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07/01/2016 | MONACO | N°14425

Monaco | Cour de révision, 7 janvier 2016, La SAM CARAX MONACO c/ M. k. YA.


Motifs

Pourvoi N° 2015-54 Hors Session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 JANVIER 2016

En la cause de :

- La SAM CARAX MONACO, « Le Labor », 30 boulevard Princesse Charlotte, 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur k. YA., demeurant et domicilié X, 06320 Cap d'

Ail ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,
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Motifs

Pourvoi N° 2015-54 Hors Session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 JANVIER 2016

En la cause de :

- La SAM CARAX MONACO, « Le Labor », 30 boulevard Princesse Charlotte, 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur k. YA., demeurant et domicilié X, 06320 Cap d'Ail ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile et l'article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010 modifiant la loi n° 446 du 16 mai 1946, portant création d'un Tribunal du travail ;

VU :

- L'arrêt de la Cour d'appel, statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail, en date du 12 mai 2015 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 21 juillet 2015, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM CARAX MONACO ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 46000, en date du 21 juillet 2015, attestant du dépôt par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la société demandeuse, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 18 août 2015 au greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM CARAX MONACO, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 16 septembre 2015 au greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de M. k. YA., signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 17 septembre 2015 ;

- le certificat de clôture établi le 22 octobre 2015, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 17 décembre 2015, sur le rapport de Madame Cécile PETIT, Vice-Président,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. k. YA. a été embauché à compter du 1er mars 2009, selon contrat de travail à durée indéterminée, par la société anonyme monégasque CARAX MONACO (ci-après SAM CARAX) en qualité « d'assistant vendeur actions » ; que le 29 septembre 2010 les parties ont signé deux conventions, la première intitulée « avenant au contrat de travail » prévoyant l'attribution d'une prime exceptionnelle de fidélité de 5000 euros sous condition de présence et d'activité de M. YA. dans la société,

« Cette prime étant réputée payée à l'issue de la période de présence se terminant le 31 décembre 2012 par simple compensation et abandon du droit au remboursement du prêt consenti à M. YA.... », la deuxième intitulée « contrat de prêt » aux termes de laquelle la société prêtait à M. YA. la somme de 5000 euros remboursable soit de façon anticipée si le contrat de travail était rompu avant le 31 décembre 2012, soit à terme au 31 décembre 2012 ; que M. YA. ayant présenté sa démission le 20 février 2012, la SAM CARAX a saisi le Tribunal du travail aux fins d'obtenir condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes au titre de l'indemnité contractuelle de non-concurrence, de la clause pénale prévue au contrat et de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que M. YA. a reconventionnellement demandé le remboursement de la somme de 5000 euros retenue par compensation par la SAM CARAX, somme qui constituait, selon lui, une prime irrévocable et non un prêt ; que par jugement du 5 juin 2014, confirmé par la Cour d'appel, le Tribunal du travail a condamné d'une part M. YA. au paiement de diverses sommes au titre de la clause de non-concurrence et de la clause pénale et, d'autre part, la SAM CARAX à rembourser à M. YA. la somme de 5000 euros au titre de la prime exceptionnelle ;

Sur les trois moyens réunis

Attendu que la SAM CARAX fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 5 juin 2014 en ce qu'il l'a condamnée à rembourser à M. YA. la somme de 5000 euros au titre de la prime exceptionnelle, alors selon le moyen, en premier lieu, que, d'une part, l'article 1730 du Code civil dispose que « le simple prêt est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses, à la charge par cette dernière de lui en rendre de même espèce et de même qualité » ; que le contrat de prêt est ainsi un contrat réel qui n'existe et n'est causé que pour autant qu'une remise de la chose prêtée soit effectivement intervenue ; que pour considérer que la convention du 29 septembre 2010 ne caractérisait «  en réalité et en dépit de la qualification mentionnée, ni un prêt d'argent qui aurait été librement convenu par les parties (...) mais bien une gratification faisant partie des éléments de rémunération », la cour a notamment affirmé qu'aucune des pièces produites n'établit en 1er lieu la demande de prêt qui aurait été préalablement formée par le salarié k. YA., ni la cause de ce prêt d'argent ni même la nature des besoins ainsi financés par la Sté Carax Monaco ; qu'en statuant ainsi, alors que la loi ne conditionne nullement la validité ou l'existence d'un prêt à la justification des motifs qui ont conduit l'emprunteur à contracter un tel acte, la cour a violé les dispositions de l'article 1730 du Code civil ; que d'autre part, l'article 989 du Code civil dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ; que les juges ne peuvent sous couleur d'interprétation, dénaturer ces conventions lorsqu'elles sont claires et précises et ne comportent aucune interprétation ; qu'en considérant, d'une part, par motifs adoptés qu'il résultait des conventions du 29 septembre 2010 «  qu'une somme remise sous le couvert d'une prime exceptionnelle en contrepartie de la présence et de l'activité d'un salarié devenait de plein droit une somme prêtée en cas de départ de ce même employé avant la date convenue » et d'autre part, par motifs propres « que l'automaticité de cette remise conditionnée à la présence active du salarié dans l'entreprise au 31 décembre 2012 emportant attribution définitive de la somme versée, comme ses modalités de règlement par chèque et non en espèces, permettent de dire que le versement de 5000 euros ne caractérisait en réalité et en dépit de la qualification mentionnée, ni un prêt d'argent qui aurait été librement convenu par les parties, ni une avance ou un acompte au sens des dispositions des articles 7 et 8 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, mais bien une gratification faisant partie des éléments de rémunération, l'avenant au contrat de travail du 29 septembre 2010 ayant de manière univoque inscrit ce prêt dans la relation de travail en associant étroitement le versement de la prime exceptionnelle, montant de la somme prêtée » alors qu'il est constant que les parties avaient contracté 2 actes distincts, clairs et sans équivoque, le premier étant un prêt consenti au salarié, le second octroyant au salarié une prime exceptionnelle sous condition de fidélité à son poste jusqu'au 31 décembre 2012, le seul lien entre ces 2 conventions résultant des modalités d'exécution de la seconde convention, à savoir que le paiement de la prime s'opérerait par compensation avec la somme due par le salarié au titre de la convention de prêt dont il a bénéficié, la cour a dénaturé ces conventions et a ainsi violé l'article 989 du Code civil ; alors, en deuxième lieu, que la liberté du travail est garantie par l'article 25 de la Constitution ; que cette liberté a notamment pour corollaire le droit pour tout salarié de démissionner librement; qu'il en ressort que toute clause interdisant au salarié de démissionner est illicite ; que toutefois les clauses visant non pas à anéantir ce droit mais seulement à le restreindre peuvent être licites si certaines conditions sont respectées ; qu'en l'espèce, même à considérer que la convention de prêt du 29 septembre 2010 conduisait à l'octroi d'une gratification faisant partie des éléments de rémunération, dont le caractère définitif n'était acquis en vertu de l'avenant au contrat de travail du même jour, que par la présence effective du salarié dans l'entreprise au 31 décembre 2012, la cour ne pouvait valablement affirmer que de tels actes étaient systématiquement illicites dès lors qu'étant limitatifs de la liberté du travail, ils portaient atteinte à ce droit fondamental sans préalablement rechercher si les conditions d'octroi de cette gratification constituaient une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit du salarié de quitter l'entreprise; que ce faisant, la cour a fait une inexacte application de l'article 25 de la Constitution et ce faisant, en a violé ses dispositions ; et, alors enfin qu'en troisième lieu, l'article 199 du Code de procédure civile dispose que « la minute du jugement comprend (...) les motifs de la décision pour chaque chef de la demande » ; qu'en considérant que la compensation opérée par la société Carax était « non conforme aux dispositions d'ordre public de la loi n° 739 du 16 mars 1963 » sans aucune explication, la cour a privé sa décision de tout motif et a ainsi violé l'article 199 du Code de procédure civile ;

