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01/04/2014 | MONACO | N°12008

Monaco | Tribunal correctionnel, 1 avril 2014, Ministère public c/ f. AN.


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2010/001177

INF. J. I. B10/10

JUGEMENT DU 1er AVRIL 2014

__________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- f. AN., né le 16 juillet 1952 à NICE (06), de Françis et de Joséphine MA., de nationalité française, retraité, demeurant résidence « Y », X à NICE (06300) ;

Prévenu de :

- DIFFAMATIONS PUBLIQUES

COMPLICITÉ DE DIFFAMATION PUBLIQUE

DÉNONCIATION CALOMNIEUSE

- PRÉSENT aux débats assisté de Maître Bernard GINEZ, avocat au barreau

de Nice, plaidant par ledit avocat ;

En présence de :

- la société anonyme monégasque dénommée MONTE-CARLO GRAND HOTEL, exerçant sous l'enseigne ...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2010/001177

INF. J. I. B10/10

JUGEMENT DU 1er AVRIL 2014

__________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- f. AN., né le 16 juillet 1952 à NICE (06), de Françis et de Joséphine MA., de nationalité française, retraité, demeurant résidence « Y », X à NICE (06300) ;

Prévenu de :

- DIFFAMATIONS PUBLIQUES

COMPLICITÉ DE DIFFAMATION PUBLIQUE

DÉNONCIATION CALOMNIEUSE

- PRÉSENT aux débats assisté de Maître Bernard GINEZ, avocat au barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;

En présence de :

- la société anonyme monégasque dénommée MONTE-CARLO GRAND HOTEL, exerçant sous l'enseigne FAIRMONT MONTE-CARLO, dont le siège social est 12 avenue des Spélugues à MONACO, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, constituée partie civile, représentée par Maître Richard MULLOT avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 11 mars 2014 ;

Vu l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal correctionnel du Magistrat instructeur en date du 2 octobre 2013 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 21 octobre 2013

Ouï le prévenu en ses réponses ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat défenseur pour la partie civile, en ses demandes, fins et conclusions en date du 11 mars 2014 .

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Bernard GINEZ, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assisté le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

Aux termes d'une ordonnance du Magistrat instructeur en date du 2 octobre 2013, f. AN. a été renvoyé par devant le Tribunal correctionnel, sous la prévention :

« D'avoir, à Monaco, dans le courant du mois de mai 2010, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

* par écrits, imprimés ou tout autre support de l'écrit, porté des allégations ou imputations portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, en l'occurrence la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL pour viser la direction de l'hôtel FAIRMONT, en l'espèce en écrivant :

* dans le communiqué du 7 mai 2010 les propos suivants : « Car depuis l'arrivée de Monsieur RU. à la tête de notre établissement et de l'équipe d'encadrement qu'il a instituée, nous n'avons cessé de subir trop de méthodes de management tellement inédites, qu'elles ont abouties à réhabiliter l'esclavage »,

* dans la « lettre ouverte » du 7 mai 2010 à son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, les propos suivants :  « depuis l'arrivée de Mr. RU., et de son équipe dirigeante, nous n'avons pas cessé de voir quotidiennement toutes les lois en vigueur à MONACO transgressées, notre dignité humaine bafouée, l'Éthique professionnelle méprisée (...) : licenciements abusifs, démissions forcées, (...) tentatives de suicides »,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 15, 21 alinéa 1er, 24 alinéas 1er et 3, 35, 36, 44 alinéa 1er, 47 et 59 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique

« De s'être, à Monaco, dans le courant du mois de mai 2010, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

* par écrits, imprimés ou tout autre support de l'écrit portant des allégations ou imputations portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, en l'occurrence la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL, rendu complice par aide ou assistance du délit de diffamation publique en déclarant à un journaliste, en connaissance de cause, à propos de la direction de l'hôtel FAIRMONT, sans ignorer la publicité qui serait donnée à ses propos dans la presse locale (article paru dans le Monaco Hebdo de la semaine du 13 au 19 mai 2010) : » Et puis il y a aussi du harcèlement ,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 15, 21 alinéa 1er, 24 alinéas 1er et 3, 44 alinéa 1er, 47 et 59 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique et par les articles 41 et 42 du Code pénal ;

« D'avoir, à Monaco, dans le courant du mois de mai 2010, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

* par écrits, imprimés ou tout autre support de l'écrit, mis à la disposition du public par un moyen de communication audiovisuelle (réseau internet, site belge http://www.lapetition.be), porté des allégations ou imputations portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, en l'occurrence la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL pour viser la direction de l'hôtel FAIRMONT, en l'espèce en écrivant les termes suivants :

(…) Comme la Principauté de Monaco fait partie du Conseil de l'Europe, les exactions commises par tous les membres de cette direction nuisent également à l'image de toute l'Europe.

