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11/02/2021 | MONACO | N°19660

Monaco | Cour de révision, 11 février 2021, La société anonyme monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS c/ Monsieur f. B.


Motifs

Pourvoi N° 2020-66

Hors Session TT

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2021

En la cause de :

- La société anonyme monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS, dont le siège social est sis à Monaco, « Le Prestige », 25 Chemin des Révoires, représentée par son Président administrateur délégué en exercice, Monsieur Patrice P. demeurant ès qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant

Maître Françoise FABIANI, avocat aux Conseils ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur f. B., né ...

Motifs

Pourvoi N° 2020-66

Hors Session TT

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2021

En la cause de :

- La société anonyme monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS, dont le siège social est sis à Monaco, « Le Prestige », 25 Chemin des Révoires, représentée par son Président administrateur délégué en exercice, Monsieur Patrice P. demeurant ès qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant Maître Françoise FABIANI, avocat aux Conseils ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur f. B., né le 2 février 1960 à Monaco, demeurant X1à MONACO ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile et l'article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010 modifiant la loi n° 446 du 16 mai 1946, portant création d'un tribunal du travail ;

VU :

- l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant sur appel d'un jugement du tribunal du travail, en date du 3 mars 2020, signifié le 22 juin 2020 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 17 juillet 2020, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS ;

- la requête en révision déposée le 6 août 2020 au greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS, accompagnée de 9 pièces, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 18 novembre 2020 ;

- le certificat de clôture établi le 23 novembre 2020 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 14 janvier 2021, sur le rapport de M. François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Monsieur f. B. embauché par contrat à durée indéterminée par la société anonyme monégasque Entreprises J-B. P. & Fils (ci-après, la SAM P. à compter du 1er juin 2004 en qualité de maquettiste, a été licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 par lettre en date du 21 juillet 2017 ; que, par jugement du 2 mai 2019, le Tribunal du travail a dit ce licenciement abusif et condamné la SAM P. à payer à M. B. la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; que, par arrêt du 22 juin 2020, la Cour d'appel a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions ; que la SAM P. a formé un pourvoi en révision contre cet arrêt ;

Sur le moyen unique pris dans ses sept branches :

