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26/03/2015 | MONACO | N°13087

Monaco | Cour de révision, 26 mars 2015, M. g. RE. c/ Mme c. CA., épouse RE


Motifs

Pourvoi N° 2014-13 en session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 26 MARS 2015

En la cause de :

- M. g. RE., né le 16 mars 1952 à Grasse (France-06), de nationalité monégasque, retraité, demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

Contre :

- Mme c. CA., épouse RE., née le 4 août 1947 à Monaco, de nationalité monégasque, infirmière, demeurant X à Monaco ;

Ayant é

lu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat p...

Motifs

Pourvoi N° 2014-13 en session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 26 MARS 2015

En la cause de :

- M. g. RE., né le 16 mars 1952 à Grasse (France-06), de nationalité monégasque, retraité, demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

Contre :

- Mme c. CA., épouse RE., née le 4 août 1947 à Monaco, de nationalité monégasque, infirmière, demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat près la Cour d'appel de Monaco ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 20 septembre 2013 par la Cour d'appel statuant en matière civile, signifié le 25 octobre 2013 ;

- l'arrêt de la Cour de révision du 10 avril 2014, cassant et annulant mais seulement en ce qu'il a condamné M. g. RE. à payer la somme de 30.000 euros de dommages intérêts à Mme c. CA. en réparation du préjudice subi du fait de la dissolution du mariage et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision autrement composée ;

- les conclusions additionnelles déposées le 10 juin 2014 au greffe général, par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de M. g. RE., signifiées le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées le 9 juillet 2014 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Mme c. CA., épouse RE., signifiées le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 11 juillet 2014, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions après cassation du Ministère Public en date du 11 juillet 2014 ;

- les conclusions additionnelles déposées le 16 juillet 2014 au greffe général, par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de M. g. RE., signifiées le même jour ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 17 mars 2015, sur le rapport de M. François-Xavier LUCAS, conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que, par arrêt du 20 septembre 2013, la Cour d'appel a prononcé le divorce des époux RE. c. CA. aux torts et griefs exclusifs du mari et condamné celui-ci à payer à Mme c. CA., épouse RE., en application des dispositions de l'article 205-3 du Code civil, la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la dissolution du mariage ; que, par arrêt du 10 avril 2014, la Cour de révision a cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu'il a prononcé cette condamnation à l'encontre de M. RE. ; que la cause et les parties ont été renvoyées à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée ;

Attendu que, par conclusions additionnelles, M. RE. soutient que Mme c. CA. ne subit aucun préjudice moral découlant directement de la dissolution du mariage dès lors que la rupture et la séparation ont précédé de plus de deux années l'introduction de la demande de divorce et qu'aucun préjudice matériel n'est par ailleurs prouvé, les comptes entre les époux restant à établir en vue de tirer les conséquences patrimoniales de leur séparation ; qu'en réponse, Mme c. CA. prétend avoir souffert un préjudice moral causé par l'humiliation que lui a infligée son époux en abandonnant le domicile conjugal, après 23 ans de vie commune, et en affichant peu de temps après, dans des conditions particulièrement blessantes, un adultère rapidement officialisé auprès des proches ; qu'elle invoque également un préjudice matériel tenant à ce qu'elle a dû assumer seule la charge du remboursement d'emprunts souscrits par le couple pour l'acquisition d'actifs immobiliers dont les époux étaient propriétaires en indivision et en ce qu'elle a dû, pour faire face à cette obligation, multiplier les crédits à la consommation ainsi que les heures de travail supplémentaires ;

SUR CE,

Sur la recevabilité de la demande

Attendu que M. RE. fait valoir que Mme c. CA. sollicite le versement « de 30.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 459-3 du Code civil », de sorte que, l'article 459-3 n'existant pas, celle-ci « doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions » ;

Mais attendu que les conclusions déposées par Mme c. CA. le 9 juillet 2014 visent à « voir constater que Mme c. CA. a subi un préjudice évident du fait de la dissolution du mariage » et «  en conséquence (à) condamner M. RE. à lui verser la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts » ; qu'une telle demande tend bien à obtenir une condamnation à dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la dissolution du mariage ; que le fait que cette demande soit formulée au visa erroné d'un texte inexistant ne crée aucune ambiguïté à cet égard, la Cour de révision statuant comme Cour de renvoi étant bien saisie d'une prétention clairement exprimée ; que la demande n'est pas fondée ;

