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24/03/2016 | MONACO | N°14780

Monaco | Cour de révision, 24 mars 2016, M. ne. BA. c/ M. j-m. VE., M. pa., jea., fr., VE. et Mme je., so., lo. PI. veuve VE.


Motifs

Pourvoi N° 2015-42 en session

Après cassation

COUR DE REVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- M. ne. BA., né le 30 mai 1973 à Sofia (Bulgarie), de nationalité bulgare, demeurant X à Monaco,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant la SCP LYON-CAEN & th. RIEZ, avocat aux conseils ;

APPELANT,

d'une part,

Contre :

- M. j-m. VE., né le 8 octobre 1956 à Monaco, de nationalité française, ayant

demeuré X1 à Monaco (98000) et actuellement X11 à Monaco,

- M. pa., jea., fr., VE., né le 14 septembre 1968 à Monaco, de nation...

Motifs

Pourvoi N° 2015-42 en session

Après cassation

COUR DE REVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- M. ne. BA., né le 30 mai 1973 à Sofia (Bulgarie), de nationalité bulgare, demeurant X à Monaco,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant la SCP LYON-CAEN & th. RIEZ, avocat aux conseils ;

APPELANT,

d'une part,

Contre :

- M. j-m. VE., né le 8 octobre 1956 à Monaco, de nationalité française, ayant demeuré X1 à Monaco (98000) et actuellement X11 à Monaco,

- M. pa., jea., fr., VE., né le 14 septembre 1968 à Monaco, de nationalité française, demeurant X2 à Monaco,

- Mme je., so., lo. PI. veuve VE., née le 5 septembre 1932 à Menton (A. M.), de nationalité française, domiciliée X2 à Monaco,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant Maître Claire WAQUET avocat aux conseils ;

INTIMES,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 7 avril 2015 par la Cour d'appel, signifié le 8 mai 2015 ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 29 octobre 2015, cassant en toutes ses dispositions l'arrêt précité et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision autrement composée ;

- les conclusions additionnelles déposées le 23 décembre 2015 au greffe général, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de l'hoirie VE., signifiée le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées le 19 janvier 2016 au greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de M. ne. BA., signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 20 janvier 2016, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions après cassation de Monsieur le Procureur général en date du 21 janvier 2016 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 23 janvier 2016, sur le rapport de M. fr.-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Le 1er août 2008, M. ne. BA. a acquis moyennant 930.000 euros différents éléments d'un fonds de commerce à l'occasion de la faillite de son propriétaire, Mme th. NG., et en particulier un droit au bail portant sur des locaux sis … à Monaco, propriété des consorts VE. ;

Devenu locataire commercial des consorts VE., M. BA. leur a demandé, en mars 2009, l'autorisation d'effectuer des travaux de transformation de l'immeuble ; Par courrier du 14 avril 2009, il précisait que « l'appareillage nécessaire à l'extraction mécanique des flux d'air (climatisation, ventilation et autres vapeurs de cuisine) sera positionné à l'intérieur dans le faux-plafond et l'extraction se fera par le conduit extérieur posé à mes frais sur la partie de façade la plus à même de le recevoir ». Par courrier daté du 2 juin 2009, M. BA. donnait son accord pour prendre en charge le coût de tous les travaux y compris « ceux nécessaires à un éventuel renforcement de la structure existante et à l'implantation du système d'extraction d'air vicié provenant des futures cuisines et salles de restauration » ;

Arguant de difficultés rencontrées lors de la phase préparatoire des travaux, M. BA. a alerté les bailleurs en mars 2010, lesquels ont accepté de prendre à leur charge la réfection du réseau d'assainissement de l'immeuble, chantier qu'ils ont confié à l'entreprise Pavibat, dirigée par l'un des co-bailleurs, M. pa. VE. Les travaux ayant débuté le 7 juin, M. BA. s'est plaint de la mauvaise qualité des prestations de l'entreprise Pavibat puis a refusé à celle-ci l'accès au chantier, de sorte que, à partir de l'été 2010, les travaux de réfection des égouts et partant de réaménagement du restaurant se sont trouvés interrompus ;

