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20/09/2016 | MONACO | N°15614

Monaco | Cour de révision, 20 septembre 2016, Madame m. BI. c/ Monsieur g. RO.


Motifs

Pourvoi N° Hors Session

Pourvoi N° 2016/000035

Hors Session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2016

En la cause de :

- Madame m. BI., née le 18 février 1978 à Zagreb (Croatie) de nationalité croate, en recherche d'emploi, demeurant X1 à Monaco ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 299 BAJ 15 par décision du bureau du 10 septembre 2015 ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une p

art,

Contre :

- Monsieur g. RO., né le 26 août 1967 à Glasgow (Grande-Bretagne) de nationalité britannique et italienne, sans prof...

Motifs

Pourvoi N° Hors Session

Pourvoi N° 2016/000035

Hors Session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2016

En la cause de :

- Madame m. BI., née le 18 février 1978 à Zagreb (Croatie) de nationalité croate, en recherche d'emploi, demeurant X1 à Monaco ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 299 BAJ 15 par décision du bureau du 10 septembre 2015 ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur g. RO., né le 26 août 1967 à Glasgow (Grande-Bretagne) de nationalité britannique et italienne, sans profession, demeurant X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 452 du Code de procédure civile ;

VU :

- l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en Chambre du conseil sur appel d'une ordonnance du juge tutélaire en date du 4 mars 2016 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 1er avril 2016, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de m. BI. ;

- la requête en révision déposée le 3 mai 2016 au greffe général, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de m. BI., signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 2 juin 2016 au greffe général, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de g. RO., signifiée le même jour ;

- les conclusions de Monsieur le Procureur Général en date du 3 juin 2016 ;

- la réplique en révision déposée le 10 juin 2016 au greffe général par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur au nom de m. BI., signifiée le même jour ;

- la duplique en révision déposée le 20 juin 2016 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de g. RO., signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 1er juillet 2016, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 8 Septembre 2016, sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, rapporteur ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'à la suite de la cessation de son concubinage avec M. g. RO., Mme m. BI. a, le 9 novembre 2015, saisi le juge tutélaire de diverses demandes, tant pour elle que pour leurs enfants, lu. et ca. RO., nés les 10 avril 2014 et 23 septembre 2015 ; que, par ordonnance du 22 janvier 2016, le magistrat, après avoir prescrit la traduction en français de douze pièces produites par Mme m. BI., a dit, à titre provisoire, l'autorité parentale devoir être exercée en commun, puis a fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère, a autorisé cette dernière à se rendre avec eux chez son frère habitant Londres, a accordé au père un droit de visite et d'hébergement de quatre jours par quinzaine, à charge pour lui de prendre et ramener les enfants au domicile de la mère, a permis à celle-ci de faire établir seule un passeport britannique pour l'enfant ca., et a enjoint à M. g. RO. de remettre à Mme m. BI. les documents d'identité et le passeport de l'enfant lu. ; que sur l'appel de M. g. RO., la cour, par arrêt du 4 mars 2016, a rejeté la demande de la mère de pouvoir habiter Londres avec les deux enfants, a déclaré sans objet ses demandes d'autorisation de faire établir seule un passeport britannique pour l'enfant ca. comme de se voir remettre les documents d'identité de l'enfant lu., et a réaménagé le droit de visite et d'hébergement ; que Mme m. BI. s'est pourvue en révision contre cet arrêt ;

Sur le premier moyen

Attendu que Mme m. BI. fait grief à l'arrêt de motiver sa décision, notamment, sur la base de déclarations verbales de l'expert SA., dont les parties n'avaient pas connaissance sans les avoir mises en mesure de s'expliquer sur lesdites déclarations, violant ainsi les dispositions de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'arrêt frappé d'appel relève que cet expert psychologue avait souligné, dans le rapport verbal qu'il avait fait au juge tutélaire, qu'il convenait de maintenir le lien avec le parent chez lequel les enfants ne résideraient pas et que la situation idéale serait que la mère puisse rester à proximité du père (ordonnance de ce magistrat, p. 8), et que ces observations et préconisations étaient reprises à l'identique dans les conclusions de M. g. RO. devant la Cour ; d'où il suit que le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen

