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15/10/2014 | MONACO | N°12692

Monaco | Cour de révision, 15 octobre 2014, La société de droit turc dénommée KARSAN DANIS MANLIK TURIZM SANAYI TICARET LIMITED c/ la société d'état indienne dénommée NATIONAL FERTILIZERS LIMITED dite NFL


Motifs

Pourvoi N° 2014-08 en session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2014

En la cause de :

- La société de droit turc dénommée KARSAN DANIS MANLIK TURIZM SANAYI TICARET LIMITED, dont le siège social se trouve SEVRE SOKAK n°8 - 6, bloc A, 06680 KAVAKLIDERE - ANKARA TURQUIE, prise en la personne de son directeur général en exercice ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,>
Contre :

- La société d'état indienne dénommée NATIONAL FERTILIZERS LIMITED dite NFL, dont le siège social se trou...

Motifs

Pourvoi N° 2014-08 en session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2014

En la cause de :

- La société de droit turc dénommée KARSAN DANIS MANLIK TURIZM SANAYI TICARET LIMITED, dont le siège social se trouve SEVRE SOKAK n°8 - 6, bloc A, 06680 KAVAKLIDERE - ANKARA TURQUIE, prise en la personne de son directeur général en exercice ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- La société d'état indienne dénommée NATIONAL FERTILIZERS LIMITED dite NFL, dont le siège social se trouve à New Delhi, SCOPE COMPLEX INSTITUTIONAL AREA LODI ROAD, 11003, INDE, poursuites et diligences du président de son conseil d'administration, représentant légal en exercice ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière civile, rendu le 20 septembre 2013 (R7731), en ce y compris les arrêts avant dire droit en date des 2 février 2010 (R2385), 7 juillet 2010 (R5812) et 8 février 2011 (R2329) ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 8 novembre 2013, par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la société KARSAN DANIS MANLIK TURIZM SANAYI TICARET Ltd ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 43892, en date du 12 novembre 2013, attestant du dépôt par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la demanderesse, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 5 décembre 2013 au greffe général, par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la société KARSAN DANIS MANLIK TURIZM SANAYI TICARET Ltd, accompagnée de 60 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 3 janvier 2014 au greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la société NATIONAL FERTILIZERS Ltd, accompagnée de 49 pièces, signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 21 janvier 2014, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 3 février 2014 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 14 octobre 2014, sur le rapport de M. Guy JOLY, conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon les arrêts attaqués, que par contrat du 9 novembre 1995, la société de droit indien National Fertilizers Ltd (société N.F.L.) a conclu avec la société de droit turc Karzan Danis Manlik Turism Sanayi Ticaret Ltd (société Karzan) représentée par son directeur général, M. t. AL., un contrat d'achat d'engrais avec règlement anticipé ; que la marchandise n'ayant été livrée que très partiellement, la société N.F.L. a, en application d'une clause compromissoire, attrait sa cocontractante devant le Tribunal arbitral d'Amsterdam qui a condamné cette dernière à payer à la société N.F.L. le montant du prix que celle-ci avait versé d'avance ; que cette décision a été confirmée par la Cour d'appel d'Amsterdam ; qu'après constatation que dès réception du prix d'achat, M. AL. avait procédé à des virements sur des comptes différents, notamment sur son compte personnel, de la quasi-totalité de la somme perçue, la société N.F.L. a fait diligenter contre celui-ci diverses procédures pénales en Turquie, en Suisse et en Inde ; que cette société ayant été autorisée à pratiquer une saisie-arrêt sur un compte personnel de M. AL. à la société des Banques Suisses à Monaco, a assigné la société Karzan et M. AL. devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de se voir déclarée fondée à exercer tous droits et actions de la société Karzan à l'encontre de M. AL. et de se voir rembourser l'intégralité des sommes saisies arrêtées ; que les défendeurs ont soulevé l'incompétence de la juridiction monégasque ; que le jugement rejetant cette exception a été confirmé par arrêt du 2 février 2010 ; que par arrêts avant dire droit des 7 juillet 2010 et 8 février 2011, la Cour d'appel a statué sur des incidents de procédure et que par arrêt infirmatif du 20 septembre 2013 elle a statué au fond et constaté que les conditions de l'action oblique de la société N.F.L. étaient réunies ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi, relevée d'office, après avis donné aux parties, en ce qu'il est dirigé contre les arrêts des 7 juillet 2010 et 8 février 2011

Attendu qu'aucun des griefs du pourvoi n'est dirigé contre ces arrêts ; que le pourvoi est irrecevable de ce chef ;

Sur la recevabilité des pièces 45 à 48 produites par la société Karzan, contestée par la société N.F.L.

