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08/01/2014 | MONACO | N°11854

Monaco | Cour de révision, 8 janvier 2014, CE c/ Ministère Public, BE


Motifs

Pourvoi N° 2013-57 Hors Session

pénal

COUR DE REVISION

ARRET DU 8 JANVIER 2014

En la cause de :

- M. c CE, né le 16 juin 1968 à MONACO, de Pierre et de Monique GA, de nationalité monégasque, sans emploi, demeurant « X », X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco;

DEMANDEUR EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- Le MINISTERE PUBLIC,

- M. a BE, né le 15 janvier 1975 à TANGER (Maroc), d'Ali et de Rahma DA, de nationalit

é marocaine, agent d'accueil, demeurant X à MONACO, en personne ;

DEFENDEURS EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

Statuant...

Motifs

Pourvoi N° 2013-57 Hors Session

pénal

COUR DE REVISION

ARRET DU 8 JANVIER 2014

En la cause de :

- M. c CE, né le 16 juin 1968 à MONACO, de Pierre et de Monique GA, de nationalité monégasque, sans emploi, demeurant « X », X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco;

DEMANDEUR EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- Le MINISTERE PUBLIC,

- M. a BE, né le 15 janvier 1975 à TANGER (Maroc), d'Ali et de Rahma DA, de nationalité marocaine, agent d'accueil, demeurant X à MONACO, en personne ;

DEFENDEURS EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du code de procédure pénale ;

VU :

- le jugement rendu par le Tribunal Correctionnel, statuant comme juridiction d'appel du Tribunal de Simple Police, le 25 juin 2013, non signifié ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 1er juillet 2013, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de M. c CE ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 43431, en date du 1er juillet 2013, attestant du dépôt par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom du demandeur, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 16 juillet 2013 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de M. c CE, signifiée le même jour ;

- l'avis donné à M. a BE, partie-civile, par lettre recommandée avec accusé de réception, le 16 juillet 2013, conformément aux prescription de l'article 477 du Code de Procédure Pénale ;

- le certificat de clôture établi le 26 août 2013, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions de Monsieur le Procureur Général en date du 9 septembre 2013 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience hors session, du 19 décembre 2013, sur le rapport de M. Jean-Pierre GRIDEL, conseiller ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon le jugement attaqué et les pièces de la procédure, qu'en raison d'une altercation, survenue le 27 janvier 2012, à la sortie du parking d'un centre commercial sis à Monaco, entre M. c CE, client, et M. a BE, agent d'accueil, tous deux ont été avertis, le 24 janvier 2013, à comparaître pour l'audience de simple police du 5 février 2013 ; qu'ils ont été condamnés, le premier pour injure non publique sans provocation à l'endroit du second, et, ce dernier, pour coup porté au moyen d'un cône en plastique, violences n'ayant entraîné aucune maladie ni incapacité totale de travail envers l'autre partie, laquelle, partie civile, a obtenu des dommages-intérêts ; que sur l'appel de celle-ci, le tribunal de première instance a confirmé la décision sur l'action publique ;

Sur les trois premiers moyens, réunis :

