La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/1974 | MONACO | N°25732

Monaco | Tribunal de première instance, 31 octobre 1974, M. c/ dame S.


Abstract

Contrats et obligations

Vices du consentement - Antériorité par rapport à la signature de l'acte - Nécessité - Clauses claires et précises - Interprétation (non)

Résumé

L'erreur comme le dol ne peuvent entacher de nullité une convention que s'ils précèdent la signature de cette convention.

Des clauses claires et précises d'une convention ne peuvent donner lieu à interprétation.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par acte sous seing privé du 31 octobre 1973, la dame S., locataire commerciale de dame C., a cédé au s

ieur M., fabricant-bijoutier, son droit au bail, à usage exclusif d'imprimerie, portant sur un local sis . ; que c...

Abstract

Contrats et obligations

Vices du consentement - Antériorité par rapport à la signature de l'acte - Nécessité - Clauses claires et précises - Interprétation (non)

Résumé

L'erreur comme le dol ne peuvent entacher de nullité une convention que s'ils précèdent la signature de cette convention.

Des clauses claires et précises d'une convention ne peuvent donner lieu à interprétation.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par acte sous seing privé du 31 octobre 1973, la dame S., locataire commerciale de dame C., a cédé au sieur M., fabricant-bijoutier, son droit au bail, à usage exclusif d'imprimerie, portant sur un local sis . ; que cette cession était consentie au prix de 150 000 F dont 50 000 F payable comptant, le solde devant être réglé en dix versements mensuels égaux ;

Attendu que M., qui soutient n'avoir acquis ce bail que parce que dame S. affirmait avoir obtenu l'agrément de dame C. au changement de l'objet du bail, en vue de l'exploitation du commerce de fabricant bijoutier, et, à la suite du retard de dame S. à rapporter cet accord écrit, a mis en demeure celle-ci par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 avril 1974, de restituer la somme de 100 000 F versée par lui ; qu'en l'état des conditions posées par son cédant à la restitution de cette somme, M. a, par l'exploit susvisé, assigné dame S. et, en tant que de besoin son époux, pour :

* s'entendre prononcer la nullité de la convention passée le 31 octobre 1973, pour cause d'erreur ou de dol ;

* subsidiairement s'entendre la dame S. condamner à respecter sa promesse unilatérale de restitution faite par lettre du 15 mars 1974 dans laquelle elle précisait notamment : « la somme versée à ce jour, soit 90 000 F, est à votre disposition en cas d'annulation de votre accord si vous en exprimez le désir » ;

* s'entendre en toute hypothèse, condamner dame S. à lui restituer la somme de 100 000 F sous astreinte non comminatoire de 500 F par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, assorti du bénéfice de l'exécution provisoire ;

* s'entendre condamner la dame S. au paiement de la somme de 25 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices de toute nature subis par lui ;

Attendu que, dans ses conclusions du 10 juillet 1974, M. sollicite en outre, très subsidiairement, la comparution personnelle des parties et notamment du sieur S. ;

Attendu que les défenseurs concluent, à la mise hors de cause du sieur S., au déboutement du demandeur et forment une demande reconventionnelle tendant au paiement des sommes suivantes :

* 50 307,50 F, outre les intérêts de retard, au titre des billets à ordre impayés, sous réserve du billet à ordre de 2 505 F à échoir le 1er octobre 1974,

* 8 400 F, représentant les loyers et charges pour la période du 1er novembre 1973 au 31 décembre 1974 ;

* 25 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* 2 315,61 F, montant des consommations d'eau et d'électricité ;

Attendu que préalablement à tout examen au fond, il échoit de statuer sur la mise en cause du sieur S. qu'il ressort des documents versés au débat que le sieur S. n'a été partie, ni au bail commercial original du 23 février 1970, ni à la cession dudit bail en faveur du sieur M., le 31 octobre 1973 ; que la seule mention « Bon pour autorisation maritale » portée de sa main au bas de ce dernier acte ne peut être interprétée comme une participation quelconque de sa part audit acte, alors que, les époux S. étant mariés sous le régime de la séparation de biens, cette mention est superfétatoire ; que même si S. a pu conjuguer ses efforts à ceux de sa femme pour la bonne fin de la convention, il apparaît que cette aide est demeurée occasionnelle et que lui-même, qui a toujours adressé sa correspondance à dame S., considérait bien celle-ci comme la seule partie au contrat ; qu'au surplus, les demandes formulées par M., dans son exploit introductif d'instance, ne visent que dame S. ; qu'enfin, le demandeur ne saurait justifier l'appel en cause de S. par le fait que « la procédure de comparution personnelle sollicitée ne pourrait être tenue devenant sans objet à l'égard de dame S. qui n'a rien connu des circonstances litigieuses » car la demande de comparution personnelle de S. serait le seul fondement de sa mise en cause ; qu'il y a donc lieu de prononcer la mise hors de cause de S. ;

Attendu que le demandeur sollicite l'annulation de la convention du 31 octobre 1973 pour cause d'erreur ou de dol sans, d'ailleurs, prendre parti sur la qualification juridique du vice du consentement dont il prétend être la victime ; qu'il laisse ainsi au Tribunal le soin de dire, eu égard aux deux moyens de droit qu'il invoque alternativement et en fonction des arguments qu'il avance, si les éléments constitutifs de l'un de ces deux vices sont réunis ;

Attendu que M. se fonde, d'une part, sur des arguments se rapportant aux vices du consentement eux-mêmes, et, d'autre part, sur un argument se rapportant à l'interprétation de la convention ;

