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11/10/2006 | MONACO | N°27222

Monaco | Cour de révision, 11 octobre 2006, SAM Compagnie Monégasque de Gestion Privée c/ R.


Abstract

Mandat

Mandat de gestion d'un portefeuille confié à une société agréée soumise à la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 modifiée et à l'ordonnance souveraine d'application n° 13184 du 16 septembre 1994 instituant un ordre public de protection des investisseurs - Absence de mentions légalement imposées parmi lesquelles les objectifs de gestion - Nullité du contrat de gestion produisant les mêmes effets qu'une résiliation, du fait qu'il s'agit d'un contrat à exécution successive

Résumé

Selon l'arrêt attaqué, le 1er avril 2000 M. R. a confié Ã

  la Compagnie Monégasque de Gestion Privée un mandat de gestion d'un compte titres tenu par la...

Abstract

Mandat

Mandat de gestion d'un portefeuille confié à une société agréée soumise à la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 modifiée et à l'ordonnance souveraine d'application n° 13184 du 16 septembre 1994 instituant un ordre public de protection des investisseurs - Absence de mentions légalement imposées parmi lesquelles les objectifs de gestion - Nullité du contrat de gestion produisant les mêmes effets qu'une résiliation, du fait qu'il s'agit d'un contrat à exécution successive

Résumé

Selon l'arrêt attaqué, le 1er avril 2000 M. R. a confié à la Compagnie Monégasque de Gestion Privée un mandat de gestion d'un compte titres tenu par la société BSI Monaco ; n'ayant pas été satisfait de la gestion de son portefeuille, M. R. a assigné le 17 décembre 2002 la Compagnie Monégasque de Gestion Privée en nullité du contrat et subsidiairement en réparation de ses préjudices nés du manquement de cette société à ses obligations d'information et de conseil ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

La Compagnie Monégasque de Gestion Privée fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de nullité du mandat de gestion invoquée par M. R. au motif que ce contrat écrit ne comportait, sous le paragraphe « le principal objectif de la gestion », aucune mention concernant les cinq rubriques correspondant à cinq objectifs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que ni l'article 8 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 qui prévoit que les mandats donnés par les clients aux sociétés agréées font l'objet de conventions écrites, ni l'article 4 de l'Ordonnance n° 13.184 du 16 septembre 1997 qui énonce que toute gestion individuelle de portefeuille doit donner lieu à l'établissement préalable d'une convention écrite définissant les obligations du prestataire vis-à-vis de son mandant, ni même l'article 6 de ladite Ordonnance qui énumère les mentions obligatoires du mandat de gestion, ne sanctionnent par la nullité les irrégularités formelles de ce contrat, qu'en statuant ainsi qu'elle a fait la Cour d'appel a violé les textes susvisés ; alors, de deuxième part, en retenant que la volonté du législateur est de sanctionner par la nullité le non-respect du formalisme des mandats de gestion tandis que les mentions à porter dans de tels contrats ne se trouvent pas dans la loi mais dans un texte réglementaire et qu'il ne résulte pas des débats parlementaires qu'une telle sanction ait été évoquée, la Cour d'appel a encore violé les textes susvisés ; alors, de troisième part, qu'en fondant la nullité du mandat de gestion sur l'absence de la mention des « objectifs de la gestion » tandis que l'article 6 de l'Ordonnance souveraine susvisée portant application de la loi du 9 juillet 1997 ne définit pas la notion de tels objectifs et que les mentions concernant les catégories d'instruments financiers auraient pu y suppléer si celles-ci avaient été explicitées, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ; alors de quatrième part, en frappant de nullité le contrat de mandat de gestion tandis qu'en vertu de l'article 18 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 modifié par la loi n° 1241 du 3 juillet 2001 un dispositif permet de faire cesser les irrégularités constatées par la Commission de contrôle, ce dont il résulte que le législateur n'a pas eu l'intention que ce contrat soit frappé de nullité, la Cour d'appel a encore violé les textes susvisés ; et alors enfin, que le formalisme imposé par le législateur ne relevant pas d'un ordre public de protection du mandat et que M. R. n'ayant pas fondé son action sur les vices du consentement la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 964 du Code civil ;

Mais, en premier lieu, un acte juridique peut être frappé de nullité par le fait qu'il contrevient à une règle imposée par le législateur pour sauvegarder un intérêt qu'il juge important même si aucune disposition n'a prévu une telle sanction ; que la Cour d'appel ayant relevé que si la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 sur la gestion de portefeuilles et les activités boursières assimilées et l'Ordonnance souveraine n° 13.184 du 16 septembre 1997 prise pour son application n'ont pas prévu de manière expresse la nullité d'un mandat de gestion de portefeuille ne respectant pas les conditions de formes qu'elles imposent, il résulte tant de ces textes que des travaux préparatoires publiés au Journal Officiel du 12 septembre 1997 dont il n'est pas soutenu que la teneur a été dénaturée, que le législateur, pris dans son acceptation constitutionnelle, a entendu, par un tel formalisme, établir un ordre public de protection des investisseurs, parties faibles aux contrats de mandants de gestion, et assurer la sécurité des transactions ;

