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07/02/1974 | MONACO | N°25686

Monaco | Tribunal de première instance, 7 février 1974, F. c/ D. et C.


Abstract

Responsabilité civile

Médecin - 1° Responsabilité contractuelle : Erreur de diagnostic - Faute non rapportée - 2° Manque de compétence : Intervention - Risques - Limitation

Résumé

Dès lors que la preuve d'une erreur de diagnostic ou d'une faute au cours de l'intervention n'a pas été établie, la responsabilité d'un médecin, qui est de nature contractuelle, ne peut être retenue.

Un manque de compétence ne peut être reproché à un médecin lorsque les experts commis par le tribunal n'apportent aucune critique à la manière dont l'o

pération a été conduite, en précisant qu'une opération, même réalisée par des spécialistes, comporte d...

Abstract

Responsabilité civile

Médecin - 1° Responsabilité contractuelle : Erreur de diagnostic - Faute non rapportée - 2° Manque de compétence : Intervention - Risques - Limitation

Résumé

Dès lors que la preuve d'une erreur de diagnostic ou d'une faute au cours de l'intervention n'a pas été établie, la responsabilité d'un médecin, qui est de nature contractuelle, ne peut être retenue.

Un manque de compétence ne peut être reproché à un médecin lorsque les experts commis par le tribunal n'apportent aucune critique à la manière dont l'opération a été conduite, en précisant qu'une opération, même réalisée par des spécialistes, comporte des risques inévitables et que tout ce qui peut être espéré, en ce cas, est une limitation et non une disparition de tels risques.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que par jugement du 17 avril 1969, le Tribunal civil de céans, statuant sur une demande présentée par les époux F., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur J., à l'encontre du Docteur D. et du Professeur C. et du Centre Hospitalier Princesse Grâce, ladite demande tendant, sur le fondement des articles 1229 et suivants du Code civil, à faire déclarer les Docteurs D. et C. responsables de l'accident survenu le 15 juillet 1965, lors d'une opération chirurgicale pratiquée sur la personne de leur fils J., a ordonné, d'une part, une enquête, et, d'autre part, une expertise médicale confiée à MM. Gros, Vlahovitch et Passouand, Professeurs de médecine à Montpellier, à l'effet d'établir si une faute avait été commise par les Docteurs D. et C., et si, dans l'affirmative, il existait un lien de cause à effet entre cette faute et l'état du jeune F. ;

Attendu que les experts ont déposé leur rapport, le 22 octobre 1969, et concluent que la victime a été atteinte, à la suite d'une chute le 3 juillet 1965, d'un traumatisme vertébro-médullaire cervical avec fracture luxation instable de C 6 - C 7 ; que les soins reçus avant l'intervention ont constitué un traitement classique de ce genre de blessures ; que cette intervention, justifiée par l'évolution de l'état du blessé, avait été effectuée sans qu'aucune faute puisse être reprochée aux deux chirurgiens l'ayant pratiquée et que l'état de J. F., postérieur à l'intervention, correspond à une lésion médullaire grave qui est la conséquence de l'irréductibilité de la fracture luxation et de la fragilité particulière de la mœlle cervicale survenue immédiatement après le traumatisme du 3 juillet 1965 ;

Attendu que suivant l'exploit susvisé, les époux F. agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, la dame F. ne tenant pas compte de la disposition du jugement susvisé du 17 avril 1969 qui déclarait son intervention irrecevable, ont assigné le Docteur D. et le Professeur C., les demandeurs tenant compte, en l'espèce, de la disposition de ce jugement qui avait mis purement et simplement hors de cause le Centre Hospitalier Princesse Grâce, mis en cause à titre principal, comme défendeur dans l'exploit introductif d'instance originaire du 28 mai 1968, aux fins que ces deux praticiens soient déclarés entièrement et solidairement responsables de l'état post-opératoire de leur fils à la suite de l'intervention du 15 juillet 1965 ;

Attendu que J. F. étant devenu majeur le 4 novembre 1972, les défendeurs ont conclu le 16 novembre 1972 à l'irrecevabilité de la demande présentée par ses parents ; que ceux-ci ont maintenu leur assignation, dans des conclusions du 14 février 1973, mais que par conclusions du 14 mars 1973, J. F. est intervenu dans la procédure, demandant qu'il lui soit donné acte qu'il reprenait l'instance engagée par ses parents ; qu'au plan procédural, l'instance est régularisée, et se poursuit entre J. F. et les Docteurs D. et C. ;

Attendu que le demandeur estime que des erreurs existent dans les commémoratifs dressés par les experts, en ce que, d'une part, il n'a souffert de paresthésie des membres supérieurs qu'après l'opération et non pas à la suite de l'accident, et que, d'autre part, il a dû s'aider d'une canne pour marcher bien après la date du 9 septembre 1965 ; que cependant ces critiques sont sans portée en l'espèce, car elles ne sont confirmées par aucun document, tel que certificat médical, qu'au surplus elles ne sont pas de nature à modifier les conclusions des experts, et qu'enfin le demandeur n'en tire aucune conclusion ; que J. F. n'élève aucune critique contre le rapport expertal ;

