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09/04/2015 | MONACO | N°13206

Monaco | Cour de révision, 9 avril 2015, La SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE c/ Mme. a. MA.


Motifs

Pourvoi N° 2014-66 Hors Session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 AVRIL 2015

En la cause de :

- SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE, dont le siège est sis 23 avenue de la Costa à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel et ayant comme avocat plaidant Me Jean-Jacques GATINEAU, avocat aux conseils ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Con

tre :

- Mme. a. MA., demeurant « X », 06360 Eze ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-...

Motifs

Pourvoi N° 2014-66 Hors Session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 AVRIL 2015

En la cause de :

- SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE, dont le siège est sis 23 avenue de la Costa à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel et ayant comme avocat plaidant Me Jean-Jacques GATINEAU, avocat aux conseils ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Mme. a. MA., demeurant « X », 06360 Eze ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile et l'article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010 modifiant la loi n° 446 du 16 mai 1946, portant création d'un Tribunal du travail ;

VU :

- l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant en matière civile sur appel d'un jugement du Tribunal du travail, en date du 6 mai 2014 (R 4968);

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 9 juillet 2014, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n°44641, en date du 27 juin 2014, attestant du dépôt par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la demanderesse, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 7 août 2014 au greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 8 septembre 2014 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Mme a. MA., signifiée le même jour ;

- la réplique déposée le 15 septembre 2014 au greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM COMPAGNIE MONEGASQUE DE BANQUE, signifiée le même jour ;

- la duplique déposée le 17 septembre 2014 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Mme a. MA., signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 4 décembre 2014, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 10 décembre 2014 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 27 mars 2015, sur le rapport de Monsieur Jean-François RENUCCI, Conseiller,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que Mme a. MA. a été employée par la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE (la CMB) suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 23 juin 2008, en qualité de sous-directeur, responsable du Département juridique ; que par lettre du 13 janvier 2010, celle-ci s'est vue notifier la rupture de son contrat de travail par référence à l'article 32 de la Convention collective monégasque du travail du personnel des banques, et a été dispensée d'exécuter son préavis de trois mois ; que Mme a. MA., soutenant que son licenciement individuel devait être requalifié en licenciement collectif, et qu'il était dépourvu de motif économique et revêtait un caractère abusif, a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 18 octobre 2010, attrait la CMB devant le bureau du Tribunal du travail ; que la Cour d'appel, dans un arrêt du 6 mai 2014, a confirmé le jugement du Tribunal du travail en ce que le droit de Mme a. MA. au paiement de la prime exceptionnelle due au mois de janvier 2010 a été reconnu, en ce que le licenciement de cette salariée par la CMB, fondé sur un motif fallacieux, a été déclaré abusif ; que, réformant partiellement quant aux sommes allouées respectivement de ces chefs, la Cour d'appel a condamné la CMB à payer à Mme a. MA. la somme de 54.950 euros au titre de la prime exceptionnelle due au mois de janvier 2010 et la somme de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'elle a ordonné la restitution de la somme de 5.050 euros à la CMB ainsi que la délivrance du bulletin de salaire du mois de janvier 2010, de l'attestation de pôle emploi et du reçu pour solde de tout compte ; qu'elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la CMB aux dépens ;