La Principauté de Monaco est aussi liée par des accords privilégiés avec la France : Terre des droits de l'Homme.

Par conséquent toutes ces dérives, inities par le directeur général, représentent aussi une HONTE scandaleuse et inadmissible pour la France» ;

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 15, 21 alinéa 1er, 24 alinéas 1er et 3, 35, 36, 44 alinéa 1er, 47 et 59 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique ;

« D'avoir, à Monaco, dans le courant du mois de mai 2010, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

* par quelque moyen que ce soit, alors qu'il les savait totalement ou partiellement inexacts, dénoncé des faits par une «lettre ouverte ». adressée le 7 mai 2010 à son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, en l'espèce en dénonçant de prétendues violations de la loi par monsieur RU. et son équipe d'encadrement (direction de l'hôtel FAIRMONT), au préjudice de la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL,

DÉLIT prévu et réprimé par l'article 307 du Code pénal ».

À l'audience la S.A.M. MONTE-CARLO GRAND HÔTEL s'est constituée partie civile et a fait déposer par son conseil des conclusions tendant à voir retenir le prévenu dans les liens de la prévention et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues.

Le 2 juin 2010, la SAM MONTE-CARLO GRAND HÔTEL, exploitant sous l'enseigne FAIRMONT un complexe hôtelier de luxe en Principauté de Monaco, déposait plainte avec constitution de partie civile des chefs de diffamation publique, dénonciation calomnieuse, extorsion de signatures, abus de blanc-seing, faux et usage de faux et recel à l'encontre de f. AN. et tous autres (D1).

Elle complétait sa plainte initiale par plusieurs notes ultérieures (notamment D27, D36 et D48).

Elle exposait principalement qu'un groupe restreint de salariés de l'hôtel, dont f. AN., avait déclenché une campagne calomnieuse et diffamatoire, d'abord par la diffusion d'une pétition et d'un communiqué le 7 mai 2010, relayés par la presse écrite, puis par la constitution de site internet sur lequel était diffusé un certain nombre de textes et de commentaires susceptibles de poursuites pénales.

Elle stigmatisait en particulier un site canadien dénommé :

www.justicepourlesemployesdelHÔTELfairmontmc.com

ainsi que les deux sites belges suivants qui avaient pris sa suite après sa fermeture :

* http://justicepourlesemployesdelHÔTELfairmontmc.be/1

* et http://justicepourlesemployesdelHÔTELfairmontmc.be/2

desquels un certain nombre d'écrits, ainsi publiquement diffusés, étaient extraits et joints au dossier (D40).

Elle signalait également un troisième site belge, accessible à l'adresse suivante : http://www.lapetition.be, sur lequel avait été diffusée, sous le titre « Justice contre la direction de l'hôtel FAIRMONT Monte-Carlo  », ladite pétition accompagnée de textes jugés diffamatoires.

f. AN. était licencié pour faute grave le 5 juin 2010.

Le 4 octobre 2010, des réquisitions d'informer étaient prises (D55) et, le 15 octobre suivant, f. AN. était inculpé des chefs de diffamation publique, dénonciation calomnieuse, extorsion de signature, abus de blanc-seing, faux et usage de faux et recel.

Il précisait spontanément lors de sa première comparution « n'avoir dit que la vérité », précisant être en possession des 130 signatures recueillies pour la pétition.

Interrogé le 21 février 2012, après diverses investigations, (D135) il rejetait la paternité des propos litigieux et leur responsabilité sur trois syndicalistes, concédant toutefois avoir accepté qu'ils utilisent son nom pour la pétition et le communiqué, avoir fait signer ladite pétition (dont il était d'accord avec les termes) à un certain nombre d'employés et avoir signé ledit communiqué du 7 mai 2010 (dont il était là encore d'accord avec les termes), mais aussi avoir tenu les propos rapportés dans un article de Monaco Hebdo (semaine du 13 au 19 mai 2010), à l'exception de ceux évoquant la réhabilitation de l'esclavage. Il contestait en revanche tout lien avec les sites canadien et belges incriminés et, par suite, avec les écrits qui y étaient diffusés.

