La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/1974 | MONACO | N°25712

Monaco | Tribunal de première instance, 30 mai 1974, III. - D. c/ Centre attractif J. R.


Abstract

Tierce-opposition

Conditions - Indivisibilité - Effets

Résumé

Le demandeur à la tierce opposition doit :

- ne pas avoir été partie au jugement rendu,

- ne pas avoir été représenté dans l'instance,

- établir que ce jugement était de nature à lui porter préjudice.

Lorsque cette procédure s'est croisée avec une instance en déclaration de jugement commun, constituant une procédure symétrique, si le jugement originaire et le jugement rendu sur tierce opposition ne peuvent s'exécuter simultanément, le premier de ce

s jugements est annulé non seulement inter partes mais également à l'égard des autres parties.

Motifs

LE TRIBUNAL
...

Abstract

Tierce-opposition

Conditions - Indivisibilité - Effets

Résumé

Le demandeur à la tierce opposition doit :

- ne pas avoir été partie au jugement rendu,

- ne pas avoir été représenté dans l'instance,

- établir que ce jugement était de nature à lui porter préjudice.

Lorsque cette procédure s'est croisée avec une instance en déclaration de jugement commun, constituant une procédure symétrique, si le jugement originaire et le jugement rendu sur tierce opposition ne peuvent s'exécuter simultanément, le premier de ces jugements est annulé non seulement inter partes mais également à l'égard des autres parties.

Motifs

LE TRIBUNAL

Attendu que le 15 avril 1963, intervenait entre la S.A.R.L. française Centre Attractif et Éducatif d'Ermenonville (ci-dessous Centre Attractif) représentée par le sieur J. R., son gérant statutaire, et la dame B. épouse M., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de la Société anonyme monégasque à constituer sous le nom de Agmo, une convention aux termes de laquelle le Centre Attractif concédait à Agmo l'exclusivité de la régie publicitaire pouvant être faite sur le territoire dénommé « La Mer de Sable et alentours » et l'exclusivité des contrats commerciaux à intervenir entre le centre et ses différents fournisseurs ; qu'en rémunération, Agmo devait recevoir, sur la totalité des recettes publicitaires perçues par Centre Attractif, 20 % en rétribution de son activité et 30 % à titre de courtage ; que l'article III de cette convention réservait à Agmo la faculté de sous traiter tout ou partie du contrat ;

Attendu que par convention du 6 mai 1963, Agmo concédait à la société Ipso, représentée par son président directeur général, le sieur D., la régie exclusive de la publicité et des contrats commerciaux du Centre Attractif ; que cette convention, conclue pour une durée de 6 années et renouvelable par tacite reconduction pour des périodes égales, attribuait comme rémunération à Ipso, sur la totalité des recettes publicitaires perçues par Centre Attractif, 10 % en rétribution de son activité et 10 % à titre de courtage ; que l'article III de cette convention autorisait Ipso à sous-traiter tout ou partie du travail lui incombant, cette cession ou la transmission du bénéfice de ce contrat étant toutefois subordonnées à l'accord formel de Agmo ;

Attendu que le 2 avril 1965, un contrat d'association en participation « conséquemment occulte régi par les articles 54 à 57 du Code de commerce monégasque et par les conventions des parties », était signé entre le Centre Attractif, Agmo et Ipso ; que cette association avait pour but l'exploitation des locaux, matériels et animaux que le Centre Attractif possède au lieu-dit « la mer de sable », par publicité, location, concession d'exclusivité pour la distribution des produits, etc. ; que les bénéfices nets de cette exploitation devaient être partagés dans la proportion de 50 % pour le Centre Attractif, 30 % pour Agmo et 20 % pour Ipso, la durée de cette association renouvelable par tacite reconduction, étant fixée à une année ;

Attendu que par lettre du 10 décembre 1968, Agmo donnait son accord à Ipso pour que cette société cède, à dater du 1er janvier 1969, le contrat de régie du 6 mai 1963, à D. ou à toute personne qu'il plairait à ce dernier de décider, avec dispense de toute formalité de signification ; qu'il n'est pas contesté que D. ait cédé ce contrat à la Société à Responsabilité Limitée Subrem dont il était d'ailleurs le gérant ;