Attendu que Mme m. BI. fait aussi grief à l'arrêt critiqué d'écarter des débats des pièces produites par elle, rédigées en langue étrangère, et présentées en traduction libre, alors que la traduction en langue française ne doit pas se faire nécessairement de manière assermentée, de sorte que le procès n'a pas été équitable à son endroit, et qu'en jugeant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Constitution du 17 décembre 1962, révisée par la loi n° 1249 du 2 avril 2002, la loi n° 1378 du 18 mai 2015 relative à l'assistance judiciaire prise en son article 10 et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il résulte du dossier que les services de l'assistance judiciaire, appliquant la loi qui les régit, prennent en charge tous frais de traduction en français de pièces rédigées en langue étrangère et dont la production, effectuée par un plaideur impécunieux, est ordonnée par une juridiction, et que Mme m. BI. a bénéficié de ce régime pour les douze pièces dont le premier juge avait relevé la nécessité pour les besoins de sa défense ; qu'ainsi l'arrêt, qui en écarte d'autres des débats, au motif pertinent que leur traduction par une personne non assermentée ne garantissait pas la fidélité de la version française à celle originale, ne méconnait ni l'équité du procès, laquelle est intéressée à la fiabilité des preuves, ni la reconnaissance constitutionnelle de la langue française en tant que langue officielle de l'État ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches

Attendu que Mme m. BI. fait enfin grief à l'arrêt de refuser de l'autoriser à s'installer à Londres avec ses enfants, alors, d'une part, que toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien, et que, par ailleurs, aux termes de son ordonnance en date du 22 janvier 2016, Madame le Juge Tutélaire avait accordé au père un droit de visite et d'hébergement élargi, qu'en jugeant de la sorte, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a violé l'article 2 du Protocole n°4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ; alors, d'autre part, que pareille différence de traitement est discriminatoire en l'absence de justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle ne repose pas sur un « but légitime » et s'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, qu'en jugeant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention combiné avec l'article 14 ;

Mais attendu que l'arrêt, qui retient exactement devoir se déterminer au regard de l'intérêt des enfants à conserver les relations personnelles les plus étroites possibles avec le parent non gardien, observe que l'autorisation litigieuse, même provisoire, d'un habitat londonien n'est pas de nature à garantir le maintien de ces relations et apparaît même comme une entrave à celles-ci, l'effectivité du droit de l'enfant, en bas âge plus particulièrement, d'être élevé par ses deux parents étant compromis par un éloignement géographique important, tandis que le principe de coparentalité, conduisant à un système de codécision, requiert la proximité des parents pour son effectivité ; que par ces motifs, qui relèvent de son appréciation souveraine, l'arrêt, sans méconnaitre aucun des textes visés au moyen, est légalement justifié ;

Sur la demande de dommages-intérêts de M. g. RO.

Attendu que M. g. RO. sollicite la condamnation de Mme m. BI. à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l'article 459-4 du Code de procédure civile, « compte tenu de son obstination et du caractère manifestement mal fondé de son pourvoi, ayant fait dégénérer son droit d'agir en justice en abus de droit » ;

Mais attendu que Mme m. BI., dont l'ordonnance partiellement infirmée avait accueilli les demandes, n'a pas abusé de son droit de se pourvoir en révision ; que cette demande sera donc rejetée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Déboute M. g. RO. de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne Mme m. BI. aux dépens, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi délibéré et jugé le vingt Septembre deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté composée de Messieurs Jean-Pierre DUMAS, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Cécile CHATEL-PETIT, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, rapporteur.