Sur les vices du consentement

Attendu que, selon le demandeur, la dame S. lui aurait déclaré préalablement à la signature de la cession de bail litigieuse « avoir obtenu l'agrément de la propriétaire des locaux au changement d'objet du bail pour autoriser l'activité projetée par l'extension ou substitution, circonstance déterminante de sa volonté de contracter » ;

Attendu que l'erreur comme le dol ne peuvent entacher de nullité une convention que s'ils précèdent la signature ; que M. a donc l'obligation de rapporter la preuve soit de la certitude dans laquelle il se trouvait lors de la signature de l'acte de cession, de l'obtention, par dame S., de l'autorisation dont s'agit, seul élément permettant de retenir une erreur sur les qualités substantielles du droit cédé, soit des manœuvres dolosives, pratiquées par dame S. en vue de le tromper sur l'existence de cette autorisation, pour l'amener à contracter ;

Attendu que pour établir cette preuve, M. verse au débat une correspondance émanant de dame S. et notamment une lettre du 15 avril 1973 dans laquelle celle-ci indique : « la somme versée à ce jour, soit 90 000 F est à votre disposition en cas d'annulation de votre accord si vous en exprimez le désir compte tenu du retard bien involontaire de notre part » ; qu'il déduit de cette lettre, l'aveu par dame S. de son engagement, donnée avant la signature du contrat, d'obtenir l'agrément de la propriétaire ;

Attendu cependant que cette lettre qui doit être rapprochée d'une autre lettre, en date du 10 mai 1974, de dame S., ne saurait faire la preuve d'un tel engagement ; qu'il ressort, en effet, de cette correspondance que si la dame S. a pu, afin de hâter la signature de l'acte authentique prévu au contrat, intervenir auprès de dame C., il n'en demeure pas moins qu'elle s'est bornée à rendre un simple service à M. qui l'a accepté en sorte qu'elle n'a souscrit qu'une obligation de moyens ; que dans le cas contraire, si comme le soutient le demandeur, dame S. avait affirmé avoir recueilli l'accord préalable de dame C., il n'aurait pas manqué de le faire mentionner dans l'acte de cession ;

Attendu que M. ne rapporte pas la preuve des vices du consentement qu'il invoque ; qu'il doit donc être débouté de ce chef ;

Sur l'interprétation de la cession du bail

Attendu que le demandeur soutient encore que « l'acte de cession mentionnait formellement que le local dont le droit au bail était acquis, était destiné à une activité de bijoutier commerçant exercée par lui » ;

Attendu que la convention de cession comporte après l'énoncé des noms et qualités des parties au contrat, un premier alinéa ainsi libellé :

« Madame M. S. cède à Monsieur R. M. tous ses droits, sans aucune exception, ni réserve au bail commercial qui lui a été consenti par Madame E. C. née L., en date du 23 février 1970 » ;

qu'aux termes d'un paragraphe intitulé « Condition suspensive », « il est expressément convenu que la présente cession est soumise à la condition suspensive de l'obtention par Monsieur R. M., personnellement ou ès qualités, de l'autorisation gouvernementale lui permettant d'exploiter dans les locaux, son industrie actuelle de fabricant-bijoutier et y installer ses bureaux » ;

« En conséquence, par le seul fait de l'obtention de l'autorisation gouvernementale la présente cession produira tous ses effets ; elle sera, au contraire, considérée comme nulle et non avenue dans le cas où l'autorisation ne serait pas accordée, la notification officielle du rejet entraînant ipso facto cette annulation et la somme de 50 000 F versée ce jour, sera intégralement restituée à Monsieur R. M. » ;

Attendu que ces deux clauses parfaitement claires et précises ne peuvent donner lieu à interprétation ; qu'en ce qui concerne notamment la clause relative à la condition suspensive, le demandeur ne saurait valablement soutenir que celle-ci mentionne expressément que l'acquisition du droit au bail a pour objet l'exploitation de l'activité de fabricant-bijoutier, alors qu'elle se limite à mettre à sa charge l'obtention de l'autorisation administrative nécessaire à la modification qu'il souhaite ; que, M. ne rapportant pas la preuve des faits qu'il allègue, il y a lieu de le débouter de sa demande ;

Attendu que la convention du 31 octobre 1973 doit donc être tenue pour valable ; qu'aucun terme n'ayant été prévu pour sa régularisation devant notaire, il appartient à M., en application de la clause relative à la condition suspensive, et en l'état du fait nouveau que constitue l'autorisation donnée par dame C. (lettre du 9 juillet 1974), de prendre parti, compte tenu des conditions de cette autorisation, sur la suite qu'il entend donner à sa promesse d'achat et d'obtenir, le cas échéant, l'autorisation administrative sur la modification d'activité envisagée ;

Qu'il y a donc lieu, en l'état, de surseoir à statuer sur les demandes tant subsidiaire que reconventionnelle des parties en restitution des sommes et en dommages-intérêts jusqu'à ce que M. ait pris parti, dans les termes ci-dessus ;

Que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Déboute le sieur M. de sa demande en nullité de la convention du 31 octobre 1973 ;

Déclare valable ladite convention ;

Pour le surplus, sursoit à statuer jusqu'à ce que le sieur M. ait pris parti sur la condition suspensive insérée dans l'acte de cession du 31 octobre 1973 ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MM. Jean-Charles Marquet, Sanita av. déf. et Michel Marquet av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25732
Date de la décision : 31/10/1974

Analyses

Contrat - Général ; Contrat - Formation


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : dame S.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1974-10-31;25732 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award