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21/01/2010 | MONACO | N°2351

Monaco | Cour de révision, 21 janvier 2010, Monsieur l. GE. c/ le Ministère public


Abstract

Procédure pénale - Instruction - Écoutes - Conformité à la convention européenne - Inculpation - Requalification du délit - Droits de la défense - Condamnation systématique à l'amende - Conformité à la convention européenne non - Adaptée à l'espèce oui

Résumé

Après avoir constaté que les écoutes ordonnées par le juge d'instruction, exécutées en France sur commission rogatoire internationale selon la législation de ce pays, limitées dans le temps, renouvelées une fois par ce même magistrat pour établir la matérialité des faits de vols

et de faux par un comptable au préjudice du service auquel il était affecté dans l'exercice de ...

Abstract

Procédure pénale - Instruction - Écoutes - Conformité à la convention européenne - Inculpation - Requalification du délit - Droits de la défense - Condamnation systématique à l'amende - Conformité à la convention européenne non - Adaptée à l'espèce oui

Résumé

Après avoir constaté que les écoutes ordonnées par le juge d'instruction, exécutées en France sur commission rogatoire internationale selon la législation de ce pays, limitées dans le temps, renouvelées une fois par ce même magistrat pour établir la matérialité des faits de vols et de faux par un comptable au préjudice du service auquel il était affecté dans l'exercice de ses fonctions, l'arrêt retient à bon droit que ces écoutes, ordonnées en application de l'article 87 du Code de procédure pénale, étaient légitimes et non contraires aux dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; en l'état de ces constatations et appréciations la cour d'appel a légalement justifié sa décision; le moyen n'est pas fondé.

Après avoir relevé que M. GE. avait été inculpé de soustractions par un agent public et que, l'intéressé n'ayant pas la qualité d'agent public, une incrimination plus douce avait été retenue, l'arrêt retient que cette requalification ne portait pas atteinte aux droits de la défense, la qualification de soustractions restant inchangée et que la détermination du préjudice dans la prévention n'est pas une condition de validité du renvoi.

En second lieu, l'arrêt retient que les falsifications et surcharges portées sur les reçus de procès-verbaux et reprochées à chacun des prévenus étaient nettement déterminées dans la prévention, laquelle, en ce qu'elle porte sur les mentions fausses enregistrées lors des opérations de saisie informatique, a fait l'objet au cours de la procédure, de tableaux précis auxquels les prévenus ont eu accès, le débat devant la juridiction de fond leur permettant de critiquer chacune des opérations qui leur était imputée.

En l'état de ces constatations et appréciations, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;

D'où il suit que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches.

L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. GE. reconnaissait avoir, une dizaine de fois, commis délibérément des erreurs de saisie informatique pour permettre à des contrevenants d'échapper aux poursuites, qu'il est établi que celui-ci encaissait seul à la poste de Monaco des mandats cash adressés par les contrevenants étrangers et que plusieurs de ces mandats encaissés en espèces n'ont jamais été enregistrés et ne sont pas apparus dans les bordereaux de dépôts bancaires, que l'hypothèse que des espèces auraient été volées par des tiers dans le service ne peut être retenue, les sommes encaissées ne pouvant alors correspondre aux relevés qu'il établissait au vu des procès-verbaux enregistrés; la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées et motivé sa décision; le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur l'amende prévue à l'article 502 du code de procédure pénale

La condamnation systématique à une amende de la partie qui succombe en son pourvoi sanctionnant de fait, même indirectement, l'exercice du pourvoi en révision, ne s'accorde pas avec les exigences de l'article 35§ 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; toutefois, eu égard aux circonstances de la cause, il y a lieu de prononcer une condamnation au paiement de l'amende.