En second lieu, ayant relevé, d'un côté, selon l'article 6 de l'ordonnance susvisée le contrat de gestion doit comporter « au minimum » un certain nombre de mentions parmi lesquelles intitulé « le principal objectif de gestion » qui comporte cinq rubriques, le contrat établi par la société Compagnie Monégasque de Gestion Privée ne fait mention d'aucun des cinq objectifs correspondants, c'est à bon droit qu'en l'absence de telles mentions légalement imposées, la Cour d'appel qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation de cette société que sa décision rendait inopérante, ni à constater que le consentement de M. R. ait été vicié, a statué ainsi qu'elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :

Il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la nullité du contrat litigieux produirait les mêmes effets qu'une réalisation dudit contrat, alors selon le pourvoi, d'une part, qu'en écartant ainsi l'effet rétroactif de la nullité du contrat la Cour d'appel a violé les articles 1152 et 1099 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en faisant produire à la nullité un effet partiellement rétroactif en prononçant la remise en cause d'actes de gestion unilatéralement choisis par M. R., la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de sa décision au regard des textes susvisés ; Mais l'arrêt retient que si en raison du caractère rétroactif de la nullité, le contrat annulé est censé n'avoir pas existé en sorte que chacun est tenu de restituer à l'autre ce qu'il a perçu, il en va différemment lorsque comme en l'espèce il s'agit d'un contrat à exécution successive dont la nullité produit les mêmes effets qu'une résiliation dudit contrat ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel qui n'a donc pas écarté la rétroactivité des effets de la nullité mais tenu compte des situations de fait irréversibles nées des prestations effectuées dans le passé par le mandataire, n'encourt pas les griefs du moyen.

Motifs

La Cour de révision,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu selon l'arrêt attaqué, que le 1er avril 2000 M. R. a confié à la Compagnie Monégasque de Gestion Privée un mandat de gestion d'un compte titres tenu par la société BSI Monaco ; que n'ayant pas été satisfait de la gestion de son portefeuille, M. R. a assigné le 17 décembre 2002 la Compagnie Monégasque de Gestion Privée en nullité du contrat et subsidiairement en réparation de ses préjudices nés du manquement de cette société à ses obligations d'information et de conseil ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que la Compagnie Monégasque de Gestion Privée fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de nullité du mandat de gestion invoquée par M. R. au motif que ce contrat écrit ne comportait, sous le paragraphe « le principal objectif de la gestion », aucune mention concernant les cinq rubriques correspondant à cinq objectifs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que ni l'article 8 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 qui prévoit que les mandats donnés par les clients aux sociétés agréées font l'objet de conventions écrites, ni l'article 4 de l'Ordonnance n° 13.184 du 16 septembre 1997 qui énonce que toute gestion individuelle de portefeuille doit donner lieu à l'établissement préalable d'une convention écrite définissant les obligations du prestataire vis-à-vis de son mandant, ni même l'article 6 de ladite ordonnance qui énumère les mentions obligatoires du mandat de gestion, ne sanctionnent pas la nullité les irrégularités formelles de ce contrat, qu'en statuant ainsi qu'elle a fait la Cour d'appel a violé les textes susvisés ; alors, de deuxième part, qu'en retenant que la volonté du législateur est de sanctionner par la nullité le non-respect du formalisme des mandats de gestion tandis que les mentions à porter dans de tels contrats ne se trouvent pas dans la loi mais dans un texte réglementaire et qu'il ne résulte pas des débats parlementaires qu'une telle sanction ait été évoquée, la Cour d'appel a encore violé les textes susvisés ; alors, de troisième part, qu'en fondant la nullité du mandat de gestion sur l'absence de la mention des « objectifs de la gestion » tandis que l'article 6 de l'Ordonnance souveraine susvisée portant application de la loi du 9 juillet 1997 ne définit pas la notion de tels objectifs et que les mentions concernant les catégories d'instruments financiers auraient pu y suppléer si celles-ci avaient été explicitées, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ; alors de quatrième part, qu'en frappant de nullité le contrat de mandat de gestion tandis qu'en vertu de l'article 18 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 modifié par la loi n° 1241 du 3 juillet 2001 un dispositif permet de faire cesser les irrégularités constatées par la Commission de contrôle, ce dont il résulte que le législateur n'a pas eu l'intention que ce contrat soit frappé de nullité, la Cour d'appel a encore violé les textes susvisés ; et alors enfin, que le formalisme imposé par le législateur ne relevant pas d'un ordre public de protection du mandant et que M. R. n'ayant pas fondé son action sur les vices du consentement la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 964 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'un acte juridique peut être frappé de nullité par le fait qu'il contrevient à une règle imposée par le législateur pour sauvegarder un intérêt qu'il juge important même si aucune disposition n'a prévu une telle sanction ; que la Cour d'appel ayant relevé que si la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 sur la gestion de portefeuilles et les activités boursières assimilées et l'Ordonnance souveraine n° 13.184 du 16 septembre 1997 prise pour son application n'ont pas prévu de manière expresse la nullité d'un mandat de gestion de portefeuille ne respectant pas les conditions de forme qu'elles imposent, il résulte tant de ces textes que des travaux préparatoires publiés au Journal Officiel du 12 septembre 1997 dont il n'est pas soutenu que la teneur a été dénaturée, que le législateur, pris dans son acceptation constitutionnelle, a entendu, par un tel formalisme, établir un ordre public de protection des investisseurs, parties faibles aux contrats de mandats de gestion, et assurer la sécurité des transactions ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, d'un côté, que selon l'article 6 de l'ordonnance susvisée le contrat de gestion doit comporter « au minimum » un certain nombre de mentions parmi lesquelles « les objectifs de gestion » et, d'un autre côté, que sous le paragraphe intitulé « le principal objectif de gestion » qui comporte cinq rubriques, le contrat établi par la société Compagnie Monégasque de Gestion Privée ne fait mention d'aucun des cinq objectifs correspondants, c'est à bon droit qu'en l'absence de telles mentions légalement imposées, la Cour d'appel qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation de cette société que sa décision rendait inopérante, ni à constater que le consentement de M. R. ait été vicié, a statué ainsi qu'elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la nullité du contrat litigieux produirait les mêmes effets qu'une résiliation dudit contrat, alors selon le pourvoi, d'une part, qu'en écartant ainsi l'effet rétroactif de la nullité du contrat la Cour d'appel a violé les articles 1152 et 1099 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en faisant produire à la nullité un effet partiellement rétroactif en prononçant la remise en cause d'actes de gestion unilatéralement choisis par M. R., la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de sa décision au regard des textes susvisés ;

