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09/10/2013 | MONACO | N°11843

Monaco | Cour de révision, 9 octobre 2013, M. l SI c/ Ministère Public


Motifs

Pourvoi N°2012-59 Session

JI n°K39/11 Après Cassation

PG n°71 RG 11 pénale

CRI du 15.07.11

COUR DE REVISION

ARRET DU 9 OCTOBRE 2013

En la cause de :

- M. l SI, né le 24 mars 1965 à Rome (Italie),

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

Contre :

- le Ministère Public ;

INTIME,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt

rendu par la chambre du conseil de la Cour d'appel, statuant comme juridiction d'instruction, le 22 juin 2012, signifié le 2 juillet 2012 ;

- l'arrêt de la Cour de Révis...

Motifs

Pourvoi N°2012-59 Session

JI n°K39/11 Après Cassation

PG n°71 RG 11 pénale

CRI du 15.07.11

COUR DE REVISION

ARRET DU 9 OCTOBRE 2013

En la cause de :

- M. l SI, né le 24 mars 1965 à Rome (Italie),

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

Contre :

- le Ministère Public ;

INTIME,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu par la chambre du conseil de la Cour d'appel, statuant comme juridiction d'instruction, le 22 juin 2012, signifié le 2 juillet 2012 ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 20 décembre 2012, cassant et annulant en toutes ses dispositions l'arrêt précité de la Cour d'appel, et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 15 mars 2013 ayant ordonné la réouverture des débats, invité les parties à présenter leurs observations avant le 1er août 2013 et renvoyé l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision ;

- le mémoire d'observations déposé le 31 juillet 2013 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de M. l SI ;

- les observations du Ministère Public en date du 31 juillet 2013 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 2 octobre 2013, sur le rapport de M. Roger BEAUVOIS, premier président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu qu'en exécution d'une commission rogatoire internationale émanant des autorités italiennes, le juge d'instruction monégasque a fait procéder au blocage des comptes bancaires dont M. l SI était titulaire ou bénéficiaire à Monaco ; que par courriers des 21 décembre 2011 et 26 janvier 2012 le conseil de M. l SI a demandé au juge d'instruction de lui délivrer copie de cette commission rogatoire et des procès verbaux en retraçant l'exécution ; que le magistrat saisi a rejeté ces demandes par lettre du 6 février 2012 ; que, sur appel du requérant, la chambre du conseil par arrêt du 22 juin 2012 a déclaré sa demande irrecevable ; que cette décision a été cassée en toutes ses dispositions par arrêt de la cour de révision du 20 décembre 2012 et l'affaire renvoyée à la première session utile de la cour de révision autrement composée ; que par arrêt en date du 15 mars 2013 la Cour de révision a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur une clause de confidentialité invoquée par le Ministère public à l'audience ;

Attendu que M. l SI soutient que l'article 105 du Code de procédure pénale permet à toute personne qui prétend avoir un droit sur un objet placé sous main de justice d'en réclamer la restitution au juge d'instruction et qu'en l'espèce il est en droit de se prévaloir des dispositions dudit article et d'exercer un recours ; que sur sa demande le Ministère public s'est borné à lui communiquer quatre documents mais que ceux-ci ne permettent pas de vérifier la régularité procédurale de la commission rogatoire internationale et qu'il est nécessaire à tout le moins que le requérant dispose de cette commission rogatoire ainsi que des procès verbaux qui en retracent l'exécution, que c'est en ce sens que M. l SI a notamment demandé au magistrat instructeur de lui communiquer les pièces susvisées; que le juge d'instruction a rejeté cette demande aux motifs qu'il n'avait aucune compétence pour délivrer copie d'un dossier dont les investigations ont été ordonnées par un magistrat dont il n'était que le délégué et qu'au surplus la communication d'actes en cours aux parties d'une information judiciaire ne lui semblait pas envisageable en l'état du droit monégasque, sauf à priver de toute efficacité les procédures diligentées sous cette forme ; que M. l SI fait valoir que cette analyse est contraire à la jurisprudence de la chambre du conseil qui admet une compétence limitée au contrôle de la régularité de l'exécution de la commission rogatoire internationale et que ce contrôle ne peut être exercé à défaut d'avoir connaissance des actes de procédure établis à cette occasion ; que l'argument du juge d'instruction tenant à l'impossibilité de communiquer des actes en cours aux parties d'une information judiciaire méconnaît la procédure italienne de caractère accusatoire, les investigations étant menées par le parquet, et ne prend pas en compte les droits de la défense et le principe de la contradiction qui supposent qu'une personne faisant l'objet d'une mesure attentatoire à ses droits et libertés ait la possibilité de critiquer cette mesure dans un débat contradictoire, enfin qu'aucune disposition légale ne vient interdire la transmission des éléments de procédure au défenseur de la personne faisant l'objet d'une commission rogatoire internationale à l'occasion d'un recours fondé sur les dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale ; que M. l SI a demandé en conséquence que soit ordonnée la communication par le Ministère public de l'entier dossier de la commission rogatoire internationale et le renvoi de la cause à telle audience utile à l'effet de lui permettre de prendre connaissance du dossier et de présenter ses moyens à l'appui du recours qu'il a formé ;

Attendu qu'à la suite du renvoi pour réouverture des débats M. l SI a fait valoir par conclusions additionnelles du 31 juillet 2013, qu'il n'avait reçu aucune pièce du Ministère public et que l'existence d'une clause de confidentialité n'était donc pas démontrée, que l'article 204 du Code de procédure pénale, applicable en l'espèce ne prévoyait aucune clause de confidentialité opposable à la personne faisant l'objet d'une commission rogatoire internationale, qu'en tout état de cause une telle clause serait contraire au principe de la contradiction et aux droits de la défense ainsi qu'à l'article 6.1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'enfin la Cour de révision a rendu le 20 décembre 2012 un arrêt ayant force de chose jugée exigeant que soit communiqué à M. l SI l'ensemble des documents sur le fondement desquels avait été décidé le gel de ses avoirs ; qu'en l'absence de cette communication il convient d'ordonner la mainlevée de la mesure de saisie ;

