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20/10/2016 | MONACO | N°15593

Monaco | Cour de révision, 20 octobre 2016, La société anonyme monégasque SAM MONACAIR c/ la société anonyme monégasque SAM HELI AIR MONACO et la société à responsabilité limitée ROCKFIELD MONACO SARL


Motifs

Pourvoi N° Hors Session

Pourvoi N° 2015/000039 en session

après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2016

En la cause de :

- la société anonyme monégasque SAM MONACAIR, immatriculée au RCI de Monaco sous le n° 87 S 02334, ayant son siège sis Héliport de Monaco - 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, domicilié audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant

par Maître Jean de SALVE DE BRUNETON, SCP BORE et SALVE de BRUNETON, avocat aux Conseils, et Maître Alain TOUCAS, av...

Motifs

Pourvoi N° Hors Session

Pourvoi N° 2015/000039 en session

après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2016

En la cause de :

- la société anonyme monégasque SAM MONACAIR, immatriculée au RCI de Monaco sous le n° 87 S 02334, ayant son siège sis Héliport de Monaco - 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, domicilié audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean de SALVE DE BRUNETON, SCP BORE et SALVE de BRUNETON, avocat aux Conseils, et Maître Alain TOUCAS, avocat au Barreau de Paris ;

APPELANTE,

d'une part,

Contre :

- la société anonyme monégasque SAM HELI AIR MONACO, immatriculée au RCI de Monaco sous le n° 76S01554, ayant son siège sis Héliport de Monaco - 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, domicilié audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

- la société à responsabilité limitée ROCKFIELD MONACO SARL, au capital de 100.000 euros, immatriculée au RCI de Monaco sous le n° 07 S 04717, ayant son siège c/o GROOM HILL, 24 boulevard Princesse Charlotte - 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, demeurant ès-qualités audit siège,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉES,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 24 mars 2016 par la Cour de révision, ayant cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu entre les parties le 10 mars 2015, par la Cour d'appel civile ;

- les conclusions additionnelles déposées au greffe général, le 11 mai 2016, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la SAM MONACAIR, signifiée le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées au greffe général, le 22 juin 2016, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SAM HELI AIR MONACO, signifiée le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées au greffe général, le 24 juin 2016, par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la SARL ROCKFIELD MONACO, signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 4 juillet 2016, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions après arrêt d'annulation du Ministère Public en date du 7 juillet 2016 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 13 octobre 2016 sur le rapport de Monsieur Serge PETIT, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Monsieur le Procureur Général;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que la recevabilité des appels n'est pas contestée ;

Sur la jonction

Attendu que les trois instances d'appel ci-dessus rappelées, dirigées contre le même jugement, à l'encontre des mêmes parties, présentent un lien de connexité certain et tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les juger ensemble, et donc d'en prononcer la jonction ;

Sur les dispositions définitives du jugement

Attendu que les dispositions suivantes du jugement entrepris qui ne sont pas contestées sont définitives :

« - Déboute la société ROCKFIELD MONACO de sa demande tendant au rejet des pièces n° 37 bis, 40, 46, 47 et 47 bis produites par la société HELI AIR MONACO ;

* Dit que les relations entre la société HELI AIR MONACO et la société ROCKFIELD MONACO reposent sur le document intitulé » Contrat de gestion hélicoptère « adressé le 6 août 2007 à la société HELI AIR MONACO ;

* Dit que le mandat n'est pas d'intérêt commun ;

* Dit que le contrat a été conclu pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction pour une nouvelle durée d'un an sauf préavis de 2 mois » ;

Sur la demande de rejet de pièces

Attendu que les pièces n° 74 et n° 75 déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA les 19 juillet et 19 septembre 2016 postérieurement au certificat de clôture du 4 juillet 2016 doivent être rejetées ;

