La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2011 | MONACO | N°7564

Monaco | Cour de révision, 14 octobre 2011, M. j-v. PA. c/ la Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco, SBM


Motifs

Pourvoi N°2010-64 en session

COUR DE REVISION

ARRET DU 14 OCTOBRE 2011

En la cause de :

- Monsieur j-v. PA., né le 21 septembre 1968 à MONACO, de nationalité monégasque, demeurant « Y », X à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Denis GARREAU, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, substitué par Maître FACCENDINI, avocat au Barreau de Nice ;

Appelant,

d'une part,

Contre :

- La S

ociété Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers à Monaco, SBM, dont le siège social se trouve place du Casino, 9800...

Motifs

Pourvoi N°2010-64 en session

COUR DE REVISION

ARRET DU 14 OCTOBRE 2011

En la cause de :

- Monsieur j-v. PA., né le 21 septembre 1968 à MONACO, de nationalité monégasque, demeurant « Y », X à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Denis GARREAU, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, substitué par Maître FACCENDINI, avocat au Barreau de Nice ;

Appelant,

d'une part,

Contre :

- La Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers à Monaco, SBM, dont le siège social se trouve place du Casino, 98000 MONACO, prise en la personne de son président en exercice, Monsieur j-l. BI., y demeurant en cette qualité ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Frédéric THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Intimée,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 13 avril 2010 par la cour d'appel, signifié le 3 mai 2010 ;

- l'arrêt de la Cour de Révision du 30 mars 2011, cassant et annulant en toutes ses dispositions l'arrêt précité de la Cour d'appel, et renvoyant l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision ;

- les conclusions additionnelles déposées le 20 mai 2011 au greffe général, par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de M. j-v. PA., signifiée le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées le 28 juin 2011 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIETE DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ETRANGERS, signifiée le même jour ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 10 octobre 2011, sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, conseiller ;

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le ministère public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que la société des bains de mer et du cercle des étrangers (la SBM) a conçu sans discontinuer, de 1989 jusqu'en 2005, des contrats d'assurance par l'intermédiaire de la société Samcar Jutheau et r. HU. (la société Samcar) dans laquelle M. r. HU., également administrateur de la SBM, avait des intérêts; qu'à la suite de la tenue de l'assemblée générale annuelle de la SBM du 24 septembre 2004, M. j-v. PA., actionnaire de cette société, a adressé au président du conseil d'administration une lettre dans laquelle il a sollicité des précisions sur la nature, l'objet et les conditions essentielles des conventions visées dans le rapport du conseil d'administration et en particulier sur les contrats d'assurance précités ; qu'en l'absence de réponse précise, il a fait délivrer une sommation interpellative à la SBM lui demandant de lui communiquer l'ensemble des conventions conclues par elle avec la société Samcar, l'ensemble des résolutions des assemblées générales de la SBM ayant autorisé préalablement la passation des conventions liant la SBM à la société Samcar, l'ensemble des rapports des commissaires aux comptes de la SBM en vue de la tenue des assemblées générales successives concernant le contrôle de chacune des conventions conclues par la SBM avec la société Samcar, l'ensemble des comptes-rendus spéciaux présentés lors des assemblées générales de la SBM concernant les conventions conclues entre cette dernière et la société Samcar; que n'ayant pas obtenu la communication de ces documents, M. j-v. PA. a, par lettre recommandée AR, demandé une nouvelle fois le détail de ces conventions conclues entre la SBM et l'un de ses administrateurs ; que cette demande n'a reçu aucune réponse; que, lors de l'assemblée générale annuelle de la SBM tenue le 23 septembre 2005, M. j-v. PA. indique avoir voté contre l'ensemble des projets de résolution soumis au vote et notamment contre la 6e résolution par laquelle l'assemblée générale devait approuver les opérations réalisées au cours de l'exercice 2004/2005 entrant dans le champ d'application de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895 et de l'article 20 des statuts ;

Attendu que M. j-v. PA. a assigné la SBM devant le tribunal de première instance aux fins de voir prononcer l'annulation de la 6e résolution de l'assemblée générale de la SBM du 23 septembre 2005, de dire que les conventions conclues entre la SBM et la société Samcar l'ont été en violation des prescriptions de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895, d'en voir prononcer la nullité et d'obtenir la condamnation de la SBM à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi; que par la suite M. j-v. PA. a dans ses écritures ultérieures renoncé à solliciter l'annulation des conventions litigieuses pour se borner à demander au tribunal de dire et juger qu'elles sont intervenues en violation de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895; que, par jugement du 19 mars 2009, le tribunal de première instance a déclaré M. j-v. PA. recevable en ses demandes mais l'a débouté de ses prétentions ; que, sur appel de M. j-v. PA., la cour d'appel l'a, par arrêt du 13 avril 2010, déclaré irrecevable en ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que, par arrêt du 30 mars 2011, la Cour de révision, a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel et renvoyé la cause et les parties à la première session de la Cour de révision autrement composée ; que par conclusions additionnelles, déposées en vertu de l'article 459-3 du Code de procédure civile, M. j-v. PA. a conclu à la confirmation du jugement du tribunal de première instance du 19 mars 2009 en ce qu'il a jugé son action recevable et à sa réformation en ce qu'il l'a débouté de ses demandes ; qu'il invoque la méconnaissance de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895 et demande l'annulation des conventions auxquelles M. r. HU. était directement ou indirectement intéressé ainsi que l'annulation de la 6e résolution de l'assemblée générale du 23 septembre 2005; qu'il sollicite la condamnation de la SBM à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, le débouté de la SBM de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation aux dépens ;

