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14/03/1974 | MONACO | N°25701

Monaco | Tribunal de première instance, 14 mars 1974, Laboratoires Sanigène c/ Ets Pima, W. ès qualités et D. ès qualités.


Abstract

Garanties

Vente sur saisie immobilière - Acquéreur - Renonciation - Portée

Résumé

Lorsque l'acquéreur d'un local renonce à toute garantie et à toute indemnité pour les dégradations existant dans ce local, cette renonciation ne peut concerner que le créancier ayant fait procéder à la licitation du local à la suite d'une saisie immobilière, qui entendait ainsi se protéger de tout recours compte tenu de ce qu'il faisait vendre le local dans l'état où il l'avait trouvé lors de la saisie et ne voulait encourir aucune responsabilité de la natu

re de celle qui incombe au vendeur au titre de la garantie. Cette renonciation ne peut béné...

Abstract

Garanties

Vente sur saisie immobilière - Acquéreur - Renonciation - Portée

Résumé

Lorsque l'acquéreur d'un local renonce à toute garantie et à toute indemnité pour les dégradations existant dans ce local, cette renonciation ne peut concerner que le créancier ayant fait procéder à la licitation du local à la suite d'une saisie immobilière, qui entendait ainsi se protéger de tout recours compte tenu de ce qu'il faisait vendre le local dans l'état où il l'avait trouvé lors de la saisie et ne voulait encourir aucune responsabilité de la nature de celle qui incombe au vendeur au titre de la garantie. Cette renonciation ne peut bénéficier au locataire de l'étage supérieur assigné en responsabilité du fait dommageable, qui n'est pas partie à la saisie.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par ordonnance du 9 juillet 1970, le juge des référés, saisi d'une demande d'expertise présentée par la société des Laboratoires Sanigène (ci-dessous Sanigène), qui, ayant acquis aux enchères publiques des locaux industriels dans l'immeuble U . et se plaignant d'importantes fissures dans les poutres de béton constituant le plancher de l'étage supérieur, fissures qui lui interdisaient d'aménager son local et de s'y installer, avait assigné le sieur D., syndic de la co-propriété, la société Chament propriétaire et la société Pima, locataire de l'étage supérieur aux fins de rechercher l'origine de ces troubles, a désigné le sieur Lori avec une mission qui sera rappelée et examinée ci-dessous ; que par une seconde ordonnance de référé du 3 février 1971, rendue à la requête et au contradictoire des mêmes parties, la mission de l'expert a été complétée afin de lui permettre de déplacer des cuves appartenant à la société Pima et de mener à bien ses investigations ;

Attendu que l'expert Lori a déposé son rapport le 6 avril 1972, aux termes duquel, il répondait ainsi aux questions qui lui étaient posées dans l'Ordonnance du 9 juillet 1970, susvisée :

1° accéder les lieux litigieux et décrire les désordres dont souffre le local ;

Les locaux de Sanigène sont situés au premier étage ; la structure qui supporte le plancher de couverture est fissurée ; la dalle qui constitue ce plancher et qui appartient à W., dont la société Pima est locataire, présente une zone bien corrodée à l'endroit où était posé le bac de l'acide appartenant à cette société et présente beaucoup d'efflorescences de corrosion qui sont le signe marquant que la percolation de liquides au travers de la dalle s'est faite longuement dans le temps, sans y porter aucun remède ;

2° rechercher la cause des désordres en disant si elle peut résider notamment dans les modalités d'exploitation de la société Pima ou dans les ébranlements qui auraient résulté de tirs de mine effectués par la société La Souterraine ;

La surcharge, due à la présence d'une série de bacs stockés l'un près de l'autre et situés sur les poutres du plancher détérioré, ne peut avoir porté à la rupture les structures de cette dalle, car ses effets correspondent à ceux d'une surcharge de 750 kg/m2 qui devait avoir été envisagée comme minimale pour un édifice à usage industriel ; par contre, la société Pima est responsable de la dégradation de la dalle et des poutres secondaires seulement, car elle a laissé couler des liquides corrosifs sur cette dalle, jusqu'au suintement à travers elle ; qu'un vice de conception qui a pu être la cause de la rupture des poutres principales est mis en évidence par l'absence de solidarisation entre les planchers et les poutres maîtresses ; qu'un autre vice de construction consiste dans l'insuffisance de sécurité des fondations et qu'à la suite des tirs de mine, l'immeuble a amorcé un mouvement de bascule qui est à l'origine de la rupture des deux poutres supportant la dalle dont s'agit ;