Sur la rupture des relations contractuelles

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause que Mme c. GR. a donné mandat, le 17 mai 2006, à la société HELI AIR, par l'intermédiaire et pour le compte de la société ULTRAMAR VENTURES, de faire l'acquisition d'un hélicoptère EC 155 BI de marque EUROCOPTER ; que le jour même son mandataire a passé commande de l'appareil auprès de la firme EUROCOPTER, laquelle, aux termes d'un avenant conclu, entre ces sociétés, le 18 mai 2006, a octroyé à la société HELI AIR MONACO, au titre d'un accord de représentation liant celles-ci, une remise de 7 % sur le prix d'achat de l'appareil ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les conditions de la mission administrative et technique confiée à la société HELI AIR MONACO par Mme c. GR., pour le compte de la société ROCKFIELD, en cours de constitution, étaient régies par un contrat intitulé « contrat de gestion hélicoptère » en date du 6 août 2007 ;

Que ce contrat, négocié pour une durée d'un an, à compter de sa date de signature, était renouvelable par tacite reconduction pour une nouvelle durée d'un an, sauf préavis de 2 mois ;

Que les premiers juges, à défaut de signature dudit contrat, se référant aux pièces de la procédure, qui caractérisaient une utilisation de l'appareil dès juillet 2007, ont, à bon droit, déduit l'acceptation de l'offre et l'accord de volonté des parties de l'exécution du contrat ;

Qu'ils ont ainsi pu fixer la date de prise d'effet du contrat à la date d'immatriculation de l'appareil, soit le 20 juillet 2007 ;

Attendu que Mme c. GR., es-qualité d'associée principale de la société ROCKFIELD, a dénoncé ladite convention par lettre du 22 juin 2010 ; que la société HELI AIR soutient que cette résiliation serait fautive ;

Que la société ROCKFIELD, qui ne conteste pas qu'elle n'a pas respecté le délai de préavis contractuellement prévu, invoque le droit de se prévaloir de son droit de résiliation anticipé, en cas de faute et de manquements graves commis par sa co-contractante, tel qu'il résulte du contrat ;

Attendu que dans le cadre de l'accord de gestion, les parties étaient convenues d'une possibilité de location, régulière mais non excessive de l'hélicoptère à des tiers, sur accord préalable de la propriétaire, celle-ci pouvant donner lieu à déduction par société HELI AIR MONACO sur sa facturation à la société ROCKFIELD, des frais mensuels de gestion, d'assurance, de parking et de hangar et d'une refacturation, à l'utilisateur :

* à l'euro près, des frais de personnel (pour les 6 personnes) exclusivement affectées à l'EC 155 B1,

* au prix réel, des coûts liés à l'entretien et à la consommation de kérosène,

Qu'à la demande de Mme c. GR. cet accord avait été modifié, fin 2008, afin de réduire les coûts de gestion liés à l'appareil et que de nouvelles bases d'exploitation avaient été définies ;

Qu'il prévoyait une réduction du nombre de personnes affectées à l'hélicoptère et la possibilité de l'employer sur la flotte classique d'HELI AIR et une limitation de l'utilisation de l'hélicoptère ;

Attendu que si une partie à un contrat peut mettre fin de façon unilatérale et anticipée à ses relations contractuelles, c'est à la condition qu'elle puisse justifier que son co-contractant a manqué gravement à ses obligations ; que cela suppose l'existence de fautes, commises préalablement à la résiliation, qu'il appartient au juge d'apprécier ;

Que les premiers juges ont relevé que la société ROCKFIELD n'avait jamais invoqué de manquements à l'encontre de la société HELI AIR avant l'introduction de la présente instance, notamment lors de la rupture elle-même du contrat le 22 juin 2010; qu'il appartient dès lors à la Cour de rechercher si les fautes invoquées étaient caractérisées à la date de la résiliation de la convention;

Attendu que la société ROCKFIELD reproche à la société HELI AIR d'avoir commis les fautes suivantes

* une surfacturation des salaires du personnel affecté à l'hélicoptère,

* une utilisation abusive de l'hélicoptère à son profit,

* une utilisation abusive du personnel exclusivement affecté à l'appareil,

* une surfacturation de la location du hangar,

* un défaut de souscription du contrat d'entretien PBH, Que ces griefs seront tour à tour analysés ;