Sur le moyen unique pris en ses six branches

Attendu que la CMB fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de dire que le licenciement de Mme a. MA. est abusif comme fondé sur un motif fallacieux et de la condamner en conséquence à lui payer la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et à lui délivrer un bulletin de salaire de janvier 2010, une attestation Pôle Emploi et un reçu pour solde de tout compte rectifiés alors selon le moyen, de première part, que, la suppression de poste peut résulter de la répartition des tâches et attributions anciennement dévolues au salarié licencié déjà au service de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a jugé que le licenciement de la salariée, motivé par la suppression de son poste de responsable du département juridique dont elle avait la charge du fait du rattachement de son département à un autre, était abusif comme fondé sur un motif fallacieux dès lors que l'employeur avait réattribué ses anciennes fonctions et attributions à d'autres cadres de l'entreprise de sorte que la « contrepartie travail » fournie par la salariée n'avait pas disparu ; qu'en statuant ainsi lorsque la répartition des anciennes tâches et attributions de la salariée aux salariés demeurés dans l'entreprise constituait une suppression de poste, la Cour d'appel a violé l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail ; alors de deuxième part, que les juges ne peuvent dénaturer les écrits versés aux débats ; que dans la lettre du 13 janvier 2010 l'employeur indiquait clairement à la salariée que son licenciement était justifié par « la suppression du poste de responsable du département juridique dont vous aviez la charge, ce dernier étend dorénavant rattaché au département des engagements » ; qu'en jugeant que cette lettre indiquait que le poste de la salariée était rattaché à un autre département de sorte qu'il n'était pas supprimé, lorsque cette lettre indiquait au contraire que son poste de responsable du département juridique était supprimé du fait du rattachement du département juridique à un autre département, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre en violation de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail ; alors de troisième part, que le licenciement du salarié est abusif si l'employeur a invoqué un motif fallacieux dissimulant un autre motif que celui invoqué ; qu'en l'espèce, il ressort du rappel des faits de l'arrêt que l'employeur a toujours soutenu que le licenciement de la salariée était motivé par la suppression de son poste et que ses fonctions avaient été attribuées à un autre employé de la société ; que la Cour d'appel a constaté la réalité de la répartition des attributions de la salariée aux salariés de l'entreprise ; qu'en jugeant néanmoins que le motif de licenciement invoqué dissimulait les véritables raisons de l'employeur qui n'avaient été explicitées qu'ultérieurement et qui devait être qualifié de fallacieux, la Cour d'appel a violé l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail ; alors de quatrième part, que l'obligation pour l'employeur de respecter les obligations énumérées aux articles 6 et 7 de la loi n° 629 suppose uniquement qu'il est procédé à un licenciement pour suppression d'emploi ou compression de personnel sans qu'il soit nécessaire que cette suppression d'emploi soit consécutive à des difficultés économiques ni qu'elle constitue un impératif lié à la survie économique de l'entreprise ; qu'en reprochant à l'employeur, qui n'invoquait pas de difficultés économiques à l'origine de la suppression du poste de sa salariée, de s'être ainsi placé hors du cadre légal des licenciements individuels économiques au prétexte erroné que pour tout licenciement individuel résultant d'une suppression d'emploi consécutive à des difficultés économiques, la loi n° 629 du 17 juillet 1957 impose à l'employeur de respecter les obligations prévues par cette loi pour concilier les impératifs liés à la survie économique de l'entreprise et à la protection de l'emploi, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauche et de licenciement dans la Principauté ; alors, de cinquième part, qu'aucun texte n'imposant à l'employeur, dans l'exercice de son droit unilatéral de résiliation, d'informer préalablement le salarié de l'éventualité d'un licenciement dans le cadre d'un entretien préalable, il ne rompt pas brutalement le contrat de travail ni ne cause au salarié un préjudice moral s'il prend la peine de lui annoncer verbalement la rupture de son contrat de travail lors d'un entretien avant de mettre en œuvre cette rupture ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, qu'en notifiant verbalement à la salariée la rupture de son contrat de travail quelques instants avant sa mise en œuvre, dans le cadre d'un entretien organisé sans délai de prévenance, l'employeur aurait brutalement rompu son contrat de travail et lui aurait causé un préjudice moral, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail ; et alors, enfin, que constitue un motif valable de licenciement la suppression de poste d'un salarié qui fait suite à une réorganisation de l'entreprise justifiée par la nécessité de rationaliser ses services ; qu'il n'est pas nécessaire que cette réorganisation soit justifiée par les difficultés économiques et financières de l'entreprise ni par l'existence d'une menace pesant sur sa compétitivité ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que la suppression du poste de la salariée faisait suite au rattachement du département juridique dont elle était responsable au département des engagements, que cette réorganisation ne nécessitait pas le maintien d'une direction bicéphale à la tête du nouveau département de sorte que ses fonctions de responsable du département juridique avaient été reprises par le responsable du département des engagements ; qu'en jugeant, par motifs supposés adoptés, qu'une suppression de poste ne constituait un motif valable de rupture que si l'employeur rapportait la preuve de sa nécessité économique, c'est-à-dire de l'existence de difficultés économiques et financières ou de l'existence d'une menace pesant sur sa compétitivité, de sorte que la simple gestion rationnelle de ces deux services sans que l'employeur ne soit confronté à des difficultés économiques ou à une menace pesant sur sa compétitivité, ne constituait pas un motif valable de rupture, la Cour d'appel a violé les articles 1 et 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 et l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 sur les indemnités de congédiement et de licenciement en faveur des salariés ;

