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26/03/2015 | MONACO | N°13090

Monaco | Cour de révision, 26 mars 2015, La société LILYDALE Consultants Limited c/ la BANQUE J. SA. (Monaco) S.A.M.


Motifs

Pourvoi N° 2013-72 en session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 26 MARS 2015

En la cause de :

- La société LILYDALE Consultants Limited, dont le siège social est sis 12 Mount Havelock, Douglas ISLE de MAN, représentée par son Directeur en exercice, Monsieur i. VA., domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu primitivement domicile en l'étude de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco puis en celle de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près de la même Cour et plaidant par Maître

Jacques MOLINIÉ, avocat aux Conseils ;

APPELANTE,

d'une part,

Contre :

- BANQUE J. SA. (Monaco) S. A...

Motifs

Pourvoi N° 2013-72 en session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 26 MARS 2015

En la cause de :

- La société LILYDALE Consultants Limited, dont le siège social est sis 12 Mount Havelock, Douglas ISLE de MAN, représentée par son Directeur en exercice, Monsieur i. VA., domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu primitivement domicile en l'étude de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco puis en celle de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près de la même Cour et plaidant par Maître Jacques MOLINIÉ, avocat aux Conseils ;

APPELANTE,

d'une part,

Contre :

- BANQUE J. SA. (Monaco) S. A. M. (venant aux droits de la SAM BANQUE DU GOTHARD), immatriculée au R. C. I sous le numéro 89 S 02557, dont le siège est 15 bis/17 avenue d'Ostende à Monte-Carlo, prise en la personne de son Président Délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

l'arrêt rendu le 18 juin 2013 par la Cour d'appel statuant en matière civile, signifié le 9 juillet 2013 ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 26 mars 2014, cassant et annulant en toutes ses dispositions l'arrêt précité de la Cour d'appel, et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de révision autrement composée ;

- les conclusions additionnelles déposées le 26 mai 2014 au greffe général, par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de LILYDALE CONSULTANTS LIMITED, signifiée le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées le 25 juin 2014 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la SAM BANQUE J. SA. (MONACO), signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 7 juillet 2014, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions après cassation du Ministère Public en date du 8 juillet 2014 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 18 mars 2015, sur le rapport de M. François CACHELOT, conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu qu'après avoir obtenu devant la juridiction pénale la condamnation de deux préposés de la SAM Banque J. SA. (la banque) à lui verser une somme de 3.696.567 euros en remboursement de son préjudice résultant d' infractions ainsi sanctionnées, la société de droit de l'île de Man LILYDALE Consultants Limited (la société LILYDALE) a recherché le 30 juillet 2009 la responsabilité civile de cet établissement bancaire sur le fondement de l'article 1231, alinéa 4, du Code civil devant le Tribunal de première instance; que, par jugement du 9 juin 2011, le tribunal, après avoir opéré compensation entre la dette de la banque à l'égard de la société LILYDALE et la créance réclamée par la banque au titre d'ouvertures de crédit avec nantissement de titres, souscrites par la société LILYDALE en raison de découverts en compte résultant des achats de titres effectués à son insu par les préposés de la banque, a condamné celle-ci à payer à la société LILYDALE la somme de 2.632.760,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2009 ; que, par arrêt du 18 juin 2013, la Cour d'appel, réformant partiellement la décision déférée, a condamné la banque à payer à la société LILYDALE la somme de 2.695.137,07 euros ;

Attendu que, sur le pourvoi de cette société, la Cour de révision a, par arrêt du 26 mars 2014, cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu entre les parties le 18 juin 2013, pour violation de l'article 1198 du Code civil, reprochant à la Cour d'appel d'avoir retenu, pour fixer l'étendue du préjudice subi par la société LILYDALE : « qu'il résulte des motifs du jugement du Tribunal correctionnel que la somme de 3.696.567 euros a été calculée à titre d'indemnité réparatrice totale » alors que la banque n'étant pas partie à l'instance pénale, la décision rendue par la juridiction pénale sur les intérêts civils n'avait pas autorité de la chose jugée à son égard ; que la cause et les parties ont été renvoyés à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée ;

Attendu que, la société LILYDALE demande à la Cour de révision de la déclarer fondée en son appel et, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* condamné la banque à payer à la société LILYDALE uniquement la somme de 2.632.760,24 euros, en faisant application du mécanisme de la compensation et en l'assortissant des intérêts au taux légal seulement à compter du 7 mai 2009, sous évaluant ainsi injustement la créance détenue par la société LILYDALE à l'encontre de la banque ;

