Abstract
Déni de justice – Notion – Portée
Résumé
Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre sur les requêtes qui leur sont adressées et du troisième que les parties devront reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans les conclusions précédentes. En considérant qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur la nullité de l'ordre passé par les époux H en l'absence de demande expresse dans le dispositif de leurs conclusions, après avoir constaté qu'aux termes des motifs desdites conclusions ces derniers sollicitaient expressément la nullité de cet ordre en raison du vice affectant leur consentement, la Cour d'appel a ajouté à l'article 181-1 du Code de procédure civile une condition qu'il ne prévoit pas. En statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.
Pourvoi N° 2024-60 en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2024
En la cause de :
* e.D, né le jma à Terni (Italie), de nationalité italienne, demeurant x1, 05100 Papigno, Terni, Italie ;
* d.D née K, née le jma à Terni (Italie), demeurant X1, 05100 Papigno, Terni, Italie ;
Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
DEMANDEURS EN REVISION,
d'une part,
Contre :
* La société anonyme B (MONACO) SAM, dont le siège social est fixé au x3 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président du conseil d'administration en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Laurent CARRIE et Maître Sirio PIAZZESI, avocats au barreau de Nice ;
DEFENDERESSE EN REVISION,
d'autre part,
Visa
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
* l'arrêt rendu le 16 avril 2024 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;
* la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 24 juin 2024, par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur, au nom de e.D et de d.D née K ;
* la requête déposée le 11 juillet 2024 au Greffe général, par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur, au nom de e.D et de d.D née K, accompagnée de 5 pièces, signifiée le même jour ;
* la contre-requête déposée le 30 juillet 2024 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société B (MONACO) SAM, accompagnée de 1 pièce, signifiée le même jour ;
* les conclusions du Ministère public en date du 1er août 2024 ;
* le certificat de clôture établi le 19 août 2024 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 4 octobre 2024 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï le Ministère public ;
Motifs
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que titulaires d'un compte bancaire dans les livres de la A, devenue la SAM B, e.D et son épouse, d.D née K, ont, le 6 juillet 2017, investi une somme de 6.300.000 euros sur un titre financier dit « Credit Linked Certificates » (CLN), produit structuré et risqué ; qu'ayant subi une importante perte, ils ont demandé que la SAM B soit condamnée à rétablir le solde de leur compte au niveau auquel il se trouvait avant l'acquisition de ce titre financier ; que, par arrêt du 16 avril 2024, la Cour d'appel a infirmé le jugement qui avait débouté les époux H de leurs demandes et dit que la SAM B avait commis un dol incident à leur préjudice ; qu'ayant relevé que le dispositif de leurs conclusions ne reprenait pas de demande de nullité de l'investissement litigieux expressément formulée dans le corps desdites conclusions mais sollicitait uniquement son inopposabilité, elle en a déduit qu'il n'y avait pas lieu par conséquent de se prononcer sur la demande de nullité formulée dans le corps des conclusions ; que la Cour d'appel a par ailleurs retenu que la SAM B avait manqué à son obligation d'information, que le préjudice en résultant s'analysait pour les époux H en une perte de chance pouvant être réparée par l'allocation d'une somme de 870.975,60 euros à titre de dommages et intérêts ; que les époux H se sont pourvus en révision contre cet arrêt ;
* Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 4 du Code civil ensemble les articles 461, 2° et 181-1 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes qu'il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre sur les requêtes qui leur sont adressées et du troisième que les parties devront reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans les conclusions précédentes ;
Attendu qu'en considérant qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur la nullité de l'ordre passé par les époux H en l'absence de demande expresse dans le dispositif de leurs conclusions, après avoir constaté qu'aux termes des motifs desdites conclusions ces derniers sollicitaient expressément la nullité de cet ordre en raison du vice affectant leur consentement, la Cour d'appel a ajouté à l'article 181-1 du Code de procédure civile une condition qu'il ne prévoit pas ;
Qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
* Sur les demandes formées au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile :
Attendu que les époux H sollicitent la condamnation de la SAM B au paiement de la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte des circonstances de la cause qu'il y a lieu de faire droit à leur demande ;
Attendu que la SAM B sollicite la condamnation des époux H sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile au paiement d'une indemnité de 5.000 euros ;
Mais attendu que les circonstances de la cause n'impliquent pas de faire droit à cette demande ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'appel en date du 16 avril 2024,
Renvoie la cause et les parties à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée,
Rejette la demande formée par la SAM B au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
Condamne la SAM B à verser 7.000 euros aux époux H sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
Réserve les dépens ;
Composition
Ainsi jugé et prononcé le 9 OCTOBRE 2024, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Laurent LE MESLE, Président, François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur et Jacques RAYBAUD, Conseiller, en présence du Ministère public, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.-
Le Greffier en Chef, Le Président.
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