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21/03/2001 | MONACO | N°26841

Monaco | Cour de révision, 21 mars 2001, S. c/ F.-C.


Abstract

Contrat et obligations

Clause pénale - Caractères : comminatoire, compensatoire du retard dommageable, distincte de l'intérêt - Révision judiciaire - Pouvoir de modération du juge, si montant excessif

Résumé

Par arrêt du 28 janvier 1997, la Cour d'appel a condamné M. S. à l'exécution des dispositions d'un contrat de prêt souscrit le 1er avril 1970 par sa mère, à laquelle il s'était substitué, et qui prévoyait, outre le remboursement de la somme principale de 110 000 francs, le paiement des intérêts capitalisés à compter du 1er juillet

1970, ainsi qu'une clause pénale ; elle a désigné un expert aux fins d'évaluer les sommes cor...

Abstract

Contrat et obligations

Clause pénale - Caractères : comminatoire, compensatoire du retard dommageable, distincte de l'intérêt - Révision judiciaire - Pouvoir de modération du juge, si montant excessif

Résumé

Par arrêt du 28 janvier 1997, la Cour d'appel a condamné M. S. à l'exécution des dispositions d'un contrat de prêt souscrit le 1er avril 1970 par sa mère, à laquelle il s'était substitué, et qui prévoyait, outre le remboursement de la somme principale de 110 000 francs, le paiement des intérêts capitalisés à compter du 1er juillet 1970, ainsi qu'une clause pénale ; elle a désigné un expert aux fins d'évaluer les sommes correspondantes ; un pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de révision le 3 octobre 1997.

Adoptant les conclusions du rapport d'expert la Cour d'appel a, par arrêt du 1er février 2000 chiffré à 1 286 930 francs les intérêts arrêtés au 30 septembre 1998 incluant l'anatocisme, tel que prévu au contrat liant les parties et à 13 316 410 francs les effets de la clause pénale, s'ajoutant à la dette principale de 110 000 francs ; elle a dit qu'à ces sommes s'ajouteraient encore les intérêts capitalisés au taux de 10 % l'an et la clause pénale de 10 % tels que prévus au contrat et ce à compter du 1er octobre 1998 jusqu'à parfait paiement.

Le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été le 3 octobre 2000 rejeté, sauf sa cassation partielle toutefois prononcée en ce qu'il n'avait pas été répondu aux prétentions de M. S., portant, l'obligation principale ayant été exécutée partiellement, sur la modification judiciaire de la pénalité.

En ce qui concerne le paiement de 204 416,66 francs effectué par M. S. le 13 septembre 1995, il n'est pas possible comme le souhaiteraient les consorts F.-C. de l'imputer sur les sommes afférentes à la clause pénale. Aux termes en effet de l'article 1 109 in fine du Code civil : « le paiement fait sur le capital et les intérêts, mais qui n'est point intégral, s'impute d'abord sur les intérêts » ; il résulte des articles 1082 et 1084 du même code, que la clause pénale est à distinguer des intérêts, lesquels constituent le loyer de l'argent, en ce qu'elle poursuit à la fois un but comminatoire et de compensation du dommage consécutif au retard de paiement.

Il revient à la Cour de révision de statuer sur la clause pénale et d'en fixer les effets définitifs, étant précisé que tout retard ultérieur sera, en ce qui concerne les effets de cette clause, sanctionné par le versement de l'intérêt légal. Il lui appartient, pour déterminer la somme à verser par M. S. à titre de pénalité, de tenir compte du caractère nettement exorbitant de la clause stipulée à l'origine, mais aussi, du dommage causé par le retard intervenu dans le premier paiement déjà très tardif, nonobstant la circonstance qu'il est fait état à la barre d'une offre de paiement toute récente de la somme de 1 770 501,63 francs correspondant, selon les termes de cette offre à l'apurement du principal et des intérêts, hors clause pénale, au 31 mars 2001, de la nécessité de ne pas réduire la somme à verser en deçà d'un montant de nature à supprimer son effet comminatoire et son but de sanction civile.

À cet effet, la Cour fixe la somme globale due au titre de la clause pénale, depuis l'échéance non respectée, prévue au contrat, jusqu'à la date du présent arrêt à la somme de 500 000 francs, laquelle portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt et jusqu'à complet paiement du surplus de la dette de M. S. (à savoir principal, intérêt et clause d'anatocisme), et ce dans les conditions fixées par le dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel du 1er février 2000.

Motifs

La Cour de révision,

Attendu que, par un arrêt du 28 juin 1997, la Cour d'appel a condamné M. S. à l'exécution des dispositions d'un contrat de prêt souscrit le 1er avril 1960 par sa mère, à laquelle il s'était substitué, et qui prévoyait, outre le remboursement de la somme principale de 110 000 francs, le paiement des intérêts capitalisés à compter du 1er juillet 1970, ainsi qu'une clause pénale ; qu'elle a désigné un expert aux fins d'évaluer les sommes correspondantes ; qu'un pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de révision le 3 octobre 1997.

