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14/06/1974 | MONACO | N°25717

Monaco | Tribunal de première instance, 14 juin 1974, G. c/ T.


Abstract

Exécution des jugements et actes

Titres exécutoires - Grosse au porteur - Circulation - Risque pour le débiteur

Hypothèques

Inscription hypothécaire - Défaut de renouvellement - Effet

Résumé

Les grosses au porteur constituent par elles-mêmes une reconnaissance de dette, transmissible par simple tradition manuelle, sans que les prescriptions de l'article 1530 du Code civil aient à être observées à l'occasion d'une telle transmission.

Par suite le débiteur qui remet à un mandataire des fonds pour payer la dette n'effectue p

as un paiement libératoire à l'égard du tiers porteur de la grosse s'il n'a pas exigé du mandataire la r...

Abstract

Exécution des jugements et actes

Titres exécutoires - Grosse au porteur - Circulation - Risque pour le débiteur

Hypothèques

Inscription hypothécaire - Défaut de renouvellement - Effet

Résumé

Les grosses au porteur constituent par elles-mêmes une reconnaissance de dette, transmissible par simple tradition manuelle, sans que les prescriptions de l'article 1530 du Code civil aient à être observées à l'occasion d'une telle transmission.

Par suite le débiteur qui remet à un mandataire des fonds pour payer la dette n'effectue pas un paiement libératoire à l'égard du tiers porteur de la grosse s'il n'a pas exigé du mandataire la restitution de la grosse matérialisant cette dette.

Le défaut de renouvellement d'une inscription hypothécaire dans le délai de dix ans fait disparaître la garantie hypothécaire et son rang d'inscription sans cependant que ni la dette, ni le droit hypothécaire disparaissent. Une nouvelle inscription est dès lors possible, la seule sanction étant la perte de rang de la première inscription : par l'effet de cette nouvelle inscription la créance conservera son caractère juridique de grosse au porteur.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que suivant acte Settimo, notaire à Monaco, du 14 juin 1960, le sieur L. G. et son épouse, née L. A., ont contracté, auprès du sieur E. G., un prêt d'un montant de 35 000 F, ce prêt étant garanti par une affectation hypothécaire portant sur des parties de l'immeuble W. P., ., qu'ils avaient acquises le 14 avril 1953 selon acte Rey, et étant matérialisée par quatre grosses au porteur, les trois premières, numérotées de 1 à 3, de 10 000 F chacune, la quatrième, portant le numéro 4, de 5 000 F, ces quatre grosses ayant été inscrites au bureau des hypothèques de Monaco, le 12 juillet 1960, volume 114, numéro 61 ;

Attendu que le 13 juillet 1965, la dame A. épouse G. versait au sieur C., propriétaire de l'agence Rivièra Office, qui lui en délivrait reçu, une somme de 143 000 F destinée en particulier à solder, à concurrence, de 46 402,17 F, le montant du prêt consenti par G., outre les intérêts et les indemnités dues à cette date ;

Attendu que dame A. épouse G. est décédée le 19 août 1969 laissant comme héritiers, d'une part, ses deux enfants P. G. et R. G. épouse R., et, d'autre part, son mari, L. G. ; que suivant acte Crovetto du 15 juillet 1970, ce dernier faisait donation à ses deux enfants, à raison de moitié chacun, de tous ses droits portant sur les parties d'immeubles acquises suivant l'acte Rey du 14 mai 1953, susvisé ; qu'en la circonstance un certificat négatif d'inscription et un certificat négatif de transcription étaient délivrés par le Conservateur des hypothèques, à la date du 20 août 1970 ;

Attendu que suivant acte Crovetto, également daté du 15 juillet 1970, la dame R. G. épouse R. vendait à son frère P. G. les droits indivis qu'elle possédait dans l'immeuble W.-P., soit la moitié, tant en sa qualité d'héritière de sa mère que de donataire de son père ;

Attendu que le 22 février 1972, le sieur T. adressait à P. G. une lettre recommandée dans laquelle, constatant qu'il ne percevait plus les intérêts des grosses au porteur datées du 14 juin 1960, il lui réclamait le paiement de ces quatre grosses, en capital, intérêts et accessoires ; que l'échange de correspondance qui s'ensuivait entre les parties, établissait que T., qui avait acquis ces grosses de C. au moyen d'un chèque n° 77208326 CB, série V, sur le Crédit Lyonnais, dont la date du 21 octobre 1968 n'est pas contestée, avait reçu régulièrement paiement des intérêts jusqu'au mois de juillet 1971 ; que les grosses en sa possession comportaient chacune un bordereau de renouvellement d'inscription d'hypothèque conventionnelle, en date du 4 novembre 1970, signé par Maître Crovetto, et qui comportait l'alinéa terminal suivant : « la présente inscription est requise tant pour valoir à sa date comme inscription nouvelle que pour faire suite et servir de renouvellement à celle prise au bureau des hypothèques de Monaco, le 12 juillet 1960, volume 114, numéro 61 » ; que la nouvelle transcription, datée du 4 novembre 1970, était inscrite au volume 137, numéro 97 ;

Attendu que suivant l'exploit susvisé du 2 avril 1973, P. G. a fait assigner J. T. aux fins d'entendre dire et juger que la créance du 14 juin 1960 a été intégralement payée le 13 juillet 1965 et est définitivement éteinte, entendre ordonner la radiation de l'inscription hypothécaire du 4 novembre 1970, volume 137, numéro 97, et de s'entendre condamner à 5 000 F de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;