Sur la location du hangar

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'aux termes du contrat de gestion de 2007, faisant la loi des parties, ce poste a été forfaitairement fixé à la somme mensuelle de 17.500 euros, comprenant non seulement le coût de la location du bâtiment, mais aussi les frais de l'assurance particulière pour l'hélicoptère, de la mise sur plot pour décollage, du nettoyage intérieur/extérieur, du déplacement de l'appareil, de la navette, de la taxe sur l'héliport de Monaco et enfin des frais divers sur cet héliport ;

Attendu que la société ROCKFIELD invoque une surfacturation fautive par la société HELI AIR constatée par elle en 2011, après qu'elle ait sollicité le service de l'aviation civile, afin de connaître le coût de la location du hangar ;

Attendu cependant que la résiliation est intervenue en 2010, soit antérieurement à la date à laquelle se place la société ROCKFIELD pour caractériser la faute de la société HELI AIR sur laquelle elle fonde le manquement de cette dernière à ses obligations contractuelles, et qui aurait justifié sa résiliation ;

Que ce grief qui n'est pas de nature à établir une relation causale entre la faute alléguée et la rupture des relations contractuelles doit être écarté ;

Que ce chef de demande a été à bon droit rejeté ;

Sur la surfacturation des salaires

Attendu que les éléments tirés d'une surfacturation injustifiée des salaires, produits par les parties, sont contraires et dépourvus de force probante ;

Qu'ayant relevé cette carence des parties, le Tribunal a néanmoins ordonné une expertise afin de vérifier s'il y a eu surfacturation, par la société HELI AIR, des salaires des pilotes refacturés à la société ROCKFIELD ;

Que cependant, en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;

Qu'il y a lieu de constater que la société ROCKFIELD qui réclame l'exécution d'une obligation à la charge de la société HELI AIR n'apporte pas, à l'appui de ses prétentions, la preuve dont elle a la charge ;

Qu'il y a lieu de la débouter de sa demande en paiement d'une somme de 154.138,99 euros au titre de la surfacturation des salaires des pilotes ;

Sur le contrat d'entretien de l'hélicoptère

Attendu, s'agissant du contrat d'entretien de l'hélicoptère et de la demande de paiement d'intérêts sur la somme versée tardivement à EUROCOPTER à ce titre que le Tribunal a relevé, par une exacte appréciation des faits de la cause, corroborée par les pièces du dossier soumis à la Cour, qu'il était établi par une attestation de la firme EUROCOPTER (pièce n° 45 HELI AIR) que l'appareil avait bénéficié d'une couverture « parts by the hour » (PBH) dès le jour de sa livraison le 18 juillet 2007, nonobstant une formalisation contractuelle le 3 octobre 2008 ; qu'il résulte des éléments de la cause que le contrat PBH a couvert l'entretien de l'hélicoptère depuis sa livraison et que le paiement a été effectué en son intégralité par la société HELI AIR MONACO ; que la preuve d'un paiement sans cause n'est pas rapportée ; de sorte que les conditions requises pour procéder à une résiliation anticipée et unilatérale du contrat n'étaient pas remplies, en l'absence de manquement fautif de la société HELI AIR ;

Sur l'utilisation abusive de l'hélicoptère

Attendu, quant à l'exploitation de l'appareil par HELI AIR durant l'année 2008 que la société ROCKFIELD a pour objet la location d'un hélicoptère « coque nue » et donc une exploitation commerciale de celui-ci ;

Que le contrat de 2007 réservait à HELI AIR la possibilité de louer cet hélicoptère à des tiers, à condition que cela ne soit pas excessif et sur accord préalable de la propriétaire ;

Que ce n'est que postérieurement aux négociations des nouvelles bases d'exploitation de l'appareil qu'il a été demandé à HELI AIR, par courrier du 10 novembre 2008 (pièce 11) de ne pas commercialiser l'appareil ;