3° évaluer les travaux de nature à porter remède à ces inconvénients et, si Sanigène le requiert, les faire exécuter aux frais avancés de celle-ci ;

Il est nécessaire de procéder à la réfection, d'une part, des deux poutres principales, dépense représentant une somme de 8 425,93 F, et, d'autre part, de la dalle litigieuse, avec ses solives porteuses, travaux dont le coût est de 26 444,72 F ;

Attendu qu'il résulte d'un rapport complémentaire déposé le 5 janvier 1973 par l'expert Lori que les travaux préconisés ont été effectués par l'entreprise Della Torre, aux frais avancés de Sanigène qui a payé, outre les deux sommes susvisées, les frais de remise en état de l'installation électrique, soit 1 353 F, et de peinture, soit 1 456,32 F, que l'expert a obtenu, à l'occasion de ces travaux, confirmation de ses conclusions quant à la responsabilité des Établissements Pima pour la détérioration de la dalle et quant à un défaut de conception pour la structure de l'immeuble, imputable au constructeur ;

Attendu que suivant l'exploit susvisé du 18 janvier 1973, Sanigène a assigné les Établissements Pima, le sieur W. et le sieur D. aux fins d'obtenir paiement des sommes qu'elle avait avancées, savoir :

1° 9 493,30 F, versée à l'expert,

2° 26 444,72 F, coût de la réfection de la dalle du plancher,

3° 1 456,32 F, coût des travaux de peinture,

4° 1 353 F, coût de la remise en état de l'installation électrique,

5° un intérêt de 1 % par mois sur les sommes ci-dessus,

6° 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,

outre la condamnation des défendeurs aux dépens ;

Attendu que les défendeurs concluent au déboutement de Sanigène ;

Action dirigée contre D., syndic de la co-propriété

Attendu que dans son exploit introductif d'instance, Sanigène ne réclame pas paiement de la somme de 8 425,93 F, représentant la réfection des deux poutres principales ; que la demande ne porte que sur les frais de remise en état de la dalle et des solives porteuses et des frais annexes, notamment frais de peinture et d'électricité ;

Attendu que la dalle et les solives ne sont pas comprises dans les parties communes puisqu'elles sont la propriété privative de la société Chament et que la co-propriété ne peut donc être tenue pour responsable du préjudice éprouvé par la demanderesse à la suite de la détérioration de cette dalle et de ses solives ; qu'il suit de là que le sieur D. doit être mis hors de cause, ainsi qu'il le requiert ;

Action dirigée contre la Société Chament

Attendu que cette société a été assignée en qualité de propriétaire du local occupé par la société Pima ; qu'il résulte du rapport d'expertise que sa responsabilité ne peut être mise en cause puisque les troubles affectant la dalle qui constitue le plafond du local Sanigène et le plancher de son propre local ne sont pas son fait mais celui de son locataire ; qu'il suit de là que cette société doit être mise hors de cause, ainsi qu'elle le requiert ;

Action dirigée contre les Établissements Pima

Attendu que pour s'opposer à la demande dirigée contre elle la société Pima soutient trois moyens :

* le premier, fondé sur le fait que Sanigène est entrée dans les lieux en connaissant l'existence des dégâts qui avaient été occasionnés à la dalle litigieuse et qui étaient non seulement apparents mais encore antérieurs à cette entrée dans les lieux ;

* le second, fondé sur le cahier des charges qui constitue le titre de Sanigène, et qui fait mention, au chapitre de la transmission de la propriété, de ce que l'adjudicataire devait prendre les biens acquis dans l'état où ils seraient au moment de l'adjudication, sans pouvoir prétendre à aucune garantie ni indemnité pour dégradations, réparations ni à raison de la surcharge des murs séparant les biens acquis des propriétés voisines ;

* le troisième selon lequel la société Pima conteste les conclusions du rapport lori ; qu'elle admet que les constatations faites par cet expert doivent être tenues pour valables, mais que les conclusions auxquelles il est parvenu ne peuvent être admises, car les infiltrations d'acide n'ont pu entraîner une corrosion qui se serait propagée aux poutres principales ; qu'en fait, selon elle, les troubles dont se plaint Sanigène sont entièrement imputables aux vices dont est affectée la construction ;

Que Pima conclut donc au déboutement de Sanigène ;