Attendu qu'après plus d'un an d'activité, et à la suite de réclamations non suivies d'effet, Subrem sommait Agmo, par exploit du 16 février 1971, de lui payer ses commissions, qu'elle chiffrait à 45 263,80 F ; que Agmo n'ayant pas déféré à cette sommation, Subrem assignait Agmo, le 13 mai 1971, aux fins d'obtenir paiement de cette somme, réduite, par conclusions du 16 décembre 1971, à celle de 39 363,80 F et de désignation d'un expert chargé de chiffrer les commissions revenant à Subrem, en l'état des recettes publicitaires perçues par Centre Attractif ;

Attendu que par jugement du 24 février 1972, le tribunal de céans, après avoir constaté, statuant sur le moyen soulevé sur ce point par Agmo, que l'association en participation du 2 avril 1965 n'avait pas eu d'existence réelle et qu'elle n'avait pu, en tout état de cause, mettre à néant le bénéfice du contrat du 6 mai 1963 dont Subrem avait, en définitive, hérité, a condamné Agmo à payer à D. et à Subrem la somme de 39 363,80 F et a désigné le sieur Ambrosini, comptable à Monaco, avec mission d'établir la totalité des recettes publicitaires perçues par le Centre Attractif au cours des années 1963 à 1970 inclusivement et de déterminer le montant de la rémunération revenant à Subrem conformément au contrat du 6 mai 1963 ;

Attendu que suivant exploit du 5 janvier 1973, D. et Subrem ont assigné Agmo aux fins de faire juger que le contrat du 6 mai 1963 qui, venu à expiration le 5 mai 1969, avait été reconduit pour une durée de 6 années faute d'avoir été dénoncé par Agmo, devait être résilié à dater du 1er janvier 1971, aux torts d'Agmo, et ce, par application de l'article 1039 du Code civil ; qu'en conséquence, les demandeurs sollicitent d'une part la condamnation de Agmo au paiement d'une indemnité de résiliation, de l'indemnité prévue à l'article 4 du contrat et des commissions pour les contrats en cours, sur lesquelles elles estiment qu'une provision de 60 000 F doit lui être allouée, et, d'autre part, la condamnation au paiement de 50 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la défenderesse du fait de sa résistance abusive à ses légitimes demandes ;

Attendu que par exploit du 4 juin 1973, le Centre Éducatif et Attractif d'Ermenonville, devenu entre temps une société anonyme française, a assigné D. et Subrem d'une part et la Société Agmo d'autre part, formant tierce opposition à l'encontre du jugement susvisé du 24 février 1972, demandant qu'il soit jugé que les contrats du 13 avril et du 6 mai 1963 ont été annulés par l'association en participation du 2 avril 1965, qui a reçu effet jusqu'à la dissolution régulièrement intervenue en 1971, et demandant qu'en conséquence, il n'y ait pas lieu pour l'expert désigné à effectuer la mission qui lui avait été confiée ;

Attendu que par exploit du 26 juin 1973, D. et Subrem ont signifié au Centre Attractif, l'exploit introductif d'instance du 5 janvier 1973, assignant Agmo aux fins rappelées ci-dessus, ledit centre étant appelé pour entendre déclarer commun tant le jugement rendu le 24 février 1972 que le jugement à intervenir à la suite de l'assignation du 5 janvier 1973 ;

Attendu que ces trois assignations sont unies entre elles par un lien étroit de connexité et qu'il y a lieu de statuer à leur sujet, après avoir ordonné leur jonction par un seul et même jugement ;

1° en ce qui concerne la tierce opposition et l'assignation en déclaration de jugement commun ;

a) Attendu en ce qui concerne la recevabilité de la tierce opposition que Centre Attractif qui n'était pas partie au jugement du 24 février 1972, et qui n'était pas représenté dans l'instance doit, pour être admis en sa tierce opposition, établir que cette décision était de nature à lui porter préjudice ;