Attendu que pour rechercher la responsabilité des deux défendeurs la victime se fonde sur trois moyens ;

Attendu que le premier moyen est fondé sur la faute que les deux chirurgiens auraient commise lors de l'intervention ; que F. entend déduire cette faute du fait que le cerclage au fil d'acier avait été mal exécuté puisque le fil s'était rompu en deux endroits, ainsi qu'avait pu le constater le Professeur P., qui le 16 juillet 1966, a pratiqué une laminectomie ; que cette dernière opération n'aurait pas dû avoir lieu si les premiers chirurgiens avaient opéré selon toutes les règles de l'art ;

Attendu cependant que la responsabilité médicale, qui n'est pas de nature délictuelle ou quasi-délictuelle, et ne saurait donc s'apprécier sur le fondement des articles 1229 et 1231 du Code civil, ne peut être recherchée, en l'espèce, que s'il y a erreur de diagnostic ou faute au cours de l'intervention ; que F., demandeur à la preuve, n'a pas rapporté cette preuve en l'état des constatations claires, précises et motivées des trois experts qui établissent au contraire que le diagnostic a été exactement posé et l'opération parfaitement exécutée ; qu'il suit de là que ce moyen doit être rejeté ;

Attendu que le second moyen apparaît être tiré du manque de compétence des Docteurs D. et C., pour conduire à une opération qui dépassait leur capacité ; que F. s'empare en effet de la phrase du rapport des experts ; « ...et toujours passible de risques graves qui sont toujours limités si elle est réalisée par une équipe compétente pour les lésions vertébro-médullaires », pour en déduire que si l'opération avait laissé les séquelles qu'il a éprouvées c'est qu'elle n'avait pas été pratiquée par une équipe compétente ;

Attendu cependant que les experts n'apportent aucune critique à la manière dont l'opération a été conduite et n'ont pas reproché aux Docteurs D. et C. de ne pas être des spécialistes, et de n'avoir pas constitué une équipe compétente ; qu'ils ont simplement voulu préciser qu'en tout état de cause, et même si l'opération était réalisée par des spécialistes, des risques existaient, tout ce qui pouvait être espéré, en ce cas, étant une limitation et non une disparition de tels risques, au demeurant inévitables dans toute intervention chirurgicale ; qu'il suit de là que ce moyen n'est pas fondé et doit être rejeté ;

Attendu que le troisième moyen est fondé sur le vice du consentement, F. soutenant que ses parents n'auraient pas été suffisamment éclairés sur les dangers de l'intervention et que, s'ils avaient été informés que celle-ci devait être faite par le Professeur C., ils n'auraient pas consenti à ce que leur fils soit opéré par lui, leur choix devant alors se porter sur le Docteur P. ;

Attendu cependant, que le demandeur, qui ne précise pas la nature du vice dont a été atteint le consentement de ses parents, ne rapporte pas la preuve d'un tel vice ; que la déclaration du témoin B., invoquée sur ce point, est trop imprécise, pour être en quoi que ce soit susceptible de constituer la preuve qui est à la charge du demandeur ;

Attendu que F. doit être débouté de ses demandes, fins et conclusions ;

Attendu que le Professeur C. forme une demande reconventionnelle en 1 F de dommages-intérêts, en réparation du préjudice que lui a causé une action abusive, mettant en cause sa réputation et sa compétence ; qu'en l'espèce, le Tribunal se doit de constater que l'assignation après expertise a été lancée avec une légèreté certaine puisque, compte tenu des conclusions des experts, lesquelles n'ont été l'objet d'aucune critique l'instance a été poursuivie sur la base d'allégations à l'évidence dépourvues de toute preuve ; que ce comportement blâmable justifie l'allocation de la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts ;

Que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Donne acte à F. J., devenu majeur le 4 novembre 1972, de ce qu'il reprend l'action intentée, à l'époque de sa minorité, par son père en sa qualité d'administrateur légal de la personne de son fils ;

Et rejetant comme inopérantes en tous cas mal fondées, toutes demandes, fins et conclusions du sieur F. ; contraires au présent jugement ou simplement plus amples, l'en déboute ;

Accueille le Professeur C. en sa demande reconventionnelle ;

Condamne F. J. à payer au Professeur C. la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquilly, Sanita, Lorenzi av. déf. et Machiavello (du barreau de Nice) av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25686
Date de la décision : 07/02/1974

Analyses

Civil - Général ; Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle ; Professions et actes médicaux


Parties
Demandeurs : F.
Défendeurs : D. et C.

Références :

articles 1229 et 1231 du Code civil
Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1974-02-07;25686 ?

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