Attendu que la SAM P. fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen 1) « Premièrement, qu'aucun texte n'impose à l'employeur qui entend exercer le droit unilatéral de résiliation que lui confère l'article 6 de la loi n° 729 du 13 (sic) mars 1963 de notifier dans un certain délai la décision de licencier qu'il a préalablement prise et annoncée à son salarié ; que pour dire que la rupture du contrat de travail avait été abusive, l'arrêt attaqué retient que cette rupture ayant été portée à la connaissance de M. B. le 20 juillet 2017, la société des entreprises J-B. P. & fils avait fait preuve d' »une légèreté fautive dans les modalités de notification de la fin de la relation de travail«, en n'adressant que le 28 juillet 2017 la lettre de licenciement datée du 21 juillet ; qu'en se fondant sur ces motifs impropres à caractériser un abus, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ; 2) « Deuxièmement, qu'aucun texte n'impose à l'employeur qui entend exercer le droit unilatéral de résiliation que lui confère l'article 6 de la loi n° 729 du 13 (sic) mars 1963 d'informer préalablement le salarié de l'éventualité d'un licenciement dans le cadre d'un entretien lui-même précédé d'un »délai de prévenance«, et ce quand bien même ce salarié justifierait d'une certaine ancienneté ; qu'en estimant que la rupture du contrat de travail de M. B. était intervenue de manière brutale, au motif que ce dernier, qui justifiait de treize ans d'ancienneté, n'avait pas pu anticiper son licenciement, dont l'annonce lui avait été faite quelques instants avant sa mise en œuvre dans le cadre d'un entretien organisé sans délai de prévenance, la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi des conditions qu'elle ne prévoit pas, a derechef violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 13 (sic) mars 1963 » ; 3) « Troisièmement, que l'article 6 de la loi n° 729 confère à l'employeur un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans l'en informer préalablement et sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et partant sans avoir à lui fournir d'explications préalables ; qu'après avoir rappelé que M. f. B. qui ne prétendait pas n'avoir pas été »rempli de ses droits pécuniaires au titre du licenciement qui lui a été notifié sans énonciation de motif sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963«, ne prouvait pas »davantage l'existence d'une intention de nuire de son employeur à son égard de nature à rendre fautif le principe même de la rupture« et qu'il était partant »indifférent de vérifier les causes du licenciement«, l'arrêt, pour déclarer ce licenciement abusif, relève pourtant que M. B. avait »appris brutalement la fin de son contrat travail sans explication véritable de la part de son employeur après plus de 13 années d'exercice normal de ses fonctions« ; qu'en statuant ainsi, quand l'ancienneté de son salarié n'imposait aucunement à son employeur de l'informer préalablement de sa décision et de lui fournir une »explication« pour rompre le contrat de travail, la Cour d'appel a encore violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ; 4) « Quatrièmement, et subsidiairement, que dans ses écritures (concl., p. 20), la société des entreprises J-B. P. & fils s'était longuement expliquée, éléments de preuve à l'appui, sur la nature du travail accompli par M. B. depuis 2013 et jusqu'à son licenciement (...) ; que pour dire que le licenciement de M. B. était intervenu de manière brutale, l'arrêt attaqué retient que »le calendrier de production des maquettes était en cours d'exécution « et que M. B.» était précisément lui-même en train de travailler à l'élaboration d'un projet de construction depuis plusieurs semaines, lequel apparaît s'être poursuivi après son départ de l'entreprise« ; qu'en statuant par ce motif, sans répondre aux chefs précités des conclusions de la société des entreprises J-B. P. & fils, alors même qu'il n'était ni discuté ni discutable que, depuis une ordonnance n° 4.652 du 20 décembre 2013, les demandes d'autorisation de travaux pour une construction nouvelle devaient désormais comprendre, non plus une maquette physique, mais une maquette numérique 3D, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ; 5) « Cinquièmement, et plus subsidiairement, qu'en affirmant que M. B. »n'avait pas pu anticiper le licenciement dont il a fait l'objet de manière extrêmement brusque« et »expéditive«, au motif qu'il n'avait pas été »officiellement informé« par son employeur du projet de suppression de son poste, sans examiner les éléments de preuve régulièrement versés aux débats par la société des entreprises J-B. P. & fils attestant que M. B. était depuis 2013 en mesure de prévoir la suppression du département »Maquettes« au sein duquel il était employé et partant le licenciement dont il avait fait l'objet quatre ans plus tard, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ; 6) « Sixièmement, que l'employeur exerçant son droit de mettre unilatéralement fin au contrat de travail sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'étant pas tenu d'informer préalablement son salarié de sa décision, ni de lui fournir des explications préalables, ni de justifier d'une faute de sa part, la dispense de préavis, qui constitue une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur, ne constitue pas davantage une faute ; que pour condamner la société des entreprises J-B. P. & fils à payer à M. B. une somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice moral, l'arrêt attaqué retient que »le fait de mettre fin à la relation de travail immédiatement sans explication préalable avec dispense d'exécution de préavis et en dehors de toute attitude fautive du salarié caractérise à suffisance la précipitation fautive ouvrant droit à la réparation du préjudice moral subi par le salarié brusquement congédié« ; qu'en statuant par ces motifs, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, ensemble l'article 1.229 du Code civil monégasque » ; 7) « Enfin, et en tout état de cause, que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose à tout tribunal de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence ; que dans ses conclusions d'appel (concl., p. 19, § 6), la société des entreprises J-B. P. & fils faisait valoir que » le fait de considérer que l'employeur qui licencie dans le cadre de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 un salarié sans énonciation de motif a licencié ledit salarié avec précipitation, brutalité ou légèreté blâmables du seul fait qu'il ne l'a pas convoqué à un entretien préalable, alors que la législation monégasque ne prévoit aucunement que l'employeur est tenu de convoquer préalablement ledit salarié, et ce quelle que soit son ancienneté, apparaît manifestement constituer une violation de l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales« ; qu'en n'apportant aucune réponse à ce moyen et en s'abstenant d'en apprécier la pertinence, Cour d'appel a violé l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;