Attendu que par conclusions reconventionnelles des 8 novembre 1973 et 28 mars 1974, T. conclut au déboutement de G. et demande condamnation de celui-ci au paiement des sommes suivantes :

* 35 000 F, en principal,

* 7 875 F, représentant des intérêts échus depuis le 1er juillet 1971,

* 350 F, représentant les intérêts de la somme de 3 500 F au taux de 10 %, conformément à l'article 4 de l'acte d'obligation,

* 393,19 F, montant du droit proportionnel complémentaire mis à sa charge,

* 193,20 F, montant du coût du commandement de payer ;

qu'il sollicite, en outre, une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour le préjudice par lui subi ;

Attendu que G. fonde sa demande sur un premier moyen tiré de ce qu'il a payé sa dette, le 14 juin 1965, entre les mains de C. qui servait d'intermédiaire entre ses parents et leurs divers prêteurs et que la cession des grosses par C. à T. a été entachée de fraude car une créance qui n'existait plus ne pouvait être cédée ; qu'il estime qu'il appartient à T. de se retourner contre la succession de C., décédé depuis lors ;

Attendu que G. se fonde également sur un second moyen tiré de l'impossibilité où T. était de faire renouveler, le 4 novembre 1970, une inscription hypothécaire déjà prescrite (sic), non contre lui-même, propriétaire unique des immeubles visés, mais contre les époux G., ses parents ;

Attendu que G. soutient enfin que la cession de créance est nulle ou, en tout cas, lui est inopposable en vertu de la règle classique « fraus omnia corrumpit » ;

Attendu que, de son côté, T. estime qu'il est tiers porteur de bonne foi et qu'il est en droit d'obtenir paiement de son débiteur ;

Attendu en ce qui concerne la demande principale, et sur les trois moyens réunis, qu'en remettant, le 13 juillet 1965, à C. des fonds suffisants pour payer la dette contractée envers G., les époux G. n'ont pas effectué un paiement présentant un caractère libératoire à l'égard du tiers, dès l'instant qu'ils n'ont pas exigé de leur mandataire, que les grosses au porteur matérialisant cette dette leur soient restituées ;

Attendu en effet que, les grosses au porteur constituent par elles-mêmes une reconnaissance de dette, transmissibles par simple tradition manuelle sans que les prescriptions de l'article 1530 du Code civil aient à être observées à l'occasion d'une telle transmission, les époux G., faute de restitution des quatre grosses, non seulement n'avaient aucune garantie quant à l'exécution effectuée par C. du mandat qu'ils lui avaient confié, mais, en outre, ne pouvaient se préserver, dans l'hypothèse où ce mandat aurait été effectué, d'une nouvelle mise en circulation de ces titres par C., celle-ci intervenant nécessairement à leur insu puisqu'aucune signification n'avait à leur être faite ;

Attendu cependant que T., bien qu'il n'ait pas renouvelé l'inscription au bureau des hypothèques de Monaco des grosses dont il était porteur depuis le 21 octobre 1968, renouvellement qui devait intervenir avant le 14 juin 1970, c'est-à-dire dans le délai de dix ans prévu par l'article 113 de l'Ordonnance du 29 avril 1828, a cependant fait procéder, suivant acte Crovetto du 4 novembre 1970, à une nouvelle inscription ; que si cet acte n'avait aucune portée juridique en ce qui concerne le renouvellement de l'inscription, il conservait toute sa valeur comme inscription nouvelle ; qu'en effet, et conformément aux principes applicables en la matière, bien que le défaut de renouvellement de l'inscription ait les mêmes conséquences que le défaut d'inscription lui-même, la péremption encourue laisse subsister le droit hypothécaire, en sorte que T. pouvait, tant que n'était pas survenu un événement arrêtant le cours des inscriptions, prendre une nouvelle inscription, la sanction d'un tel retard étant que cette inscription ne prend rang qu'à partir de cette date ;

Attendu en conséquence, que le paiement confié à C. n'étant pas libératoire à l'égard du tiers, ne peut être opposé à T. qui est porteur de bonne foi, celle-ci n'étant pas mise en cause par le demandeur, de grosses présentant à son égard toutes les caractéristiques apparentes de l'authenticité et de la validité :

Qu'il suit de là que la demande de G. doit être rejetée ;

Attendu sur la demande reconventionnelle que T. est fondé à réclamer paiement à G., pris en la triple qualité d'héritier, de donataire et d'acquéreur, des quatre grosses litigieuses ; qu'il y a donc lieu de faire droit à sa demande, les chiffres figurant dans les conclusions de T. n'étant pas discutés par G. ; que toutefois, en ce qui concerne les dommages-intérêts, il n'y a pas lieu de faire droit aux prétentions du demandeur, G., qui apparaît avoir été victime des manœuvres de C., n'ayant pas commis à l'occasion de la présente instance, de faute de nature à engager sa responsabilité ; que la partie qui succombe doit supporter les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille en la forme tant la demande principale que la demande reconventionnelle,

Déboute G. de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén, MMe Sanita, Lorenzi av déf., Bosio (du barreau de Nice) av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25717
Date de la décision : 14/06/1974

Analyses

Hypothèque


Parties
Demandeurs : G.
Défendeurs : T.

Références :

article 113 de l'Ordonnance du 29 avril 1828
article 1530 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1974-06-14;25717 ?

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