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10/10/2013 | MONACO | N°12106

Monaco | Cour de révision, 10 octobre 2013, État de Monaco c/ SCS PE. & CIE


Motifs

Pourvoi N° 2012-63 en session

Après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2013

En la cause de :

- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco Ville ; ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant Maître Jacques MOLINIE, avocat aux conseils ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une

part,

Contre :

- La société en commandite simple dénommée « SCS PE. & CIE », dont le siège social est sis à Monaco ...

Motifs

Pourvoi N° 2012-63 en session

Après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2013

En la cause de :

- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco Ville ; ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant Maître Jacques MOLINIE, avocat aux conseils ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- La société en commandite simple dénommée « SCS PE. & CIE », dont le siège social est sis à Monaco X, prise en la personne de son Gérant Commandité Monsieur a. PE., demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 19 juin 2012 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 2 juillet 2012 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe Général, le 27 juillet 2012 par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la SCS PE. & Cie ;

- l'arrêt de la Cour de Révision en date du 20 mars 2013, ayant cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2012 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, dans l'instance opposant la SCS PE. à l'État de Monaco, et renvoyé la cause et les parties à la prochaine session de la Cour de Révision ;

- les conclusions additionnelles déposées au Greffe Général le 17 mai 2013, par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de l'État de Monaco, accompagnées de 2 pièces, signifiées le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées le 19 juin 2013, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SCS PE. & Cie, accompagnées de 4 pièces, signifiées le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 23 juillet 2013, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 24 juillet 2013 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 9 octobre 2013 sur le rapport de M. Jean-Pierre DUMAS, vice-président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Monsieur le Procureur Général;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que, par acte du 28 décembre 2001 intitulé « convention d'occupation précaire », modifié par avenant du 23 avril 2002, l'État de Monaco a concédé à la SCS PE. § Cie (la société PE. ) la jouissance, jusqu'au 30 juin 2008, d'une parcelle de terrain et des constructions qui y sont édifiées, en vue de l'exploitation d'un restaurant ; que, le 30 avril 2008, l'État a notifié à la société PE. un refus de renouveler ladite convention puis a demandé au juge des référés de prononcer son expulsion des lieux ;

Attendu que, par ordonnance du 17 juin 2009, le juge des référés a, au visa de l'article 414 du Code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à référé, au motif qu'il existait une contestation sérieuse dont seul le juge du fond pouvait connaître ;

Attendu que, sur recours de l'État de Monaco, la Cour d'appel, par arrêt du 19 juin 2012, a infirmé cette décision et ordonné l'expulsion de la société PE. ;

Attendu que, le 20 mars 2013, la Cour de révision a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant elle-même, autrement composée, à sa prochaine session utile ;

Attendu que, dans son exploit d'appel et d'assignation en date du 26 juin 2009 et dans ses conclusions déposées les 15 juin 2010 et 29 mars 2011, l'État de Monaco, poursuivant l'infirmation de l'ordonnance de référé, a demandé qu'il soit constaté que la société PE. occupe sans droit ni titre une parcelle de terrain et des constructions relevant du domaine public de l'État et que soit ordonnée son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef, des parcelles et constructions, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ; qu'à l'appui de ces prétentions, il a fait valoir que l'ordonnance du juge des référés a retenu à tort l'existence d'une contestation sérieuse au visa de l'article 34 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les baux commerciaux en opérant une confusion entre les biens du domaine public de l'État, exclus du champ d'application de la loi précitée, et les biens de son domaine privé, que le caractère inaliénable du domaine public, tel qu'énoncé par l'article 33 de la Constitution, empêcherait toute vente ou location des biens qui en dépendent et exclurait l'application des dispositions de la loi n° 490 et que l'occupation sans droit ni titre depuis de longs mois caractériserait par ailleurs l'urgence;

Attendu que, dans ses conclusions déposées les 23 février 2010, 14 décembre 2010 et 27 juin 2011, la société PE. s'est opposée aux prétentions de l'appelant et a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise en l'absence d'urgence et compte tenu de l'existence de contestations sérieuses ; qu'elle a fait valoir que la convention du 28 décembre 2001, modifiée, avait un caractère commercial, que la question de l'application de la loi n° 490 en vertu de son article 34 ne relevait pas de l'appréciation du juge de l'évidence et devait être tranchée par les juges du fond, d'autant qu'il n'était pas établi que les locaux litigieux appartenaient au domaine de l'État, ne s'agissant pas de biens appartenant au domaine public par nature, même si la convention faisait référence à leur domanialité publique; qu'elle a fait observer qu'en droit monégasque le statut des baux commerciaux s'appliquait aux établissements de l'État, qu'ils soient publics ou privés, à condition que le refus de renouvellement corresponde à un intérêt public qui n'était même pas évoqué en l'espèce ; qu'elle a ajouté qu'il ne saurait valablement être soutenu qu'elle serait une occupante sans droit ni titre en l'état du litige soumis aux juridictions du fond quant à la qualification du bail et son renouvellement ;

Attendu que, dans ses conclusions additionnelles déposées le 17 mai 2013, l'État de Monaco expose que, le 28 février 2013, le tribunal de première instance a jugé que la société PE. était occupante sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public et que la Cour de révision, statuant comme juridiction de renvoi après cassation, devait tirer les conséquences de ce jugement en ordonnant l'expulsion de la société PE. ;