Toutefois les investigations internationales démontraient que le nom de domaine du site belge avait été enregistré à son nom et à son adresse (avec son numéro de téléphone), sur le fondement d'une copie de son passeport et d'un justificatif de domicile fournis par l'adresse mail de son épouse, et le mode de paiement utilisé était une carte bancaire à son nom (D184 à D186).

Confronté à ces éléments au cours d'un dernier interrogatoire (D198), f. AN. reconnaissait avoir fourni tous ces documents pour la création de ce site belge (qui a pris l'immédiate suite du site canadien fermé) mais ne pas le gérer ni l'alimenter, refusant de donner l'identité des personnes qui les lui avaient demandés.

Le 2 octobre 2013 le juge d'instruction ordonnait le renvoi de f. AN. devant ce tribunal des faits visés dans la prévention et prononçait un non-lieu des autres chefs.

Aucune offre de preuve n'a été transmise au tribunal s'agissant des faits de diffamations.

À l'audience f. AN. a confirmé ses dernières déclarations et a indiqué assumer les propos écrits et tenus dans les textes objets de la poursuite.

SUR CE,

Sur l'action publique :

Le communiqué du 7 mai 2010 (D2), signé par f. AN. et adressé en particulier à son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, mentionne notamment : «Car depuis l'arrivée de Monsieur RU. à la tête de notre établissement et de l'équipe d'encadrement qu'il a instituée, nous n'avons cessé de subir trop de méthodes de management tellement inédites, qu'elles ont abouties à réhabiliter l'esclavage ».

Il a par ailleurs été écrit, dans la « lettre ouverte » adressée à son Altesse Sérénissime le Prince Souverain (D2), du même jour et sous le nom et la signature de f. AN., que « depuis l'arrivée de Mr. RU., et de son équipe dirigeante, nous n'avons pas cessé de voir quotidiennement toutes les lois en vigueur à Monaco transgressées, notre dignité humaine bafouée, l'Éthique professionnelle méprisée (…) : licenciements abusifs, démissions forcées, (…) tentatives de suicides ».

De tels propos constituent des allégations ou imputations de faits suffisamment précis qui portent atteinte, au sens des articles 21, alinéa 1er, et 24, alinéa 1er, de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique, à l'honneur ou la considération de la SAM « MONTE CARLO GRAND HÔTEL » puisqu'ils visent expressément la direction de l'Hôtel « FAIRMONT » et lui imputent des faits d'esclavagisme, de licenciements abusifs, des démissions forcées et la responsabilité de tentatives de suicide.

Ces écrits, sous le nom et la signature de f. AN., et dont il assume les termes, ont été diffusés au sens de l'article 15 de la même loi.

Enfin, f. AN. n'administre pas la preuve de la vérité des faits et ne verse aucune pièce ou témoignage qui démontrerait sa bonne foi. A ce titre il convient de rappeler que la bonne foi est admise en jurisprudence si les propos ont été tenus dans un but légitime, sans animosité personnelle et lorsque leur auteur a fait preuve de précaution dans le choix des termes qu'il a employés. Ces circonstances sont appréciées de façon large dans certaines circonstances notamment les émissions ou journaux satiriques, le travail éditorial ou dans le cadre de conflits sociaux. Cependant, si la signature de la pétition par une centaine de personnes démontre certes l'existence d'un conflit social les propos spécifiquement tenus ne sont nullement étayés et notamment les méthodes de management utilisées, les démissions ou licenciements intervenus, par exemple, ne permettant pas d'apprécier la légitimité du but et l'adaptation dans le choix des termes. Il sera donc déclaré coupable de ces faits.

Dans l'article paru dans « Monaco Hebdo », semaine du 13 au 19 mai 2010 (D5), f. AN., interrogé par un journaliste, déclarait notamment au sujet de la Direction de l'Hôtel « FAIRMONT », exploitée par la SAM plaignante : « Et puis il y a aussi du harcèlement ». f. AN. a reconnu avoir tenu ces propos, publiquement diffusés par voie de presse écrite et effectivement diffamatoires, imputant une infraction pénale de harcèlement, prévus et réprimés par les articles 15, 21 alinéa 1er, et 24, alinéa 1er, de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique. Il ne démontre pas plus d'exceptio veritatis ou sa bonne foi.

f. AN., qui a tenu ces propos dans le cadre d'une interview et qui ne pouvait ignorer, puisque tel était bien son but, qu'ils seraient publiés dans la presse locale, sera déclaré coupable de complicité du délit de diffamation publique de ce chef.