Sur l'indemnisation du préjudice résultant de la dissolution du mariage

Attendu que, lorsque le divorce est prononcé pour faute, il résulte de l'article 205-3 du Code civil que « Indépendamment de toutes autres compensations dues par lui au titre de l'application des articles précédents, l'époux contre lequel le divorce a été prononcé peut être condamné à des dommages-intérêts en réparation du préjudice que fait subir à son conjoint la dissolution du mariage » ; que par son arrêt en date du 20 septembre 2013, désormais irrévocable sur ce point, la Cour d'appel a, pour prononcer le divorce aux torts exclusifs du mari, jugé que « Il résulte à suffisance des pièces et témoignages versés aux débats que g. RE. entretient depuis 2008 une relation extraconjugale avec une femme prénommée m-l. qu'il ne cache pas avoir présentée à sa famille et avec laquelle il ne dissimulait nullement sa liaison (…) qu'un tel adultère, public, et au demeurant parfaitement assumé par l'époux caractérise incontestablement une violation grave du mariage… présentant en outre compte tenu de ses circonstances un caractère particulièrement blessant pour son épouse après 23 ans de mariage » ; qu'il résulte de ces faits, relevés par la cour pour établir la faute fondant le divorce, l'existence d'un préjudice résultant de la dissolution du mariage et plus précisément des circonstances humiliantes et vexatoires dans lesquelles cette dissolution est intervenue ; qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande de dommages et intérêts formée par Mme c. CA. au titre de la réparation de son préjudice moral et de lui allouer de ce chef la somme de 15.000 euros ;

Attendu que, pour ce qui est de l'invocation d'un préjudice matériel, il y a lieu de constater que l'étendue des obligations réciproques des époux au titre de la contribution à la dette de remboursement est contestée par les intéressés qui s'opposent sur les comptes à établir entre eux et en particulier sur l'affectation de fonds issus de la vente d'actifs immobiliers, de revenus locatifs et de charges de remboursement de différents crédits d'acquisition ;

Attendu que, comme l'a relevé le magistrat conciliateur au début de la procédure de divorce pour se déclarer incompétent en vue d'ordonner à l'époux de participer mensuellement aux charges de remboursement des emprunts en cours, M. RE. se trouvait, par l'effet des obligations contractuelles qu'il avait conjointement et volontairement souscrites, tenu à cette contribution ; que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les charges que Mme c. CA. dit avoir assumées, au titre du remboursement des crédits immobiliers, constituent une dette découlant d'engagements contractuels conjoints des époux, qui devront donner lieu à l'établissement de comptes dans un cadre autre que celui de la recherche d'une responsabilité civile qui, de ce chef, n'apparaît pas caractérisée ; que ce n'est pas à cause du divorce que Mme c. CA. a dû faire face à ces obligations contractées envers des établissements de crédit mais parce qu'elle s'y était engagée aux termes de contrats de prêt qui, au demeurant, n'ont pas été produits au cours des échanges entre les parties relatifs à la preuve du préjudice occasionné par le divorce ; que l'obligation à la dette de M. RE. à ce titre résultait de sa qualité de cocontractant et non de sa qualité d'époux et le fait que Mme c. CA. a dû assumer seule la charge de remboursement de ces emprunts, à le supposer établi, ne peut être regardé comme un préjudice découlant de la dissolution du mariage ; que l'argumentation de Mme c. CA. relative à la preuve d'un préjudice matériel sera donc rejetée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Condamne g. RE. à payer la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts à c. CA. en réparation du préjudice moral subi du fait de la dissolution du mariage ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Dit que les dépens seront partagés par moitié entre chacune des parties, dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO et Maître Jean-Pierre LICARI, avocats-défenseurs sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne.

