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21/03/2022 | MONACO | N°20410

Monaco | Cour de révision, 21 mars 2022, Madame a. A. épouse B. c/ Monsieur b. A. et Monsieur


Motifs

Session civile

LA COUR DE RÉVISION,

Pourvoi N° 2022-02

en session civile

En la cause de :

- Madame a. A. épouse B., née le 16 avril 1939 à Louette Saint Denis (Belgique), de nationalité belge, demeurant en Belgique ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la même Cour d'appel et plaidant par Maître Thomas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION

, d'une part,

Contre :

1/Monsieur b. A., de nationalité belge, demeurant en Belgique ;

2/Monsieur c. A., de nati...

Motifs

Session civile

LA COUR DE RÉVISION,

Pourvoi N° 2022-02

en session civile

En la cause de :

- Madame a. A. épouse B., née le 16 avril 1939 à Louette Saint Denis (Belgique), de nationalité belge, demeurant en Belgique ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la même Cour d'appel et plaidant par Maître Thomas BREZZO, avocat près la Cour d'appel de Monaco ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION, d'une part,

Contre :

1/Monsieur b. A., de nationalité belge, demeurant en Belgique ;

2/Monsieur c. A., de nationalité belge, demeurant en Belgique ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Roland TAMISIER, avocat au Barreau de Nice ;

DÉFENDEURS EN RÉVISION, d'autre part,

EN PRÉSENCE DE :

- La SARL CONSTRUCTIONS TRANSACTIONS MÉDITERRANEENNES (CTM), dont le siège social est Le Pont St Jean Immeuble Mauro - 06230 Saint-Jean-Cap-Ferrat, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège.

VU :

- l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 15 septembre 2021 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 14 octobre 2021, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de a. A. épouse B. ;

- la requête déposée le 11 novembre 2021 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de a. A. épouse B. accompagnée de 7 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 10 décembre 2021 au Greffe général, par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de c. A. et de b. A. accompagnée de 3 pièces, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 17 décembre 2021 ;

- le certificat de clôture établi le 23 décembre 2021 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 15 mars 2022 sur le rapport de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le ministère public en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Monsieur b. A. est décédé en Belgique le 19 février 1963, laissant pour lui succéder son conjoint survivant, d. C. avec laquelle il était marié sous le régime légal belge, ainsi que leurs trois enfants communs : a. A. épouse B. c. A. b. A. ; que Madame a. A. a renoncé à la succession de son père par déclaration faite au greffe du Tribunal civil de première instance de DINANT (Belgique) le 4 mars 1963 ; que Madame d. C. est décédée en Belgique le 13 août 1986, laissant pour lui succéder les trois enfants du couple ; qu'en sus de biens meubles et immeubles se situant en Belgique et en France, les époux A. étaient propriétaires d'un appartement sis au à Monaco ; que par exploit du 1er décembre 2006, Madame a. A. a fait assigner ses frères devant le Tribunal de première instance aux fins notamment de constater qu'elle n'avait pas renoncé à la succession de son auteur à Monaco, qu'elle avait la qualité d'héritière de b. A. relativement au patrimoine successoral situé en Principauté et devait participer aux opérations de partage à intervenir sur l'immeuble sis à Monaco ; que par jugement en date du 11 juillet 2019, le Tribunal de première instance a rejeté la demande de sursis à statuer formée par Madame a. A. constaté qu'elle avait renoncé à la succession de son père et n'avait donc pas la qualité d'héritière à son égard et, s'agissant de la masse successorale monégasque, dit qu'elle ne pourrait participer qu'au partage de la succession monégasque de sa mère d. C. ; qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions des époux b. A d. C. veuve A. relativement à la masse successorale monégasque, déboutant les parties du surplus de leurs demandes ; que sur appel de Madame a. A. par arrêt du 13 juillet 2021, la Cour d'appel a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a appliqué au litige la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, constaté que le droit successoral belge était applicable à la succession des biens meubles et immeubles d b. A. se situant sur le territoire de la Principauté de Monaco, renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du mardi 19 octobre 2021 les invitant à produire la copie de la déclaration de renonciation d'a. A. à la succession de son père en date du 4 mars 1963, les dispositions légales du droit belge en vigueur le 4 mars 1963 en matière de renonciation à une succession, sur ses conséquences, sur l'existence ou non de cas dans lesquels un héritier peut revenir sur sa renonciation à la succession et, dans l'affirmative, les conditions à remplir pour pouvoir revenir sur une telle renonciation ainsi que toutes dispositions légales ultérieures ayant modifié le droit applicable à la renonciation à une succession ; qu'elle a déclaré recevable la demande d'a. A. aux fins de dire et juger que Messieurs c. et b. A. n'ont pas accepté la succession de leur père dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers à la succession de leur père à Monaco et en tirer toute conséquence de droit, et qu'ils n'ont pas accepté la succession de d. C. dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas la qualité d'héritier et en tirer toutes conséquences de droit ; que Madame A. épouse B. s'est pourvue en révision et que Messieurs c .et b. A. ont formé un pourvoi incident ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de Madame a. A. pris en ses trois branches