Les échanges entre les parties en vue de trouver une issue amiable à cette situation de blocage n'ayant pas abouti, M. BA. a, par exploit du 7 octobre 2010, saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 25 février 2011, a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. BE. ; Celui-ci a déposé son rapport le 9 septembre 2013, concluant à la prise en charge par M. BA. de travaux complémentaires pour un montant de 94.470 € et par le bailleur pour un montant de 43.285 € ; Alors que l'expertise suivait son cours, M. BA., qui ne payait plus son loyer depuis février 2012, a reçu le 4 juin 2012 un commandement de s'en acquitter, auquel il a fait opposition, mettant en cause à cette occasion la responsabilité des bailleurs relativement aux désordres affectant les lieux loués ; À titre reconventionnel, les consorts VE. ont sollicité l'expulsion de M. BA. du fait de la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire et sa condamnation au paiement de l'arriéré de loyers ;

Le tribunal de première instance, par jugement du 20 février 2014, a débouté M. BA. de ses demandes de suspension ou de consignation des loyers, l'a condamné au paiement de l'arriéré locatif, a dit n'y avoir lieu de constater la résiliation du bail et a rejeté de manière subséquente les demandes qui en étaient la suite, a condamné les consorts VE. à réaliser les travaux concernant les égouts, préconisés par l'expert, et a débouté

M. BA. du surplus de ses prétentions ;

M. BA. ayant interjeté appel, la cour d'appel a, par arrêt du 7 avril 2015, réformé partiellement ce jugement, prononcé la résiliation du bail liant les parties aux torts exclusifs de M. BA. et ordonné son expulsion, le condamnant à payer diverses sommes aux consorts VE. et le déboutant de ses demandes de condamnation des consorts VE. à réaliser des travaux dans les lieux loués ;

Par arrêt du 29 octobre 2015, la Cour de révision a accueilli le pourvoi de M. BA. et cassé l'arrêt du 7 avril 2015 pour violation du principe de la contradiction et de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour avoir écarté des débats les rapports d'expertise non contradictoires établis par M. BA. quand ces pièces pouvaient être offertes en preuve dès lors qu'elles avaient été régulièrement produites et soumises à la discussion contradictoire des parties.

L'affaire ayant été renvoyée à la prochaine session de la Cour de révision, des conclusions additionnelles ont été déposées le 23 décembre 2015 par Me Christine Pasquier-Ciulla, avocat-défenseur, au nom de l'hoirie VE. puis le 19 janvier 2016 par Me Joëlle Pastor-Bensa, avocat-défenseur, au nom de M. BA. ;

Les consorts VE. demandent en substance la résiliation du bail soit en vertu de la clause résolutoire, soit par l'effet de l'arrêt à intervenir et ce en raison de la violation persistante et renouvelée par le locataire de ses obligations résultant du bail, le loyer n'étant plus payé depuis février 2012 et le local plus assuré depuis novembre 2011 ;

Ils sollicitent la confirmation du jugement du tribunal de première instance en date du 20 février 2014 en ce qu'il a :

* débouté M. BA. de ses demandes tendant à la suspension du paiement des loyers ou à leur consignation,

* condamné M. BA. à payer aux consorts VE. la somme 14.513,93€ à titre d'arriéré locatif arrêté au 4 juin 2012, outre 120€ représentant le coût du commandement,

* débouté M. BA. de ses demandes en réparation d'un préjudice d'exploitation et en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Ils sollicitent incidemment la réformation dudit jugement en ce qu'il a :

* dit n'y avoir lieu à constater la résiliation du bail,

* rejeté les demandes d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation, condamné les consorts VE. à réaliser les travaux concernant les égouts, préconisés par l'expert BE. en pages 53 et 85 de son rapport,

* fait masse des dépens en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seraient partagés par moitié entre les parties ;

Ils demandent par ailleurs à la cour, statuant à nouveau de :

À titre principal

* constater la non-extinction dans le délai d'un mois de la cause du commandement de payer signifié le 4 juin 2012,

