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29/04/2022 | MONACO | N°20491

Monaco | Cour de révision, 29 avril 2022, M. A. c/ M. C.


Pourvoi N° 2022-11

Hors Session pénale

En la cause de :

A., né le 20 juillet 1971 à NEWARK (Grande-Bretagne), de a.et de b. B. de nationalité britannique, sans profession, demeurant X1à MONACO (98000) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, près la Cour d'Appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant Maître Dan SHEFET, avocat au Barreau de Paris ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

-  C., né le 8 juin 1975 à LONDRES (Angleterre), de nationalité britannique, homme d'affaires, demeu

rant X2LONDRES (Angleterre), constitué partie civile ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître a. MULLOT, avoca...

Pourvoi N° 2022-11

Hors Session pénale

En la cause de :

A., né le 20 juillet 1971 à NEWARK (Grande-Bretagne), de a.et de b. B. de nationalité britannique, sans profession, demeurant X1à MONACO (98000) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, près la Cour d'Appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant Maître Dan SHEFET, avocat au Barreau de Paris ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

-  C., né le 8 juin 1975 à LONDRES (Angleterre), de nationalité britannique, homme d'affaires, demeurant X2LONDRES (Angleterre), constitué partie civile ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître a. MULLOT, avocat-défenseur, près la Cour d'Appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

-  Le MINISTÈRE PUBLIC DEFENDEURS EN RÉVISION, d'autre part,

Visa

LA COUR DE RÉVISION,

 

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;

VU :

* -  l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière correctionnelle, en date du 22 novembre 2021 ;

* -  la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 25 novembre 2021, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de A. ;

* -  la requête en révision déposée le 10 décembre 2021 au greffe général, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de A. accompagnée de 10 pièces, signifiée le même jour ;

* -  la contre-requête déposée le 20 décembre 2021 au greffe général, par Maître a. MULLOT, avocat-défenseur, au nom de C. accompagnée de 6 pièces, signifiée le même jour ;

* -  les conclusions du Ministère public en date du 16 décembre 2021 ;

* -  le certificat de clôture établi le 17 janvier 2022 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 21 mars 2022, sur le rapport de Monsieur François CACHELOT, Conseiller ;

Motifs

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

 

Attendu que poursuivi sur constitution de partie civile de M. C. reprochant à M. A. d'avoir, à Monaco, du 5 août 2013 au 5 août 2016, sciemment recélé des données et documents personnels qu'il savait provenir d'un vol commis à son préjudice, la Cour d'appel, infirmant le jugement du tribunal correctionnel du 22 juin 2021 en ce qu'il a relaxé le prévenu de ce délit, l'a déclaré coupable des faits de recel de vol, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis et à 10.000 euros d'amende ainsi qu'à payer à M. C. la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu, sur l'action publique, que M. A. fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, en violation des articles 325 et 339 du Code pénal, 455 et 456 du Code de procédure pénale, 6§1 et §2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motif et manque de base légale, alors, selon le moyen, 1°/ « que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime et ne peut donc déclarer un prévenu coupable de recel que s'il caractérise le crime ou le délit préalable au recel ; que, pour dire que le recel était constitué, la Cour d'appel, après avoir constaté que les déclarations divergentes des parties ont persisté s'agissant de l'origine de l'entrée en possession par A. des données litigieuses, a énoncé avoir acquis la conviction que A. est entré en possession des données privées litigieuses de C. issues de la Time Capsule contenant des données personnelles de celui-ci, laquelle a été frauduleusement soustraite à la partie civile, même pendant un temps limité, puisqu'il ne ressort pas de l'information judiciaire qu'il l'ait volontairement confiée à un quelque moment à quiconque ; qu'en l'état de ces énonciations, qui ne démontrent pas que les données privées litigieuses issues de la Time Capsule détenue par le prévenu proviennent d'un vol ou d'un autre délit commis antérieurement à son entrée en possession, la Cour d'appel n' a pas justifié sa décision au regard des textes visés au moyen » ; alors 2°/ « que la charge de démontrer la culpabilité de la personne poursuivie incombe au ministère public ; qu'en énonçant que les données privées issues de la Time Capsule, laquelle a été frauduleusement soustraite à la partie civile, même pendant un temps limité, puisqu'il ne ressort pas de l'information judiciaire qu'il l'ait volontairement confiée à un quelconque moment à quiconque, pour retenir ensuite à un recel envers le prévenu, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des textes visés au moyen » ; alors 3°/ « que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; que M. A. dans ses conclusions d'appel (p 8 et suiv., pt.28 et suiv., prod.), avait justement fait valoir qu'en l'absence de constitution de l'infraction de vol, condition préalable à la caractérisation du délit de recel de vol, la relaxe du chef de recel de vol s'ensuivait ; que la Cour d'appel n' a pas répondu à ses conclusions en violation des textes visés au moyen » ; alors, 4°/ « que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; que Monsieur A. dans ses conclusions d'appel (p.13., pt 48 et suiv., prod.) avait soutenu que les documents prétendument volés n'ont fait l'objet que d'une communication au conseil britannique de M. A. pour les besoins de son action juridique, et que de droit constant, une personne peut être relaxée de la prévention de vol dès lors que les documents appréhendés étaient nécessaires à l'exercice du droit de la défense ; que la cour d'appel n'a pas d'avantage répondu à ces conclusions en méconnaissance des textes visés au moyen » ;