* sous-évalué à la somme de 30.000 euros le quantum des dommages et intérêts destinés à indemniser le préjudice subi par la société LILYDALE ;

Et, ce faisant et statuant à nouveau ;

* rejeter la demande de remboursement de l'autorisation de découvert en l'état du gage souscrit par la société LILYDALE et dissipé par la banque et, partant, rejeter la demande de compensation faite à titre reconventionnel par la banque ;

* dire que le montant de la créance principale détenue par la société LILYDALE à l'encontre de la banque s'élève à la somme de 3.696.567 euros ;

* en conséquence, en l'état de l'exécution partielle du jugement entrepris, condamner la banque à payer à la société LILYDALE la somme de 1.063.806 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 9 juin 2011 ;

À titre subsidiaire, fixer le montant de la créance de la banque au titre du remboursement de l'autorisation de découvert aux sommes de 263.209,40 euros et 316.588,56 US Dollars, à l'exclusion des intérêts, et ordonner compensation des sommes limitées à ces montants avec celle de 3.696.567 euros assortie des intérêts légaux à compter du 10 juillet 2007 ;

À titre infiniment subsidiaire, fixer le montant de la créance de la banque au titre de remboursement de l'autorisation de découvert à la somme de 1.001.432 euros, à l'exclusion des intérêts, et ordonner compensation de cette somme avec celle de 3.696.567 euros assortie des intérêts légaux à compter du 10 juillet 2007 :

* dire que la somme de 3.696.567 euros doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2007, date du jugement du Tribunal correctionnel condamnant M RO. à payer à la société LILYDALE ladite somme et condamner la banque à payer le montant des dits intérêts ;

À titre subsidiaire, dire que la somme de 3.696.567 euros doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2008, date de l'arrêt de la Cour d'appel condamnant MM TR LO. et RO. solidairement à payer ladite somme à la société LILYDALE et condamner la banque à payer le montant des dits intérêts ;

* condamner la banque à restituer à la société la contre-valeur des titres remis en gage, soit les sommes de 1.251.150 euros et 56.250 US Dollars, assortis des intérêts légaux à compter du 18 avril 2000, jusqu'au parfait paiement, en raison de la disparition des dits titres ;

* condamner la banque à payer à la société LILYDALE la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir illégalement dissipé des titres remis en gage et avoir indûment réclamé en justice la condamnation à payer une prétendue dette de 1.063.806 euros ;

* ordonner à la banque de remettre à la société la totalité des relevés du compte n° 14456 depuis le jour du blocage du dit compte, ainsi que la totalité des instructions d'achat et de vente survenues sur ce compte depuis cette date ;

* condamner la banque à payer à la société LILYDALE la somme de 300.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral subi ;

* condamner la banque à payer à la société LILYDALE la somme de 850.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice matériel subi ;

* condamner la banque à payer à la société LILYDALE la somme de 16.000 euros sur le fondement des articles 234 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil ;

* condamner la banque aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traductions éventuels, dont distraction au profit de Mme le bâtonnier KARCZAG-MENCARELLI, avocat- défenseur sous son affirmation de droit.

Attendu que, la banque SA. demande à la Cour de révision :

I Sur la compensation

* déclarer irrecevables les demandes de la société LILYDALE qui tendent à voir infirmer le jugement de première instance ayant estimé qu'il y avait lieu de compenser le montant des dommages intérêts auquel elle pouvait prétendre avec la dette dont elle demeure redevable vis à vis de la banque dès lors que la décision de la Cour d'appel de ce chef n'a pas fait l'objet d'une cassation et qu'elle est donc définitive ;

* confirmer la décision des premiers juges de ce chef ;

II Sur la responsabilité et le préjudice

À titre principal, constater que la banque n'a pas engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1231 du Code civil ;

La débouter de l'ensemble de ses prétentions ;

* Condamner la société LILYDALE au paiement de la somme de 1.001.432,93 euros en remboursement des concours qui lui ont été consentis par la banque ;

* À titre subsidiaire, dire et juger que le montant du préjudice toutes causes confondues, auxquelles la société LILYDALE peut prétendre, intérêts compris, est de 3.696.567-1.001.432 = 2.695.134,07 euros ;

* La débouter de l'ensemble de ses autres demandes ;

* La condamner au paiement d'une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

* Condamner la société LILYDALE aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Frank Michel, avocat défenseur, aux offres de droit.