* constater la résiliation du bail au 4 juillet 2012 par l'effet de la clause résolutoire,

* ordonner l'expulsion de M. BA. ainsi que de tout occupant de son chef des lieux loués, le cas échéant avec le concours d'un huissier de justice, de la force publique et d'un serrurier,

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2.855,07€, équivalente au dernier loyer charges comprises, à compter du 1er juillet 2012 et jusqu'à la libération complète et effective des lieux loués,

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. la somme de 127.700€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le bailleur évalué au montant des travaux décrits en page 84 points II 8.1, II, 8

1. 1 et II 8.1.2 ainsi qu'en page 85 point II 8.2.1 du rapport judiciaire définitif de l'expert BE. en date du 9 septembre 2013 ;

À titre subsidiaire

* prononcer la résiliation du bail compte tenu de la violation persistante et renouvelée par le locataire de ses obligations résultant du bail,

* ordonner l'expulsion de M. BA. ainsi que de tout occupant de son chef des lieux loués, le cas échéant avec le concours d'un huissier de justice, de la force publique et d'un serrurier,

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. la somme de 95.391,15 euros au titre des loyers charges comprises, échus depuis le 1er juillet 2012 jusqu'au mois de janvier 2015 inclus, ainsi qu'aux loyers postérieurs échus au jour de l'arrêt à intervenir prononçant la résiliation du bail,

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. une indemnité d'occupation fixée sur la base du dernier loyer charge comprises à la somme de 3.077,85 € par mois à compter de la date de résiliation du bail et jusqu'à la libération complète et effective des lieux loués,

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. la somme de 127.700 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le bailleur évalué au montant des travaux décrits en page 84 points II 8.1, II, 8

1. 1 et II 8.1.2 ainsi qu'en page 85 point II 8.2.1 du rapport judiciaire définitif de l'expert BE. en date du 9 septembre 2013 ;

À titre infiniment subsidiaire

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. la somme de 143.761,43 € au titre des loyers charges comprise échus depuis le 1er juillet 2012 jusqu'au mois de décembre 2015 inclus (14.513,93 euros + 129.247,5 euros), outre 120 euros au titre du coût du commandement de payer, ainsi qu'aux loyers mensuels postérieurs de 3.077,85 € charges comprises, échus au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir,

* condamner M. BA. à laisser les consorts VE. accéder aux lieux loués pour y faire exécuter les travaux de réfection de l'égout selon devis de l'entreprise ARNULF n° 8479 du 7 novembre 2013 correspondant aux points II.8.2.2 en page 85 du rapport définitif de l'expert BE. en date du 9 septembre 2013, puis à laisser tel huissier qu'il plaira aux consorts VE. de mandater accéder aux lieux loués pour constater l'achèvement desdits travaux, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

* faire exécuter à ses frais les travaux décrits en page 84 points II 8.1, ainsi qu'en page 85 point II 8.2.1 du rapport judiciaire définitif de l'expert BE. en date du 9 septembre 2013, sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé le délai d'un mois après constat de l'achèvement des travaux de réfection de l'égout susvisé ;

En tout état de cause

* donner acte aux consorts VE. de leur engagement persistant à exécuter les travaux de finition concernant l'égout, décrits aux points II.8.2.2 en page 85 du rapport judiciaire définitif de l'expert BE. en date du 9 septembre 2013 dès que M. BA. leur donnera accès aux lieux loués pour ce faire,

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. la somme globale de 1.270 € correspondant au total des sommes mises à sa charge aux points II.8.1.1 et II.8.1.2 en page 84 du rapport définitif de l'expert BE. en date du 9 septembre 2013,

* condamner M. BA. à payer aux consorts VE. la somme globale de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusive,

* condamner M. BA. aux entiers dépens, en ce compris la totalité des frais d'expertise au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