Attendu que la SBM conclut à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet de ces demandes ainsi qu'à l'allocation d'une somme de 25.000 euros à titre d'indemnité ;

SUR CE,

Sur la demande visant à obtenir la nullité des conventions auxquelles M. r. HU. était directement ou indirectement intéressé

Attendu qu'il résulte de l'article 431, alinéa 2 du Code de procédure civile qu'en cause d'appel les parties «ne peuvent former aucune demande nouvelle, à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale»; que si M. j-v. PA. avait formé une telle demande en nullité dans l'acte introductif d'instance par lequel il avait saisi les premiers juges, il y a par la suite renoncé, de sorte que cette demande n'a pas été soumise au tribunal de première instance et qu'elle présente un caractère de nouveauté qui interdit de la former en cause d'appel; qu'il y a lieu de déclarer cette demande irrecevable ;

Sur la demande visant à obtenir l'annulation de la 6e résolution de l'assemblée générale du 23 septembre 2005

Attendu que la SBM conteste la recevabilité d'une telle demande en ce que l'actionnaire qui la forme serait concurrent de la société Samcar et serait moins habité du souci de défendre l'intérêt social de la SBM que de faire prévaloir son intérêt personnel d'intermédiaire en assurance sur celui de son concurrent, la société Samcar ;

Mais attendu qu'un actionnaire a un intérêt légitime à contester la régularité des délibérations sociales adoptées au mépris d'une règle d'ordre public destinée à assurer la préservation de l'intérêt social ; que pris en sa qualité d'actionnaire de la SBM, M. j-v. PA. a qualité et intérêt à contester les conditions dans lesquelles ont été adoptées les délibérations de l'assemblée de cette société ; qu'il y a lieu de déclarer recevable son action à ce titre ;

Attendu qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895, « il est interdit aux administrateurs de prendre ou de conserver un intérêt direct ou indirect dans une entreprise ou dans un marché faits avec la société ou pour son compte, à moins qu'ils n'y soient autorisés par l'assemblée générale. Il est, chaque année, rendu à l'assemblée générale, un compte spécial de l'exécution des marchés ou entreprises par elles autorisés aux termes du paragraphe précédent »; que les dispositions de ce texte ont été reproduites à l'article 20 des statuts de la SBM ; que la 6e résolution de l'assemblée générale du 23 septembre 2005 énonce que « L'assemblée générale approuve les opérations réalisées au cours de l'exercice 2004/2005 qui entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895 et de l'article 20 des statuts. Elle renouvelle aux membres du conseil d'administration l'autorisation de traiter personnellement ou ès qualités avec la société dans les conditions desdits articles » ;

Attendu qu'en ce qu'elle renouvelle aux administrateurs l'autorisation de traiter avec la société, cette résolution ne satisfait pas aux exigences de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895 qui impose une autorisation spéciale donnée à chaque administrateur pour chaque opération soumise aux dispositions de ce texte, sur laquelle les actionnaires ne peuvent prendre parti que s'ils ont reçu une information suffisamment précise leur permettant d'apprécier la conformité à l'intérêt social de cette opération ainsi que les risques de conflit d'intérêts de la part de l'administrateur intéressé; qu'en se bornant à renouveler aux membres du conseil d'administration l'autorisation de traiter personnellement ou ès qualités avec la société sans indiquer quel administrateur se trouvait ainsi autorisé et sans préciser pour quelle opération il l'était ni à quelles conditions, l'assemblée n'a pas régulièrement accordé l'autorisation légalement requise et n'a pas respecté les dispositions d'ordre public de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895, ce qui justifie l'annulation de la résolution ainsi votée; le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. j-v. PA. de cette demande ;

Sur la réparation du préjudice de M. j-v. PA.