S'agissant des termes diffusés sur le site belge http://www.lapetition.be hébergeant une pétition en ligne dirigée directement contre la Direction de l'Hôtel « FAIRMONT » (D44) : « (…) Comme la Principauté de Monaco fait partie du Conseil de l'Europe, les exactions commises par tous les membres de cette direction nuisent également à l'image de toute l'Europe.

La Principauté de Monaco est aussi liée par des accords privilégiés avec la France : Terre des droits de l'Homme.

Par conséquent toutes ces dérives, inities par le directeur général, représentent aussi une HONTE scandaleuse et inadmissible pour la France ».

Malgré leur caractère peu cohérent ces propos constituent l'allégation ou l'imputation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la direction du FAIRMONT en ce qu'ils utilisent les termes fortement connotés d'« exactions » et de « dérives » représentant une « honte scandaleuse et inadmissible ».

Si f. AN. conteste avoir mis lui-même en ligne ces documents, les éléments d'enquête recueillis démontrent que le site a été ouvert à son nom et avec ses moyens financiers et qu'il est le titulaire du droit de propriété sur le nom du site. Par ailleurs le site précisait que f. AN. était l'auteur de cette pétition, donnant son adresse et son numéro de téléphone. On peut ajouter que ses termes, très analogues à ceux des écrits précités, ne laissent effectivement guère de doutes raisonnables sur l'identité de leur rédacteur.

Conformément aux articles 35 et 36 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique, l'auteur de l'écrit publié doit être poursuivi en qualité d'auteur principal lorsque, comme en l'espèce, les directeurs de publication ne sont pas en cause.

Sans offre de preuve et sans bonne foi démontrée, en l'absence de tout document sur les conditions sociales de travail, il sera déclaré coupable de l'infraction reprochée.

S'agissant enfin de la dénonciation calomnieuse, la transmission au Prince Souverain, le 7 mai 2010, de la « lettre ouverte », de la pétition et du communiqué précités, tend effectivement à dénoncer des violations de la loi, au sens large, à une autorité ayant à l'évidence le pouvoir de saisir l'autorité compétente. Cependant, il convient de rappeler que l'incrimination de dénonciation calomnieuse nécessite soit une décision définitive de relaxe ou de non-lieu relativement aux faits dénoncés, démontrant irréfragablement leur fausseté, soit que le ministère public administre la preuve de la fausseté des faits dénoncés (la charge de la preuve est ici celle de droit commun contrairement aux diffamations où la charge de la preuve quant à la bonne et mauvaise foi est inversée). En l'espèce aucune enquête n'a été réalisée et aucune décision judiciaire de relaxe ou de non-lieu n'est intervenue. Quant à la preuve de la fausseté des faits dénoncés aucune enquête n'ayant été réalisée celle-ci ne peut être appréciée et la relaxe s'impose.

Au regard de la nature des faits reprochés, de leur contexte et du licenciement réalisé quelques jours après les faits incriminés, f. AN. sera condamné en répression de ces infractions à la liberté d'expression publique à la peine de 500 euros d'amende.

Sur l'action civile :

Pour solliciter la condamnation de f. AN. à la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts la S.A.M. MONTE CARLO GRAND HÔTEL expose son préjudice moral résultant de l'atteinte à l'image et à la réputation et son préjudice matériel conséquence des frais qu'elle a dû exposer pour faire cesser la diffamation dont elle a été victime notamment sur les sites internent hébergés au Canada et en Belgique et pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente procédure.

S'agissant du préjudice matériel, outre qu'aucune pièce n'est versée quant aux démarchés indiquées sur les sites étrangers, la partie civile ne justifie aucunement du montant des frais qu'elle a pu engager.