Motifs

Pourvoi N° 2009-74 Hors Session

pénale

COUR DE REVISION

ARRET DU 21 JANVIER 2010

En la cause de :

- l. GE., né le 29 juin 1967 à DRANCY (Seine Saint Denis), de Santino et Andrée BO., de nationalité monégasque, sans emploi, demeurant X à Monaco ;

Prévenu de :

VOL

FAUX EN ECRITURE PRIVÉE ET USAGE

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la cour d'appel de Monaco;

Demandeur en révision,

d'une part,

Contre :

- Le Ministère Public,

Défendeur en révision,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du code de procédure pénale ;

VU :

- l'arrêt avant dire droit rendu par la Cour d'appel correctionnelle du 15 décembre 2008 et l'arrêt rendu par la Cour d'appel correctionnelle du 5 août 2009 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 10 août 2009 par Monsieur l. GE. ;

- la requête déposée le 24 août 2009 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Monsieur l. GE., signifiée le même jour ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n°38416, en date du 10 août 2009, attestant de la remise par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de M. l. GE., de la somme de 300 euros au titre de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- le certificat de clôture établi le 24 novembre 2009, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du Procureur Général en date du 24 décembre 2009;

Ensemble le dossier de la procédure,

Sur le rapport de Monsieur Charles BADI, conseiller,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon les arrêts attaqués, que le service de la simple police assure notamment des fonctions comptables et financières telles que perception des amendes, encaissement des frais liés aux mises en fourrière de véhicules, traitement informatique des avis de contravention; qu'à l'occasion de la réclamation d'un usager de la route, une enquête administrative a révélé que plusieurs paiements perçus par des fonctionnaires en tenue ou effectués directement aux guichets de la simple police n'avaient pas été enregistrés et que des erreurs de saisie informatique avaient été délibérément commises pour rendre vaine toute poursuite éventuelle ; que prévenu de vol, faux en écriture privée et usage de faux, M. GE. a été reconnu, par jugement du 27 mai 2008, coupable de ces délits et condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis ; que la cour d'appel a, par arrêt du 15 décembre 2008, rejeté les exceptions de nullité et ordonné une expertise et, par arrêt du 5 août 2009, confirmé le jugement sur la culpabilité et prononcé une peine d'emprisonnement avec sursis ;

Sur le premier moyen qui attaque l'arrêt du 15 décembre 2008

Attendu que M. GE. fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité portant sur les écoutes téléphoniques pratiquées à la demande du magistrat instructeur en application des dispositions des articles 87 et 94 du Code de procédure pénale, alors, selon le moyen, que ni ces textes, ni toute autre disposition législative n'autorisaient ce magistrat à ordonner le placement sous écoute téléphonique de la ligne fixe et du téléphone portable attribués à M. GE. et que ce n'est que par la loi n° 1343 du 26 décembre 2007, entrée en vigueur le 29 décembre suivant, que le magistrat instructeur a reçu le pouvoir de faire procéder à des écoutes téléphoniques ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les dispositions précitées et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les écoutes ordonnées par le juge d'instruction, exécutées en France sur commission rogatoire internationale selon la législation de ce pays, limitées dans le temps, renouvelées une fois par ce même magistrat pour établir la matérialité des faits de vols et de faux par un comptable au préjudice du service auquel il était affecté dans l'exercice de ses fonctions, l'arrêt retient à bon droit que ces écoutes, ordonnées en application de l'article 87 du Code de procédure pénale, étaient légitimes et non contraires aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; qu'en l'état de ces constatations et appréciations la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis

Attendu que M. GE. fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité tirée de l'imprécision des incriminations de vol et de faux à lui reprochées, alors, selon le moyen, d'une part, que tout accusé a le droit d'être informé, d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui; qu'en inculpant M. GE. d'avoir frauduleusement soustrait des fonds d'un montant indéterminé au préjudice de l'État en le laissant dans l'ignorance non seulement des faits de vol qu'on lui impute mais également du montant des sommes qu'on affirme qu'il aurait soustraites, la cour d'appel a violé l'article 6, § 3 a de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 455 et 456 du Code de procédure pénale; et alors, d'autre part, qu'en reprochant à M. GE. d'avoir commis des faux en écriture privée, dans la saisie erronée de procès-verbaux, de nature à masquer la soustraction frauduleuse de fonds (falsification à la saisie de l'immatriculation et de l'infraction) et par la falsification par surcharge du montant de reçus en espèces, notamment le reçu n° R78842, sans lui donner connaissance, acte par acte, des procès-verbaux et des reçus dont on lui impute la falsification, la cour d'appel a violé les textes précités;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que M. GE. avait été inculpé de soustractions par un agent public et que, l'intéressé n'ayant pas la qualité d'agent public, une incrimination plus douce avait été retenue, l'arrêt retient que cette requalification ne portait pas atteinte aux droits de la défense, la qualification de soustractions restant inchangée et que la détermination du préjudice dans la prévention n'est pas une condition de validité du renvoi ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que les falsifications et surcharges portées sur les reçus de procès-verbaux et reprochées à chacun des prévenus étaient nettement déterminées dans la prévention, laquelle, en ce qu'elle porte sur les mentions fausses enregistrées lors des opérations de saisie informatique, a fait l'objet au cours de la procédure, de tableaux précis auxquels les prévenus ont eu accès, le débat devant la juridiction de fond leur permettant de critiquer chacune des opérations qui leur était imputée; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen;

