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02/06/2022 | MONACO | N°20545

Monaco | Cour de révision, 2 juin 2022, SAM Société des entreprises A. & Fils c/ M. B.


Pourvoi N° 2022-17

Hors Session TT

En la cause de :

La société anonyme monégasque dénommée Société des entreprises A. & Fils, dont le siège social est sis à Monaco (98000), X1 représentée par son Président Administrateur Délégué en exercice, Monsieur C. demeurant ès-qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocats plaidants Maître Françoise FABIANI, avocat aux Conseils et Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice ;

DEMAN

DERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

Monsieur B., né le 10 juillet 1972 à Kaliningrad (Russie), ...

Pourvoi N° 2022-17

Hors Session TT

En la cause de :

La société anonyme monégasque dénommée Société des entreprises A. & Fils, dont le siège social est sis à Monaco (98000), X1 représentée par son Président Administrateur Délégué en exercice, Monsieur C. demeurant ès-qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocats plaidants Maître Françoise FABIANI, avocat aux Conseils et Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

Monsieur B., né le 10 juillet 1972 à Kaliningrad (Russie), demeurant X2 à Menton (06500) ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 444-BAJ-16, par décision du Bureau du 23 juin 2016

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alice PASTOR, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat plaidant ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa

LA COUR DE RÉVISION,

 

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile et l'article 14 de la loi n°1.375 du 16 décembre 2010 modifiant la loi n°446 du 16 mai 1946, portant création d'un tribunal du travail ;

VU :

* -  l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant sur appel d'un jugement du Tribunal du travail, en date du 14 décembre 2021 ;

* -  la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 4 février 2022, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée Société des entreprises A. & Fils ;

* -  la requête en révision déposée le 15 février 2022 au greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée Société des entreprises A. & Fils, accompagnée de 14 pièces, signifiée le même jour ;

* -  les conclusions du Ministère Public en date du 24 mars 2022 ;

* -  le certificat de clôture établi le 25 mars 2022 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 5 mai 2022, sur le rapport de M. Serge PETIT, Conseiller,

Motifs

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B. a été embauché en qualité de manœuvre, par la société anonyme monégasque dénommée A. & FILS, par contrat à durée indéterminée en date du 3 septembre 2008 ; que suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 février 2016, remise en main propre, il a été licencié le jour même, sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ; qu'il a saisi le Tribunal du travail qui, par décision du 14 janvier 2021 a jugé le licenciement abusif ; que par arrêt du 14 décembre 2021 la Cour d'appel a confirmé le jugement ; que la société anonyme monégasque dénommée A. & FILS a formé un pourvoi en révision contre cet arrêt ;

 

Sur le moyen unique pris en ses cinq branches :

 

Attendu que la société anonyme monégasque dénommée A. & Fils fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors selon le moyen de première part « qu'aucun texte n'impose à l'employeur qui entend exercer le droit unilatéral de résiliation que lui confère l'article 6 de la loi n° 729 du 13 mars 1963 de notifier dans un certain délai la décision de licencier qu'il a préalablement prise et annoncée à son salarié ; qu'en l'espèce, pour dire que la rupture du contrat de travail de M. B. avait été abusive, l'arrêt attaqué retient que son employeur ne lui »avait fait aucun grief et n'avait reproché aucun manquement« (arrêt, p.11) ; qu'en se fondant sur ces motifs impropres à caractériser un abus, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 »; alors de deuxième part « qu'aucun texte n'impose à l'employeur qui entend exercer le droit unilatéral de résiliation que lui confère l'article 6 de la loi n° 729 du 13 mars 1963 d'informer préalablement le salarié de l'éventualité d'un licenciement dans le cadre d'un entretien lui-même précédé d'un »délai de prévenance«, et ce quand bien même ce salarié justifierait d'une certaine ancienneté ; qu'en estimant néanmoins en l'espèce que la rupture du contrat de travail de M. B. était intervenue de manière brutale, au motif que ce dernier, qui justifiait de sept ans d'ancienneté, n'avait pas pu anticiper son licenciement et sans mise en œuvre dans le cadre d'un entretien organisé, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi des conditions qu'elle ne prévoit pas, a derechef violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ; alors de troisième part « qu'en affirmant que M. B. n'avait pas pu anticiper le licenciement dont il a fait l'objet de manière »brutale«, au motif qu'il a »découvert les intentions de son employeur« au moment de la notification du licenciement (arrêt, p. 11 ), sans examiner les éléments de preuve régulièrement versés aux débats par la société des Entreprises A.et Fils attestant que B. avait adopté un comportement rendant »impossible« le travail au sein de l'équipe des ouvriers (production n°14), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ; alors de quatrième part « que l'employeur exerçant son droit de mettre unilatéralement fin au contrat de travail sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'étant pas tenu d'informer préalablement son salarié de sa décision, ni de lui fournir des explications préalables, ni de justifier d'une faute de sa part, la dispense de préavis, qui constitue une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur, ne constitue pas davantage une faute; qu'en l'espèce, pour condamner la société des Entreprises A. et Fils à payer à M. B. la somme de 17.000 euros en réparation de son préjudice moral, l'arrêt attaqué retient une concomitance entre la découverte de l'intention de l'employeur et la date de notification du licenciement ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, ensemble l'article 1229 du Code civil monégasque » ; alors enfin « que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose à tout tribunal de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence ; que dans ses conclusions d'appel, la société des Entreprises A. et Fils faisait valoir que la dégradation »au fil des années« justifiait le licenciement de M. B. et que ses manquements avait été explicité par son superviseur (production n°14) de sorte que la rupture n'était ni brutale ni légère dans ses modalités d'exécution (production n° 4) ; qu'en n'apportant aucune réponse à ce moyen et en s'abstenant d'en apprécier la pertinence, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;

