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07/12/2016 | MONACO | N°15589

Monaco | Cour de révision, 7 décembre 2016, La SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS À MONACO (SBM) c/ Monsieur m. VA. DE HE.


Motifs

Pourvoi N° 2016/000046 Hors Session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2016

En la cause de :

- La SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS À MONACO immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° 56S00523, dont le siège social est sis à Monte-Carlo, Place du Casino, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, Monsieur Jean-Louis MASUREL, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur prÃ

¨s la Cour d'appel ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur m. VA. DE HE., demeuran...

Motifs

Pourvoi N° 2016/000046 Hors Session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2016

En la cause de :

- La SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS À MONACO immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° 56S00523, dont le siège social est sis à Monte-Carlo, Place du Casino, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, Monsieur Jean-Louis MASUREL, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur m. VA. DE HE., demeurant à Monaco, « X1 » ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile et l'article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010 modifiant la loi n° 446 du 16 mai 1946, portant création d'un Tribunal du travail ;

VU :

- l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant en matière civile sur appel du Tribunal du travail, en date du 15 mars 2016 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 13 mai 2016, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS (SBM) ;

- la requête déposée le 13 juin 2016 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS (SBM), signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 13 juillet 2016 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de M. m. VA. DE HE., signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 15 juillet 2016 ;

- la réplique déposée le 20 juillet 2016 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIETE DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ETRANGERS (SBM), signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 26 septembre 2016, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 17 novembre 2016, sur le rapport de Monsieur Serge PETIT, Conseiller,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que M. m. VA. DE HE., embauché le 13 août 1990 par la SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS (SBM), en qualité d'employé de jeux et affecté dans la salle de jeux américains du SUN CASINO, a invoqué une discrimination salariale relative à la partie fixe de sa rémunération correspondant au salaire minimum qui lui est garanti; qu'il a saisi le Tribunal du travail sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal » pour se voir reconnaître le droit à un salaire minimum équivalent à celui versé aux salariés du CASINO CAFÉ DE PARIS occupant un poste similaire ; que par jugement du 7 mai 2015 le Tribunal l'a déclaré bien fondé en son principe, a dit que l'inégalité de traitement qu'a subie M. m. VA. DE HE., s'agissant du salaire minimum qui lui est garanti par son employeur par rapport à un employé de jeux américains appartenant au même grade que le sien, qui a exercé ses fonctions au sein des salles de jeux du Café de Paris ou du Casino, des mois de février 2004 à décembre 2011, n'est pas justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute volonté de discrimination et revêt donc un caractère illicite ; que la Cour d'appel a confirmé ce jugement ; que la SBM s'est pourvu en révision contre cet arrêt ;