En réponse, M. BA. soutient en substance avoir été fondé à suspendre le paiement du loyer compte tenu du manquement du bailleur à son obligation d'exécuter les travaux de réfection du réseau d'assainissement de l'immeuble ; il demande la confirmation du jugement du tribunal de première instance en ce qu'il a jugé n'y avoir lieu à constater la résiliation du bail et en ce qu'il a en conséquence rejeté les demandes d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation ; ils en sollicite l'infirmation pour le surplus et il prie la cour de :

* ordonner la suspension du paiement des loyers à compter du mois de février 2012 jusqu'à ce que le local soit en état d'exploitation en ce que notamment les travaux à charge des consorts VE. auront été réalisés, ou à défaut leur consignation durant la même période ;

* désigner un expert avec pour chef de mission particulier de se rendre sur les lieux après avoir pris connaissance du rapport BE., du rapport Deweer et de l'ensemble des pièces techniques communiquées dans le cadre de la présente instance afin de :

* déterminer d'une façon générale les travaux à la charge des consorts VE. pour mettre un terme aux problèmes de structure de l'immeuble,

* déterminer en particulier les travaux à la charge des consorts VE. pour procéder à la réfection des conduits d'évacuation des eaux usées et pluviales et rendre ceux-ci conformes à la destination contractuelle de l'immeuble,

* ordonner l'exécution par les consorts VE. dans le mois du dépôt du rapport de l'expert désigné, sous astreinte de 3.000 € par jour de retard, des travaux leur incombant,

* ordonner le remplacement par les consorts VE. des conduits de cheminée supprimés par ces derniers, dans le mois du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 3.000 € par jour de retard,

* condamner les consorts VE. à lui payer :

* la somme de 2.245.320 € au titre du préjudice d'exploitation,

* subsidiairement, s'il était considéré que le préjudice de M. BA. ne peut être que celui d'une perte de chance de percevoir cette somme, condamner les consorts VE. à lui payer à ce titre la somme de 2 millions d'euros, la somme de 100.000 € au titre de son préjudice moral,

* la somme de 50.000 € pour résistance abusive ;

* condamner les consorts VE. aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat défenseur, sous sa due affirmation ;

SUR CE,

1°) Sur la demande de nouvelle expertise

Attendu que, en l'état du rapport d'expertise judiciaire établi par M. BE., mais également des différents rapports d'expertise produits par M. BA. et discutés par les parties, la cour s'estime suffisamment éclairée, de sorte qu'il y a lieu de débouter M. BA. de sa demande de nouvelle expertise ;

2°) Sur la prise en charge des travaux

Attendu que M. BA. soutient que les locaux ne sont pas exploitables en raison d'une non-conformité du réseau d'assainissement, de l'absence de cheminée et des problèmes structurels affectant l'immeuble ;

Attendu toutefois que, ainsi que le tribunal l'a relevé, M. BA. a écrit le 14 avril 2009 à ses bailleurs pour indiquer que « l'appareillage nécessaire à l'extraction mécanique des flux d'air (climatisation, ventilation et autres vapeurs de cuisine) sera positionné à l'intérieur dans le faux-plafond et l'extraction se fera par le conduit extérieur posé à mes frais sur la partie de façade la plus à même de le recevoir » ; qu'il a, par un autre courrier daté du 2 juin 2009, confirmé qu'il prenait à sa charge le coût de tous les travaux y compris « ceux nécessaires à un éventuel renforcement de la structure existante et à l'implantation du système d'extraction d'air vicié provenant des futures cuisines et salles de restauration » ; qu'il résulte de ces deux courriers que le preneur a expressément accepté de prendre à sa charge toutes les réparations nécessaires à son projet de réaménagement incluant celles relatives au renforcement de la structure existante et à la pose d'un système d'extraction d'air, seules les grosses réparations indépendantes dudit projet ou relevant de vices cachés demeurant à la charge des bailleurs ;