Qu'il n'est pas démontré qu'un tel changement de stratégie soit fondé sur un comportement fautif ;

Qu'il s'en suit, en premier lieu, que la société HELI AIR avait vocation à louer l'hélicoptère « régulièrement mais de façon non excessive » selon les termes même du contrat ; qu'en second lieu aucun élément de la cause ne permet de caractériser une transgression de la convention par une utilisation abusive de l'hélicoptère imputable à la société HELI AIR ;

Qu'il résulte des pièces de la procédure qu'un accord est intervenu le 31 octobre 2008, prévoyant l'indemnisation de la société ROCKFIELD pour la partie du salaire des pilotes correspondant aux jours de pilotage effectués pour HELI AIR MONACO ;

Que la société ROCKFIELD n'est donc pas fondée à invoquer une quelconque faute du fait de l'utilisation de l'EC 155 B1 par sa co-contractante ;

Sur l'utilisation par HELI AIR MONACO des pilotes et techniciens

Attendu, concernant l'utilisation du « staff » affecté à l'appareil, que le nombre des personnes exclusivement attachées à cet appareil avait été initialement fixé à 6,soit 4 pilotes et 2 mécaniciens, dont le coût était, d'un commun accord, facturé à la société ROCKFIELD ;

Que celle-ci a décidé, le 31 octobre 2008, de modifier les bases d'exploitation de l'aéronef et de réduire l'effectif ; qu'un accord prévoyait pour l'avenir une indemnisation de la société ROCKFIELD pour la part des salaires correspondant au travail effectué pour le compte de HELI AIR ;

Qu'à cette occasion (pièce n°10), la société ROCKFIELD prenait acte de ce qu'aucune des 6 personnes n'avait à cette date été employée sur d'autres machines ;

Qu'à la suite de la réunion du 31 octobre 2008, le paiement d'une somme journalière de 174 euros par pilote était proposé le 10 novembre 2008 ; que le montant de ce nouveau mode de rétribution et le point de départ de sa mise en œuvre au 1er janvier 2009 étaient définitivement acceptés le 12 mars 2009, sans qu'aucune régularisation ait été envisagée au titre de la période antérieure ;

Attendu qu'il en résulte qu'aucune faute caractérisée imputable à la société HELI AIR n'est démontrée au titre d'une utilisation abusive de l'appareil, avant la mise en place des nouvelles bases d'exploitation de celui-ci ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, faute de dénonciation dans le délai de deux mois avant l'expiration de la période en cours, la résiliation anticipée du contrat le 22 juin 2010 par la société ROCKFIELD était fautive, de sorte que, le contrat s'était renouvelé pour un an, que la convention du 20 juillet 2007, d'une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction, qui n'a pas été dénoncée valablement, avait vocation à s'appliquer jusqu'au 19 juillet 2011 ce qui rend légitime la demande de réparation du préjudice sur cette durée ;

Que par motifs propres et ceux adoptés des premiers juges, le jugement doit être confirmé sur ces points ;

Sur la demande formée par la société HELI AIR, en réparation de son préjudice résultant de la résiliation fautive du contrat

Attendu que la résiliation du contrat a été source de dommages pour la société HELI AIR MONACO, qui en réclame à bon droit réparation ;

Attendu que pour asseoir sa demande d'indemnisation de son préjudice, la société HELI AIR produit le rapport établi à sa demande par Jean-Marie MAYOT, lequel a fait l'objet de critiques de la part de M. Christian BOISSON, missionné par la société ROCKFIELD ;

Attendu que les parties sont contraires en fait ; que la Cour estime que les éléments d'appréciation qui lui sont soumis, faute d'éléments comptables les confortant, ne sont pas suffisants pour déterminer les préjudices subis par la société HELI AIR ;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont ordonné une mesure d'expertise, que leur décision sera confirmée ;

Qu'il y a lieu d'ordonner une mesure d'expertise aux frais avancés de la société ROCKFIELD afin d'évaluer son préjudice sur la période d'une année d'exploitation ;

