorts O. B. c/ S.A.M. Consortium Méditerranéen de Parfumerie et Cie Le Continent.


Abstract

Responsabilité civile

Incendie - Locataire - Présomption de responsabilité - Limites

Résumé

La présomption de responsabilité mise à la charge du locataire, en cas d'incendie, dans ses relations contractuelles avec le propriétaire, par l'article 573 du Code civil ne peut toutefois être invoquée contre le locataire que dans la mesure où celui-ci a la jouissance exclusive des lieux, la présence dans ceux-ci, hors le cas où cette présence constituerait une faute contractuelle, de personnes dont il n'a pas à assumer la responsabilité ne permetta

nt plus de présumer que le locataire doit être tenu pour seul responsable de cet incendi...

Abstract

Responsabilité civile

Incendie - Locataire - Présomption de responsabilité - Limites

Résumé

La présomption de responsabilité mise à la charge du locataire, en cas d'incendie, dans ses relations contractuelles avec le propriétaire, par l'article 573 du Code civil ne peut toutefois être invoquée contre le locataire que dans la mesure où celui-ci a la jouissance exclusive des lieux, la présence dans ceux-ci, hors le cas où cette présence constituerait une faute contractuelle, de personnes dont il n'a pas à assumer la responsabilité ne permettant plus de présumer que le locataire doit être tenu pour seul responsable de cet incendie.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par acte sous seing privé en date à Monaco du 17 mars 1969, « les hoirs O. B. demeurant à . représentés par Monsieur M. O. B. » ont donné « à loyer » à la S.A.M. Consortium Méditerranéen de Parfumerie (ci-dessous CMP) dans un bâtiment dont les hoirs O. B. sont propriétaires et dont la Laiterie Moderne de Monaco est locataire principale,

a) une partie de local située au premier sous-sol de ce bâtiment, avec accès routier direct ;

b) une partie de local située au deuxième sous-sol du même bâtiment, avec accès routier direct par un chemin en pente ;

Attendu que la Laiterie Moderne, désireuse de surélever le bâtiment dont s'agit, obtenait de CMP à une date non précisée, que cette société quittât provisoirement les lieux, mettant à sa disposition un local sis à Beausoleil ; que par lettre du 28 juillet 1971 adressée à O. B., Laiterie Moderne, CMP indiquait qu'elle avait libéré définitivement ce local à la fin juin et que depuis le 1er juillet il occupait désormais uniquement le deuxième sous-sol du local ;

Attendu que le 14 septembre 1971, vers midi, un incendie se déclarait dans ce deuxième sous-sol et causait d'importants dégâts ; qu'une enquête de police était effectuée par la Direction de la Sûreté Publique, qui concluait qu' « en l'absence de tout élément laissant supposer un geste criminel ou une défectuosité de l'installation électrique pouvant être la cause du feu, il semble qu'il s'agisse ici d'un incendie accidentel, pouvant être attribué à la négligence ou à l'inattention d'un des membres des entreprises œuvrant à la Laiterie Moderne de Monaco » ;

Attendu que le 7 juin 1972, la Société Union des Assurances de Paris, incendie-accident versait à O. B. une somme de 146 418,90 F en règlement du préjudice que la Laiterie de Monaco avait éprouvé à la suite de cet incendie ;

Attendu que par l'exploit susvisé l'Union des Assurances de Paris, la dame C. T. Veuve O. B. et M. O. B., ces deux derniers copropriétaires unis d'intérêts ont assigné CMP et la Société anonyme française le Continent, assureur de cette dernière, aux fins de condamnation au paiement de la somme de 234 166,83 F, représentant le préjudice à eux causé par le sinistre susvisé ;

Attendu que les demandeurs fondent leur action sur l'article 1573 du Code civil, aux termes duquel le locataire « répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou de force majeure ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine » ; qu'ils estiment que CMP doit, en l'état de cette disposition légale et compte tenu du fait qu'il ne peut être contesté que l'incendie ait effectivement pris naissance dans le deuxième sous-sol dont CMP était locataire, les dédommager du préjudice qu'ils ont subi en la circonstance ;

Attendu que les défendeurs, qui admettent être toujours liés à la Laiterie de Monaco par le bail du 17 mars 1969, encore que leur occupation se soit réduite à l'unique deuxième sous-sol et que les lettres adressées à leur propriétaire les 28 juillet et 10 septembre 1971, et la réponse de celui-ci le 13 septembre fassent état d'un nouveau bail, ne contestent pas que la présomption édictée par l'article 1573 leur soit en principe applicable, mais estiment que celui-ci ne doit pas jouer en l'espèce ; qu'ils fondent leur défense sur deux moyens :

* qu'ils estiment tout d'abord que la preuve est établie que l'incendie est arrivé par un cas fortuit ou de force majeure ;

* qu'ils s'appuient en outre sur la théorie jurisprudentielle française de la co-occupation du local, par le propriétaire et le locataire, ladite co-occupation, qui interdit au propriétaire de se prévaloir des dispositions de l'article 1573 résultant :

* d'une part, des termes mêmes du bail du 17 mars 1969, dont une clause admet que la Laiterie de Monaco conserve, à tout moment et sans autorisation préalable, un droit d'accès à un puits et à un appareil de stérilisation situé dans le local litigieux ;

* d'autre part, de la situation de fait consécutive à l'exécution de travaux de surélévation effectués sous la responsabilité du bailleur, la présence d'ouvriers dépendant de cette dernière et amenés à exercer leur activité dans le 2e sous-sol, devant être considérée aux termes d'une jurisprudence française dont CMP se prévaut, comme une véritable co-occupation ;

