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09/10/2018 | MONACO | N°17347

Monaco | Cour de révision, 9 octobre 2018, La Société T.A. ASIA Limited c/ la Société BARCLAYS BANK PLC


Motifs

Pourvoi N° 2018-36 en session Civile

COUR DE REVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2018

En la cause de :

- La Société T. A. ASIA Limited, ayant siège social à Road Town Tortola (Iles Vierges Britanniques) Offices of Morgan & Morgan Trust, poursuites et diligences de son First Director en exercice, Monsieur a AR. demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, plaidant par ledit avocat-défenseur et par la SCP Françoise FABIANI, Marti

ne LUC-THALER et François PINATEL, avocat aux Conseils ;

DEMANDERESSE EN REVISION,

d'une part,

C...

Motifs

Pourvoi N° 2018-36 en session Civile

COUR DE REVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2018

En la cause de :

- La Société T. A. ASIA Limited, ayant siège social à Road Town Tortola (Iles Vierges Britanniques) Offices of Morgan & Morgan Trust, poursuites et diligences de son First Director en exercice, Monsieur a AR. demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, plaidant par ledit avocat-défenseur et par la SCP Françoise FABIANI, Martine LUC-THALER et François PINATEL, avocat aux Conseils ;

DEMANDERESSE EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- La Société BARCLAYS BANK PLC, Société de droit anglais, ayant siège social à Churchill Place, Londres E14 5HP, Grande-Bretagne, inscrite au Register of Companies sous le numéro 1026167, prise en la personne de son Président administrateur ou Director en exercice, prise en sa succursale sise à Monaco, 31, avenue de la Costa, représentée par l'un de ses agents responsables, domicilié es-qualités au lieu de l'établissement de la succursale à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Jacques GATINEAU, avocat aux Conseils ;

DÉFENDERESSE EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 13 février 2018 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 5 avril 2018, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la société ASIA LTD ;

- la requête déposée le 4 mai 2018 au greffe général, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la société ASIA LTD, accompagnée de 57 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 4 juin 2018 au greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SA BARCLAYS BANK PLC, accompagnée de 33 pièces, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 12 juin 2018 ;

- le certificat de clôture établi le 27 juin 2018 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 8 octobre 2018 sur le rapport de Monsieur Laurent LE MESLE, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Monsieur le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que la société TA Asia Ltd (la société) dont l'ayant droit économique était M. a AR.et qui avait ouvert le 16 juillet 2007 un compte à la BARCLAYS BANK PLC à Monaco (la banque), a passé avec cette banque plusieurs contrats cadres, dont le dernier en date du 27 décembre 2010, portant ouverture d'une ligne de change multi devises, en vue de la réalisation d'opérations de change à terme ; qu'elle avait affecté en gage au profit de la banque l'ensemble de ses avoirs en instruments financiers et monnaies en dépôt avec le double engagement de maintenir le gage consenti et de faire en sorte que la valeur totale pondérée de celui-ci soit à tout moment égale à au moins 10 % du montant de la limite maximale autorisée, augmenté des pertes définitives ou latentes sur les opérations de change à terme ; qu'à la suite des pertes enregistrées, la banque a demandé à la société d'une part de rétablir le montant du gage dans le délai contractuel de 8 jours, et d'autre part de souscrire un complément de garantie dans le délai contractuel de 24 heures ; que le 16 août 2011 la banque, considérant que sa cliente n'avait pas fait face à ses obligations dans les délais prévus, a mis fin à la ligne de change ; que la société a recherché la responsabilité de la banque ; qu'elle a été débouté par jugement en date du 12 janvier 2017, confirmé par l'arrêt attaqué ;

Sur le premier moyen

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de l'intégralité de ses prétentions alors, selon le moyen :