Sur la demande de remboursement de la remise obtenue sur le prix d'achat de l'hélicoptère formée par la société ROCKFIELD

Attendu que la SAM HELI AIR MONACO sollicite que la demande présentée de ce chef à son encontre soit déclarée irrecevable faute d'intérêt à agir, en ce que la société ROCKFIELD est étrangère aux conventions signées les 17 et 18 mai 2006 avec la société EUROCOPTER ;

Attendu que, par des motifs pertinents, exempts de toute critique, que la cour adopte, le Tribunal relève que la société HELI AIR MONACO a acheté l'appareil en agissant comme prête nom de Mme c. GR. et de la société en cours de constitution ;

Qu'il résulte des pièces du dossier et notamment de la lettre en date du 8 mai 2006 que Mme c. GR. a manifesté la volonté de faire l'acquisition de l'hélicoptère pour son compte ; que le montage juridique auquel la société HELI AIR a participé comportait la création d'une structure monégasque, à savoir la SARL ROCKFIELD, qui s'est vu transférer le bon de commande, la propriété de l'appareil ainsi que tous les droits, titres de propriété et intérêts en rapport avec celui-ci ; que, ainsi que cela résulte du procès-verbal du conseil d'administration d'ULTRAMAR VENTURES LTD du 17 décembre 2007 qui a force probante jusqu'à preuve du contraire (pièce n° 40 ROCKFIELD) ; que la facture d'achat a été adressée à la société ROCKFIELD par la société HELI AIR le 15 octobre 2007 ;

Qu'il y a donc lieu de déclarer la société ROCKFIELD recevable en sa demande ;

Attendu cependant, sur le bienfondé de la demande, que les parties ne remettent pas en cause la qualification de « prête-nom » donnée par les premiers juges aux deux conventions signées le 17 mai 2006 à savoir un contrat commercial entre HELI AIR MONACO et ULTRAMARVENTURES LIMITED pour la fourniture d'un EC 155 B1 et un contrat commercial conclu entre HELI AIR MONACO et EUROCOPTER S.A.S. ayant consisté pour Mme c. GR. à faire acquérir pour son compte, par la société HELI AIR, un hélicoptère de ce type auprès de la firme EUROCOPTER ;

Attendu que dans le contrat de prête-nom, si la relation entre la personne pour le compte de laquelle le prête-nom agit et ce dernier relève des règles du mandat, de sorte que la personne interposée a l'obligation de rendre compte au maître de l'affaire en lui transférant les avantages et charges résultant de l'opération conclue, il demeure que le mandataire n'a à rendre compte à son mandant que de ce qui relève de l'exécution du mandat ;

Attendu, en l'espèce, que la SAM HELI AIR MONACO présentait le double avantage d'être à la fois une société monégasque, et celui de pouvoir à ce titre immatriculer un aéronef en Principauté, et d'être d'autre part l'unique représentant agréé en Principauté, de la firme EUROCOPTER auprès de laquelle l'appareil devait être acquis ;

Qu'à ce titre la société HELI AIR ayant signé avec cette dernière le 3 mars 2005 un accord de représentation (« représentation agreement ») selon lequel la société EUROCOPTER s'engage à lui verser un commissionnement intitulé « remise », dont le taux varie en fonction de la catégorie d'appareil, ainsi qu'il résulte de l'annexe 2 de cet accord (pièce n° 53 HELI AIR MONACO), sur chaque contrat de vente ou bon de commande accepté par elle ;

Qu'il est constant que l'accord commercial relatif à la vente d'un hélicoptère EC 155 B1, conclu le 17 mai 2006 entre EUROCOPTER et HELIAIR, a fait l'objet d'un avenant du 18 mai 2006, consacrant une remise de 7 % par EUROCOPTER, conventionnellement fixée pour ce type d'appareil ; d'où il suit que cette remise trouve sa cause non dans l'exécution du mandat donné à HELI AIR MONACO mais dans l'application de l'accord de distribution conclu avec la firme EUROCOPTER, auquel se réfère l'avenant ;