Attendu que les premiers juges ont, à juste titre, relevé que les doléances relatives à l'absence de cheminée dans le local loué étaient inopérantes en ce qu'il ne s'agit pas de grosses réparations au sens de l'article 491 du Code civil, ni de vices cachés dès lors que les conduits ont été retirés en novembre-décembre 2007 sur demande de l'administration des domaines en vue de remédier à la présence d'amiante, de sorte que ces cheminées avaient déjà été retirées lorsque M. BA. a acquis le droit au bail et qu'il a pu se convaincre de la nécessité d'en faire installer de nouvelles ; que c'est donc en connaissance de cause qu'il s'est engagé envers le bailleur à faire son affaire de « l'implantation du système d'extraction d'air vicié provenant des futures cuisines et salles de restauration » et ainsi à assumer le coût d'une telle installation ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé M. BA. mal fondé en ses griefs dirigés contre ses bailleurs au titre de l'absence de cheminée ;

Attendu que l'acte de cession du droit au bail stipule que ce droit au bail a été acquis par M. BA. « en l'état », le bail précisant que le preneur souffrira et laissera exécuter les grosses réparations « sans pouvoir exiger d'indemnité ni diminution de loyer » ; que, par ailleurs, l'expert judiciaire et son sapiteur ont conclu que les vices structurels invoqués par M. BA. ne pouvaient être mis à la charge des consorts VE., tant en raison des engagements contractuels pris par M. BA. dans son plan d'aménagement qu'en raison de la nature des désordres invoqués que l'expert a jugé être exclusive de la qualification de grosses réparations ou de vices cachés, qu'il s'agisse des travaux relatifs à la dalle de la cour intérieure ou du brossage et du traitement anti-corrosion du profil métallique en pied de mur de la courette intérieure ; qu'il s'ensuit que, compte tenu de la nature des travaux à entreprendre et de l'engagement exprimé par courrier en date du 2 juin 2009, M. BA. est bien tenu d'assumer seul le coût de tels travaux sans pouvoir les imputer à son bailleur ; que la cour fait donc siennes les conclusions de l'expert BE. à cet égard ; que M. BA. sera condamné à réaliser à ses frais les travaux que ce rapport met à sa charge ;

Attendu que, s'agissant de la mise aux normes du réseau d'assainissement, le bailleur porte une responsabilité dans les désordres affectant ce réseau ; qu'il résulte en effet tant des rapports produits par le preneur (rapport Deweer, pages 17 et 18, rapports Cagnacci, Bet-Repetti et APAVE) que du rapport de l'expert judiciaire (rapport BE. du 9 septembre 2013, p. 53) que les travaux effectués par l'entreprise choisie par le bailleur ne l'ont pas été dans les règles de l'art ; qu'une telle conclusion résulte du rapport Deweer du 7 février 2014, qui comporte des indications précises à cet égard, en particulier lorsqu'il conclut, à propos du chantier de réfection des égouts, que « absolument rien n'est conforme à quelque règle que ce soit tout le réseau d'assainissement est à démolir et à reconstruire selon les normes en vigueur après bien entendu avoir établi des plans d'exécution » ; que le rapport de l'expert BE. indiquait également que les travaux n'ont pas été correctement effectués puisqu'il prescrit à l'hoirie VE. de prendre en charge à ses frais différents travaux de mise en conformité, concluant ainsi que le travail de réfection du réseau d'assainissement n'avait pas été réalisé de façon satisfaisante par l'entreprise Pavibat (rapport définitif du 9 septembre 2013, p. 53) ; que, dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les travaux de réfection des égouts effectués par l'entreprise Pavibat ne permettent pas à M. BA. de réaliser son projet d'aménagement et en ce qu'il a condamné les consorts VE. à réaliser les travaux concernant les égouts, préconisés par l'expert BE. en pages 53 et 85 de son rapport précité ; que M. BA. sera tenu de laisser les consorts VE. accéder aux lieux loués pour y faire exécuter lesdits travaux de réfection du réseau d'assainissement selon devis de l'entreprise ARNULF n° 8479 du 7 novembre 2013 sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois courant à compter de la signification du présent arrêt ;