« 1°/ que la reconnaissance par le client qu'il dispose des connaissances suffisantes pour réaliser des opérations spéculatives et qu'il a été dûment informé des conditions de fonctionnement des marchés concernés ne suffit pas à établir sa qualité d'investisseur averti ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué retient qu'à partir du 6 mai 2010, date à laquelle avait été souscrit un contrat-cadre initial » accordant une ligne de change à terme multi devises, support des opérations de change à terme par la suite initiés, divers engagements et conventions « avaient » été signés, notamment des contrats cadre successifs « qui incluaient » tous la reconnaissance par le client qu'il a une parfaite connaissance des opérations initiées dans le cadre de ce contrat et des risques qu'elles comportent « ainsi » qu'un mandat de conseil en placement dans lequel le client reconnaît être un investisseur averti, auquel était annexé une déclaration des objectifs de placement par laquelle a AR. définissait entre moyen et élevé son expérience en matière de placement en ce qui concerne le marché des changes comptant, à terme swap, demandait à recevoir uniquement des informations sur le Forex et indiquait avoir reçu la brochure des risques spécifiques liés aux opérations sur les instruments financiers « ; qu'en se fondant ainsi sur des motifs impropres à établir que la banque avait procédé à une évaluation concrète des connaissances réelles de sa cliente avant la formation des contrats litigieux et qu'à la date de ces contrats, la société était un opérateur averti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1002 du Code civil monégasque ;

2°/ que si la qualité d'investisseur averti, à défaut de préexister aux relations du prestataire et de son client, peut s'acquérir au cours de leur exécution à l'issue d'une période de pratique et d'expérience, la banque n'échappe à son devoir d'information renforcé ou de mise en garde que dans la mesure où il est établi que son client justifiait de cette qualité préalablement à l'engagement des opérations boursières ; qu'en l'espèce, pour reconnaître à la société la qualité d'investisseur averti, l'arrêt attaqué retient que son profil avait évolué depuis l'ouverture de son compte, le 16 juillet 2007, et la souscription du contrat du 6 mai 2010, et que » la nature des opérations initiées, leur nombre et les montants engagés par la société « à partir de cette date confirmaient qu'elle avait » une connaissance certaine des risques et des mécanismes financiers « ; qu'en statuant par ces motifs impropres à établir que la société avait acquis une connaissance suffisante des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés concernés avant la souscription du contrat cadre du 6 mai 2010 ayant servi de support aux opérations de change à terme par la suite initiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1002 du Code civil monégasque » ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'outre l'indication écrite par la société de sa connaissance des marchés financiers, il résulte de ses statuts de celle-ci qu'elle peut être qualifiée « d'investisseur professionnel » ; que la société a d'ailleurs, dès l'ouverture du compte en 2007, et donc bien avant le premier contrat cadre du 6 mai 2010, réalisé des opérations de change à terme et qu'en toute hypothèse elle s'est livrée de manière habituelle à des opérations spéculatives dès le premier contrat cadre, c'est-à-dire plus d'une année avant celles du mois de juillet 2011, conduites en exécution du contrat cadre du 27 décembre 2010 ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société avait démontré, avant l'engagement des opérations boursières en cause, une connaissance certaine tant des mécanismes financiers que des risques inhérents aux investissements à caractère spéculatif, la cour d'appel qui en a exactement déduit qu'elle était un opérateur averti et qu'en conséquence la banque n'était pas tenue à son égard à une obligation d'information renforcée, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen

Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt alors selon le moyen « qu'ayant elle-même constaté qu'à la date des opérations litigieuses, réalisées en 2011, les relations des parties étaient régies par le contrat cadre du 27 décembre 2010, la cour d'appel ne pouvait s'assurer que la banque avait exécuté son devoir d'information relativement à la pondération des avoirs par référence à la notice de pondération annexée à la convention cadre du 6 mai 2010, dès lors qu'il n'était ni allégué, ni établi qu'une notice du même type avait été annexée au contrat du 27 décembre 2010, ainsi que l'avait expressément souligné la société dans ses écriture d'appel ; qu'en se fondant sur des motifs impropres à établir que la banque avait rempli son obligation contractuelle d'information relativement à la pondération des avoirs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 997 et 1002 du Code civil monégasque » ;

Mais attendu qu'ayant établi, par motifs propres et adoptés, que ce n'était pas au contrat cadre du 6 mai 2010 qu'était annexée la notice de pondération, mais à la convention de gage du même jour, demeurée applicable sous l'empire des contrats cadres ultérieurs, dont celui du 27 décembre 2010, la cour d'appel, après avoir constaté que M. AR. qui avait signé la convention de gage, était à même de comprendre la détermination du taux de pondération, ne pouvait qu'écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen

Attendu que la société fait enfin le même grief à l'arrêt alors selon le moyen « qu'en retenant que la société ne prétendait pas avoir fourni la garantie supplémentaire dans le délai imparti par la lettre d'appel du 9 août 2011 cependant que, dans ses conclusions d'appel, cette dernière faisant expressément valoir que la banque, par LRAR du 10 août 2011, lui avait déclaré accepter sa demande d'extension du délai de 24 heures sous réserve du virement immédiat d'une somme 1.300.000 € auquel la société avait procédé le même jour, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont l'avait saisie la société et méconnu les termes du litige, ce faisant a violé les dispositions de l'article 199 du Code de procédure civile ».