Attendu que Centre Attractif établit cette condition car alors que l'instance ne concernait que D. et Subrem, d'une part, et la Société Agmo, d'autre part, le jugement intervenu a donné pour mission à l'expert Ambrosini de rechercher la totalité des recettes que Centre Attractif avait perçues au cours des années 1963 à 1970 inclusivement ; que ce dernier est fondé par principe, à estimer que préjudicie à ses droits une décision qui ordonne des investigations dans sa comptabilité à l'occasion d'un débat auquel il n'a pas été appelé ;

Attendu que Centre Attractif établit supplémentairement que ce jugement préjudicie à ses intérêts dans la mesure où celui-ci a admis que les relations entre Agmo et Subrem étaient soumises au contrat du 6 mai 1963 et non pas à l'association en participation du 2 avril 1965 ; qu'en effet, alors que le contrat du 6 mai 1963 prévoit que la rémunération de Ipso, à qui s'est substitué Subrem, à compter du 1er janvier 1969, est calculée sur la totalité des recettes, l'association en participation stipule que seuls seront partagés les bénéfices nets, les pertes devant être supportées entre Centre Attractif, Agmo et Ipso, dans des proportions identiques à celles dans lesquelles les bénéfices devaient être répartis ; que cette association en participation prévoit donc pour Centre Attractif des conditions plus favorables que le contrat du 6 mai 1963 puisque le partage entre les parties porte non pas sur les recettes publicitaires, (c'est-à-dire aux termes de l'article 2, non seulement les versements et paiements, mais également les règlements faits sous forme de fournitures de marchandises, de prestations de service ou autres, jusques et y compris les ristournes consenties par les fournisseurs), mais sur les bénéfices nets, c'est-à-dire sur les recettes diminuées des dépenses, frais etc. ; que Centre Attractif a donc intérêt à contester l'interprétation donnée par le jugement du 24 février 1972, puisque Subrem substitué à Ispo est en droit de lui réclamer, au travers de Agmo, 20 % de ses recettes et non 20 % de ses bénéfices ;

Attendu que la tierce opposition doit donc être déclarée recevable ; qu'il doit d'ailleurs être relevé que l'assignation en déclaration de jugement commun de Subrem dirigée contre Centre Attractif constitue une procédure symétrique à cette tierce opposition, bien que les fins poursuivies par ces deux procédures soient diamétralement opposées ; qu'en effet, toutes les deux posent le problème de savoir si l'interprétation donnée par le jugement du 24 février 1972 quant à l'inapplicabilité de l'association en participation, doit s'imposer à Centre Attractif, D. et Subrem concluant pour l'affirmative alors que Centre Attractif conclut en sens contraire ;

b) Attendu au fond que bien que l'association en participation du 2 avril 1965 ne fasse aucune référence au contrat du 6 mai 1963, il ne peut être admis que ces deux contrats aient pu coexister, à partir de la première de ces dates ; qu'en effet, dans l'hypothèse d'une telle coexistence, Centre Attractif aurait été amené, dans un premier temps, à verser à Agmo la moitié des recettes publicitaires encaissées par lui et telles que définies à l'article 2 du contrat du 6 mai 1963, et dans un deuxième temps, la moitié des bénéfices nets provenant de ces recettes, en admettant qu'après une ponction de moitié, celles-ci aient pu laisser apparaître un bénéfice ; qu'une telle situation aurait abouti, en pratique, à priver Centre Attractif de tout profit provenant de sa publicité et aurait ôté toute signification à ces deux contrats ;

Attendu d'autre part qu'il ne peut être contesté que l'association en participation ait eu une existence réelle, puisqu'il est établi, par un procès-verbal daté du 3 juin 1971, que cette association a tenu, à cette date, une assemblée générale, à laquelle D. a assisté, signant la feuille de présence comme mandataire de la société Subrem ; qu'il doit être relevé que cette société ne faisait, en principe, pas partie de cette association qui concernait Centre Attractif, Agmo et Ipso, mais que la présence de D., à la fois P.D.G. de Ipso et gérant de Subrem et émargeant la feuille de présence au nom de celle-ci établit l'intérêt qu'il portait à cette association ; que le fait que D. ès-qualités, ait déclaré faire les plus expresses réserves quant au fond et à la présentation des comptes, (1re question inscrite à l'ordre du jour), et vouloir s'abstenir en ce qui concerne la dissolution anticipée de l'association et sa liquidation, (2e question à l'ordre du jour), est sans portée quant à l'existence de cette association ; qu'en effet D. représentant Subrem a participé à cette assemblée en toute connaissance de cause, alors que si l'association n'avait pas existé, il n'aurait pas manqué de refuser d'assister à ladite assemblée ;