Attendu que M. c CE, en tant que condamné du chef d'une contravention d'injures non publiques, fait grief à l'arrêt de violer les articles 50, 15 et 25, 44 alinéa 1er de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble les articles 455 et 456 du Code de procédure pénale, alors, selon le moyen, que, de première part, nonobstant le fait que ladite loi ne prévoit pas l'injure non publique, ses liens n'ont pas été coupés avec l'article 415-7° du Code pénal; qu'elle reste la référence nécessaire tant en ce qui concerne les règles de fond que les règles de forme applicables aux contraventions prévues par l'article 415-7° du Code pénal, à savoir l'injure non publique sans provocation mais également la diffamation non publique assimilée par la jurisprudence à l'injure non publique ; qu'en effet ledit article 415-7° ne définit pas les propos litigieux, ne précise même pas les éléments constitutifs de l'injure non publique sans provocation et la diffamation non publique ; que dès lors l'utilisation de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 est nécessaire, tant pour préciser les contenus injurieux ou diffamatoires, que pour déduire de ses dispositions ce qui n'est pas « public » et qui relève donc de la simple police ; qu'ainsi ladite loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 n'a pas exclu lesdites contraventions du domaine d'application des règles particulières de procédure qu'elle édicte ; qu'en particulier, la définition de l'injure, dans ses éléments constitutifs, ainsi que l'indication des circonstances caractérisant la publicité, et à défaut desquelles cette infraction est punie par l'article 415-7° du Code pénal, sont exclusivement inscrites dans les articles 21 et 15 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique ; qu'en outre, l'incrimination d'injure touchant, dans tous les cas, à la liberté d'expression telle que la réglemente la loi, l'ensemble des règles de procédure prévues par la loi spéciale n° 1.299 du 15 juillet 2005 - dont notamment celles de l'article 50 susvisé - s'applique à la poursuite des contraventions d'injure non publique sans provocation et de diffamation non publique ; que s'agissant du « législateur de 2005 », celui-ci n'a nullement eu la volonté d'exclure les contraventions de l'article 415-7° du Code pénal du domaine d'application des règles particulières de procédure édictées par la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 ; qu'il s'induit, d'un passage de l'exposé des motifs du projet de loi n° 726 de la dite loi, en page 1813 de l'annexe au Journal de Monaco du 24 /11/ 2006 (reproduit) que, s'agissant de « la spécificité de la matière et de la pertinence des règles qui touchent au domaine sensible des libertés publiques », le « législateur de 2005 » n'a tenu à faire aucune distinction entre les infractions, quelles soient délictuelles ou contraventionnelles ; que le motif pour lequel l'incrimination visant l'injure non publique - prévue par l'article 35, alinéa 2 de l'ordonnance du 3 juin 2010 sur la liberté de la presse, abrogée par la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 - n'a pas été reprise dans la nouvelle loi, est précisé dans l'exposé des motifs du projet de loi n° 726 de ladite loi, en page 1816 de l'annexe au journal de Monaco du 24/11/2006 (« les dispositions du troisième alinéa qui vise l'injure non publique ne sont pas reprises, car l'incrimination est déjà prévue dans l'article 415-7° du Code pénal ») est totalement étranger à une quelconque volonté du « législateur de 2005 » d'exclure les contraventions de l'article 415-7° du Code pénal du domaine d'application des règles particulières de procédure édictées par la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005, d'autant qu'il est précisé dans l'exposé des motifs du projet de loi n°726 de ladite loi, en page 1818 de l'annexe au journal de Monaco du 24/11/2006, dans le commentaire de l'article 37, que la loi nouvelle opère une refonte des dispositions anciennes « en tenant compte de la volonté d'appliquer le droit commun sous réserve des dispositions liées à la spécificité de la matière » ; alors, de deuxième part, que la compétence des juridictions est d'ordre public en matière répressive, qu'il appartenait au tribunal de police comme au tribunal correctionnel de relever d'office le caractère public des injures, les faits dénoncés ayant eu lieu vers 16h50, heure de grande affluence, à la sortie du parking du centre commercial de Carrefour Monaco, et que la nullité à s'ensuivre peut, par application de l'article 466 alinéa 2 du Code de procédure pénale être invoquée pour la première fois devant la Cour de révision, la réalité et la nature de la publicité constituant par ailleurs une condition de l'infraction et donc un élément de la légalité de la poursuite, soumis comme tel à son contrôle de la Cour de révision, qu'en outre les propos ayant été proférés dans un lieu public, ils permettent de présumer l'intention de les rendre publics, de sorte que les faits seraient de nature à constituer soit le délit d'injures publiques envers un particulier, prévu et réprimé par l'article 25 alinéa 2 de la loi n° 1.299 précitée, soit le délit d'injures publiques envers une personne à raison de son origine, prévu et réprimé par l'article 25 alinéa 3 de ladite loi, soit encore le délit d'injures publiques envers un citoyen chargé d'un service public, prévu et réprimé par l'article 25 alinéa 1 de la loi précitée ; et alors, enfin, que, compte tenu de la qualification d' « injure non publique », l'article 44 alinéa 1er de la loi précitée, applicable, dispose que « la poursuite n'a lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée », que le procès-verbal de dépôt de plainte de M. a BE contre M., c CE, en date du 21 février 2012, porte sur les paroles « Tu me fais chier connard ; sale arabe », que l'avertissement à prévenu notifié à M. c CE le 24 janvier 2013 lui reproche d'avoir prononcé les paroles « Il me fait chier ce con. Sale arabe, tu fais quoi ici ? », de sorte que les faits imputés ne sont pas ceux pour lesquels M. a BE avait déposé plainte, et que la poursuite est entachée de nullité ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'indépendamment de l'expression « sale arabe», qui se retrouve à l'identique, les légères différences de formulation dénoncées entre le dépôt de plainte à l'encontre de M. c CE et l'avertissement à comparaître n'atteignent en rien le caractère injurieux des propos tenus; en deuxième lieu, que les juges n'ont écarté, à bon droit, le caractère public de ceux-ci qu'après avoir constaté que MM. c CE et a BE étaient seuls au moment de l'incident; en troisième lieu, que la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 ne traitant des injures que publiques et son article 41 soumettant par principe les poursuites devant les juridictions pénales aux prescriptions du Code de procédure pénale, le jugement retient exactement que le délai particulier de trente jours prévu à l'article 50 de cette loi spéciale pour séparer l'avertissement de la comparution n'est pas applicable à la contravention d'injure non publique ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. c CE, victime de violences légères et partie civile, reproche au jugement une violation de l'article 421 du Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble les articles 455 et 456 du Code de procédure pénale, alors que l'avertissement à prévenu notifié à M. a BE lui reproche des violences légères sur la personne de M. c CE, infractions prévues et punies par les articles 421-1 et 421 du Code pénal, qu'il résulte de ladite prévention que M. a BE a porté, à l'aide d'un cône de Lubeck constituant en l'occurrence une arme par destination, un coup sur la personne de M. c CE, lui ayant occasionné, au vu du certificat médical délivré le jour même, une blessure ayant nécessité un point de suture, que les faits constituent le délit de coups et blessures volontaires relevant de l'article 238 du Code pénal, l'article 421-1 du Code pénal monégasque, visé par la prévention, n'étant que la réplique de l'article R. 624-1 du Code pénal français, et la jurisprudence française écartant la qualification de « violences légères » du moment qu'un coup a été volontairement porté ;