Que cette remise, qui représente en conséquence le commissionnement convenu entre ces deux sociétés ne constitue nullement une réduction du prix d'achat consentie par le vendeur initial à l'acheteur, qui, en sa qualité de prête-nom mandataire, serait tenu d'en répercuter le montant à son mandant, en l'espèce la société ROCKFIELD ;

Que cette remise est étrangère à l'opération d'achat effectuée pour le compte de Mme c. GR., dont elle est distincte, de sorte que la société ROCKFIELD ne peut valablement en réclamer le paiement ;

Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de réformer le jugement sur ce point et de débouter la société ROCKFIELD de sa demande ;

Sur l'action en concurrence déloyale à l'encontre de la société MONACAIR

Attendu que si la liberté du commerce et de la concurrence demeure un principe intangible, l'action en réparation du dommage concurrentiel est admise sur le fondement de l'article 1229 du Code civil et constitue une action en responsabilité pour faute, dont la preuve doit être rapportée, de simples présomptions étant insuffisantes ;

Attendu que ladite action requiert, pour sa mise en œuvre la constatation d'une faute caractérisée par l'emploi d'un procédé déloyal, l'existence d'un préjudice consistant en un détournement de clientèle et un lien certain de causalité entre la faute et le dommage invoqué ;

Attendu qu'il y a lieu de déterminer, au vu des circonstances de la cause, si le comportement de la société MONACAIR a été de nature à engager sa responsabilité envers sa concurrente HELI AIR ;

Attendu que la circonstance qu'à la suite de la démission concomitante de 6 salariés de la société HELI AIR, la société MONACAIR ait procédé à leur embauche simultanée et les ait affectés à l'exploitation de l'hélicoptère EC 155 B, dont la gestion venait de lui être confiée par la société ROCKFIELD ; que 5 de ces salariés, 4 pilotes et 1 mécanicien aient reçu une formation spécifique et aient été qualifiés pour intervenir sur l'hélicoptère EC 155 B 1 auquel ils étaient affectés, ainsi que l'attachée commerciale particulièrement chargée des relations avec la famille GR. et les personnes qualifiées de VIP, ne constituent pas des éléments suffisants de nature à caractériser, en l'absence de tout élément de preuve, de nature à démontrer l'existence de manœuvres positives, imputables à la société MONACAIR, ayant eu pour objet de démarcher puis de débaucher les salariés de son concurrent et constitutives de concurrence déloyale ;

Attendu que le Tribunal du travail, ayant, de surcroit, par décisions du 9 janvier 2014 jugé nulle la clause de non-concurrence dans les contrats de travail des salariés démissionnaires de la société HELI AIR, celle-ci ne peut d'avantage soutenir que le débauchage de son personnel par la société MONACAIR, à son profit, est constitutif d'un comportement fautif déloyal justifiant réparation de son préjudice ;

Que la société HELI AIR sera déboutée de sa demande de ce chef et le jugement réformé en ce qu'il a dit que la société MONACAIR s'était rendue coupable de concurrence fautive ;

Sur l'atteinte à la notoriété et à l'image de marque de la SAM HELI AIR

Attendu que la société HELI AIR ne rapporte pas la preuve que le départ collectif soudain des salariés affectés à l'exploitation de l'hélicoptère et à l'embauche immédiate de ceux-ci par la société MONACAIR lui aurait causé un préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de la rupture abusive du contrat par la société ROCKFIELD MONACO ;

Qu'il n'est fait état d'aucun acte de dénigrement et qu'aucun des éléments de la cause ne permet de retenir que le départ de la cliente fortunée Mme c. GR. ait pu, à lui seul, constituer une atteinte à la réputation de la compagnie HELI AIR MONACO ;

Que la société HELI AIR MONACO ne rapporte pas la preuve d'agissements fautifs, commis par la société MONACAIR, constitutifs d'une atteinte à sa notoriété et à son image ;

Que la société HELI AIR sera donc déboutée de sa demande de ce chef et le jugement réformé sur ce point ; Qu'il n'y a donc lieu à expertise sur la détermination du montant des dommages ;