Sur le moyen unique pris en ses 6 branches

Attendu que M. m. VA. DE HE. fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors selon le moyen, de première part, que le droit de constituer un syndicat ayant pour objet d'assurer la représentation et la défense des intérêts des salariés d'un seul établissement d'une entreprise et la possibilité, pour un syndicat, de désigner des délégués syndicaux d'établissement impliquent la faculté de conclure des accords collectifs d'établissement ; que la SBM faisait valoir que le gouvernement avait autorisé la création du Syndicat des cadres et employés de la Salle du SUN CASINO dont les statuts lui donnaient pour but la représentation et la défense des intérêts du personnel de ce seul casino, et que, dans une déclaration du 10 mars 1971, S.E.M. le Ministre d'État avait reconnu qu'il était possible de conclure « une convention collective spéciale pour les nouveaux employés de jeux de la SBM qui travailleront dans les salons de l'hôtel Loews », c'est-à-dire au sein du casino ultérieurement renommé SUN CASINO ; que la SBM indiquait également que les juridictions monégasques avaient à plusieurs reprises reconnu la faculté, pour les syndicats, de désigner un représentant syndical au sein d'un établissement ; qu'en affirmant cependant que le droit monégasque ne permet pas la négociation et la conclusion d'accord collectifs de travail au niveau de l'établissement, la Cour d'appel a violé les articles 2 et 7 de l'ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 autorisant la création de syndicats professionnels, l'article 2 de la loi n° 957 du 18 juillet 1974 relative à l'exercice du droit syndical dans les entreprises et l'article 1er de la loi n° 416 du 7 juin 1945 sur les conventions collectives de travail ; alors, de deuxième part, que constitue un établissement, au sens de la loi n° 957 du 18 juillet 1974, le rassemblement dans un même cadre aux caractéristiques propres de moyens matériels et de salariés ayant des intérêts communs, susceptibles de générer des revendications spécifiques et communes, sous l'autorité d'un représentant de l'employeur qualifié pour les recevoir et le cas échéant y répondre, en vue de l'exercice d'une activité autonome répondant à une finalité économique propre ; qu'en l'espèce, il est constant que le Casino Café De Paris et le SUN CASINO exercent chacun leurs activités dans des lieux propres, avec un personnel qui leur est spécialement affecté, et sont soumis chacun à un règlement intérieur propre ; qu'aux termes de ces règlements intérieurs, régulièrement versés aux débats par la SBM, toutes les activités de chaque casino sont placées sous l'autorité d'un Directeur, qui « a autorité sur l'ensemble des cadres et employés y affectés », qui « donne toutes instructions nécessaires à la bonne exploitation des jeux placés sous sa responsabilité » et qui « établit le roulement de service des cadres » ; qu'en affirmant cependant que l'ensemble des employés des jeux américains répondent à une seule et même direction, la SBM, et que les salles de jeux américains ne disposent pas de réelle autonomie de direction et d'exploitation, limitant ainsi son appréciation aux seuls jeux américains au lieu de la faire porter sur chaque casino dans l'ensemble de ses activités, sans rechercher en conséquence si les règlements intérieurs de chacun des casinos ne leur conféraient pas une autonomie suffisante pour les qualifier d'établissement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 7 de l'ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 autorisant la création de syndicats professionnels, de l'article 2 de la loi n° 957 du 18 juillet 1974 relative à l'exercice du droit syndical dans les entreprises et de l'article 1er de la loi n° 416 du 7 juin 1945 sur les conventions collectives de travail ; alors de troisième part que les différences de traitement entre salariés appartenant à des catégories professionnelles distinctes ou à des établissements différents ne sont pas contraires au principe « à travail égal, salaire égal », qui vise à condamner les discriminations salariales reposant sur des a priori ou des critères illicites, dès lors que ces différences résultent d'accords collectifs propres à ces catégories professionnelles ou à ces établissements ; que ne viole pas en conséquence le principe « à travail égal, salaire égal » la différence de rémunération entre salariés d'établissements distincts résultant d'accords collectifs conclus au niveau de chacun de ces établissements ; qu'en l'espèce, il est constant que les salaires minimum garantis applicables aux employés des jeux américains du SUN CASINO et ceux applicables aux employés des jeux américains du CASINO CAFÉ DE PARIS résultent d'accords collectifs distincts, négociés et conclus au niveau de chaque casino, et applicables au seul personnel de chaque casino ; qu'en affirmant que la disparité salariale entre les employés de jeux américains du SUN CASINO et ceux du CASINO CAFÉ DE PARIS ne peut être justifiée par l'existence d'accords collectifs propres à chaque établissement, aux motifs inopérants que la règle « à travail égal, salaire égal » s'applique au niveau de l'entreprise et qu'un accord collectif ne peut déroger à une règle d'ordre public consacrée par la loi ou par un traité international, la Cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » ; alors de quatrième part que les juges ne peuvent étendre le champ d'application d'un accord collectif tel qu'il a été défini par les parties signataires de cet accord; que la SBM soulignait que la demande de M. m. VA. DE HE. tendant à obtenir le paiement du salaire minimum garanti résultant d'accords collectifs qui ne lui étaient pas applicables, conduisait à étendre le champ d'application de ces accords collectifs ; alors de cinquième part la SBM soutenait également que les accords collectifs applicables au seul personnel du SUN CASINO comportaient des avantages, que ne prévoyaient pas les accords collectifs applicables au personnel du CASINO CAFÉ DE PARIS et qui étaient susceptibles de compenser les différences en matière de salaire minimum garanti ; que le personnel du SUN CASINO bénéficiait ainsi, en application d'un avenant n°12 du 24 février 2004, de primes d'intéressement liées aux recettes encaissées, ainsi que d'un régime d'indemnisation en cas d'arrêt maladie plus favorable ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces différents avantages ne faisaient pas obstacle à toute comparaison des accords collectifs applicables à chaque casino et à toute mise en cause d'une discrimination salariale entre les salariés des deux casinos, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ; alors de sixième part qu'en toute hypothèse, l'employeur peut justifier une différence de rémunération entre salariés qui occupent un emploi identique par des raisons objectives et pertinentes ; qu'en l'espèce, pour démontrer que les conditions de travail des employés des jeux américains du SUN CASINO et ceux du CASINO CAFÉ DE PARIS étaient différentes, la SBM faisait valoir que le personnel de chacun de ces casinos est soumis à un règlement intérieur distinct et que les employé de jeux américains du CASINO CAFÉ DE PARIS étaient soumis à deux types de sujétions auxquels n'étaient pas soumis leurs collègues du SUN CASINO, à savoir une obligation de mobilité géographique et l'obligation de se soumettre, sur simple demande, à un détachement dans un autre secteur, comme les jeux européens ou le baccara, sans bénéficier de la rémunération y attachée ; qu'en se bornant à affirmer que la SBM ne fournit aucun élément confortant l'affirmation selon laquelle les conditions de travail des salariés des deux casinos ne seraient pas identiques sans s'expliquer sur ces sujétions particulières pesant sur le seul personnel du CASINO CAFÉ DE PARIS, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la 1re branche du moyen, la Cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et ayant effectué les recherches nécessaires, a constaté que les salles de jeux où exerçaient les salariés étaient dépourvues d'autonomie d'exploitation et relevaient de la seule direction de la SBM ; qu'elle en a exactement déduit que le SUN CASINO et le CASINO DU CAFÉ DE PARIS ne constituaient pas des établissements distincts ;