Attendu que par conclusions du 31 juillet 2013 le Ministère public a soutenu que le magistrat monégasque agissant sur délégation des autorités judiciaires italiennes seules ces autorités étaient compétentes pour statuer sur les demandes formulées par M. l SI et qu'il appartenait à celui-ci de solliciter auprès de ces autorités la communication de la commission rogatoire et de ses pièces d'exécution, qu'en outre cette commission rogatoire internationale comportait une clause de confidentialité prévue par l'article 18§20 de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, que la cour européenne des droits de l'homme avait admis qu'une partie des informations recueillies durant une enquête pénale soit gardée secrète et que l'effectivité d'un recours et d'un accès au juge était en l'espèce garantie dès lors que les autorités du pays requérant ont pleine compétence pour statuer sur les demandes de M. l SI ; que dans ses conclusions à l'audience le Ministère public a soutenu que l'application de la clause de confidentialité résultait du principe général de réciprocité ;

SUR CE :

Attendu qu'il n'est pas contesté que M. l SI est titulaire des comptes bancaires saisis en exécution d'une commission rogatoire internationale émanant des autorités italiennes ; que si l'autorité judiciaire monégasque ne peut apprécier le bien fondé de la demande elle a compétence pour se prononcer sur la régularité des mesures d'exécution accomplies dans la Principauté ;

Attendu qu'en vertu de l'article 105 du Code de procédure pénale toute personne qui prétend avoir un droit sur un objet placé sous main de justice peut en réclamer la restitution ;

Attendu que M. l SI est dès lors recevable à demander la mainlevée de la mesure prise à son encontre ce qui implique qu'il puisse avoir connaissance des pièces d'exécution de cette mesure ;

Attendu que pour s'opposer à cette communication le ministère public fait état d'une clause de confidentialité incluse dans la commission rogatoire ; que si les stipulations de l'article 18 § 20 de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée prévoient la faculté pour l'État requérant d'inscrire dans la commission rogatoire une clause de confidentialité, il résulte de l'article 1er de l'ordonnance souveraine n° 605 du 1er août 2006 portant application de cette convention à Monaco que celle ci n'est applicable qu'aux infractions graves punies d'une peine privative de liberté dont le minimum est au moins égal à cinq ans dans la législation monégasque et à certaines infractions de nature transnationale et impliquant un groupe criminel organisé ;

Attendu qu'il n'est pas établi ni même soutenu que la demande concernant M. l SI relève d'une de ces catégories ; qu'il n'est justifié d'aucune autre stipulation conventionnelle ou disposition légale prévoyant qu'une clause de confidentialité soit applicable en l'espèce ; que le principe de réciprocité invoqué à l'audience ne saurait à lui seul faire obstacle à l'application de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors la juridiction de renvoi étant tenue en vertu de l'article 497 du Code de procédure pénale de se conformer à l'arrêt de cassation rendu par la Cour de révision le 20 décembre 2012 il y a lieu de constater, en l'absence d'un fait nouveau justifiant le refus de communication de la commission rogatoire internationale et de ses pièces d'exécution, que ce refus porte atteinte aux droits de la défense et aux règles du procès équitable et qu'en conséquence il convient d'accueillir la demande de mainlevée de la saisie des comptes bancaires de M. l SI sans avoir égard à la régularité des actes d'exécution de la commission rogatoire internationale ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Infirme la décision rendue par le juge d'instruction le 6 février 2012 et statuant à nouveau :

Ordonne la mainlevée de la saisie des comptes bancaires de M. l SI pratiquée en exécution de la commission rogatoire internationale des autorités italiennes ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Composition

Mr Beauvois prem. prés. rap.

Mme Petit, Mrs Badi et Renucci cons.

Mme Bardy gref. en chef

Me Michel av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11843
Date de la décision : 09/10/2013

Analyses

Procédure pénale - Général.

Commission rogatoire internationaleSaisie conservatoire - Juge d'instruction monégasque ayant exécuté la commission rogatoire des autorités italiennes - ordonnant la saisie de comptes bancaires - déclarant par courrier ne pas avoir compétence pour délivrer au saisi copie de ladite commission rogatoire et des procès verbaux d'exécution - d'où appel de l'intéressé - Arrêt de la Chambre du Conseil déclarant recevable l'appel - mais irrecevable la demande de pièces d'exécution - celles-ci ayant été retournées à l'autorité mandante - Arrêt de renvoi de la Cour de Révision - après cassation et annulation de l'arrêt de la Chambre du Conseil : Recevabilité de la demande en restitution en vertu de l'article 105 du Code de procédure pénale - impliquant d'avoir connaissance des pièces d'exécution refusées à tort - l'existence invoquée d'une clause de confidentialité (prévu par l'article 18 § 20 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale) n'étant pas applicable au cas d'espèce - à défaut d'être justifiée : le refus de communication des pièces demandées - portant atteinte aux droits de la défense et aux règles du procès équitable instaurée par l'article 6 § 1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales - Main levée des comptes bancaires ordonnée en conséquence.


Parties
Demandeurs : M. l SI
Défendeurs : Ministère Public

Références :

article 1er de l'ordonnance souveraine n° 605 du 1er août 2006
article 105 du Code de procédure pénale
article 204 du Code de procédure pénale
article 497 du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2013-10-09;11843 ?

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