Attendu que Madame a. A. fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance en ce qu'il a appliqué au présent litige la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé et en ce qu'il a constaté par conséquent que le droit successoral belge était applicable à la succession des biens meubles et immeubles de b. A. se situant sur le territoire de la Principauté de Monaco, alors, selon le moyen, d'une part, « que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que la loi posant une règle de conflit de loi nouvelle s'applique selon les mêmes modalités que, la loi interne édictant une règle substantielle dans la même matière ; que pour dire que le litige opposant Madame a. A . à Messieurs b. et c. A. était régi par la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 créant le Code de droit international privé, la Cour d'appel a retenu que cette loi était une loi de procédure qui devait s'appliquer immédiatement aux procédures en cours, dès lors que le juge n'avait pas encore statué au fond ; qu'elle en a déduit qu'en vertu de l'article 24 de cette loi, qui dispose que la référence au droit d'un État s'entendait des règles matérielles du droit de cet État, à l'exclusion de ses règles de droit international privé, seules les règles matérielles de droit belge étaient applicables au litige, non la règle de conflit belge prévoyant à la date du décès de M. b. A. la scission de la masse successorale et renvoyant au droit monégasque en cas de succession sur un immeuble situé sur le territoire de la Principauté ; qu'en statuant de la sorte, quand en l'absence de dispositions transitoires, la règle de conflit posée par la loi du 28 juin 2017 en matière successorale ne pouvait, comme les règles de droit substantiel afférentes à cette matière, être appliquée de manière rétroactive à une succession ouverte avant l'entrée en vigueur de cette loi, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 24 et 56 du Code de droit international privé, issus de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, ensemble l'article 2 du Code civil, ainsi que les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention » ; alors, d'autre part, en tout état de cause, « que la loi nouvelle modifiant les règles de conflit de lois en matière de succession transfrontalière ne peut s'appliquer rétroactivement à une succession ouverte avant son entrée en vigueur ; qu'en jugeant que le litige opposant Madame a. A. à Messieurs b. et c. A. était régi par la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 créant le Code de droit international privé, alors même que la succession de Monsieur b. A. avait été ouverte au décès de ce dernier le 19 février 1963, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 24 et 56 du Code de droit international privé, issus de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, ensemble l'article 2 du Code civil, ainsi que les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention » ; et alors enfin, « que la validité et la portée de la renonciation d'une personne à une succession doit être appréciée au regard du droit applicable à la date de cette supposée renonciation, qu'il s'agisse de ses règles substantielles ou de droit international privé ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu (arrêt, p. 15) que le droit successoral belge était seul applicable pour apprécier l'existence et le cas échéant les conséquences de la renonciation à la succession de son père par Madame a. A. et d'une révocation de cette renonciation ; qu'en écartant toutefois l'application au litige de la règle de conflit de droit belge prévoyant la scission de la masse successorale et l'application de la loi du lieu de situation pour les biens immeubles, au regard de laquelle la portée de la renonciation de Madame a. A. devait pourtant être appréciée, la Cour d'appel a derechef violé les articles 24 et 56 du Code de droit international privé, issus de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, ensemble l'article 2 du Code civil, ainsi que les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention » ;

Mais attendu, qu'après avoir exactement relevé, d'une part, qu'à défaut de toutes dispositions transitoires applicables concernant les instances en cours, la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, relative au droit international privé, était d'application immédiate et devait en conséquence régir la présente instance, d'autre part, que selon l'article 56 de ce texte, la succession relevait du droit de l'État sur le territoire duquel le défunt était domicilié au moment de son décès, la Cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a retenu à bon droit, que l'article 24 de la loi susvisée excluait expressément le système du renvoi et que les règles successorales belges devaient s'appliquer à l'ensemble de la succession ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi incident de Messieurs c. et b. A.