SUR CE,

Sur la responsabilité de la banque en qualité de commettant

Attendu que la banque conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité sur le fondement de l'article 1231 du Code civil ;

Mais attendu que les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé; que, par jugement définitif du 19 mai 2009, statuant sur l'opposition de M RO., le Tribunal correctionnel a déclaré celui-ci, préposé de la banque, coupable d'avoir à Monaco, les 14 février et 12 septembre 2000, détourné ou dissipé au préjudice de M. i. VA., ayant droit économique de la société LILYDALE, propriétaire, les sommes de 451.092,24 euros et 1.914.525 euros, soit au total la somme de 2.365.617,24 euros (faits prévus et réprimés par l'article 337 alinéa 1er du Code pénal); qu' auparavant, par jugement du10 juillet 2007, confirmé par arrêt du 7 avril 2008 objet d'un pourvoi rejeté par arrêt du 7 mai 2009, M. TR LO., autre préposé de la banque avait été condamné pour complicité de ces mêmes faits; que ces décisions pénales ayant au civil, autorité absolue à l'égard de tous, c'est en vain que la banque conteste dans ses conclusions en réponse après cassation la réalité et le montant des détournements commis par ses préposés ;

Attendu par ailleurs que les premiers juges ont exactement retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, qu'aux termes de l'article 1231 du Code civil, les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés; que le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si ses préposés ont agi hors des fonctions auxquelles ils étaient employés, sans autorisation ou à des fins étrangères à leurs fonctions et que tel n'était pas le cas en l'espèce, les préposés ayant agi dans les locaux de la banque, les faits s'étant matérialisés par les opérations bancaires et boursières, si bien qu'ils avaient trouvé dans l'exercice de leur fonction l'occasion et les moyens de leurs fautes;

Attendu dès lors que le jugement sera confirmé de ce chef et la banque déclarée civilement responsable des détournements pour lesquels ses préposés ont été condamnés par le juge pénal, à savoir la somme de 2.365.617,24 euros ; qu' en application de l'article 473 du Code de procédure pénale cette somme portera intérêt à compter du 7 avril 2008, date de la décision de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel condamnant M. TR LO. ;

Sur la compensation

Attendu que la banque soutient que l'arrêt de la Cour d'appel du 18 juin 2013 n'ayant pas été cassé pour avoir retenu l'existence d'une créance dont elle était titulaire à l'encontre de la société LILYDALE et ordonné la compensation entre le montant de cette créance et les dommages-intérêts accordés à cette dernière en réparation des fautes de ses préposés, les demandes de la société LILYDALE tendant à remettre en cause ces dispositions sont irrecevable ;

Mais attendu que l'arrêt du 18 juin 2013 ayant été cassé en toutes ses dispositions, la juridiction de renvoi est investie de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit; que dès lors, la demande de la société LILYDALE est recevable ;

Attendu que la société LILYDALE demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a accueilli la demande de la banque en remboursement de la somme de 1.063.806,76 euros correspondant à l'autorisation de découvert garantie par la mise en gage de titres et aux intérêts contractuels et a ordonné la compensation de cette somme avec le montant de sa créance envers la banque, étant précisé que la banque admet que sa créance envers la société LILYDALE est en réalité de 1.001.432 euros ainsi qu'il résulte du « relevé estimatif du client » du 15 janvier 2010 ;

Attendu que la société LILYDALE a conclu avec la banque le 18 avril 2000 un « contrat d'ouverture d'une ligne de crédit multidevise utilisable sous forme de découvert en compte courant » modifié par avenant du 18 octobre 2000 ; qu'elle est contractuellement tenue au remboursement de cette ouverture de crédit s'élevant en capital a la somme de 579.797,96 euros ainsi qu'il résulte du relevé établi par la banque le 15 janvier 2010 ;

Attendu cependant que cette ouverture de crédit était destinée à combler le solde débiteur du compte courant de cette société pendant la durée de l'enquête interne menée par la banque sur les détournements dénoncés par la société LILYDALE ; que dès le 8 février 2001, cette enquête a établi la réalité de ces détournements et la banque a admis, dans un courrier interne de cette date que la société LILYDALE devait être intégralement indemnisée ; que pourtant la banque n'a versé aucune indemnité à cette société avant d'y être contrainte par jugement du 9 juin 2011 ; qu'il convient en conséquence, à titre de dommages et intérêts, de débouter la banque de sa demande de paiement des intérêts et de limiter la compensation demandée par la banque au montant du capital dû par la société LILYDALE ;