Et Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Premier Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15614
Date de la décision : 20/09/2016

Analyses

Mme m. BI. fait grief à l'arrêt de motiver sa décision, notamment, sur la base de déclarations verbales de l'expert SA., dont les parties n'avaient pas connaissance sans les avoir mises en mesure de s'expliquer sur lesdites déclarations, violant ainsi les dispositions de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.Mais l'arrêt frappé d'appel relève que cet expert psychologue avait souligné, dans le rapport verbal qu'il avait fait au juge tutélaire, qu'il convenait de maintenir le lien avec le parent chez lequel les enfants ne résideraient pas et que la situation idéale serait que la mère puisse rester à proximité du père (ordonnance de ce magistrat, p. 8), et que ces observations et préconisations étaient reprises à l'identique dans les conclusions de M. g. RO. devant la Cour. Le moyen manque en fait.Mme m. BI. fait aussi grief à l'arrêt critiqué d'écarter des débats des pièces produites par elle, rédigées en langue étrangère, et présentées en traduction libre, alors que la traduction en langue française ne doit pas se faire nécessairement de manière assermentée, de sorte que le procès n'a pas été équitable à son endroit, et qu'en jugeant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Constitution du 17 décembre 1962, révisée par la loi n° 1.249 du 2 avril 2002, la loi n° 1.378 du 18 mai 2015 relative à l'assistance judiciaire prise en son article 10 et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.Mais il résulte du dossier que les services de l'assistance judiciaire, appliquant la loi qui les régit, prennent en charge tous frais de traduction en français de pièces rédigées en langue étrangère et dont la production, effectuée par un plaideur impécunieux, est ordonnée par une juridiction, et que Mme m. BI. a bénéficié de ce régime pour les douze pièces dont le premier juge avait relevé la nécessité pour les besoins de sa défense. Ainsi l'arrêt, qui en écarte d'autres des débats, au motif pertinent que leur traduction par une personne non assermentée ne garantissait pas la fidélité de la version française à celle originale, ne méconnait ni l'équité du procès, laquelle est intéressée à la fiabilité des preuves, ni la reconnaissance constitutionnelle de la langue française en tant que langue officielle de l'État.Mme m. BI. fait enfin grief à l'arrêt de refuser de l'autoriser à s'installer à Londres avec ses enfants, alors, d'une part, que toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien, et que, par ailleurs, aux termes de son ordonnance en date du 22 janvier 2016, Madame le Juge Tutélaire avait accordé au père un droit de visite et d'hébergement élargi, qu'en jugeant de la sorte, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a violé l'article 2 du Protocole n°4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ; alors, d'autre part, que pareille différence de traitement est discriminatoire en l'absence de justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle ne repose pas sur un « but légitime » et s'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, qu'en jugeant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention combiné avec l'article 14 ;Mais l'arrêt, qui retient exactement devoir se déterminer au regard de l'intérêt des enfants à conserver les relations personnelles les plus étroites possibles avec le parent non gardien, observe que l'autorisation litigieuse, même provisoire, d'un habitat londonien n'est pas de nature à garantir le maintien de ces relations et apparaît même comme une entrave à celles-ci, l'effectivité du droit de l'enfant, en bas âge plus particulièrement, d'être élevé par ses deux parents étant compromis par un éloignement géographique important, tandis que le principe de coparentalité, conduisant à un système de codécision, requiert la proximité des parents pour son effectivité. Par ces motifs, qui relèvent de son appréciation souveraine, l'arrêt, sans méconnaitre aucun des textes visés au moyen, est légalement justifié.

Droit de la famille - Autorité parentale et droits de l'enfant.

Procédure - Divorce - Pièces rédigées en langue étrangère - Traduction - Conditions - Résidence et hébergement des enfants - Éloignement - Appréciation souveraine - Convention européenne - Violation (non).


Parties
Demandeurs : Madame m. BI.
Défendeurs : Monsieur g. RO.

Références :

loi n° 1249 du 2 avril 2002
article 8 de la Constitution du 17 décembre 1962
loi n° 1378 du 18 mai 2015
loi n° 1.249 du 2 avril 2002
loi n° 1.378 du 18 mai 2015
article 459-4 du Code de procédure civile
article 452 du Code de procédure civile
ordonnance du 22 janvier 2016


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2016-09-20;15614 ?

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