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23/03/2012 | MONACO | N°8710

Monaco | Cour de révision, 23 mars 2012, LA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, c/ La SAM ARTS ET COULEURS


Motifs

Pourvoi N° 2011-41 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 23 MARS 2012

En la cause de :

- LA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, société anonyme coopérative de Banque Populaire, dont le siège est X..., poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration, Monsieur B. F., domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître LEVIS, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et par Maître

Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS ;

Demanderesse en révision,

d'une part,

Contre :

- La SAM ...

Motifs

Pourvoi N° 2011-41 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 23 MARS 2012

En la cause de :

- LA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, société anonyme coopérative de Banque Populaire, dont le siège est X..., poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration, Monsieur B. F., domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître LEVIS, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et par Maître Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS ;

Demanderesse en révision,

d'une part,

Contre :

- La SAM ARTS ET COULEURS, dont le siège social est Y... prise en la personne de son Président Délégué Monsieur A. P., domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Philippe BLONDEL, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Défenderesse en révision,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 5 avril 2011 par la Cour d'appel, signifié le 14 avril 2011 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 12 mai 2011, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SA BANQUE POPULAIRE DE LA COTE D'AZUR NICE ARENAS, signifiée le 10 juin 2012 ;

- le récépissé délivré par la caisse des dépôts et consignations sous le n° 40724, en date du 11 mai 2011 attestant de la remise par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la demanderesse de la somme de 300 euros au titre de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête à l'appui du pourvoi, déposée au greffe général le 10 juin 2011, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, accompagnée de 40 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre requête, déposée au greffe général le 8 juillet 2011, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM ARTS ET COULEURS, accompagnée de 12 pièces, signifiée le même jour ;

- la réplique déposée au greffe général le 25 juillet 2011, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, accompagnée de 2 pièces, signifiée le même jour ;

- la duplique, déposée au Greffe Général le 28 juillet 2011, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM ARTS ET COULEURS, signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 5 septembre 2011, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du ministère public en date du 6 septembre 2011 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du lundi 12 mars 2012 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre DUMAS, conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le ministère public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'au début de l'année 1980, la Banque Populaire de la Côte d'Azur (la banque), dont le siège social est à Nice, a consenti divers concours à la société anonyme monégasque Arts et Couleurs (la société), qui exerce en Principauté de Monaco une activité d'édition, reproduction d'art, sérigraphie couleurs au pochoir et de diffusion, puis, par acte authentique daté des 4 et 9 août 1993, un prêt d'un montant de 3.500.000 francs destiné à permettre un remboursement définitif des encours ; qu'estimant que les financements mis en place, sans contrat écrit préalable, avaient entraîné le paiement d'une somme globale de 15.000.000 de francs d'agios au cours d'une période comprise entre 1980 et 1997, la société a saisi le magistrat des référés d'une demande d'expertise tendant à déterminer la responsabilité de la banque dans l'aggravation de sa situation financière ; que, par ordonnance du 5 juillet 1999, le président du tribunal de première instance de Monaco a confié une mission d'expertise à M. Colombani ; que, par jugement du 9 janvier 2003, le tribunal de première instance a, notamment, déclaré prescrite les actions fondées sur la stipulation d'intérêts litigieux et tendant à l'annulation du prêt, dit que l'assignation en référé du 30 septembre 1998 était interruptive de prescription au regard de la loi de fond française, déclaré que l'action en responsabilité dirigée contre la banque pouvait être valablement exercée pour la période non couverte par la prescription décennale comprise entre le 30 septembre 1988 et le 30 septembre 1998, dit que la banque avait gravement manqué à ses obligations de conseil et de prudence envers la société au cours des années 1988 à 1993, déclaré la banque tenue de réparer le préjudice occasionné à la société de 1988 à 1993 par ces manquements à concurrence de la somme de 1.900.000 euros du fait de la violation par la banque de son obligation de conseil, dit la banque créancière de la société d'une somme de 1.357.794,58 euros représentant le solde d'un prêt en principal et intérêts qu'elle lui a consenti le 9 août 1993, outre les intérêts au taux conventionnel du 12 avril 2002 jusqu'au 9 janvier 2003, ordonné la compensation entre ces créances respectives, condamné la banque à payer à la société le solde de la compensation dégagé en faveur de cette société augmenté des intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonné l'exécution provisoire de celui-ci ; que, par arrêt du 5 avril 2011, la cour d'appel, saisie par la banque, a, notamment, constaté que les parties s'accordaient à reconnaître que la loi française avait vocation à régir les relations entre les parties et donc le fond du litige, mais également le mode d'extinction des droits en cause et notamment les nullités et prescriptions encourues et confirmé le jugement entrepris de ce chef, réformé ce jugement en ce qu'il avait évalué à 1.900.000 euros le préjudice occasionné par la banque à la société par suite des manquements à ses obligations de conseil et de mise en garde au cours des années 1988 à 1993, statuant à nouveau, évalué à 6.000.000 d'euros l'entier préjudice subi à ce titre par la société du chef de la banque, condamné la banque au paiement de cette somme à la société, et confirmé pour le surplus le jugement entrepris en toutes ses disposition ; que la banque s'est pourvue en révision contre cet arrêt ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches ;