Attendu qu'il résulte de l'article 448 du Code de procédure civile que les documents et moyens de preuve qui n'ont pas été préalablement soumis à l'appréciation des juges du fond ne peuvent être soumis à la Cour de révision ; que les documents 45 à 48 établis postérieurement à l'arrêt attaqué et produits par la société Karzan doivent être écartés des débats ;

Au fond ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, dirigé contre l'arrêt du 2 février 2010

Attendu que la société KARSAN fait grief à l'arrêt de la débouter de son exception d'incompétence, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en l'état d'éléments d'extranéité faisant obstacle à la compétence des juridictions monégasques pris de ce que ce que la société KARSAN est une société de droit turc, que la société NFL est une société de droit indien et que le contrat du 30 octobre 1995 n'a pas été établi et n'était pas exécutable à Monaco du fait que la société KARSAN ne détient aucun bien à Monaco et que la présente procédure n'a aucunement pour objet la validation de saisie-arrêt avec laquelle elle ne se confond pas, la Cour d'appel, qui tout en retenant l'existence d'une procédure ayant pour objet la validation de la saisie-arrêt et la condamnation de M. AL. au paiement des causes de la saisie aux termes d'instances distinctes, a qualifié la présente instance d'action ayant pour objet le fond du litige, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant par là-même les articles 3.1°, 3.9° et 3.9° bis du Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la validité d'une procédure judiciaire, et donc la compétence de la juridiction, s'apprécie au jour où l'assignation est délivrée, que l'article 3.9° bis du Code de procédure civile est issu d'une loi du 29 décembre 2004, postérieure à l'assignation ; qu'en se bornant à affirmer que les lois de procédure et plus précisément de compétence s'appliquent immédiatement si elles n'en disposent autrement, la Cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que le Tribunal de première instance n'avait pas statué au fond avant l'intervention de la loi nouvelle et retenu à bon droit que dans un tel cas les lois de compétence sont d'application immédiate, la Cour d'appel en a exactement déduit que l'article 9.9° bis du Code de procédure civile s'appliquait au litige en cours ;

Attendu, d'autre part, que les tribunaux de la Principauté connaissent en application des articles 3.9° et 3.9° bis du Code de procédure civile, sauf clause d'attribution de compétence, de toutes les actions ayant pour objet le fond du litige dans le cas de demandes en validité ou en mainlevée de saisie-arrêt formées dans la Principauté ; qu'ayant constaté que les demandes de la société NFL visaient à se voir attribuer l'exercice de droits et actions de la société KARSAN sur les avoirs bancaires au nom de M. t. AL., et donc à percevoir les fonds ayant fait l'objet de la saisie-arrêt sur le compte personnel de celui-ci à la société des Banques Suisses à Monaco, c'est à bon droit qu'elle en a déduit qu'en dépit d'instances connexes distinctes, de la nationalité étrangère des parties et des caractéristiques du contrat de vente et d'achat d'engrais, la procédure pendante de validation de saisie-arrêt dont l'objet est l'exécution de la créance invoquée par la société NFL constitue une action ayant pour objet le fond du litige au sens des textes précités ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, dirigés contre l'arrêt du 20 septembre 2013

Attendu que la société Karzan fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en constatant qu'elle détiendrait une créance à l'encontre de M. AL. et que les conditions de l'action oblique sont réunies, alors selon le moyen, d'une part, que divers avis émis par des juristes turcs et suisses, versés aux débats, démontrent que toute action de cette société contre son dirigeant est atteinte par la prescription de cinq ans selon le droit applicable en l'espèce et alors, d'autre part, qu'il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation turque que les délits reprochés à M. AL. n'étaient pas constitués et qu'il apparaît d'autres pièces jointes au dossier que l'état d'avancement des procédures indiennes est incertain et que M. AL. est définitivement disculpé en Suisse ; qu'en se bornant à affirmer que les conditions de l'action oblique telles que résultant de l'article 1021 du Code civil sont réunies, la Cour d'appel qui n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments ainsi produits a entaché sa décision d'un défaut de motifs et de manque de base légale ;

