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09/10/2013 | MONACO | N°11633

Monaco | Cour de révision, 9 octobre 2013, S. L. c/ Ministère public


Motifs

Pourvoi N°2012-37 en session

Apres cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2013

En la cause de :

- Mme S. L., née le 16 septembre 1958, de nationalité finlandaise, administratrice de sociétés, demeurant X à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

Contre :

- Le Ministère Public ;

INTIME,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rend

u le 13 février 2012 par la Cour d'appel, statuant en chambre du conseil civile ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 9 octobre 2012, cassant et annulant en t...

Motifs

Pourvoi N°2012-37 en session

Apres cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2013

En la cause de :

- Mme S. L., née le 16 septembre 1958, de nationalité finlandaise, administratrice de sociétés, demeurant X à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

Contre :

- Le Ministère Public ;

INTIME,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 13 février 2012 par la Cour d'appel, statuant en chambre du conseil civile ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 9 octobre 2012, cassant et annulant en toutes ses dispositions l'arrêt précité de la Cour d'appel, et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 20 mars 2013 ayant ordonné la réouverture des débats, invité les parties à présenter leurs observations avant le 1er août 2013 et renvoyé l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision autrement composée ;

- le mémoire d'observations déposé le 31 juillet 2013 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Mme S. L. ;

- le mémoire d'observations déposé le 1er octobre 2013 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Mme S. L. ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 2 octobre 2013, sur le rapport de M. Jean-François RENUCCI, conseiller,

Après avoir entendu le conseil de la partie demanderesse ;

Ouï le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que par ordonnance du 3 juillet 2009, le président du Tribunal de première instance statuant en application de l'article 9 de l'ordonnance n°15.457 du 9 août 2002 relative à la compétence internationale en matière de saisie et de confiscation dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, a ordonné la saisie conservatoire des avoirs détenus par Mme S. L., soit par elle-même, soit pour le compte de la SAM SILANT DEVELOPMENT auprès de la BSI Monaco, la Compagnie monégasque de banque, la SG Private Banking et la HSBC, et ce pour une période de deux ans en exécution d'une commission rogatoire et de son complément émanant des autorités finlandaises des 6 mars et 22 avril 2009 ; qu'à la suite d'un message d'Interpol du 18 juillet 2011 adressé aux autorités monégasques et demandant le renouvellement de ladite mesure conservatoire, le procureur général a saisi le président de la même juridiction à cette fin par requête du 20 juillet 2011; que par ordonnance du 22 juillet 2011, le président du Tribunal de première instance a constaté que la demande de renouvellement était hors délai et, à la demande du Ministère public, a ordonné une nouvelle mesure de gel des avoirs détenus sur les mêmes comptes tout en autorisant la Compagnie monégasque de banque à effectuer sur le compte personnel de Mme S. L. le règlement de certaines dépenses courantes ; que par ordonnance du 7 octobre 2011, le président du Tribunal de première instance a rejeté les demandes de Mme S. L. et a déclaré régulière en la maintenant en ses effets l'ordonnance de gel conservatoire de ses avoirs.

Attendu que, sur pourvoi de Mme S. L., la Cour de révision a, par arrêt du 9 octobre 2012, cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel du 13 février 2012, renvoyant la cause et les parties à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée ; que l'affaire a été appelée à l'audience du 12 mars 2013 ; que le Ministère public ayant invoqué dans ses conclusions orales une clause de confidentialité incluse dans la commission rogatoire internationale, la Cour de révision a, par arrêt du 20 mars 2013, ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de prendre connaissance de cette clause et de s'expliquer sur sa portée ;

Attendu que la Cour de révision, statuant comme juridiction de renvoi, se trouve en l'état de l'ordonnance du 7 octobre 2011, des conclusions initiales des parties et de leurs conclusions additionnelles ;

Attendu que dans ses conclusions initiales, Mme S. L. demande à la Cour d'appel de :

Dire et juger qu'il y a eu violation de 1'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment du fait du refus de la délivrance des éléments de preuve sollicités par la requérante et de la production d'écritures émanant du ministère public non communiquées à la requérante et directement adressées à Mme la présidente du Tribunal en violation du principe du contradictoire,

Reformer en toutes ses dispositions l'Ordonnance rendue le 7 octobre 2011.