Sur les demandes de dommages-intérêts

Attendu que les sociétés ROCKFIELD et MONACAIR succombent pour partie en cause d'appel, en considération de quoi la procédure initiée par la société HELI AIR ne présente aucun caractère abusif ;que les sociétés ROCKFIELD et MONACAIR ont été à bon droit déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que la décision sera confirmée de ce chef ;

Sur les dépens

Attendu que les sociétés ROCKFIELD et MONACAIR qui succombent pour partie en cause d'appel supporteront les dépens, dont distraction au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA et de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocats-défenseurs, chacun en ce qui le concerne, sous sa due affirmation ; qu'il y a lieu toutefois de les liquider provisoirement eu égard à la mesure d'expertise ordonnée par la Cour ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

* Reçoit les appels,

* Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros de rôle 2013/000127,000151 et 000168,

* Constate que les dispositions relatives au rejet de certaines pièces ainsi que celles relatives au contrat sur lequel reposent les relations contractuelles de la compagnie HELI AIR MONACO et de la société ROCKFIELD sont définitives ;

* Rejette les pièces n°74 et 75 communiquées les 19 juillet et 19 septembre 2016 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA ;

* Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la société HELI AIR n'a commis aucune faute de nature à justifier la résiliation du contrat par la société ROCKFIELD et en ce qu'il a dit que celle-ci n'a pas respecté le délai de préavis de 2 mois avant la date de renouvellement tacite de ce contrat ;

* Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la société HELI AIR est en droit d'obtenir réparation de son préjudice sur une période d'une année d'exploitation ;

Avant-dire-droit sur le préjudice subi par la société HELI AIR MONACO,

* Ordonne une mesure d'expertise confiée à M. Jacques KALPAC, demeurant 43 boulevard de la Blancarde, 13004 MARSEILLE, lequel, assisté le cas échéant de tout sapiteur de son choix, serment préalablement prêté par écrit aux formes de droit, aura pour mission :

1) d'entendre contradictoirement les parties ; de prendre connaissance de tous les documents utiles et plus particulièrement les rapports de MM. MAYOT et BOISSON, la comptabilité des sociétés concernées, les fiches de paye ;

2) de fournir à la Cour les éléments lui permettant de chiffrer le préjudice subi par la société HELI AIR MONACO du fait de la rupture irrégulière du contrat de gestion de l'hélicoptère et ce, pendant une durée de un an et plus particulièrement sur la base de la marge des coûts spécifiques ;

3) de donner à la Cour les éléments techniques et de fait nécessaires à la solution du litige ;

4) de répondre aux dires écrits des parties ;

5) de déposer son pré-rapport qu'il soumettra à la discussion des parties en leur laissant un délai suffisant pour y répondre ;

* Dit que la mesure d'expertise se fera aux frais avancés de la société ROCKFIELD ;

Impartit à l'expert ainsi commis un délai de HUIT JOURS pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le Greffe Général ;

* Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, le même expert déposera au Greffe Général un rapport écrit de ses opérations dans les QUATRE MOIS du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;

* Charge M. Serge Petit, conseiller à la Cour de révision, du contrôle de l'expertise ;

* Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société ROCKFIELD de ses demandes de remboursement des frais de garage, d'indemnisation pour utilisation fautive des pilotes et techniciens ainsi qu'au titre du contrat d'entretien ;

* Réforme le jugement en ce qu'il a condamné la société HELI AIR à rembourser à la société ROCKFIELD le montant de la remise sur le prix d'achat de l'hélicoptère ;

* Réforme le jugement en ce qu'il a dit que la société MONACAIR s'est rendue coupable de concurrence déloyale envers la société HELI AIR ;

* Réforme le jugement en ce qu'il a dit que la société ROCKFIELD et la société MONACAIR se sont rendues coupables d'une atteinte à la notoriété et à l'image de marque de la société HELI AIR MONACO ;