 

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que si le recel nécessite, pour être caractérisé, la détermination que la chose recelée provient bien d'un crime ou, comme en l'espèce d'un délit, il est indifférent que les circonstances exactes de l'infraction qui a procuré l'objet recélé n'aient pas été établies et que son auteur soit demeuré inconnu ou impuni, l'arrêt a pu déduire des faits de la cause qu'il a souverainement appréciés, en premier lieu que M. A. n'ignorait pas la provenance frauduleuse des données qu'il détenait, du fait de leur extraction d'une Time Capsule dont il n'avait pas la possession légitime et dont il savait, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait connu les circonstances exactes de temps et de lieu, qu'elle avait été frauduleusement soustraite à M. C. et, en second lieu, qu'il n'a pas restitué ces données à leur légitime propriétaire dès lors qu'il a accédé à leur contenu, mais les a au contraire, selon ses propres déclarations, ultérieurement transmises à ses avocats ; que par ces motifs qui répondent aux conclusions prises, la Cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;

 

Sur le second moyen :

 

Attendu sur l'action civile que M. A. fait grief à l'arrêt, en violation des articles 339 du code pénal, 2, 455, 456 et 492 du code de procédure pénale, 6 §1 et §2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, de le condamner à payer à M. C.la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi et d'ordonner la capitalisation des intérêts échus par année entière et pour la première fois le 22 novembre 2022, alors, selon le moyen, 1°/ « que la cassation de l'arrêt sur l'action publique en vertu du premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence nécessaire la cassation de l'arrêt en ses dispositions sur l'action civile » ; alors 2°/ « que l'action pour la réparation du préjudice directement causé par un fait constituant une infraction appartient à tous ceux qui en ont personnellement souffert ; que la Cour d'appel, en énonçant que Monsieur A. avait fait savoir à C. qu'il détenait des éléments et qu'il avait permis à ses avocats en leur transmettant ces documents d'initier un débat sur leur éventuelle production dans le cadre d'une procédure de discovery, n'a pas caractérisé le préjudice directement causé par ces faits et n'a pas légalement justifié sa décision » ; alors 3°/ « que l'action pour la réparation du préjudice directement causé par un fait constituant une infraction appartient à tous ceux qui en ont personnellement souffert ; que la Cour d'appel, en énonçant que si E. devra répondre de ses éventuels actes fautifs, elle constate qu'il résulte de la pièce n°1 produite aux débats par C. soit un jugement de la Haute Cour de justice du 21 avril 2021, que celui-ci a déclaré en préalable à une audience, que A. lui avait bien remis les éléments litigieux, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles le préjudice n'avait pas été causé directement par un fait imputable au prévenu et a ainsi violé les textes visés au moyen » ; alors 4°/ « que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; que Monsieur A. dans ses conclusions d'appel (p,15 et 16, pt.60 et suiv., prod), avait soutenu exactement que le prétendu préjudice moral ne serait que la conséquence d'actes commis par monsieur E.et donc non imputable à Monsieur A.(splt. pt 63 ) ; que la cour d'appel n' a pas répondu à ces conclusions et a violé les textes visés au moyen » ; alors 5°/ « que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; que la Cour d'appel ne pouvait énoncer que A. n'aurait pas remis en cause les déclarations de E.ni affirmé dans ses conclusions qu'elles seraient fausses, sans répondre aux conclusions d'appel de l'exposant ( p.15 et 16, pt.62, prod.) faisant valoir (pièce à l'appui, pièce n°3 devant la Cour, prod .) que Monsieur E. était prêt à jurer dans un affidavit ne pas avoir obtenu les documents litigieux de Monsieur A.; que la Cour d'appel a derechef privé sa décision de motifs » ; alors 6°/ « que les motifs inopérants équivalent à une absence de motifs ; que la Cour d'appel, en énonçant que A. n'a pas remis en cause les déclarations de E. et ne démontre pas plus qu'il aurait pris toute initiative pour le contredire, a statué par des motifs inopérants à justifier d'un préjudice causé directement par un fait imputable au prévenu en méconnaissance des textes visés au moyen » ;