3°) Sur le sort du bail

Attendu que les difficultés du preneur à mener à bien le chantier de restauration du local sont nées des manquements de la société Pavibat dès lors que, tant qu'un réseau acceptable n'était pas achevé, il n'était pas possible de poursuivre les travaux de réfection du restaurant ; que cette paralysie du chantier est d'autant plus regrettable que des propositions ont été formulées en vue de rechercher une issue négociée et de corriger les malfaçons du réseau d'assainissement ; qu'ainsi, par courrier du 13 septembre 2010, M. BA. avait proposé aux consorts VE. de prendre à sa charge les travaux de réfection des égouts et de la structure de l'immeuble en contrepartie d'une réduction du loyer ; que, par courrier en date du 7 octobre 2010, les consorts VE. ont refusé de donner suite à cette proposition de rechercher une issue négociée, contraignant M. BA. à les assigner aux fins d'expertise, ce qui a paralysé le chantier pendant plusieurs mois puis finalement pendant plusieurs années ; que ce peu d'empressement des bailleurs à trouver amiablement une solution a aggravé les conséquences des manquements de l'entreprise Pavibat qu'ils avaient choisie et du même coup a contribué au retard considérable pris par le chantier de réfection du restaurant ; que c'est donc à juste titre que le tribunal s'est fondé sur cette responsabilité du bailleur dans le retard pris par la réfection du réseau d'assainissement pour affirmer qu'il n'avait pas mis en œuvre de bonne foi la clause résolutoire, de sorte que le commandement de payer n'avait pas pu entraîner la résiliation du bail ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu qu'au vu de ce qui précède, chaque partie ayant manqué à ses obligations contractuelles, il n'y a pas d'avantage lieu d'accueillir la demande des bailleurs tendant à la résiliation judiciaire du bail, à l'expulsion du locataire et au paiement d'indemnités d'occupation ; qu'il convient de les débouter de cette demande ;

4°) Sur les demandes d'indemnisation, de paiement de loyer et d'indemnités d'occupation

Attendu que les consorts VE., qui succombent en leur demande de résiliation du bail, ne peuvent être accueillis en leurs demandes d'indemnisation formées de ce chef ;

Attendu que M. BA., qui a concouru à la réalisation de son préjudice en ne prenant pas toutes les dispositions pour mettre les bailleurs en mesure d'achever les travaux de réfection du réseau d'assainissement, doit être également débouté de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation, en particulier celle formée au titre de la perte d'exploitation qu'il invoque ; que les preneurs et le bailleur ayant des torts partagés en ce qu'ils ont concouru à créer la situation de blocage qu'ils déplorent aujourd'hui, il y a lieu de les débouter de l'ensemble de leurs demandes d'indemnisation ;

Attendu que M. BA. étant toujours titulaire du bail, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné, en cette qualité, à payer aux consorts VE. la somme de 14.513,93 € à titre d'arriéré locatif arrêté au 4 juin 2012 ; qu'il y a également lieu de condamner M. BA. au paiement de tous les loyers échus depuis le 4 juin 2012 et jusqu'au jour du présent arrêt ;

5°) Sur les dépens

Attendu que les parties succombent respectivement et que, comme l'a relevé le tribunal, la mesure d'expertise a permis dans l'intérêt des parties d'apporter un éclairage technique ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a partagé les dépens par moitié ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour de révision,

Reçoit les appels,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Déboute M. ne. BA. de sa demande de nouvelle expertise,

Condamne M. ne. BA. au paiement des loyers et des charges, échus depuis le 1er juillet 2012 et jusqu'au jour du présent arrêt,

Dit que M. ne. BA. devra laisser les consorts VE. accéder aux lieux loués pour y faire exécuter les travaux concernant les égouts, préconisés par l'expert BE. en pages 53 et 85 de son rapport précité, selon devis de l'entreprise ARNULF n° 8479 du 7 novembre 2013, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois courant à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne M. ne. BA. à faire exécuter à ses frais les travaux décrits en page 84 et 85 du rapport définitif de l'expert BE. en date du 9 septembre 2013,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dis que les dépens seront partagés par moitié par chacune des parties, et distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA et de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Présidente, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs fr.-Xavier LUCAS, rapporteur, jea.-Pierre GRIDEL et Serge PETIT, Conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, la Présidente,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14780
Date de la décision : 24/03/2016