Attendu sur les deux premiers moyens qu'il ne saurait être déduit du fait que l'état déficient de la dalle litigieuse était apparent lorsque Sanigène a pris possession de son local, que cette société puisse être présumée avoir accepté cette situation et renoncé à faire valoir ses droits quant à la remise en état de cette dalle ; qu'en effet, s'il résulte bien du cahier des charges que Sanigène avait renoncé à toute garantie et toute indemnité pour les dégradations existant dans ce local, il est évident que cette renonciation ne pouvait concerner que la société La Luciole qui avait fait procéder à la licitation de celui-ci à la suite d'une saisie immobilière et qui entendait par cette clause, se protéger de tout recours dirigé contre elle, compte tenu du fait qu'elle faisait vendre ce local dans l'état où elle l'avait trouvé lors de sa saisie, et qu'elle ne voulait encourir aucune responsabilité de la nature de celle qui incombe au vendeur au titre de la garantie, mais que cette renonciation ne pouvait bénéficier à la société Pima, qui n'était pas partie à la saisie et pour laquelle, en conséquence, le cahier des charges constitue une res inter alios acta ; que cette société ne peut donc prétendre tirer argument de ce document pour soutenir que Sanigène, parce qu'il renonçait à rechercher la société La Luciole, renonçait également à rechercher le responsable des dégâts occasionnés à la dalle dont s'agit ; qu'il suit de là que ces deux premiers moyens doivent être rejetés ;

Attendu sur le troisième moyen que l'expert qui a déposé un rapport précis, a constaté l'existence d'infiltrations non discutables d'acide dans la dalle litigieuse, et dont l'origine a été établie de manière certaine et est imputable à la société Pima ; qu'il a conclu, à partir de ces constatations, qui ne font l'objet d'aucune critique de la part de la défenderesse que celle-ci était responsable de la dégradation de la dalle et des poutres secondaires seulement ; que la contestation de la société Pima quant aux conséquences dommageables des infiltrations n'est fondée sur aucun argument sérieux permettant de contredire les conclusions de l'expert ; que celui-ci a fait, avec précision, le départ entre les dégâts dus aux infiltrations dont Pima doit répondre et ceux consécutifs à un défaut de construction, pour lesquels il a établi un devis à part, et qui ont été payés par Sanigène sans que celle-ci n'en réclame le remboursement à quiconque, cette société s'étant d'ailleurs interdit, dans le cahier des charges, d'exercer un tel recours ;

Attendu que ce moyen doit donc être rejeté et que la société Pima doit rembourser à Sanigène le coût des travaux de réfection imputables à sa faute et qui ont été avancés par Sanigène ;

Attendu que ces différents frais sont ceux énumérés par l'expert dans ses deux rapports des 6 avril 1972 et 5 janvier 1973, savoir :

* frais d'expert ................... 9 493,30 F

* coût de réfection de la dalle ........ 26 444,72 F

* peinture .............................. 1 456,32 F

* électricité ........................... 1 353,00 F

* ----------

soit au total ........................ 38 747,34 F

Attendu cependant qu'il ne saurait être fait droit à la demande de paiement d'un intérêt de 1 % par mois, le demandeur ne pouvant imposer, de sa propre autorité, un intérêt qui se présente sous la forme d'une pénalité ;

Attendu sur les dommages-intérêts complémentaires sollicités, que le sieur Lori évalue à 40 000 F le préjudice éprouvé par Sanigène, sur le fondement d'une perte de productivité de 20 %, pendant 4 mois, durée des travaux, en fonction d'un chiffre d'affaires de 200 000 F, que cependant ce calcul apparaît trop théorique puisque le préjudice matériel de Sanigène a consisté en des difficultés d'approvisionnement en fuel, les travaux entrepris l'ayant obligé à ramener ce liquide par tonneaux de 200 litres au lieu de s'approvisionner directement à la cuve de stockage ; que compte tenu des éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose, à partir notamment du chiffre d'affaires de 200 000 F et du fait que la gêne entraînée par l'utilisation de tonneaux de 200 litres n'est pas démontrée, il y a lieu de fixer à 10 000 F le préjudice éprouvé par le demandeur ;

Attendu que la société Pima qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Reçoit Sanigène en son action ;

Met hors de cause le sieur D., pris en sa qualité de syndic de la co-propriété de l'immeuble ., et la société Chament, représentée par le sieur W. C. ;

Condamne la société Pima à payer à Sanigène la somme de 48 747,34 F, avec intérêts de droit du jour du jugement ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Lorenzi. Clérissi, Marquilly et Sanita av. déf.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 25701
Date de la décision : 14/03/1974

Analyses

Sûretés - Général ; Vente d'immeuble


Parties
Demandeurs : Laboratoires Sanigène
Défendeurs : Ets Pima, W. ès qualités et D. ès qualités.

Références :

ordonnance du 9 juillet 1970


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1974-03-14;25701 ?

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