Mais attendu qu'ayant relevé que si la loi turque prévoit bien un délai de prescription de cinq ans quant à l'action qui aurait dû être exercée par la société Karzan contre son dirigeant, M. AL., cette prescription dont le départ est le 3 décembre 1998, a été nécessairement interrompue devant les juridictions monégasques par la procédure initiée en 2000 par la société N.F.L. devant la justice de la Principauté et ayant constaté la réalité de la dette entre le créancier, N.F.L., et le débiteur, la société Karzan, ainsi que la dette entre cette société et M. AL., la Cour d'appel qui a souverainement apprécié la valeur probante des documents qui lui étaient soumis a légalement justifié sa décision ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Déclare le pourvoi irrecevable en ce qu'il est dirigé contre les arrêts des 7 juillet 2010 et 8 février 2011 ;

Dit que les pièces 45 à 48 produites par la société Karzan sont écartées des débats ;

Rejette le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les arrêts des 2 février 2010 et 20 septembre 2013 ;

Condamne la société Karzan à l'amende et aux dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le quinze octobre deux mille quatorze, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Roger BEAUVOIS, Premier-Président, Jean-Pierre DUMAS, Vice-Président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Guy JOLY, rapporteur et François CACHELOT, conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12692
Date de la décision : 15/10/2014

Analyses

Ayant constaté que le Tribunal de première instance n'avait pas statué au fond avant l'intervention de la loi nouvelle et retenu à bon droit que dans un tel cas les lois de compétence sont d'application immédiate, la Cour d'appel en a exactement déduit que l'article 9.9° bis du Code de procédure civile s'appliquait au litige en cours ;Les tribunaux de la Principauté connaissent en application des articles 3.9° et 3.9° bis du Code de procédure civile, sauf clause d'attribution de compétence, de toutes les actions ayant pour objet le fond du litige dans le cas de demandes en validité ou en mainlevée de saisie-arrêt formées dans la Principauté. Ayant constaté que les demandes de la société NFL visaient à se voir attribuer l'exercice de droits et actions de la société KARSAN sur les avoirs bancaires au nom de M. t. AL., et donc à percevoir les fonds ayant fait l'objet de la saisie-arrêt sur le compte personnel de celui-ci à la société des Banques Suisses à Monaco, c'est à bon droit qu'elle en a déduit qu'en dépit d'instances connexes distinctes, de la nationalité étrangère des parties et des caractéristiques du contrat de vente et d'achat d'engrais, la procédure pendante de validation de saisie-arrêt dont l'objet est l'exécution de la créance invoquée par la société NFL constitue une action ayant pour objet le fond du litige au sens des textes précités.Le moyen n'est pas fondé.Si la loi turque prévoit bien un délai de prescription de cinq ans quant à l'action qui aurait dû être exercée par la société Karzan contre son dirigeant, M. AL., cette prescription dont le départ est le 3 décembre 1998, a été nécessairement interrompue devant les juridictions monégasques par la procédure initiée en 2000 par la société N.F.L. devant la justice de la Principauté et ayant constaté la réalité de la dette entre le créancier, N.F.L., et le débiteur, la société Karzan, ainsi que la dette entre cette société et M. AL., la Cour d'appel qui a souverainement apprécié la valeur probante des documents qui lui étaient soumis a légalement justifié sa décision.

Contrat de vente  - Sociétés - Général.

Lois de compétence - Application immédiate - Validation de saisie-arrêt - Loi applicable - Prescription - Interruption - Valeur probante des documents produits.


Parties
Demandeurs : La société de droit turc dénommée KARSAN DANIS MANLIK TURIZM SANAYI TICARET LIMITED
Défendeurs : la société d'état indienne dénommée NATIONAL FERTILIZERS LIMITED dite NFL

Références :

article 1021 du Code civil
article 2 du Code civil
Code de procédure civile
loi du 29 décembre 2004
article 448 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2014-10-15;12692 ?

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