Et statuant à nouveau :

Ordonner une communication à la requérante d'une copie de l'entier dossier de la commission rogatoire internationale qui a abouti à la saisie conservatoire des avoirs de la requérante en Principauté,

Ordonner une communication à la requérante d'une copie de la requête transmise par Interpol en date du 18 juillet 2011 sollicitant le maintien du blocage des comptes visés,

Dire et juger que la police finlandaise n'est pas une autorité judiciaire au sens du droit monégasque et des instruments internationaux sur lesquels se fonde la demande d'assistance,

Constater que le ministère public était irrecevable à agir hors du délai de deux années qui s'est achevé le 3 juillet 2011,

Constater que l'Ordonnance présidentielle du 25 juillet 2011 a été rendue en violation de 1'article 3-2 de l'Ordonnance n° 15.457,

Dire et juger que le ministère public et la police finlandaise ne sont plus admissibles à présenter une nouvelle demande de saisie conservatoire en vertu de l'article 3 de l'Ordonnance n° 15.457 tant que des investigations portant sur des faits similaires seront menées en Principauté,

Constater l'irrégularité de la saisie pratiquée dans le cadre de l'Ordonnance n° 15/457 ensuite des réquisitions du ministère public du 20 juillet 2011,

Dire et juger qu'il y a eu violation de l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée en application de l'Ordonnance n°15.457 ;

Condamner tout contestant aux entiers dépens.

Attendu que, dans ses conclusions additionnelles déposées le 2 août 2013, Mme S. L. fait valoir trois observations :

qu'aucun mémoire contenant les observations du Ministère public ne lui est parvenu alors même que le moyen que les parties ont été amenées à discuter a été soulevé par le Procureur général ;

qu'a titre subsidiaire, l'article 7 § 14 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 2008 est inapplicable en l'espèce ; que si l'article 33 de la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990 prévoit que la partie requérante peut demander à la partie requise de conserver confidentielles la demande et sa teneur, cet article ne permet en aucun cas de déroger aux règles du droit interne de la partie requise qui a la possibilité de ne pas se conformer à cette condition de confidentialité à charge pour elle d'en informer la partie requérante ;

que dans son arrêt du 9 octobre 2012, la Cour de révision a jugé que le respect des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales exigeait que fussent communiqués à Mme S. L. tous les documents sur le fondement desquels avait été décidé le gel de ses avoirs.

Sur ce la Cour,

Attendu qu'il résulte des conclusions du Ministère public que la commission rogatoire internationale concernant la saisie des comptes bancaires de Mme S. L. comportait une clause de confidentialité ; que la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990, rendue exécutoire par l'Ordonnance n° 14.452 du 8 août 2002 et visée par l'Ordonnance n° 15.457 du 9 août 2002, précise en son article 33 : «La Partie requérante peut exiger de la Partie requise qu'elle garde confidentielles la demande et sa teneur, sauf dans la mesure nécessaire pour y faire droit. Si la Partie requise ne peut pas se conformer à cette condition de confidentialité, elle doit en informer la Partie requérante dans les plus brefs délais»; qu'en l'espèce les autorités de l'Etat dont émanait la commission rogatoire n'ont pas été informées de l'impossibilité de satisfaire à la clause de confidentialité; que dès lors cette clause est applicable ;

Attendu que l'arrêt de cassation rendu par la Cour de révision le 9 octobre 2012 a sanctionné, au visa de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un rejet de la demande de communication des pièces réclamées, fondé uniquement sur le dessaisissement du juge monégasque en raison du retour de ces documents à l'autorité mandante et sur le fait que Mme S. L. avait elle-même versé aux débats une copie de l'un de ces documents; qu'a l'audience de la juridiction de renvoi, le Ministère public a excipé de la clause de confidentialité incluse dans la commission rogatoire émanant des autorités requérantes s'opposant à toute communication des pièces de la procédure; que l'existence d'une telle clause constitue une circonstance étrangère au point de droit tranché par l'arrêt de cassation du 9 octobre 2012; qu'elle fait obstacle à la demande de Mme S. L. tendant à

obtenir la communication de la requête transmise par Interpol le 18 juillet 2011 ainsi que de la commission rogatoire internationale tendant au renouvellement de la saisie conservatoire précédemment ordonnée ; que si le défaut de communication de pièces constitue une ingérence de l'Etat dans les droits garantis par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits

de l'homme et des libertés fondamentales, cette ingérence est licite puisque prévue par la loi et proportionnelle au but légitime poursuivi ;