Mais attendu que l'arrêt retient que si en raison du caractère rétroactif de la nullité, le contrat annulé est censé n'avoir pas existé en sorte que chacun est tenu de restituer à l'autre ce qu'il a perçu, il en va différemment lorsque comme en l'espèce il s'agit d'un contrat à exécution successive dont la nullité produit les mêmes effets qu'une résiliation dudit contrat ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel qui n'a donc pas écarté la rétroactivité des effets de la nullité mais tenu compte des situations de fait irréversibles nées des prestations effectuées dans le passé par le mandataire, n'encourt pas les griefs du moyen ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir condamner la société Compagnie Monégasque de Gestion Privée à payer à M. R. la somme de 292 012,10 euros avec les intérêts au taux légal et ordonné la restitution par ce dernier à cette société d'un certain nombre de titres, alors, selon le pourvoi, que le mandat étant défini par l'article 1283 du Code civil comme étant un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et à son nom, la nullité du mandat de gestion ne pouvait avoir pour effet d'anéantir les actes accomplis au nom du mandant à l'égard des tiers, qu'en décidant le contraire la Cour d'appel a méconnu la nature du contrat de mandat et violé l'article susvisé ;

Mais attendu que, loin d'anéantir les actes accomplis avec les tiers par la société de gestion, l'arrêt retient que pour remettre les choses en l'état du fait de l'effet de la nullité du contrat il convient de constater que certains titres acquis par cette société étaient sa propriété depuis l'origine des transactions qu'il avait effectuées et qu'il doit en rembourser la valeur à son mandant et, que pour d'autres opérations irréversibles, M. R. doit être indemnisé des pertes qu'il a subies du fait de son mandataire ; que sans méconnaître la nature du contrat de mandat la Cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la demande de dommages-intérêts de M. R. :

Attendu que M. R. demande à la Cour de révision que, par application de l'article 459-4 du Code de procédure civile, la société Compagnie de Gestion Privée Monégasque soit condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que compte tenu des circonstances de l'affaire il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne la société Compagnie de Gestion Privée Monégasque à l'amende et aux dépens,

Déboute M. R. de sa demande tendant à la condamnation de la société Compagnie de Gestion Privée Monégasque à lui payer 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Composition

MM. Apollis, prem. prés., rap. ; Beauvois, v.-prés. ; Chevreau, cons. ; Mmes Brunet-Fuster, proc. gén. ; Bardy, gref. en chef ; Mes Licari et Gardetto, av. déf. ; Zabaldano, av.

Note

Cet arrêt rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2005 par la Cour d'appel statuant en matière civile, signifié le 24 janvier 2006.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27222
Date de la décision : 11/10/2006

Analyses

Contrat de mandat


Parties
Demandeurs : SAM Compagnie Monégasque de Gestion Privée
Défendeurs : R.

Références :

article 8 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997
articles 1152 et 1099 du Code civil
loi n° 1194 du 9 juillet 1997
loi n° 1241 du 3 juillet 2001
Ordonnance souveraine n° 13.184 du 16 septembre 1997
article 18 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997
article 4 de l'Ordonnance n° 13.184 du 16 septembre 1997
article 1283 du Code civil
article 964 du Code civil
13 décembre 2005
loi du 9 juillet 1997
article 459-4 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2006-10-11;27222 ?

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