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08/07/2020 | MONACO | N°19101

Monaco | Cour de révision, 8 juillet 2020, Monsieur r. M. c/ État de Monaco


Motifs

Pourvoi N° 2020-05

en session civile

R.4701

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 8 JUILLET 2020

En la cause de :

- Monsieur r. M., né le 2 novembre 1970 à Monaco, de nationalité monégasque, domicilié « X1», X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par

Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, sis Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco-Ville ;

Ayant élu domicile en l'étude...

Motifs

Pourvoi N° 2020-05

en session civile

R.4701

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 8 JUILLET 2020

En la cause de :

- Monsieur r. M., né le 2 novembre 1970 à Monaco, de nationalité monégasque, domicilié « X1», X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, sis Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco-Ville ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au Barreau de Paris ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 9 juillet 2019 par la Cour d'appel, signifié le 17 septembre 2019 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 17 octobre 2019, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, substituant Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur r. M.;

- la requête déposée le 18 novembre 2019 au Greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur r. M. accompagnée de 128 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 17 décembre 2019 au Greffe général, par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de L'ÉTAT DE MONACO, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 19 décembre 2019 ;

- le certificat de clôture établi le 7 janvier 2020 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 1er juillet 2020 sur le rapport de Monsieur François CACHELOT, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué que l'État de Monaco a fait publier, au Journal de Monaco du 13 juin 2008, un avis en vue du recrutement d'un chef de division à la Direction du Budget et du Trésor au secrétariat général de la commission de contrôle des activités financières (CCAF) pour une durée de trois années, avec période d'essai de six mois ; que M. r. M. de nationalité monégasque, a présenté sa candidature à ce poste qui, au terme du processus de sélection, ne lui a pas été attribué ; que, par contrat du 21 septembre 2009, la Direction du Budget et du Trésor a confié à M. M. une mission de veille juridique en matière financière pour une durée de trois ans à échéance du 30 septembre 2012, reconductible tacitement par périodes d'un an ; qu'après reconduction pour une période d'une année, ce contrat a été résilié à compter du 30 septembre 2013 ; que M. M. a alors revendiqué en vain auprès de l'Administration le poste de chef de division finances-secteur bancaire au sein de la Direction du Budget et du Trésor ; que, par ailleurs, l'État a, le 8 juillet 2016, en sa qualité de bailleur d'un logement loué à M. M. fait assigner celui-ci en référé afin d'obtenir son expulsion pour non-paiement des loyers, en application de la clause résolutoire stipulée par le bail ; que, par ordonnance du 14 mars 2017, confirmée par arrêt du 29 septembre 2017, le juge des référés a accueilli cette demande ; qu'en outre, l'État a été autorisé par ordonnance sur requête à pratiquer une saisie-arrêt sur le compte bancaire des époux M. et a fait assigner ceux-ci devant le tribunal de première instance en paiement du montant des loyers et charges impayés ; que, parallèlement, le 26 septembre 2016, M. M. a fait assigner l'État devant le tribunal de première instance pour obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant selon lui du non-respect de la priorité d'emploi dont il aurait dû bénéficier, ainsi que de son préjudice moral ; que, par jugement du 5 avril 2018, confirmé en toutes ses dispositions par arrêt du 9 juillet 2019, le tribunal a débouté M. M. de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens ;