Attendu qu'il n'est pas établi que Mme S. L. soit privée du droit de saisir les autorités judiciaires finlandaises de sa demande en mainlevée de la saisie ;

Attendu que le grief tiré de la violation de l'article 1er du Protocole n°1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans objet, ces dispositions n'étant pas applicables dès lors que la Principauté n'a pas ratifié ce Protocole ;

Attendu que les autorités judiciaires au sens de la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime sont librement déterminées par les Etats signataires au moment de sa ratification ;

Attendu qu'aucune disposition de l'ordonnance n° 15.457 n'interdit d'exécuter sur le territoire monégasque une seconde mesure conservatoire, sauf s'il est établi que le propriétaire des biens ignorait l'origine ou l'utilisation frauduleuse des biens saisis ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu enfin qu'il n'est pas établi, ainsi que l'a relevé le premier juge, que les faits sur lesquels enquête l'autorité finlandaise seraient identiques à ceux commis en Principauté; qu'il s'ensuit que l'article 3-2 de l'Ordonnance n° 15.457 du 9 août 2002 n'est pas applicable ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Substitués à ceux des premiers juges,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il déclare régulière l'ordonnance de gel conservatoire des avoirs ordonnée par l'ordonnance du 22 juillet 2011 et la maintient en ses effets,

Laisse les dépens à la charge de Mme S. L.

Composition

Ainsi délibéré et jugé le neuf octobre deux mille treize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile PETIT, Conseiller faisant fonction de Président, Messieurs Guy JOLY et Jean-François RENUCCI, Chevalier de l'ordre de Saint-Charles, rapporteur, Conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11633
Date de la décision : 09/10/2013

Analyses

L'arrêt de cassation rendu par la Cour de révision le 9 octobre 2012 a sanctionné, au visa de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un rejet de la demande de communication des pièces réclamées, fondé uniquement sur le dessaisissement du juge monégasque en raison du retour de ces documents à l'autorité mandante et sur le fait que Mme S.L. avait elle-même versé aux débats une copie de l'un de ces documents;À l'audience de la juridiction de renvoi, le Ministère public a excipé de la clause de confidentialité incluse dans la commission rogatoire émanant des autorités requérantes s'opposant à toute communication des pièces de la procédure ;L'existence d'une telle clause qui constitue une circonstance étrangère au point de droit tranché par l'arrêt de cassation du 9 octobre 2012, fait obstacle à la demande tendant à obtenir la communication de la requête transmise par Interpol ainsi que de la commission rogatoire internationale tendant au renouvellement de la saisie conservatoire précédemment ordonnée ;Si le défaut de communication de pièces constitue une ingérence de l'État dans les droits garantis par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette ingérence est licite puisque prévue par la loi et proportionnelle au but légitime poursuivi ;Il n'est pas établi que Mme S.L. soit privée du droit de saisir les autorités judiciaires finlandaises de sa demande en mainlevée de la saisie ;Le grief tiré de la violation de l'article 1er du Protocole n°1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans objet, ces dispositions n'étant pas applicables dès lors que la Principauté n'a pas ratifié ce Protocole ;Les autorités judiciaires au sens de la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime sont librement déterminées par les États signataires au moment de sa ratification ;Aucune disposition de l'ordonnance n° 15.457 n'interdit d'exécuter sur le territoire monégasque une seconde mesure conservatoire, sauf s'il est établi que le propriétaire des biens ignorait l'origine ou l'utilisation frauduleuse des biens saisis ;Il n'est pas établi, ainsi que l'a relevé le premier juge, que les faits sur lesquels enquête l'autorité finlandaise seraient identiques à ceux commis en Principauté ;Il s'ensuit que l'article 3-2 de l'Ordonnance n° 15.457 du 9 août 2002 n'est pas applicable.

Procédure pénale - Exécution.

Commissions rogatoires internationalesConvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme - Protocole additionnel - Saisie conservatoire - Régularité - Conditions.


Parties
Demandeurs : S. L.
Défendeurs : Ministère public

Références :

article 9 de l'ordonnance n°15.457 du 9 août 2002
Ordonnance n° 14.452 du 8 août 2002
article 3-2 de l'Ordonnance n° 15.457 du 9 août 2002
Ordonnance n° 15.457 du 9 août 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2013-10-09;11633 ?

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