Attendu que Messieurs c. et b. A. font grief à l'arrêt attaqué de déclarer recevable les demandes d'a. A. aux fins de dire et juger que c. A. et b. A. n'ont pas accepté la succession de leur père à Monaco et en tirer toute conséquence de droit, dire et juger que c. A. et b. A. n'ont pas accepté la succession de d. C. dans le délai légal de sorte qu'ils n'ont pas qualité d'héritiers et en tirer toutes conséquences de droit, alors, selon le moyen, « que la Cour d'appel n'était pas régulièrement saisie de la question de savoir si Messieurs b. et c. A. avaient ou non accepté la succession de leur père » et « encore moins de savoir s'ils avaient accepté la succession de leur mère, question jamais discutée en première instance » ; qu'ayant déclaré, malgré tout, recevables les demandes formulées par Madame a. A. dans ses conclusions postérieures à son acte d'appel et décidé d'y faire droit, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 429 et 431 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le litige dont dépendait l'étendue des droits respectifs des héritiers sur une même masse à partager était indivisible et que les chefs du jugement appelés par Madame a. A. portant sur sa renonciation à la succession de son père et sur son exclusion des opérations de liquidation et de partage de la succession de ce dernier étaient indivisibles du chef du jugement ordonnant l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de son père en vertu de l'article 429 du Code de procédure civile, la Cour d'appel a pu en déduire, sans violer le texte susvisé, que la dévolution s'opérait par conséquent sur le tout en raison de l'indivisibilité du litige ;

Et attendu d'autre part que la Cour d'appel ayant également relevé qu'en matière de partage de succession, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement des masses successorales, toute demande devait être considérée comme une défense à une prétention adverse, c'est sans violer les dispositions de l'article 431, alinéa 2 du code précité qu'elle a pu estimer que les parties pouvaient dès lors s'opposer en cause d'appel des prétentions nouvelles destinées à écarter les prétentions alléguées par l'un ou l'autre ;

D'où, il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi principal de Madame a. A.

Rejette le pourvoi incident de Messieurs c. et b. A.

Ordonne la compensation des dépens ;

Composition

Ainsi jugé et prononcé le vingt-et-un mars deux mille vingt-deux, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20410
Date de la décision : 21/03/2022

Analyses

Après avoir exactement relevé, d'une part, qu'à défaut de toutes dispositions transitoires applicables concernant les instances en cours, la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, relative au droit international privé, était d'application immédiate et devait en conséquence régir la présente instance, d'autre part, que selon l'article 56 de ce texte, la succession relevait du droit de l'État sur le territoire duquel le défunt était domicilié au moment de son décès, la Cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a retenu à bon droit, que l'article 24 de la loi susvisée excluait expressément le système du renvoi et que les règles successorales belges devaient s'appliquer à l'ensemble de la succession.Après avoir exactement énoncé que le litige dont dépendait l'étendue des droits respectifs des héritiers sur une même masse à partager était indivisible et que les chefs du jugement appelés par Mme A. portant sur sa renonciation à la succession de son père et sur son exclusion des opérations de liquidation et de partage de la succession de ce dernier étaient indivisibles du chef du jugement ordonnant l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de son père en vertu de l'article 429 du Code de procédure civile, la Cour d'appel a pu en déduire, sans violer le texte susvisé, que la dévolution s'opérait par conséquent sur le tout en raison de l'indivisibilité du litige.La Cour d'appel ayant relevé qu'en matière de partage de succession, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement des masses successorales, toute demande devait être considérée comme une défense à une prétention adverse, c'est sans violer les dispositions de l'article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile qu'elle a pu estimer que les parties pouvaient dès lors s'opposer en cause d'appel des prétentions nouvelles destinées à écarter les prétentions alléguées par l'un ou l'autre.

International - Général.

Droit international - Loi relative au droit international privé - Application dans le temps - Application immédiate - Succession ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi.


Parties
Demandeurs : Madame a. A. épouse B.
Défendeurs : Monsieur b. A. et Monsieur

Références :

articles 24 et 56 du Code de droit international privé
article 429 du Code de procédure civile
Code de droit international privé
loi du 28 juin 2017
article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile
articles 429 et 431 alinéa 2 du Code de procédure civile
article 2 du Code civil
loi n° 1.448 du 28 juin 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2022-03-21;20410 ?

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