Sur le moyen unique

Attendu que M. M. fait grief à l'arrêt de le débouter des fins de son appel et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, alors, selon le moyen, 1/ « que la cour d'appel n' a absolument pas fait réponse au chef de demande qui tendait à voir reconnaître la violation par l'État de Monaco des dispositions cumulées de l'article 25 de la Constitution monégasque, de l'article 3 de la Convention du 8 novembre 2005 entre la République française et la Principauté de Monaco, ainsi que de l'article 1er de la loi 1.312 du 29 juin 2006, qui toutes instaurent au profit des ressortissants monégasques une priorité d'accès aux emplois publics et ceci alors même que la Cour d'appel relève elle-même que cette priorité d'emploi a été violée ensuite de la publication de l'avis de recrutement n° 2008-102 d'un chef de division finances - secteur bancaire au sein de la Direction du Budget et du Trésor pour lequel Monsieur M. remplissait l'intégralité des questions posées par avis de recrutement et avait fait valablement parvenir en temps utile son dossier de candidature à la Direction des ressources humaines et de la formation de la fonction publique le 23 juin 2008 et qu'il n'est pas contesté que l'Administration lui a préféré un ressortissant étranger ; que s'agissant d'une action tendant, comme le rappellent les Juges du fond, en une responsabilité pour faute résultant de l'inobservation des textes de loi par l'Administration, il appartenait à la Cour d'appel de se prononcer sur ce point avant de raisonner sur le lien de causalité entre ladite faute et un éventuel préjudice ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a commis une inversion de raisonnement, qu'elle a laissé sans réponse la demande du requérant de même les moyens qu'il avait développés à l'appui de cette demande ; qu'ainsi et de ce premier chef, la décision n'apparaît nullement motivée et encourt la cassation » ; 2/ « que la Cour d'appel a également dénaturé l'argumentation développée par le requérant en estimant que la demande indemnitaire du requérant se fondait exclusivement sur le non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée postérieur arrivé à terme le 14 mai 2013 ; et ceci alors même que la demande indemnitaire du requérant se fondait en réalité non sur le non-renouvellement de ce contrat à durée déterminée que l'Administration avait parfaitement le droit de ne pas renouveler, mais sur la faute initiale commise à l'occasion de la violation de sa priorité d'embauchage en 2008 ; qu'à cet égard l'arrêt apparaît affecté d'une grave contradiction lorsque les Juges du fond énoncent qu'il n'y aurait pas de lien de causalité entre le préjudice résultant de l'absence d'emploi de Monsieur r. M.et les agissements de l'Administration ; qu'en effet, si Monsieur M. avait été embauché dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en tant que chef de division finances - secteur bancaire au sein de la Direction du Budget et du Trésor, il aurait bénéficié d'un emploi stable et de la rémunération correspondante et n'aurait pas eu à accepter une situation provisoire sous forme d'un contrat à durée déterminée postérieur ; qu'ainsi, la Cour d'appel s'est bien contredite et n' a pas motivé sa décision en considérant qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre la faute commise par l'Administration en 2008 (qu'elle s'est d'ailleurs bien gardé(e) de caractériser malgré la demande du requérant) et la situation de ce dernier, privé d'emploi stable par la suite » ; 3/ « qu'à cela s'ajoute encore le fait qu'à l'issue du contrat à durée déterminée arrivé à échéance le 30 septembre 2013, le poste initial qui avait été refusé à Monsieur M. au sein de la Direction du budget et du Trésor était toujours pourvu par un salarié non prioritaire, ce qui implique que Monsieur M., qui avait de nouveau postulé pour ce poste, a une fois de plus été victime en 2013 d'une violation des disposition s qui garantissent en Principauté la priorité d'emploi des nationaux ; c'est ce que les conclusions du requérant avaient invité les Juges d'appel à constater et ils n'ont fait aucune réponse à ce moyen, qu'ils ont parfaitement et totalement ignoré alors qu'il était essentiel au plan de l'appréciation de la responsabilité de l'État de Monaco et du lien de cause à effet entre les fautes commises par ce dernier et le préjudice résultant de l'absence d'emploi stable de Monsieur M. sur la période considérée ; préjudice qui s'est notamment induit par la perte de son logement faute d'être en mesure d'en payer le loyer ; qu'en laissant sans réponse les chefs pertinents des écritures judiciaires de Monsieur M. la Cour d'appel n' a une fois encore pas motivé sa décision qui encourt de ce chef également la cassation » ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt énonce, à bon droit, que si toute décision juridictionnelle doit répondre à chaque chef de demande, il est loisible au juge, en présence d'une action en responsabilité fondée sur ces trois conditions cumulatives que sont la faute, le préjudice et le lien de causalité, de faire échec à cette action si une seule de ces conditions n'est pas remplie ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés que parmi les causes ayant pu concourir à un dommage, seules doivent être recherchées et retenues celles qui sont directement à l'origine de celui-ci, l'arrêt a pu en déduire que le fait générateur du préjudice invoqué, qui consiste dans la cessation du versement des revenus que M. M. aurait continué de percevoir si le contrat conclu le 21 septembre 2009 avait une nouvelle fois été reconduit, était la conséquence directe de l'arrivée à son terme de ce contrat, et non du choix de l'État de retenir en 2009 un autre candidat que lui sur le poste de chef de division au secrétariat général de la CCAF ;

Que, par ces seuls motifs, la cour d'appel qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que sa décision rendait inopérantes a, par une décision motivée, sans inversion de raisonnement ni dénaturation et sans se contredire, légalement justifié sa décision ;

Sur la demande formée par l'État de Monaco sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile

Attendu que l'État de Monaco demande à la Cour de révision de condamner M. M. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de la cause, d'accueillir cette demande ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Rejette la demande de l'État de Monaco fondée sur l'article 459-4 du Code de procédure civile, Condamne r. M. aux dépens.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le huit juillet deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs François CACHELOT, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Laurent LE MESLE Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19101
Date de la décision : 08/07/2020

Analyses

L'arrêt énonce, à bon droit, que si toute décision juridictionnelle doit répondre à chaque chef de demande, il est loisible au juge, en présence d'une action en responsabilité fondée sur ces trois conditions cumulatives que sont la faute, le préjudice et le lien de causalité, de faire échec à cette action si une seule de ces conditions n'est pas remplie.Attendu, d'autre part, qu'ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés que parmi les causes ayant pu concourir à un dommage, seules doivent être recherchées et retenues celles qui sont directement à l'origine de celui-ci, l'arrêt a pu en déduire que le fait générateur du préjudice invoqué, qui consiste dans la cessation du versement des revenus que M. M. aurait continué de percevoir si le contrat conclu le 21 septembre 2009 avait une nouvelle fois été reconduit, était la conséquence directe de l'arrivée à son terme de ce contrat, et non du choix de l'État de retenir en 2009 un autre candidat que lui sur le poste de chef de division au secrétariat général de la CCAF.Que, par ces seuls motifs, la cour d'appel qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que sa décision rendait inopérantes a, par une décision motivée, sans inversion de raisonnement ni dénaturation et sans se contredire, légalement justifié sa décision.L'État de Monaco demande à la Cour de révision de condamner M. M. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 459-4 du Code de procédure civile. Il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de la cause, d'accueillir cette demande.

Procédure civile  - Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle  - Responsabilité (Public).

Action en responsabilité - Office du juge - Dommage - Cause - Dénaturation non - Motifs oui - Contradiction non - Amende civile - Dommages-intérêts non.


Parties
Demandeurs : Monsieur r. M.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 459-4 du Code de procédure civile
article 139 du Code de procédure civile
article 25 de la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2020-07-08;19101 ?

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