Mais, attendu en premier lieu, qu'en constatant souverainement que le licenciement, prononcé sinon avec brutalité du moins avec légèreté blâmable, ne correspondait pas à la réalité économique de l'entreprise et dissimulait les véritables intentions de l'employeur, la Cour d'appel a pu en déduire que le motif était fallacieux et le licenciement abusif ; d'où il suit que le moyen, qui tend à remettre en débat des éléments appréciés souverainement pas les juges du fond ne peut être accueilli en ses première, troisième, cinquième et sixième branches ;

Attendu en deuxième lieu, qu'en relevant que la lettre du 13 janvier 2010 corrobore le défaut de suppression du poste litigieux à propos duquel il est expressément indiqué qu'il a été rattaché à un autre département, la Cour d'appel, par une interprétation exclusive de toute dénaturation, a retenu que le licenciement était abusif ; que le moyen ne peut être accueilli en sa deuxième branche ;

Et, attendu en troisième lieu, qu'ayant relevé souverainement que, dans le cadre d'une suppression d'emploi consécutive à des difficultés d'ordre économique, le respect de certaines obligations s'impose afin de concilier la survie économique de l'entreprise et la protection de l'emploi, mais que la CMB a dénié toute relation entre le licenciement et l'existence de difficultés économiques de l'entreprise, la Cour d'appel, qui a retenu que l'employeur s'est classé ainsi hors du cadre légal tant des licenciements individuels économiques que des licenciements pour motif personnel en se fondant exclusivement sur son droit unilatéral de résiliation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé en sa quatrième branche ;

Sur les dommages et intérêts

Attendu que Mme a. MA. sollicite la condamnation de la CMB à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme a. MA. ;

Condamne la CMB COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE à l'amende et aux dépens, dont distraction au profit de Me Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi délibéré et jugé le neuf avril deux mille quinze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Cécile PETIT et Jean-François RENUCCI, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, rapporteur, Conseillers.

Et Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13206
Date de la décision : 09/04/2015

Analyses

En constatant souverainement que le licenciement, prononcé sinon avec brutalité du moins avec légèreté blâmable, ne correspondait pas à la réalité économique de l'entreprise et dissimulait les véritables intentions de l'employeur, la Cour d'appel a pu en déduire que le motif était fallacieux et le licenciement abusif ; d'où il suit que le moyen, qui tend à remettre en débat des éléments appréciés souverainement pas les juges du fond ne peut être accueilli.En deuxième lieu, en relevant que la lettre du 13 janvier 2010 corrobore le défaut de suppression du poste litigieux à propos duquel il est expressément indiqué qu'il a été rattaché à un autre département, la Cour d'appel, par une interprétation exclusive de toute dénaturation, a retenu que le licenciement était abusif.Ayant relevé souverainement que, dans le cadre d'une suppression d'emploi consécutive à des difficultés d'ordre économique, le respect de certaines obligations s'impose afin de concilier la survie économique de l'entreprise et la protection de l'emploi, mais que la CMB a dénié toute relation entre le licenciement et l'existence de difficultés économiques de l'entreprise, la Cour d'appel, qui a retenu que l'employeur s'est classé ainsi hors du cadre légal tant des licenciements individuels économiques que des licenciements pour motif personnel en se fondant exclusivement sur son droit unilatéral de résiliation, a légalement justifié sa décision.

Rupture du contrat de travail.

Licenciement abusif - Appréciation souveraine - Motif fallacieux - Difficultés économiques (non) - Motif personnel.


Parties
Demandeurs : La SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE
Défendeurs : Mme. a. MA.

Références :

article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
articles 439 à 459-7 du Code de procédure civile
article 459-4 du Code de procédure civile
articles 6 et 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 14 de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010
loi n° 446 du 16 mai 1946
articles 1 et 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
loi n° 629 du 17 juillet 1957
articles 6 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2015-04-09;13206 ?

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