Sur les demandes de restitutions à la société LILYDALE de la contre-valeur des titres mis en gage lors de l'ouverture de crédit et de condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts pour dissipation des titres remis en gage

Attendu que la société LILYDALE ne sollicite pas la restitution des « titres objets de l'acte de gage de compte d'instruments financiers et déclaration de gage » du 18 avril 2000 et de son avenant n° 1 en date du 18 octobre 2000 ordonnée par les premiers juges sans qu'elle l'ait demandée ; que, soutenant que ces titres ont matériellement disparu et qu'en tout cas la banque ne les a pas restitués, et ce, malgré l'exécution provisoire dont est assorti le jugement, cette société demande la condamnation de la banque à la restitution de la contre-valeur des titres remis en gage, soit les sommes de 1.251.150 euros et 56.250 US dollars, assorties des intérêts légaux à compter du 18 avril 2000 jusqu'à parfait paiement; qu'elle demande en outre que la banque soit condamnée à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir illégalement dissipé des titres remis en gage et avoir indûment réclamé en justice la condamnation à payer une prétendue dette de 1.063.806 euros ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu, dans le cadre du présent litige d'accueillir la demande de restitution de la contre-valeur des titres mis en gage, la dépréciation des titres nantis, imputée par la société LILYDALE à des fautes de gestion de la banque ne pouvant donner lieu qu'à une indemnisation distincte, le préjudice dû à cette dépréciation ne résultant pas directement des détournements condamnés par le juge pénal ;

Attendu par ailleurs que la société LILYDALE ne rapporte pas la preuve de la disparition des titres gagés que la banque propose de restituer ;

Sur la remise à la société LILYDALE de la totalité des relevés du compte n° 14.456 depuis le jour du blocage dudit compte, ainsi que de la totalité des instructions d'achat et de vente survenus sur ce compte depuis cette date

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande, laquelle ne se rattache pas directement à l'indemnisation du préjudice subi par la société LILYDALE qui seule constitue l'objet du litige ;

Sur l'indemnisation du préjudice matériel de la société LILYDALE

Attendu que la société LILYDALE soutient qu'en l'espace d'environ une année, elle s'est trouvée totalement dépouillée de l'intégralité de ses avoirs, à la suite de deux infractions pénales, d'une autorisation de découvert inappropriée, d'une sûreté disproportionnée en raison de remise abusive de titres en gage, d'un blocage irrégulier de son compte, de la transmission au contentieux de son dossier et de la dénonciation au SICFFIN de son ayant droit économique ; qu'elle sollicite en réparation la somme de 850.000 euros ;

Attendu, ainsi qu'il a été précédemment indiqué que la banque qui n'ignorait pas le principe de sa responsabilité dans les détournements commis par ses préposés, détournements dont elle a pu apprécier rapidement l'étendue au cours de l'enquête interne qu'elle a diligentée, a refusé pendant plus de dix ans d'indemniser, même partiellement, la société LILYDALE, à l'inverse d'autres de ses clients victimes de détournements similaires, avant d'y être contrainte par décision de justice ; que ce refus a aggravé, dans de notables proportions, le préjudice subi par cette société, lui causant notamment d'importantes difficultés de trésorerie, perturbant la gestion de son compte, spécialement s'agissant d'un compte professionnel, ainsi que ses relations avec ses clients ; que la Cour au vu de ce qui précède possède les éléments suffisants pour fixer à la somme de 250.000 euros le préjudice matériel subi par la société LILYDALE ;

Sur l'indemnisation du préjudice moral de la société LILYDALE

Attendu que la société LILYDALE qui ne justifie pas d'un préjudice moral distinct du préjudice matériel déjà réparé et demande, à titre d'indemnisation du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi, la réparation de préjudices personnels propres à son dirigeant, M. VA., sera déboutée de sa demande ;

Sur la demande de la société LILYDALE fondée sur les articles 234 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil

Attendu que la société LILYDALE demande la condamnation de la banque à lui payer la somme de 16.000 euros sur le fondement des articles 234 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil ;

Mais attendu que la société LILYDALE n'apporte aucune justification à l'appui de cette demande ;

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée formée par la banque

Attendu que, compte tenu des circonstances de l'affaire énoncées ci-dessus, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Attendu que par chèque du 13 juillet 2011, tiré sur le Crédit agricole, libellé à l'ordre de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, la banque a, à la suite du jugement du Tribunal de première instance du 9 juin 2011, assorti de l'exécution provisoire, payé à la société LILYDALE la somme de 2.790.154,30 euros à Maître Patricia REY, avocat-défenseur de la société LILYDALE ; que par suite, les condamnations prononcées à l'encontre de la banque seront exécutées en deniers ou quittances ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Statuant dans la limite des appels des parties :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité de la banque en tant que commettant et, statuant à nouveau :