Mais attendu qu'ayant constaté l'absence totale d'incapacité de travail de M. c CE, le tribunal a exactement retenu la compétence du tribunal de simple police par application de l'article 421-1, modifié, du Code pénal ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur l'amende prévue par l'article 502 du code de procédure pénale :

Attendu que la condamnation systématique de la partie qui succombe dans son pourvoi sanctionnant de fait, même indirectement, l'exercice du pourvoi en révision, ne s'accorde pas avec les exigences d l'article 35§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu toutefois qu'eu égard aux circonstances de la cause ci-dessus énoncées, il y a lieu de prononcer une condamnation au paiement de l'amende.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Condamne M. c CE à l'amende et aux dépens.

Composition

Mr Beauvois prem. prés. Mrs Bardi, Lucas, Gridel rap. cons.

Mme Bardy gref. en chef

Me Escaut av. déf.

Note

Cet arrêt rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu par le Tribunal correctionnel statuant comme juridiction d'appel du Tribunal de simple police, le 25 juin 2013.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11854
Date de la décision : 08/01/2014

Analyses

Pénal - Général  - Infractions - Généralités  - Infractions contre les personnes.

InjuresInjures non publiques : application de l'article ° du Code pénal - les propos injurieux ayant été proférés envers une personne - non précédés de provocation hors la présence de tiers - inapplication de la loi n° 1 - 299 du 15 juillet 2005 ne traitant que des injures publiques.


Parties
Demandeurs : CE
Défendeurs : Ministère Public, BE

Références :

article 489 du code de procédure pénale
Code de procédure pénale
25 juin 2013
articles 21 et 15 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005
loi n° 1.299 du 15 juillet 2005
article 35, alinéa 2 de l'ordonnance du 3 juin 2010
article 238 du Code pénal
Code pénal
article 421-1 du Code pénal
articles 421-1 et 421 du Code pénal
article 421 du Code pénal
articles 455 et 456 du Code de procédure pénale
article 466 alinéa 2 du Code de procédure pénale
article 477 du Code de Procédure Pénale
article 502 du code de procédure pénale
article 415-7° du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2014-01-08;11854 ?

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