* Réforme le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande de la société ROCKFIELD en remboursement de la surfacturation des pilotes durant l'exécution du contrat et en ce qu'il a ordonné une expertise afin de fournir les éléments permettant d'en vérifier le bienfondé et dans l'affirmative de la chiffrer ;

* Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAM HELI AIR MONACO à payer à la SARL ROCKFIELD MONACO la somme de 590.030 euros, au titre de la remise sur le prix d'achat de l'appareil,

Statuant à nouveau

* Déboute la société ROCKFIELD MONACO de sa demande de remboursement de la remise sur le prix d'achat de l'hélicoptère par la société HELI AIR ;

* Dit que la société MONACAIR n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale envers la société HELI AIR MONACO ni d'atteinte à la notoriété et à l'image de marque de la société HELI AIR MONACO ;

* Déboute la société ROCKFIELD MONACO de sa demande de remboursement de la surfacturation des pilotes par la société HELI AIR MONACO ;

* Déboute la société ROCKFIELD MONACO et la société MONACAIR de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

* Déboute la société HELI AIR, la société ROCKFIELD MONACO et la société MONACAIR du surplus de leurs demandes ;

* Renvoie à la prochaine session utile de la Cour de révision afin qu'il soit statué uniquement sur l'évaluation du préjudice subi par la société HELI AIR MONACO consécutivement à l'expertise ordonnée ;

* Condamne la société ROCKFIELD MONACO et la société MONACAIR aux dépens d'appel à concurrence de la moitié chacune avec distraction au profit de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

* Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef au vu du tarif applicable, eu égard à la mesure d'expertise ordonnée.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le vingt octobre deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Jean-François RENUCCI, Vice-Président, Chevalier de l'ordre de Saint-Charles, et Monsieur Serge PETIT, rapporteur, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15593
Date de la décision : 20/10/2016

Analyses

L'accord commercial relatif à la vente d'un hélicoptère EC 155 B1, conclu le 17 mai 2006 entre EUROCOPTER et HELIAIR, a fait l'objet d'un avenant du 18 mai 2006, consacrant une remise de 7 % par EUROCOPTER, conventionnellement fixée pour ce type d'appareil ; d'où il suit que cette remise trouve sa cause non dans l'exécution du mandat donné à HELI AIR MONACO mais dans l'application de l'accord de distribution conclu avec la firme EUROCOPTER, auquel se réfère l'avenant ; cette remise, qui représente en conséquence le commissionnement convenu entre ces deux sociétés ne constitue nullement une réduction du prix d'achat consentie par le vendeur initial à l'acheteur, qui, en sa qualité de prête-nom mandataire, serait tenu d'en répercuter le montant à son mandant, en l'espèce la société ROCKFIELD ; cette remise est étrangère à l'opération d'achat effectuée pour le compte de Mme c. GR., dont elle est distincte, de sorte que la société ROCKFIELD ne peut valablement en réclamer le paiement ; en conséquence il y a lieu de réformer le jugement sur ce point et de débouter la société ROCKFIELD de sa demande ;Il n'est fait état d'aucun acte de dénigrement et qu'aucun des éléments de la cause ne permet de retenir que le départ de la cliente fortunée Mme c. GR. ait pu, à lui seul, constituer une atteinte à la réputation de la compagnie HELI AIR MONACO ; la société HELI AIR MONACO ne rapporte pas la preuve d'agissements fautifs, commis par la société MONACAIR, constitutifs d'une atteinte à sa notoriété et à son image ; la société HELI AIR sera donc déboutée de sa demande de ce chef et le jugement réformé sur ce point.

Contrat - Général  - Contrat de vente.

Hélicoptère - Vente - Remise - Mandat - Commission (non) - Atteinte à l'image et à la notoriété (non).


Parties
Demandeurs : La société anonyme monégasque SAM MONACAIR
Défendeurs : la société anonyme monégasque SAM HELI AIR MONACO et la société à responsabilité limitée ROCKFIELD MONACO SARL

Références :

article 1229 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2016-10-20;15593 ?

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