Attendu que, dans des conclusions additionnelles déposées le 19 juin 2013, la société PE. fait valoir, à l'appui de sa demande de confirmation de l'ordonnance de référé du 17 juin 2009, qu'ainsi que l'a jugé la Cour de révision dans son arrêt du 20 mars 2013, il existe en l'espèce une contestation sérieuse, exclusive de la compétence du juge des référés, contestation dont est d'ailleurs saisi le juge du fond puisque le jugement du 28 février 2013 dont se prévaut l'État a été frappé d'appel le 18 juin 2013 ; qu'elle soutient encore que l'urgence invoquée par l'État n'existe pas dès lors que la décision par laquelle le ministre d'État avait retiré à M. PE., gérant de la société PE., l'autorisation d'exploiter un restaurant dans les lieux litigieux, avait été suspendue par ordonnance du 23 juillet 2009 puis annulée par le Tribunal suprême le 8 février 2010 ;

Attendu que, par conclusions du 24 juillet 2013, le parquet général s'en est rapporté à la sagesse de la Cour ;

SUR CE, LA COUR :

Attendu qu'aux termes de l'article 414 du Code procédure civile, en cas d'urgence, et en toute matière, le président du tribunal de première instance peut ordonner, en référé, toutes les mesures qui ne préjudicient pas au principal ;

Attendu que, dans la présente instance, la Cour de révision statue comme juridiction de référé ;

Attendu qu'il résulte de l'article 414 précité que la compétence de la juridiction des référés est subordonnée, notamment, à l'existence d'une urgence et à l'absence de contestation sérieuse ; que ces deux conditions sont cumulatives ;

Attendu que l'argument invoqué par l'État, selon lequel le juge du fond s'étant déjà prononcé au sujet de l'absence de droit de la société PE. sur les lieux qu'elle occupe, sa décision s'imposerait au juge des référés qui devrait en tirer la conséquence en ordonnant l'expulsion de cette société, ne saurait prospérer ; qu'en effet, le jugement prononcé le 28 février 2013 n'est pas définitif puisqu'il a été frappé d'appel le 18 juin 2013 et que la Cour d'appel ne s'est pas encore prononcée ;

Attendu, sur l'urgence, que celle-ci n'est pas avérée, d'abord parce que le conflit dure depuis le 30 janvier 2009, date de l'assignation en référé, soit depuis plus de quatre ans, ensuite parce que le litige est déjà soumis à la Cour d'appel statuant au fond et enfin, comme le fait valoir la société PE., parce que la décision administrative interdisant à M. PE., gérant de cette société, d'exploiter un restaurant dans les lieux litigieux a été suspendue puis annulée ;

Attendu, surabondamment, sur l'existence d'une contestation sérieuse qui relèverait de la compétence du juge du fond, qu'il convient d'observer que les positions des parties sont inconciliables et posent des questions qui méritent un examen approfondi ; qu'il s'agit de savoir, en premier lieu si les biens litigieux appartiennent au domaine public ou au domaine privé de l'État, en deuxième lieu si, en cas d'appartenance au domaine privé, la convention d'occupation du 28 décembre 2001, modifiée, aurait un caractère commercial qui permettrait de la requalifier en bail commercial soumis à la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et si, en troisième lieu, au cas d'appartenance au domaine public, il conviendrait de faire application, soit de l'article 33 de la Constitution aux termes duquel, notamment, le domaine public est inaliénable, ce qui interdirait la location, laquelle serait un démembrement du droit de propriété, soit de l'article 34 de la loi susvisée du 24 novembre 1948 de laquelle il résulterait que le refus de renouvellement d'une location d'un établissement appartenant à l'État ne serait possible que s'il correspondait à un intérêt public ; que la solution du litige implique, notamment, d'interpréter deux normes qui peuvent paraître contraires, à savoir l'article 33 de la Constitution et l'article 34 de la loi n° 490 sur les baux commerciaux ;

Attendu qu'il résulte de ces considérations que le litige ne peut relever de la compétence de la juridiction des référés ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance de référé frappée d'appel ;

Se déclare incompétente pour statuer, dans la présente instance, sur les demandes présentées par l'État de Monaco ;

Condamne l'État de Monaco aux dépens dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO,

avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le dix octobre deux mille treize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean-Pierre DUMAS, Vice-Président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Madame Cécile PETIT et Monsieur Guy JOLY, conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12106
Date de la décision : 10/10/2013

Analyses

Aux termes de l'article 414 du Code procédure civile, en cas d'urgence, et en toute matière, le président du tribunal de première instance peut ordonner, en référé, toutes les mesures qui ne préjudicient pas au principal.La décision des juges du fond ne s'impose au juge des référés que si elle est définitive.La compétence de la juridiction des référés est subordonnée, notamment, à l'existence d'une urgence et à l'absence de contestation sérieuse ;Ces deux conditions sont cumulatives. N'étant pas réunies, en l'espèce, le juge des référés n'est pas compétent.

Procédure civile.

Juge des RéférésCompétence - Conditions cumulatives - Urgence et absence de contestation sérieuse.


Parties
Demandeurs : État de Monaco
Défendeurs : SCS PE. & CIE

Références :

loi n° 490 du 24 novembre 1948
ordonnance du 23 juillet 2009
article 34 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
ordonnance du 17 juin 2009
article 33 de la Constitution
article 414 du Code de procédure civile
article 139 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2013-10-10;12106 ?

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