Quant au préjudice moral, si une personne morale peut souffrir d'une atteinte à l'image et à la réputation, un préjudice de ce chef n'est nullement démontré en l'espèce. En effet il convient de relever qu'au-delà du conflit social de l'époque, les propos tenus et écrits, s'ils constituent une diffamation, sont peu cohérents et n'ont manifestement pas été pris au sérieux par les différentes autorités qui n'ont pas cru nécessaire de diligenter une quelconque enquête sur leur contenu. D'autre part la partie civile ne verse aucune pièce qui démontrerait une perte de confiance ou des réactions négatives des partenaires ou clients de l'établissement remettant bien au contraire deux documents, l'un émanant du Prince souverain du 23 mars 2012 transmettant ses chaleureuses félicitations à tous les personnels pour le prix du « Best overseas HÔTEL », et l'autre rappelant les prix obtenus par l'hôtel en 2010, 2011, et 2012 et démontrant ainsi l'absence de conséquence sur l'image de l'hôtel.

Dès lors la partie civile, recevable, sera déboutée de ses demandes.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Sur l'action publique,

Relaxe f. AN. du délit de dénonciation calomnieuse.

Déclare f. AN. coupable des autres délits qui lui sont reprochés.

En répression, faisant application des articles visés par la prévention ainsi que l'article 393 du Code pénal,

Le condamne à la peine de CINQ CENTS EUROS D'AMENDE.

Sur l'action civile,

Déclare recevable la société anonyme monégasque MONTE-CARLO GRAND HÔTEL, exerçant sous l'enseigne FAIRMONT MONTE-CARLO en sa constitution de partie civile.

La déboute de ses demandes.

Condamne f. AN. aux frais.

Composition

Ainsi jugé après débats du onze mars deux mille quatorze en audience publique tenue devant le Tribunal correctionnel composé par Monsieur Cyril BOUSSERON, Premier Juge, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du premier avril deux mille quatorze, par Monsieur Cyril BOUSSERON, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier stagiaire.-

Note

Le jugement a fait l'objet d'un appel. Par arrêt du 24 novembre 2014, il a été confirmé sur l'action publique et réformé sur l'action civile. Pour ce faire, la Cour d'appel a notamment repris une motivation similaire à celle du Tribunal correctionnel sur l'appréciation de la bonne foi.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12008
Date de la décision : 01/04/2014

Analyses

Le prévenu n'administre pas la preuve de la vérité des faits et ne verse aucune pièce ou témoignage qui démontrerait sa bonne foi. La bonne foi est admise en jurisprudence si les propos tenus ont un but légitime, sans animosité personnelle et lorsque l'auteur a fait preuve de précaution dans le choix des termes employés. Ces circonstances sont appréciées de façon large dans certaines circonstances notamment les émissions ou journaux satiriques, le travail éditorial ou dans le cadre de conflits sociaux. Cependant, si la signature de la pétition par une centaine de personnes démontre certes l'existence d'un conflit social les propos spécifiquement tenus ne sont nullement étayés et notamment les méthodes de management utilisées, les démissions ou licenciements intervenus, par exemple, ne permettent pas d'apprécier la légitimité du but et l'adaptation dans le choix des termes. Il sera donc déclaré coupable de ces faits.S'agissant de la dénonciation calomnieuse, la transmission au Prince Souverain de la « lettre ouverte », de la pétition et du communiqué, tend effectivement à dénoncer des violations de la loi, au sens large, à une autorité ayant à l'évidence le pouvoir de saisir l'autorité compétente. Cependant, il convient de rappeler que l'incrimination de dénonciation calomnieuse nécessite soit une décision définitive de relaxe ou de non-lieu relativement aux faits dénoncés démontrant irréfragablement leur fausseté, soit que le ministère public administre la preuve de la fausseté des faits dénoncés (la charge de la preuve étant ici celle de droit commun contrairement aux diffamations où la preuve quant à bonne et mauvaise foi est inversée). En l'espèce aucune enquête n'a été réalisée et aucune décision judiciaire de relaxe ou de non-lieu n'est intervenue. Quant à la preuve de la fausseté des faits dénoncés aucune enquête n'ayant été réalisée, elle ne peut être appréciée et la relaxe s'impose.

Infractions contre les personnes.

Diffamation publique - Complicité de diffamation publique - Dénonciation calomnieuse.


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : f. AN.

Références :

article 307 du Code pénal
article 393 du Code pénal
loi n° 1.299 du 15 juillet 2005
articles 35 et 36 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005
articles 41 et 42 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2014-04-01;12008 ?

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