Mais attendu en premier lieu que c'est sans violer l'article 1730 du Code civil et par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des termes ambigus des avenants au contrat de travail signés par les parties le 29 septembre 2010, que la Cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés et répondant aux conclusions, que dès lors que la présence du salarié dans l'entreprise le 31 décembre 2012 emportait acquisition définitive de la somme versée à titre de prime et renonciation à l'obligation de remboursement du prêt, il en résultait qu'une somme remise sous le couvert d'une prime exceptionnelle en contrepartie de la présence et de l'activité d'un salarié devenait de plein droit une somme prêtée en cas de départ de cet employé avant la date convenue et a estimé que le versement de la somme de 5000 euros ne caractérisait en réalité et en dépit de la qualification mentionnée, ni un prêt d'argent librement convenu par les parties, ni une avance ou un acompte au sens des dispositions des articles 7 et 8 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 mais bien une gratification faisant partie des éléments de rémunération ;

Et attendu en deuxième lieu qu'ayant constaté que la société CARAX ne pouvait subordonner l'acquisition définitive de la prime exceptionnelle à la présence de M. YA. dans l'entreprise très postérieurement à son attribution sauf à porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié parmi lesquels figure le droit de démissionner, la Cour d'appel a fait une exacte application des dispositions de l'article 25 de la Constitution ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la SAM CARAX MONACO au paiement de l'amende et aux dépens dont distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi délibéré et jugé le sept janvier deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Premier-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Madame Cécile PETIT, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, rapporteur, et Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller.

Et Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Premier-Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14425
Date de la décision : 07/01/2016

Analyses

C'est sans violer l'article 1730 du Code civil et par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des termes ambigus des avenants au contrat de travail signés par les parties le 29 septembre 2010, que la Cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés et répondant aux conclusions, que dès lors que la présence du salarié dans l'entreprise le 31 décembre 2012 emportait acquisition définitive de la somme versée à titre de prime et renonciation à l'obligation de remboursement du prêt, il en résultait qu'une somme remise sous le couvert d'une prime exceptionnelle en contrepartie de la présence et de l'activité d'un salarié devenait de plein droit une somme prêtée en cas de départ de cet employé avant la date convenue et a estimé que le versement de la somme de 5 000 euros ne caractérisait en réalité et en dépit de la qualification mentionnée, ni un prêt d'argent librement convenu par les parties, ni une avance ou un acompte au sens des dispositions des articles 7 et 8 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 mais bien une gratification faisant partie des éléments de rémunération.Ayant constaté que la société CARAX ne pouvait subordonner l'acquisition définitive de la prime exceptionnelle à la présence de M. YA. dans l'entreprise très postérieurement à son attribution sauf à porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié parmi lesquels figure le droit de démissionner, la Cour d'appel a fait une exacte application des dispositions de l'article 25 de la Constitution ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

Social - Général  - Contrats de travail.

Travail - Salaire - Gratification - Définition - Élément de rémunération.


Parties
Demandeurs : La SAM CARAX MONACO
Défendeurs : M. k. YA.

Références :

article 1730 du Code civil
loi n° 446 du 16 mai 1946
article 25 de la Constitution
article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010
loi n° 739 du 16 mars 1963
articles 7 et 8 de la loi n° 739 du 16 mars 1963
article 989 du Code civil
articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile
article 199 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2016-01-07;14425 ?

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