Mais attendu qu'ayant justement retenu que l'exercice par l'employeur de son droit unilatéral de résiliation ne procède pas d'un pouvoir absolu et discrétionnaire exercé au détriment des droits du salarié et ne peut être mis en œuvre de façon fautive, les juridictions saisies devant à cet égard vérifier que le salarié a été effectivement rempli de ses droits au regard des dispositions légales applicables, que l'employeur n'a pas agi avec l'intention de tromper son salarié ou de lui nuire, ni ne lui a notifié sa décision de façon brutale ou vexatoire, la Cour d'appel, qui a constaté que la fin de la relation de travail portée à la connaissance de M. B. le 20 juillet 2017 ne lui avait été notifiée que le 28 juillet 2017 et que M. B. qui bénéficiait d'une ancienneté de treize ans et trois mois dans l'entreprise, n'avait pas pu anticiper ce licenciement, que son employeur envisageait en réalité depuis déjà plusieurs années comme conséquence de la suppression du département maquettes sans en avoir pour autant informé de manière officielle son salarié, puisque l'annonce ne lui en avait été faite que quelques instants avant sa mise en œuvre, dans le cadre d'un entretien organisé sans délai de prévenance, a, sans violer l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, caractérisé une légèreté fautive dans les modalités de notification de cette rupture, intervenue de manière brutale et avec précipitation, et a pu en déduire le caractère abusif du licenciement de M. B. ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne la SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS aux dépens du présent arrêt ;

Composition

Ainsi jugé et rendu le onze février deux mille vingt et un, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles Messieurs François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Serge PETIT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Et Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19660
Date de la décision : 11/02/2021

Analyses

Ayant justement retenu que l'exercice par l'employeur de son droit unilatéral de résiliation ne procède pas d'un pouvoir absolu et discrétionnaire exercé au détriment des droits du salarié et ne peut être mis en œuvre de façon fautive, les juridictions saisies devant à cet égard vérifier que le salarié a été effectivement rempli de ses droits au regard des dispositions légales applicables, que l'employeur n'a pas agi avec l'intention de tromper son salarié ou de lui nuire, ni ne lui a notifié sa décision de façon brutale ou vexatoire, la Cour d'appel, qui a constaté que la fin de la relation de travail portée à la connaissance de M. B. le 20 juillet 2017 ne lui avait été notifiée que le 28 juillet 2017 et que M. B. qui bénéficiait d'une ancienneté de treize ans et trois mois dans l'entreprise, n'avait pas pu anticiper ce licenciement, que son employeur envisageait en réalité depuis déjà plusieurs années comme conséquence de la suppression du département maquettes sans en avoir pour autant informé de manière officielle son salarié, puisque l'annonce ne lui en avait été faite que quelques instants avant sa mise en œuvre, dans le cadre d'un entretien organisé sans délai de prévenance, a, sans violer l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, caractérisé une légèreté fautive dans les modalités de notification de cette rupture, intervenue de manière brutale et avec précipitation, et a pu en déduire le caractère abusif du licenciement de M. B. ; il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

Rupture du contrat de travail  - Responsabilité de l'employeur.

Travail - Licenciement - Légèreté fautive dans les modalités de notification de la rupture du contrat de travail - manière brutale - Précipitation - Caractère abusif du licenciement.


Parties
Demandeurs : La société anonyme monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS
Défendeurs : Monsieur f. B.

Références :

article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010
Code civil
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
loi n° 446 du 16 mai 1946
articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile
ordonnance n° 4.652 du 20 décembre 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2021-02-11;19660 ?

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