Mais attendu qu'après avoir rappelé les diligences effectuées par la société à la suite de la mise en demeure, la cour d'appel, sans modifier l'objet du litige, a retenu que s'il était soutenu que le taux de couverture avait été rétabli dans le délai de 8 jours calendaires, la société ne prétendait pas en revanche avoir fourni l'intégralité de la garantie supplémentaire dans le délai imparti de 24 heures ; qu'elle a dès lors pu en déduire l'absence de comportement fautif de la banque ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la banque

Attendu que la BARCLAYS BANK PLC demande la condamnation de la société TA ASIA LTD au paiement de la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice ;

Mais attendu qu'au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

* Rejette le pourvoi ;

* Rejette la demande de dommages et intérêts de la société BARCLAYS BANK PLC ;

* Condamne la société TA ASIA LTD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le neuf octobre deux mille dix-huit, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François CACHELOT, Conseiller, et Laurent LE MESLE, Conseiller, rapporteur, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17347
Date de la décision : 09/10/2018

Analyses

L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'outre l'indication écrite par la société de sa connaissance des marchés financiers, il résulte de ses statuts de celle-ci qu'elle peut être qualifiée« d'investisseur professionnel » ; que la société a d'ailleurs, dès l'ouverture du compte en 2007, et donc bien avant le premier contrat cadre du 6 mai 2010, réalisé des opérations de change à terme et qu'en toute hypothèse elle s'est livrée de manière habituelle à des opérations spéculatives dès le premier contrat cadre, c'est-à-dire plus d'une année avant celles du mois de juillet 2011, conduites en exécution du contrat cadre du 27 décembre 2010 ; Ayant ainsi fait ressortir que la société avait démontré, avant l'engagement des opérations boursières inhérents aux investissements à caractère spéculatif, la cour d'appel qui en a exactement déduit qu'elle était un opérateur averti et qu'en conséquence la banque n'était pas tenue à son égard à une obligation d'information renforcée, a légalement justifié sa décision.Ayant établi, par motifs propres et adoptés, que ce n'était pas au contrat cadre du 6 mai 2010 qu'était annexée la notice de pondération, mais à la convention de gage du même jour, demeurée applicable sous l'empire des contrats cadres ultérieurs, dont celui du 27 décembre 2010, la cour d'appel, après avoir constaté que M. AR. qui avait signé la convention de gage, était à même de comprendre la détermination du taux de pondération, ne pouvait qu'écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision.La société fait enfin le même grief à l'arrêt alors selon le moyen « qu'en retenant que la société ne prétendait pas avoir fourni la garantie supplémentaire dans le délai imparti par la lettre d'appel du 9 août 2011 cependant que, dans ses conclusions d'appel, cette dernière faisant expressément valoir que la banque, par LRAR du 10 août 2011, lui avait déclaré accepter sa demande d'extension du délai de 24 heures sous réserve du virement immédiat d'une somme 1.300.000 € auquel la société avait procédé le même jour, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont l'avait saisie la société et méconnu les termes du litige, ce faisant a violé les dispositions de l'article 199 du Code de procédure civile ».Mais après avoir rappelé les diligences effectuées par la société à la suite de la mise en demeure, la cour d'appel, sans modifier l'objet du litige, a retenu que s'il était soutenu que le taux de couverture avait été rétabli dans le délai de 8 jours calendaires, la société ne prétendait pas en revanche avoir fourni l'intégralité de la garantie supplémentaire dans le délai imparti de 24 heures ; qu'elle a dès lors pu en déduire l'absence de comportement fautif de la banque ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

Banque - finance - Général  - Procédure civile.

Banque - Opérateur averti - Obligation d'information (non) - Modification des termes du litige - Dénaturation (non) - Rejet du pourvoi.


Parties
Demandeurs : La Société T.A. ASIA Limited
Défendeurs : la Société BARCLAYS BANK PLC

Références :

article 199 du Code de procédure civile
articles 997 et 1002 du Code civil
article 1002 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2018-10-09;17347 ?

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