Attendu que la banque reproche à l'arrêt de réformer le jugement en ce qu'il avait évalué à 1.900.000 euros le préjudice qu'elle a occasionné à la société par suite des manquements à ses obligations de conseil et de mise en garde au cours des années 1988 à 1993 et, statuant à nouveau, d'évaluer à 6.000.000 d'euros l'entier préjudice subi à ce titre par la société du chef de la banque, et de condamner celle-ci au paiement de cette somme à la société, alors, selon le pourvoi, de première part, qu'en ne recherchant pas la teneur du droit positif français compétent quant à l'appréciation du caractère usuraire d'une opération de crédit, telle qu'elle résulte des textes et de la jurisprudence qui s'y rapporte, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ; alors, de deuxième part, qu'en statuant comme elle a fait, sans répondre à aucun des moyens de la requérante contestant le caractère prétendument usuraire des TEG litigieux, la cour d'appel a violé l'article 199,4 du code de procédure civile ; alors, de troisième part, qu'en prétendant que les conclusions de l'expert M. Colombani quant au caractère prétendument usuraire des TEG litigieux n'auraient pas été démenties, quand la requérante contestait point par point le calcul de l'expert M. Colombani des TEG litigieux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la requérante et violé l'article 989 du code civil ; alors, de quatrième part, qu'en se bornant à considérer que l'expert M. Colombani aurait noté que les TEG litigieux auraient été usuraires, sans examiner le rapport d'expertise de M. Bernard Camblain, expert financier près la cour d'appel de Paris régulièrement versé au débat et soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé l'article 199, 4 du code de procédure civile, ensemble le principe du contradictoire, garanti par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; alors, enfin, qu'en considérant d'une part que la période antérieure à septembre 1988 était couverte par la prescription pour apprécier d'autre part le caractère usuraire des TEG litigieux au regard d'opérations antérieures à septembre 1988, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 199, 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir décidé que le préjudice certain et direct lié au seul manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde devait être réparé, la cour d'appel n'avait pas à se prononcer sur le caractère prétendument usuraire du taux d'intérêt appliqué ; que le moyen est dès lors inopérant ;

Mais sur le deuxième moyen ;

Vu l'article 3 du code civil ;

Attendu que, pour décider que la banque a manqué à son obligation de mise en garde de la société, l'arrêt retient que celle-ci, qui est une personne morale professionnelle de l'édition d'art et d'ouvrages de valeur ne saurait en l'espèce revêtir la qualité d'emprunteur averti lorsqu'il est constaté que ses dirigeants ont laissé ponctionner pendant tant d'années des intérêts usuraires sur le compte ouvert dans les livres de la banque, ce qui démontre à l'évidence de leur part une méconnaissance certaine des règles du droit bancaire ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans indiquer quel était le contenu du droit positif français sur lequel elle se fondait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi

- Casse et annule l'arrêt rendu entre les parties le 5 avril 2011 par la Cour d'appel, mais seulement en ce qu'il condamne la Banque Populaire de la Côte d'Azur au paiement de la somme de 6.000.000 d'euros à la société Arts et Couleurs en réparation de l'entier préjudice subi par cette société par suite des manquements commis par la banque à son obligation de conseil et de mise en garde au cours des années 1988 à 1993 et ordonne la compensation entre cette somme et la créance de la Banque Populaire de la Côte d'Azur sur la société Arts et Couleurs au titre du solde débiteur de son prêt de 1993 ;

- Renvoie la cause et les parties à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée ;

- Ordonne la restitution à la Banque Populaire de la Côte d'Azur de la somme qu'elle a consignée ;

- Condamne la société anonyme monégasque Arts et Couleurs aux dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Didier Escaut, avocat défenseur, sous sa due affirmation.,

Composition

Ainsi jugé et prononcé le vingt-trois mars deux mille douze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean APOLLIS, Premier Président, Commandeur de l'ordre de Saint-Charles, Monsieur Jean-Pierre DUMAS, conseiller, rapporteur, Chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Monsieur Charles BADI, conseiller, et Monsieur Guy JOLY, conseiller, en présence de Monsieur Jean-Pierre DRENO, procureur général, assistés de Madame Béatrice BARDY, greffier en chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.-

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 8710
Date de la décision : 23/03/2012

Analyses

Pour décider que la banque a manqué à son obligation de mise en garde de la société, l'arrêt retient que celle-ci, qui est une personne morale professionnelle de l'édition d'art et d'ouvrages de valeur ne saurait en l'espèce revêtir la qualité d'emprunteur averti lorsqu'il est constaté que ses dirigeants ont laissé ponctionner pendant tant d'années des intérêts usuraires sur le compte ouvert dans les livres de la banque, ce qui démontre à l'évidence de leur part une méconnaissance certaine des règles du droit bancaire ;En se déterminant ainsi, sans indiquer quel était le contenu du droit positif français sur lequel elle se fondait, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 du Code civil.

Banque - finance - Général  - Responsabilité (Banque - finance).

BanqueApplication du droit français  - Absence de base légale : acceptation des taux usuraires pratiqués par la banque pour l'obtention de crédit - calcul de la réparation de l'entier préjudice par compensation - Responsabilité de la banque engagée envers le client non averti.


Parties
Demandeurs : LA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR,
Défendeurs : La SAM ARTS ET COULEURS

Références :

article 199,4 du code de procédure civile
article 3 du Code civil
ordonnance du 5 juillet 1999
article 989 du code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2012-03-23;8710 ?

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