Que la Société Le Continent s'estime dès lors fondée à former une demande reconventionnelle, comme étant subrogée à CMP son assuré et à obtenir paiement de la somme de 238 543,62 F montant de l'indemnité par elle versée à CMP à la suite du sinistre du 14 septembre 1971 ;

Attendu que l'article 1573 met à la charge du locataire dans ses relations contractuelles avec le propriétaire, en cas d'incendie, une présomption de responsabilité fondée sur l'obligation qui lui est faite de conserver les lieux loués en bon état et de les restituer en cet état en fin de bail ; que de cet article doit être déduit le principe que tout incendie prenant naissance dans ces lieux est présumé être dû au fait du locataire ou des personnes occupant les lieux avec lui et dont il assume la responsabilité, et que ce locataire ne peut s'exonérer que s'il rapporte la preuve de l'un des cas limitativement prévus par ce texte ; que cette présomption ne peut toutefois être invoquée contre le locataire que dans la mesure où celui-ci a la jouissance exclusive des lieux, la présence dans ceux-ci, hors le cas où cette présence constituerait une faute contractuelle, de personnes dont il n'a pas à assumer la responsabilité, ne permettant plus de présumer que le locataire doit être tenu pour seul responsable de cet incendie ;

Attendu qu'en l'espèce, l'enquête de police susvisée a établi que, postérieurement à la date où CMP a repris possession du local du deuxième sous-sol, des travaux consécutifs à la surélévation de l'immeuble et effectués à l'initiative et sous la responsabilité des hoirs O. B. (déclaration O. B. P.V. 967/J du 16 septembre 1971), ont eu lieu dans ce local ; que le conducteur de travaux C. D. a déclaré (P.V. 967/2 du 15 septembre 1971) que dans la matinée du 14 septembre 1971 l'ouvrier G. V., a travaillé dans le deuxième sous-sol, afin de nettoyer les canalisations d'égout ;

Que l'aide boiseur G. M. a déclaré (P.V. 967/7 du 16 septembre 1967) qu'il avait travaillé au 2e sous-sol, de 7 h 45 à 10 h, que l'ouvrier H. était venu un moment pour parler avec un ouvrier d'une entreprise différente s'occupant des ascenseurs puis était remonté aussitôt et que l'ouvrier A. R. était venu un petit moment, pendant qu'il cassait la croûte, mais était remonté tout de suite ; que le manœuvre H. a déclaré (P.V. 967/8 du 16 septembre 1967) avoir aidé G. à la demande de C. à nettoyer la canalisation d'égout et cela, pendant cinq à dix minutes ; que R.-S. a confirmé (P.V. 967/6 du 16 septembre 1967) avoir aidé son camarade M. G. pendant la pose « casse croûte » ; que d'autre part, le réparateur en ascenseur M. R. a déclaré avoir procédé à un réglage général, ce travail, commencé à 7 h 30 et terminé à 11 h 45, l'ayant amené à se rendre à plusieurs reprises au 2e sous-sol (P.V. 967/27 du 20 septembre 1971) ;

Attendu que cette enquête a établi qu'au moins 4 ouvriers, appartenant à deux corps de métier différents, et qui n'étaient pas sous la dépendance juridique de CMP, mais sous celle des hoirs O. B., ont eu accès, le jour de l'incendie, dans le local du deuxième sous-sol où cet incendie s'est déclaré ; qu'il est ainsi démontré que CMP n'avait pas, dans la matinée du 14 septembre 1971, la jouissance exclusive dudit local, et cela sans qu'aucune faute contractuelle puisse lui être reprochée quant à la présence de ces ouvriers qui travaillaient pour le compte du bailleur et sans que puisse être davantage alléguée une éventuelle acceptation des risques de la part de CMP, les hoirs O. B. n'établissant pas que leur locataire avait en reprenant possession du local, admis que la présomption tirée de l'article 1573 devaient peser sur elle seule en dépit de la présence de ces ouvriers ; que dès lors l'article 1573 ne saurait en l'espèce, être invoqué à l'encontre de CMP ;

Attendu dès lors que les demandeurs qui fondent exclusivement leur action sur cet article doivent être déboutés de leurs demandes, fins et conclusions ;

Attendu sur la demande reconventionnelle de la Société Le Continent que celle-ci ne précise pas le fondement juridique de son action ; qu'en particulier elle n'invoque aucune faute imputable au propriétaire ou aux personnes dont celui-ci doit répondre ; qu'elle doit donc être déboutée de sa demande ;

Attendu que chacune des parties succombant dans ses prétentions doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Déboute les consorts O. B. et l'Union des Assurances de Paris d'une part, et la Compagnie Le Continent, d'autre part, de leurs demandes, fins et conclusions ;

Fait masse des dépens, les partage par moitié entre chacune des parties distraits au profit de Maîtres Marquet et Boéri, chacun en ce qui le concerne sous sa due affirmation ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MM. Marquet, Boéri av. déf., Capponi (du barreau de Nice) av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25737
Date de la décision : 05/12/1974

Analyses

Contrat - Général ; Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle


Parties
Demandeurs : Cie U.A.P. et consorts O. B.
Défendeurs : S.A.M. Consortium Méditerranéen de Parfumerie et Cie Le Continent.

Références :

article 1573 du Code civil
article 573 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1974-12-05;25737 ?

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