Mais attendu que par un arrêt motivé, la Cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur la dispense de préavis et qui n'avait pas à répondre à une simple argumentation tirée des motifs du licenciement, a relevé la précipitation, le caractère brutal et la légèreté blâmable de la mise en œuvre, dommageable psychologiquement, du licenciement, par la SAM A. et fils, qui a imposé à M. B.de quitter l'entreprise le jour même où lui a été notifiée la décision de rupture du contrat de travail ; qu'elle a ainsi, sans violer l'article 6 paragraphe 1er de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, caractérisé les circonstances rendant abusif le licenciement de ce dernier ; que le moyen qui, en sa deuxième branche critique un motif surabondant et qui est en sa troisième branche est inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Attendu que la société anonyme monégasque dénommée Société des entreprises A. & Fils qui succombe sera condamnée aux entiers dépens ; qu'imputables à l'adversaire d'une partie bénéficiant de l'AJ, ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

 

Rejette le pourvoi ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée Société des entreprises A. & Fils aux dépens, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;

Composition

Ainsi jugé et rendu le deux juin deux mille vingt-deux, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Serge PETIT, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et François CACHELOT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier-Président, a signé avec Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef Adjoint.

Le Greffier en Chef Adjoint, Le Premier Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20545
Date de la décision : 02/06/2022

Analyses

M. B., embauché en qualité de manœuvre, par SA Monégasque A. & FILS, par un contrat à durée indéterminée en date du 3 septembre 2008, a été licencié le 12 février 2016 par une lettre recommandée avec accusé de réception remise en main propre. Il saisit le Tribunal qui juge abusif le licenciement, jugement confié en appel. La SAM forme un pourvoi en révision. La Cour de révision rejette le pourvoi et condamne la SAM aux dépens. La Cour d'appel n'avait pas à répondre à une simple argumentation tirée des motifs du licenciement et a correctement motivé son arrêt en relevant le caractère brutal, sa légèreté dans sa mise en œuvre et les dommages psychologiques du licenciement. En effet, la SAM a imposé à M. B. de quitter l'entreprise le jour même où lui a été notifié la décision de rupture du contrat de travail. En agissant de la sorte, la SAM a rempli les critères permettant de caractériser les circonstances du licenciement comme étant abusif.

Rupture du contrat de travail  - Responsabilité de l'employeur  - Procédures spécifiques.

Contrat de travail - Licenciement abusif (oui) - Caractère brutal - Légèreté dans sa mise en œuvre - Dommages psychologiquesCour de révision - Pourvoi en révision - Pourvoi en matière de droit du travail - Motif surabondant et inopérant.


Parties
Demandeurs : SAM Société des entreprises A. & Fils
Défendeurs : M. B.

Références :

article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011
article 14 de la loi n°1.375 du 16 décembre 2010
article 6 de la loi n° 729 du 13 mars 1963
articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile
articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 1229 du Code civil
loi n°446 du 16 mai 1946
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2022-06-02;20545 ?

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