Attendu que M. j-v. PA. sollicite l'allocation de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en fondant sur l'article 1229 du Code civil une demande de réparation du préjudice que lui a occasionné à titre personnel la faute ayant consisté pour la SBM à contracter en toute connaissance de cause avec une société contrôlée par l'un de ses administrateurs sans autorisation régulière de l'assemblée générale ;

Attendu toutefois que ce préjudice est seulement allégué et que M. j-v. PA. ne rapporte la preuve ni de l'existence, ni de la nature d'un préjudice qui serait résulté pour lui de l'irrégularité de la résolution litigieuse ; que sa demande à ce titre sera rejetée ;

Sur la réparation du préjudice de la SBM

Attendu que la SBM sollicite le paiement d'une indemnité de 25.000 euros ; que cette demande, qui n'est fondée sur l'invocation d'aucune faute qu'aurait commise M. j-v. PA. et d'aucun préjudice qui aurait été occasionné à cette société, sera rejetée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

* Confirme le jugement du tribunal de première instance du 19 mars 2009 en ce qu'il a jugé recevable l'action de M. j-v. PA. sauf en ce qu'elle vise à obtenir l'annulation des conventions auxquelles M. r. HU. était intéressé ; le réforme pour le surplus ;

* Déclare irrecevable la demande, formée par M. j-v. PA., tendant à l'annulation des conventions auxquelles M. r. HU. était intéressé ;

* Annule la 6e résolution de l'assemblée générale de la SBM du 23 septembre 2005 ;

* Déboute tant M. j-v. PA. que la SBM de leur demande de dommages et intérêts ;

* Condamne la SBM aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Mme le bâtonnier Evelyne Karczag-Mencarelli ;

* Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Composition

Ainsi jugé et prononcé le quatorze octobre deux mille onze par la Cour de Révision composée de Monsieur Jean APOLLIS, premier président, commandeur de l'ordre de Saint-Charles, Madame Cécile PETIT, conseiller et Monsieur François-Xavier LUCAS, conseiller, rapporteur en présence de Monsieur Jean-Pierre DRÉNO Procureur général, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-charles.-

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7564
Date de la décision : 14/10/2011

Analyses

Il résulte de l'article 431, alinéa 2 du Code de procédure civile qu'en cause d'appel les parties « ne peuvent former aucune demande nouvelle, à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale » ; que si M. j-v. PA. avait formé une telle demande en nullité dans l'acte introductif d'instance par lequel il avait saisi les premiers juges, il y a par la suite renoncé, de sorte que cette demande n'a pas été soumise au tribunal de première instance et qu'elle présente un caractère de nouveauté qui interdit de la former en cause d'appel; qu'il y a lieu de déclarer cette demande irrecevable.Un actionnaire a un intérêt légitime à contester la régularité des délibérations sociales adoptées au mépris d'une règle d'ordre public destinée à assurer la préservation de l'intérêt social. Pris en sa qualité d'actionnaire de la SBM, M. j-v. PA. a qualité et intérêt à contester les conditions dans lesquelles ont été adoptées les délibérations de l'assemblée de cette société. Il y a lieu de déclarer recevable son action à ce titre.Aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895, « il est interdit aux administrateurs de prendre ou de conserver un intérêt direct ou indirect dans une entreprise ou dans un marché faits avec la société ou pour son compte, à moins qu'ils n'y soient autorisés par l'assemblée générale. Il est, chaque année, rendu à l'assemblée générale, un compte spécial de l'exécution des marchés ou entreprises par elles autorisés aux termes du paragraphe précédent ». Les dispositions de ce texte ont été reproduites à l'article 20 des statuts de la SBM. La 6e résolution de l'assemblée générale du 23 septembre 2005 énonce que « L'assemblée générale approuve les opérations réalisées au cours de l'exercice 2004/2005 qui entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895 et de l'article 20 des statuts. Elle renouvelle aux membres du conseil d'administration l'autorisation de traiter personnellement ou ès qualités avec la société dans les conditions desdits articles ».En ce qu'elle renouvelle aux administrateurs l'autorisation de traiter avec la société, cette résolution ne satisfait pas aux exigences de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895 qui impose une autorisation spéciale donnée à chaque administrateur pour chaque opération soumise aux dispositions de ce texte, sur laquelle les actionnaires ne peuvent prendre parti que s'ils ont reçu une information suffisamment précise leur permettant d'apprécier la conformité à l'intérêt social de cette opération ainsi que les risques de conflit d'intérêts de la part de l'administrateur intéressé.En se bornant à renouveler aux membres du conseil d'administration l'autorisation de traiter personnellement ou ès qualités avec la société sans indiquer quel administrateur se trouvait ainsi autorisé et sans préciser pour quelle opération il l'était ni à quelles conditions, l'assemblée n'a pas régulièrement accordé l'autorisation légalement requise et n'a pas respecté les dispositions d'ordre public de l'article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895, ce qui justifie l'annulation de la résolution ainsi votée. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. j-v. PA. de cette demande.

Procédure civile  - Sociétés - Général.

Appel - Demande nouvelle - Irrecevabilité - Société - Assemblée générale - Délibération - Conseil d'administration - Membres - Pouvoirs - Résolution - Ordonnance du 5 mars 1895 - Conformité (non) - Annulation.


Parties
Demandeurs : M. j-v. PA.
Défendeurs : la Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco, SBM

Références :

article 459-3 du Code de procédure civile
article 431, alinéa 2 du Code de procédure civile
article 1229 du Code civil
article 23 de l'ordonnance du 5 mars 1895


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2011-10-14;7564 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award