Et attendu que la Cour d'appel a, par une décision motivée, relevé que la SBM n'apportait pas la preuve d'une disparité du travail des salariés du même grade au sein des deux casinos ; qu'elle a jugé à bon droit que l'employeur ne peut, sur le fondement d'accords d'entreprise, déroger sans raison objective à la règle « à travail égal salaire égal » ; que sans étendre au SUN CASINO le champ d'application de l'accord collectif applicable au CASINO CAFÉ DE PARIS, elle a constaté que les salariés recrutés par la SBM suivaient la même formation pour être affectés au cours de leur carrière indifféremment dans l'une ou l'autre des salles de jeux des deux casinos, ce dont il résultait une situation de travail identique qui ne pouvait justifier une inégalité de traitement ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur la demande de dommages et intérêts de M. VA. de HE.

Attendu que M. m. VA. DE HE. sollicite la condamnation de la SBM à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour pourvoi abusif et injustifié, ainsi qu'au paiement de l'amende ;

Mais attendu qu'eu égard aux éléments de la cause dont il ne résulte pas que la SBM ait abusé de son droit de se pourvoir en révision, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande qui doit être rejetée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Déboute M. m. VA. DE HE. de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS aux dépens dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi délibéré et jugé le sept décembre deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Premier-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Serge PETIT, rapporteur, Conseiller, Messieurs Guy JOLY et Jacques RAYBAUD, Conseillers.

Et Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Premier-Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15589
Date de la décision : 07/12/2016

Analyses

Abstraction faite du motif surabondant critiqué par la 1re branche du moyen, la Cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et ayant effectué les recherches nécessaires, a constaté que les salles de jeux où exerçaient les salariés étaient dépourvues d'autonomie d'exploitation et relevaient de la seule direction de la SBM. Elle en a exactement déduit que le SUN CASINO et le CASINO DU CAFÉ DE PARIS ne constituaient pas des établissements distincts.La Cour d'appel a, par une décision motivée, relevé que la SBM n'apportait pas la preuve d'une disparité du travail des salariés du même grade au sein des deux casinos ; qu'elle a jugé à bon droit que l'employeur ne peut, sur le fondement d'accords d'entreprise, déroger sans raison objective à la règle « à travail égal salaire égal » ; que sans étendre au SUN CASINO le champ d'application de l'accord collectif applicable au CASINO CAFÉ DE PARIS, elle a constaté que les salariés recrutés par la SBM suivaient la même formation pour être affectés au cours de leur carrière indifféremment dans l'une ou l'autre des salles de jeux des deux casinos, ce dont il résultait une situation de travail identique qui ne pouvait justifier une inégalité de traitement.

Social - Général  - Conditions de travail.

Établissements distincts - Autonomie d'exploitation - Non-accords d'entreprise - Situation de travail identique - Égalité de traitement.


Parties
Demandeurs : La SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS À MONACO (SBM)
Défendeurs : Monsieur m. VA. DE HE.

Références :

article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010
articles 2 et 7 de l'ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944
loi n° 446 du 16 mai 1946
article 1er de la loi n° 416 du 7 juin 1945
loi n° 957 du 18 juillet 1974
articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile
article 2 de la loi n° 957 du 18 juillet 1974


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2016-12-07;15589 ?

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