Attendu certes que dans l'autorisation donnée le 10 décembre 1968 par Agmo à Ipso de se substituer D., il n'est fait mention que du contrat du 6 mai 1963, sans aucune allusion à l'association en participation, mais qu'aucun argument déterminant ne peut être déduit de ce document ; qu'en effet, à l'égard des tiers, Agmo était lié à Ipso par ce seul contrat du 6 mai 1963, puisque l'association, en raison de son caractère occulte, était inopposable à ces tiers ; que donc, à l'égard de ces derniers, D. ne pouvait succéder à Ipso que dans le cadre de ce contrat, l'association ne concernant que les seuls Centre Attractif, Agmo et Ipso, puis Subrem à travers D. ;

Attendu que ces présomptions quant à la substitution de l'association en participation au contrat du 6 mai 1963 recevront une infirmation ou une confirmation définitive, dans la mesure où seront établies les conditions dans lesquelles les parties ont entendu faire application des conventions qui les lient ; qu'en effet, si à partir du 2 avril 1965, les pourcentages respectivement perçus par Centre Attractif, Agmo et Ipso (puis Subrem à compter du 1er janvier 1969) ont été calculés non plus sur les recettes mais sur les bénéfices nets de Centre Attractif, il sera ainsi définitivement établi que les parties ont entendu appliquer le seul contrat d'association en participation ; qu'une expertise comptable doit être ordonnée, d'office, pour établir ce mode de calcul desdits pourcentages ;

Attendu qu'en ce qui concerne les conclusions prises par Agmo, celles-ci doivent être purement et simplement rejetées, car le jugement du 24 février 1972, a acquis à son égard, et en ce qui concerne ses relations avec Subrem, l'autorité de la chose jugée ; que Agmo ne pourra éventuellement, au vu de la décision à intervenir après expertise, que subir les effets de l'indivisibilité, ou se prévaloir desdits effets, dans la mesure où, conformément aux principes applicables à la voie de recours extraordinaire de la tierce opposition, la décision du 24 février 1972 et la décision à intervenir, ne pourraient s'exécuter simultanément ; qu'en pareille hypothèse, le jugement annulé sur la tierce opposition est annulé non seulement à l'égard du tiers opposant, mais également à l'égard des autres parties ;

2° sur la demande en résiliation du contrat du 6 mai 1963 :

Attendu qu'il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le tribunal ne peut, en l'état, se prononcer sur la demande de résiliation présentée par D. et Subrem ; qu'en effet, ceux-ci ayant eux-mêmes appelé Centre Attractif afin que le jugement à intervenir, quant à cette résiliation, lui soit déclarée commun, établissent, par là même, l'indivisibilité qui existe entre ces diverses instances ; que la détermination du point de savoir si ces relations juridiques, entre les demandeurs et Centre Attractif, sont soumises au contrat du 6 mai 1963 ou, au contraire, à l'association en participation du 2 avril 1965, est fonction des éléments d'appréciation qui seront fournis au tribunal par l'expertise qui vient d'être ordonnée ; qu'il y a donc lieu de surseoir à statuer jusqu'au moment où l'affaire reviendra devant le Tribunal après dépôt du rapport d'expertise ;

Attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Joint les instances 190 du 16 janvier 1973, 365 du 12 juin 1973 et 383 du 9 juillet 1973, avant de statuer au fond sur la tierce opposition et la demande de déclaration de jugement commun, désigne en qualité d'expert...

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita, Marquilly, Boeri av. déf., Rémy (du barreau de Paris) av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25712
Date de la décision : 30/05/1974

Analyses

Contrat - Général ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : III. - D.
Défendeurs : Centre attractif J. R.

Références :

article 1039 du Code civil
articles 54 à 57 du Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1974-05-30;25712 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award