Composition

Ainsi délibéré et jugé le vingt-six mars deux mille quinze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Roger BEAUVOIS, Premier-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François-Xavier LUCAS, rapporteur et Serge PETIT, Conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13087
Date de la décision : 26/03/2015

Analyses

Les conclusions déposées par Mme c. CA. le 9 juillet 2014 visent à « voir constater que Mme c. CA. a subi un préjudice évident du fait de la dissolution du mariage » et « en conséquence (à) condamner M. RE. à lui verser la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts ». Une telle demande tend bien à obtenir une condamnation à dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la dissolution du mariage. Le fait que cette demande soit formulée au visa erroné d'un texte inexistant ne crée aucune ambiguïté à cet égard. La Cour de révision statuant comme Cour de renvoi étant bien saisie d'une prétention clairement exprimée, la demande n'est pas fondée.Lorsque le divorce est prononcé pour faute, il résulte de l'article 205-3 du Code civil que « Indépendamment de toutes autres compensations dues par lui au titre de l'application des articles précédents, l'époux contre lequel le divorce a été prononcé peut être condamné à des dommages-intérêts en réparation du préjudice que fait subir à son conjoint la dissolution du mariage ». Par son arrêt en date du 20 septembre 2013, désormais irrévocable sur ce point, la Cour d'appel a, pour prononcer le divorce aux torts exclusifs du mari, jugé que « Il résulte à suffisance des pièces et témoignages versés aux débats que g. RE. entretient depuis 2008 une relation extraconjugale avec une femme prénommée m-l. qu'il ne cache pas avoir présentée à sa famille et avec laquelle il ne dissimulait nullement sa liaison (…) qu'un tel adultère, public, et au demeurant parfaitement assumé par l'époux caractérise incontestablement une violation grave du mariage… présentant en outre compte tenu de ses circonstances un caractère particulièrement blessant pour son épouse après 23 ans de mariage » ; qu'il résulte de ces faits, relevés par la cour pour établir la faute fondant le divorce, l'existence d'un préjudice résultant de la dissolution du mariage et plus précisément des circonstances humiliantes et vexatoires dans lesquelles cette dissolution est intervenue ; qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande de dommages et intérêts formée par Mme c. CA. au titre de la réparation de son préjudice moral et de lui allouer de ce chef la somme de 15.000 euros ;Attendu que, pour ce qui est de l'invocation d'un préjudice matériel, il y a lieu de constater que l'étendue des obligations réciproques des époux au titre de la contribution à la dette de remboursement est contestée par les intéressés qui s'opposent sur les comptes à établir entre eux et en particulier sur l'affectation de fonds issus de la vente d'actifs immobiliers, de revenus locatifs et de charges de remboursement de différents crédits d'acquisition.Comme l'a relevé le magistrat conciliateur au début de la procédure de divorce pour se déclarer incompétent en vue d'ordonner à l'époux de participer mensuellement aux charges de remboursement des emprunts en cours, M. RE. se trouvait, par l'effet des obligations contractuelles qu'il avait conjointement et volontairement souscrites, tenu à cette contribution. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les charges que Mme c. CA. dit avoir assumées, au titre du remboursement des crédits immobiliers, constituent une dette découlant d'engagements contractuels conjoints des époux, qui devront donner lieu à l'établissement de comptes dans un cadre autre que celui de la recherche d'une responsabilité civile qui, de ce chef, n'apparaît pas caractérisée. Ce n'est pas à cause du divorce que Mme c. CA. a dû faire face à ces obligations contractées envers des établissements de crédit mais parce qu'elle s'y était engagée aux termes de contrats de prêt qui, au demeurant, n'ont pas été produits au cours des échanges entre les parties relatifs à la preuve du préjudice occasionné par le divorce. L'obligation à la dette de M. RE. à ce titre résultait de sa qualité de cocontractant et non de sa qualité d'époux et le fait que Mme c. CA. a dû assumer seule la charge de remboursement de ces emprunts, à le supposer établi, ne peut être regardé comme un préjudice découlant de la dissolution du mariage. L'argumentation de Mme c. CA. relative à la preuve d'un préjudice matériel sera donc rejetée.

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps  - Procédure civile.

Prétention visant un texte erroné - Recevabilité (oui) - Sans fondement - Divorce - Adultère - Torts exclusifs - Préjudice moral - Réparation - Charge de l'emprunt commun - Préjudice matériel (non).


Parties
Demandeurs : M. g. RE.
Défendeurs : Mme c. CA., épouse RE

Références :

article 205-3 du Code civil
article 459-3 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2015-03-26;13087 ?

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