D'où il suit que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen qui attaque le même arrêt et sur le cinquième moyen dirigé contre les deux arrêts, réunis

Attendu que M. GE. fait grief à l'arrêt du 15 décembre 2008 de n'avoir pas répondu aux conclusions soulevant la nullité pour imprécision de l'incrimination d'usage de faux et aux deux arrêts de n'avoir pas répondu à ses conclusions contestant la constitution des délits de vol, de faux« informatiques» et d'usage de faux à lui reprochés, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il faisait valoir que la prévention était muette sur les actes incriminés de faux dont on lui reprochait l'usage et qu'en ne répondant pas auxdites conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé les articles 413 renvoyant à l'article 330, alinéa 2, renvoyant à l'article 361, alinéa 2, et les article 455 et 456 du Code de procédure pénale ; et alors, d'autre part, qu'il soutenait que les perceptions prétendument manquantes pouvaient être dues à leur non-versement par les agents de la voie publique, plus vraisemblablement à des erreurs d'imputation des paiements, ceux-ci ayant été portés, sur l'ordinateur, au crédit de procès-verbaux demeurés impayés, ou encore à des soustractions frauduleuses commises par des collègues de travail; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les textes précités ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. GE. reconnaissait avoir, une dizaine de fois, commis délibérément des erreurs de saisie informatique pour permettre à des contrevenants d'échapper aux poursuites, qu'il est établi que celui-ci encaissait seul à la poste de Monaco des mandats cash adressés par les contrevenants étrangers et que plusieurs de ces mandats encaissés en espèces n'ont jamais été enregistrés et ne sont pas apparus dans les bordereaux de dépôts bancaires, que l'hypothèse que des espèces auraient été volées par des tiers dans le service ne peut être retenue, les sommes encaissées ne pouvant alors correspondre aux relevés qu'il établissait au vu des procès-verbaux enregistrés ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées et motivé sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur l'amende prévue à l'article 502 du Code de procédure pénale

Attendu que la condamnation systématique à une amende de la partie qui succombe en son pourvoi sanctionnant de fait, même indirectement, l'exercice du pourvoi en révision, ne s'accorde pas avec les exigences de l'article 35§ 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que toutefois, eu égard aux circonstances de la cause, il y a lieu de prononcer une condamnation au paiement de l'amende ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

- Rejette le Pourvoi

- Condamne M. l. GE. aux dépens et à l'amende

Composition

Ainsi délibéré et jugé le vingt et un janvier deux mille dix, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Roger BEAUVOIS, Président, François-Xavier LUCAS, rapporteur, et Madame Cécile PETIT conseillers, en présence de Monsieur Jacques RAYBAUD, Procureur général, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en chef, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles.-

Et Monsieur Roger BEAUVOIS, Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en chef, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles.-

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2351
Date de la décision : 21/01/2010

Analyses

Procédure pénale - Enquête ; Vie privée


Parties
Demandeurs : Monsieur l. GE.
Défendeurs : le Ministère public

Références :

articles 455 et 456 du Code de procédure pénale
loi n° 1343 du 26 décembre 2007
article 489 du code de procédure pénale
articles 87 et 94 du Code de procédure pénale
article 87 du Code de procédure pénale
article 502 du code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2010-01-21;2351 ?

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