 

Mais attendu en premier lieu que le premier moyen ayant été rejeté, la demande de cassation de l'arrêt sur l'action civile par voie de conséquence nécessaire de la cassation de l'arrêt sur l'action publique est devenue sans objet ;

 

Attendu en second lieu qu'après avoir exactement énoncé qu'en l'absence d'une décision étrangère qui aurait déjà statué sur ce point, la juridiction monégasque devait pouvoir apprécier le préjudice moral subi par M. C. causé par la volonté de M. A.de faire produire des effets juridiques aux fichiers et emails qu'il détenait du fait d'une infraction commise à Monaco, l'arrêt retient d'une part que si l'Archive, comme intitulée dans la procédure anglaise, n'apparaît pas avoir été directement soumise à l'appréciation d'un juge, M. A. a fait primitivement savoir à M. C. qu'il détenait des éléments et qu'il était « prêt à discuter, afin qu'il les récupère », formulation particulièrement ambiguë ne signifiant nullement une volonté de restitution, ce qu'il aurait pu faire spontanément, mais au contraire une intention de négociation et donc de contrepartie ; que l'arrêt relève d'autre part que M. A. avait indiqué aux avocats britanniques de la famille C. à l'occasion d'un litige commercial, qu'il disposait d'une abondante documentation informatique sensible, ainsi utilisée, malgré ses dénégations, comme un moyen de pression ; que par ces motifs, la cour d'appel qui a caractérisé le préjudice direct subi par M. C.et répondu aux conclusions prises, a légalement justifié sa décision ;

 

Sur la demande de M. C. tendant à la condamnation de M A. à lui payer des dommages-intérêts supplémentaires :

 

Attendu que M. C. demande la condamnation de M. A. à lui payer une somme de 30.000 euros supplémentaires à titre de légitimes dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral résultant de ses propos excessifs, de son inertie persistante à ne pas restituer l'archive et les données personnelles de sa victime et des recours abusifs et vexatoires dont il est l'auteur ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de la cause, d'accueillir cette demande ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

 

Rejette le pourvoi,

Rejette la demande de dommages-intérêts supplémentaires formée par M. C.

Condamne M. A. aux frais ;

Composition

Ainsi jugé et rendu le vingt-neuf avril deux mille vingt-deux, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs François CACHELOT, faisant fonction de Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Jacques RAYBAUD, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller.

Et Monsieur François CACHELOT, faisant fonction de Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20491
Date de la décision : 29/04/2022

Analyses

M. C. reproche à M. A. d'avoir pendant trois ans à Monaco sciemment recélé des données et documents personnels qu'il savait provenir d'un vol commis à son préjudice. La Cour d'appel a infirmé le jugement du tribunal correctionnel en ce qu'il avait relaxé le prévenu. Elle l'a déclaré coupable des faits de recel et de vol, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis et à 10.000 euros d'amende, ainsi qu'à payer à M. C. la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral. M. A. forme un pourvoi en révision.Le requérant soutient notamment qu'un juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir caractérisé tous les éléments constitutifs de l'infraction. Selon la Cour de révision, si pour caractériser le recel, il faut que la chose recelée provienne bien d'un délit, il est toutefois indifférent que les circonstances exactes de l'infraction qui a procuré l'objet recélé aient été ou non établies et que son auteur soit demeuré inconnu ou impuni. La Cour d'appel a exactement qualifié les faits en établissant que le requérant n'ignorait pas la provenance frauduleuse des données, qu'il connaissait les circonstances de leur soustraction et qu'il a transmis leur contenu à ses avocats. Elle a légalement justifié sa décision dans la caractérisation du préjudice moral direct subi par M. C. par le chantage qu'a exercé M. A. dans l'engagement de discussions en vue de la récupération des documents et de leur utilisation comme moyen de pression. La Cour de révision rejette donc le pourvoi de M. A. et la demande de dommages et intérêts supplémentaires de M. C.

Infractions contre les biens.

Vol - Recel - Eléments constitutifs (oui) - Délit caractériséCour de révision - Pourvoi en révision - Dommages et intérêts supplémentaires (non).


Parties
Demandeurs : M. A.
Défendeurs : M. C.

Références :

articles 339 du code pénal
article 489 du Code de procédure pénale
Code de procédure pénale
articles 325 et 339 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2022-04-29;20491 ?

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