La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | MONACO | N°20624

Monaco | Cour de révision, 7 juillet 2022, M. A. c/ Ministère public


Motifs

Pourvoi N° 2022-16

Hors Session pénale

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 JUILLET 2022

En la cause de :

* A., né le 25 janvier 1959 à ROME (Italie), de nationalité italienne, directeur de revue, demeurant chez Monsieur C. X1 à MONACO (98000) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, près la Cour d'Appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

* Le MINISTÈRE PUBLIC ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,r>
* En présence de :

* B., né le 4 février 1977 à PARIS (75), de nationalité française, magistrat, demeurant X2 au CANNET (06110), constit...

Motifs

Pourvoi N° 2022-16

Hors Session pénale

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 JUILLET 2022

En la cause de :

* A., né le 25 janvier 1959 à ROME (Italie), de nationalité italienne, directeur de revue, demeurant chez Monsieur C. X1 à MONACO (98000) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, près la Cour d'Appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

* Le MINISTÈRE PUBLIC ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

* En présence de :

* B., né le 4 février 1977 à PARIS (75), de nationalité française, magistrat, demeurant X2 au CANNET (06110), constitué partie civile, ayant pour conseil Maître François SAINT-PIERRE, avocat au barreau de Lyon ;

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;

VU :

* l'arrêt de la Cour d'Appel, statuant en matière correctionnelle, en date du 31 janvier 2022 ;

* la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 3 février 2022, par Monsieur A. en personne ;

* l'ordonnance par Madame le Premier Président, en date du 15 février 2022, désignant d'office Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, afin d'assister et de défendre A. ;

* la requête en révision déposée le 18 février 2022 au greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de A. accompagnée de 4 pièces, signifiée le même jour ;

* la notification du dépôt de la requête faite en application de l'article 477 du Code de procédure pénale à Monsieur B. partie civile, par lettre recommandée, en date du 21 février 2022 ;

* les conclusions du Ministère Public en date du 28 février 2022 ;

* la contre-requête déposée le 3 mars 2022 au greffe général, par Monsieur B. en personne, signifiée le même jour ;

* le certificat de clôture établi le 11 mars 2022 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 2 juin 2022, sur le rapport de Monsieur Laurent LE MESLE, Vice-Président ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que, sur la plainte avec constitution de partie civile de M. B. magistrat français détaché à Monaco, M. A.et M. C. respectivement directeur de la publication du mensuel « La Principauté » et rédacteur d'un article intitulé « départ d'un juge très controversé » paru dans le numéro de juillet-août 2019 de cet organe de presse ainsi que sur son site internet, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs de diffamation par voie de presse et par voie électronique envers un fonctionnaire public, et complicité de ce délit ; que, par jugement du 25 août 2021, ils ont été condamnés, des chefs visés à la prévention, pour les propos suivants extraits de l'article précité : « parfois leur zèle médiatisé piétine, avec le secret de l'instruction, des réputations avant tout jugement », à la peine de 3.000 euros d'amende avec sursis chacun, et à payer solidairement 1.500 euros de dommages-intérêts à la partie civile ; que cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour d'appel en date du 31 janvier 2022 contre lequel M. A. s'est pourvu en révision ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. A. fait grief à l'arrêt de statuer ainsi alors, selon le moyen, que 1° « aux termes de l'article 21 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression, constitue une diffamation, toute allégation ou imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, d'un groupe de personnes liées par la même appartenance ; que pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve ou d'un débat contradictoire et viser spécifiquement la personne qui se prétend victime de la diffamation ; qu'en jugeant que le membre de phrase »mais parfois leur zèle médiatisé piétine, avec le secret de l'instruction, des réputations avant tout jugement« caractérisait le délit de diffamation quand ces propos relèvent exclusivement d'une opinion visant une catégorie de juges et ne comportant pas, par leur généralité même, l'évocation de faits suffisamment précis pour constituer des imputations portant atteinte à l'honneur ou à la considération, la cour d'appel a violé l'article susvisé » et 2° « pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire et viser spécifiquement la personne qui se prétend victime de la diffamation ; que le prévenu soulignait que l'utilisation de l'adverbe »parfois« s'opposait à ce que l'allégation litigieuse puisse être jugée comme visant de façon suffisamment précise et directe la partie civile ; qu'en omettant de se prononcer sur l'utilisation de l'adverbe »parfois«, la cour d'appel a omis de répondre aux conclusions du prévenu et a ainsi violé les articles 455 et 456 du Code de procédure pénale » ;

Mais attendu que c'est après avoir examiné les propos litigieux à la lumière de l'ensemble de l'article dont ils sont extraits, que la Cour d'appel, à laquelle il appartenait de prendre en considération toutes les circonstances de nature à leur donner leur véritable sens, qu'elles leur soient intrinsèques ou extrinsèques, a constaté, sans être tenue de répondre aux conclusions visées par la deuxième branche du moyen que ses constatations rendaient inopérantes, qu'étaient imputés à la partie civile une violation du secret de l'instruction et un manquement à son devoir d'impartialité dans le cadre de l'instruction d'une affaire précisément identifiée dont elle avait la charge ; qu'elle a pu en déduire qu'avaient ainsi été articulés, non une opinion de portée générale, mais des faits précis, susceptibles d'être prouvés et de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération du magistrat visé, et qu'étaient donc réunis les éléments constitutifs du délit visé à la prévention ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne A. aux frais ;

Composition

Ainsi jugé et rendu le sept juillet deux mille vingt-deux, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Laurent LE MESLE, Vice-Président, rapporteur et François-Xavier LUCAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20624
Date de la décision : 07/07/2022

Analyses

En vertu de l'article 21 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression, constitue une diffamation, toute allégation ou imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, d'un groupe de personnes liées par la même appartenance. La qualification de ces faits délictuels doit être présentée de manière qu'ils soient précisément articulés sans difficulté comme l'objet d'une preuve ou d'un débat contradictoire et viser spécifiquement la personne qui se prétend victime de la diffamation. M. A., directeur de la publication du mensuel « La Principauté », a fait l'objet d'une plainte de la part de M. B., magistrat français qui s'est constitué partie civile. Le requérant a intégré dans son journal un article intitulé « départ d'un juge très controversé » qui lui a valu d'être renvoyé, avec le rédacteur, devant le tribunal correctionnel pour les chefs de diffamation par voie de presse et par voie électronique envers un fonctionnaire public. Le Tribunal les a condamnés et cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d'Appel contre lequel M. A. se pourvoit en révision. La Cour rejette le pourvoi du requérant en considérant que les propos litigieux de l'article replacés dans son contexte ne relevaient pas d'une une opinion de portée générale, mais sur des faits précis, susceptibles d'être prouvés et de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération du magistrat, et qu'étaient donc réunis les éléments constitutifs du délit visé.

Infractions contre les personnes  - Vie privée  - Professions juridiques et judiciaires.

Diffamation - Presse - Liberté d'expression - Ecrits injurieux et diffamatoires (oui) - Atteinte à l'honneur et à la considération d'un magistratCour de révision - Pourvoi en matière pénale - Appréciation souveraine des faits intentionnels.


Parties
Demandeurs : M. A.
Défendeurs : Ministère public

Références :

article 489 du Code de procédure pénale
article 477 du Code de procédure pénale
articles 455 et 456 du Code de procédure pénale
article 21 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2022-07-07;20624 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award