* condamne la SAM Banque J. SA. (Monaco) à payer à la société de droit de l'Île de Man LILYDALE CONSULTANTS LTD en deniers ou quittances la somme de 2.365.617,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2008 ;

* condamne la société de droit de l'Île de Man LILYDALE CONSULTANTS LTD à payer à la SAM Banque J. SA. (Monaco) la somme de 579.797,96 euros en remboursement du solde du capital à la date du 15 janvier 2010 de l'autorisation de découvert conclue entre les parties le 18 avril 2000, modifiée par avenant du 18 octobre 2000, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2011 ;

* déboute la SAM Banque J. SA. (Monaco) de sa demande de remboursement des intérêts contractuels produits par cette somme de 579.796,96 euros ;

Ordonne la compensation de la créance de 2.365.617,24 euros de la société de droit de l'Île de Man LILYDALE CONSULTANTS LTD à l'égard de la banque avec la créance de 579.797,96 euros de cette dernière à l'égard de la société de droit de l'Île de Man LILYDALE CONSULTANTS LTD ;

Condamne la banque à payer à la société de droit de l'Île de Man LILYDALE CONSULTANTS LTD en deniers ou quittances la somme de 250.000 euros à titre de réparation de son préjudice matériel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SAM Banque J. SA. (Monaco) aux dépens dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le vingt-six mars deux mille quinze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre DUMAS, Président, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François-Xavier LUCAS et François CACHELOT, rapporteur, conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13090
Date de la décision : 26/03/2015

Analyses

Les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.Par jugement définitif le Tribunal correctionnel a déclaré le préposé de la banque, coupable d'avoir à Monaco, les 14 février et 12 septembre 2000, détourné ou dissipé au préjudice de M. i. VA., ayant droit économique de la société LILYDALE les sommes de 451.092,24 euros et 1.914.525 euros, soit au total la somme de 2.365.617,24 euros (faits prévus et réprimés par l'article 337 alinéa 1er du Code pénal). Auparavant, par jugement confirmé par arrêt de la Cour d'appel, objet d'un pourvoi rejeté par arrêt du 7 mai 2009, M. TR LO., autre préposé de la banque avait été condamné pour complicité de ces mêmes faits. Ces décisions pénales ayant au civil, autorité absolue à l'égard de tous, c'est en vain que la banque conteste dans ses conclusions en réponse après cassation la réalité et le montant des détournements commis par ses préposés.Les premiers juges ont exactement retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, qu'aux termes de l'article 1231 du Code civil, les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. Le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si ses préposés ont agi hors des fonctions auxquelles ils étaient employés, sans autorisation ou à des fins étrangères à leurs fonctions. Tel n'était pas le cas en l'espèce, les préposés ayant agi dans les locaux de la banque, les faits s'étant matérialisés par les opérations bancaires et boursières, si bien qu'ils avaient trouvé dans l'exercice de leur fonction l'occasion et les moyens de leurs fautes.Le jugement sera confirmé de ce chef et la banque déclarée civilement responsable des détournements pour lesquels ses préposés ont été condamnés par le juge pénalLa banque soutient que l'arrêt de la Cour d'appel n'ayant pas été cassé pour avoir retenu l'existence d'une créance dont elle était titulaire à l'encontre de la société LILYDALE et ordonné la compensation entre le montant de cette créance et les dommages-intérêts accordés à cette dernière en réparation des fautes de ses préposés, les demandes de la société LILYDALE tendant à remettre en cause ces dispositions sont irrecevables. Mais l'arrêt du 18 juin 2013 ayant été cassé en toutes ses dispositions, la juridiction de renvoi est investie de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit. Dès lors, la demande de la société LILYDALE est recevable.

Pénal - Général  - Infractions économiques - fiscales et financières  - Établissement bancaire et / ou financier.

Autorité de la chose jugée au pénal et au civil - Portée - Conséquence.


Parties
Demandeurs : La société LILYDALE Consultants Limited
Défendeurs : la BANQUE J. SA. (Monaco) S.A.M.

Références :

Code pénal
article 473 du Code de procédure pénale
article 1231 du Code civil
Code civil
articles 234 du Code de procédure civile
article 1198 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2015-03-26;13090 ?

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