Analyses

En l'état du rapport d'expertise judiciaire établi par M. BE., mais également des différents rapports d'expertise produits par M. BA. et discutés par les parties, la cour s'estime suffisamment éclairée, de sorte qu'il y a lieu de débouter M. BA. de sa demande de nouvelle expertise.Les premiers juges ont, à juste titre, relevé que les doléances relatives à l'absence de cheminée dans le local loué étaient inopérantes en ce qu'il ne s'agit pas de grosses réparations au sens de l'article 491 du Code civil, ni de vices cachés dès lors que les conduits ont été retirés en novembre-décembre 2007 sur demande de l'administration des domaines en vue de remédier à la présence d'amiante, de sorte que ces cheminées avaient déjà été retirées lorsque M. BA. a acquis le droit au bail et qu'il a pu se convaincre de la nécessité d'en faire installer de nouvelles ; que c'est donc en connaissance de cause qu'il s'est engagé envers le bailleur à faire son affaire de « l'implantation du système d'extraction d'air vicié provenant des futures cuisines et salles de restauration » et ainsi à assumer le coût d'une telle installation ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé M. BA. mal fondé en ses griefs dirigés contre ses bailleurs au titre de l'absence de cheminée.Compte tenu de la nature des travaux à entreprendre et de l'engagement exprimé par courrier en date du 2 juin 2009, M. BA. est bien tenu d'assumer seul le coût de tels travaux sans pouvoir les imputer à son bailleur.Le bailleur qui porte une responsabilité dans les désordres affectant le réseau d'assainissement devra supporter les frais de réfection de celui-ci sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois courant à compter de la signification du présent arrêt.M. BA. étant toujours titulaire du bail, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné, en cette qualité, à payer aux consorts VE. L'arriéré locatif arrêté au 4 juin 2012 et au paiement de tous les loyers échus depuis le 4 juin 2012 et jusqu'au jour du présent arrêt.Les premiers juges ont, à juste titre, relevé que les doléances relatives à l'absence de cheminée dans le local loué étaient inopérantes en ce qu'il ne s'agit pas de grosses réparations au sens de l'article 491 du Code civil, ni de vices cachés dès lors que les conduits ont été retirés en novembre-décembre 2007 sur demande de l'administration des domaines en vue de remédier à la présence d'amiante, de sorte que ces cheminées avaient déjà été retirées lorsque M. BA. a acquis le droit au bail et qu'il a pu se convaincre de la nécessité d'en faire installer de nouvelles ; que c'est donc en connaissance de cause qu'il s'est engagé envers le bailleur à faire son affaire de « l'implantation du système d'extraction d'air vicié provenant des futures cuisines et salles de restauration » et ainsi à assumer le coût d'une telle installation.L'acte de cession du droit au bail stipule que ce droit au bail a été acquis par M. BA. « en l'état », le bail précisant que le preneur souffrira et laissera exécuter les grosses réparations « sans pouvoir exiger d'indemnité ni diminution de loyer »Chaque partie ayant manqué à ses obligations contractuelles, il n'y a pas d'avantage lieu d'accueillir la demande des bailleurs tendant à la résiliation judiciaire du bail, à l'expulsion du locataire et au paiement d'indemnités d'occupation ; qu'il convient de les débouter de cette demande.

Baux  - Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle.

Expertise - Conditions - Nécessité - Appréciation des juges du fond - Bail commercial - Acceptation du bail « en l'état » - Conséquences - Manquement réciproque aux obligations contractuelles - Conséquences - Résiliation judiciaire du bail (non) - Obligations du bailleur - Astreinte - Défaut de paiement des loyers - Résiliation judiciaire (non) - Paiement des loyers (oui).


Parties
Demandeurs : M. ne. BA.
Défendeurs : M. j-m. VE., M. pa., jea., fr., VE. et Mme je., so., lo. PI. veuve VE.

Références :

ordonnance du 25 février 2011
article 491 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2016-03-24;14780 ?

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