Attendu qu'adoptant les conclusions du rapport d'expert la Cour d'appel a, par arrêt du 1er février 2000 chiffré à 1 286 930 francs les intérêts arrêtés au 30 septembre 1998 incluant l'anatocisme, tel que prévu au contrat liant les parties, et à 13 316 410 francs les effets de la clause pénale, s'ajoutant à la dette principale de 110 000 francs ; qu'elle a dit qu'à ces sommes s'ajouteraient encore les intérêts capitalisés au taux de 10 % l'an et la clause pénale de 10 % tels que prévus au contrat et ce à compter du 1er octobre 1998 jusqu'à parfait paiement ;

Attendu que le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté le 3 octobre 2000, sa cassation partielle ayant toutefois été prononcée en ce qu'il n'avait pas été répondu aux prétentions de M. S., portant, l'obligation principale ayant été exécutée partiellement, sur la modification judiciaire de la pénalité ;

Attendu que dans ses conclusions sur renvoi, M. S. fait valoir que ce n'est pas en 1997, comme l'a indiqué la Cour de révision mais le 13 septembre 1995 qu'a été réglée par lui, en commencement de remboursement de sa dette, la somme de 204 416 francs ;

Qu'il signale également que, par exploit du 10 mars 2000, demeuré jusque là sans suite, il a saisi la Cour d'appel d'une demande de rétractation de son arrêt du 1er février 2000 en ce qu'il n'aurait pas tenu compte d'une lettre du 11 décembre 1998 de Maître Aureglia, notaire, rédacteur de l'acte de prêt qui mentionne une pénalité de 10 % par jour de retard et selon laquelle il se serait agi d'une erreur matérielle, l'intention commune des parties ayant été d'instituer une pénalité de 10 % par an ;

Attendu qu'argumentant au fond, M. S. relève que le juge monégasque, qui fonde une réduction de la peine sur un commencement d'exécution de l'obligation principale n'est pas tenu, lorsqu'il invoque un tel fondement, de ne la diminuer « qu'à proportion de l'intérêt partiel procuré au créancier ; qu'en la circonstance, un effet pénalisant très important s'attachant déjà à la clause d'anatocisme, il serait équitable, pour éviter d'aboutir indirectement à des taux usuraires, de la ramener à un taux bien moindre tenant compte de la proportionnalité objective de la clause elle-même et de sa finalité, à savoir son effet comminatoire, et de la circonstance que, de leur côté, les époux F. n'avaient pas intérêt à voir cesser un placement si profitable, le préjudice afférent au retard étant, déjà, largement compensé par la clause d'anatocisme ;

Que, si dans ses conclusions écrites, M. S. demandait à la Cour de révision de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur l'action en rétraction qu'il disait introduite devant la Cour d'appel, cette demande n'a pas été reprise à l'occasion du débat oral ; que demeure donc sa demande de voir limiter le montant de la clause pénale à 5 % du montant de la dette, à ce jour subsistante en principal et, le cas échéant, en intérêts au besoin capitalisés, soit à une somme, en toutes hypothèses, inférieure à 100 000 francs ; qu'à la barre il a même été plaidé qu'il faudrait la réduire à un franc symbolique ;

Attendu que, de leur côté, les consorts F.-C. font valoir que, lors même que les textes sont à Monaco différents des textes français, il serait de bonne logique de ne diminuer, le cas échéant, la clause pénale qu'à la mesure de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, lequel a été quasiment nul eu égard au retard énorme pris par le débiteur ; qu'ils soutiennent aussi, que le règlement effectué n'a, en rien, réduit la dette, puisqu'il aurait fallu l'imputer sur ce qui était dû au titre de la clause pénale au jour de ce règlement ; qu'ils concluent donc, au principal, qu'il n'y a pas lieu de modifier le montant de la condamnation de la Cour d'appel et, subsidiairement, que les 204 416 francs versés par les époux F. doivent s'imputer sur les sommes dues, à la date de ce versement au titre de la clause pénale, dont l'effet doit, à partir de cette date, recommencer à courir, sur l'intégralité du principal et des intérêts ;

Sur la demande en rectification d'erreur matérielle :

Attendu que l'expertise effectuée en 1997 précisait qu'à sa date avait été seulement payée une somme de 204 416,66 francs ; que ce n'est que dans les documents versés à l'appui du présent débat qu'a été précisé que ce versement datait du 13 septembre 1995 ; qu'il convient, sans qu'il y ait lieu à rectification de l'arrêt de la présente Cour du 3 octobre 2000, dont les conditions, tant de délai que de fond, fixées par l'article 438-8 du Code de procédure civile ne sont pas réunies, de donner acte aux parties de cette date du 13 septembre 1995, que ne contestent pas les consorts F.-C., comme étant celle de l'unique paiement effectué à ce jour ;

Sur le fond :

Attendu en ce qui concerne ce paiement, qu'il n'est pas possible comme le souhaiteraient les consorts F.-C. de l'imputer sur les sommes afférentes à la clause pénale ; qu'aux termes, en effet, de l'article 1109 in fine du Code civil : » le paiement fait sur le capital et les intérêts, mais qui n'est point intégral, s'impute d'abord sur les intérêts " ; qu'il résulte des articles 1082 et 1084 du même code, que la clause pénale est à distinguer des intérêts, lesquels constituent le loyer de l'argent, en ce qu'elle poursuit à la fois un but comminatoire et de compensation du dommage consécutif au retard de paiement ;

Attendu qu'il revient à la Cour de révision de statuer sur la clause pénale et d'en fixer les effets définitifs, étant précisé que tout retard ultérieur sera, en ce qui concerne les effets de cette clause, sanctionné par le versement de l'intérêt légal ;

Qu'il lui appartient, pour déterminer la somme à verser par M. S. à titre de pénalité, de tenir compte :

* du caractère nettement exorbitant de la clause stipulée à l'origine, mais aussi,

* du dommage causé par le retard intervenu dans le premier paiement déjà très tardif, nonobstant la circonstance qu'il est fait état à la barre d'une offre de paiement toute récente de la somme de 1 770 501,63 francs correspondant, selon les termes de cette offre à l'apurement du principal et des intérêts, hors clause pénale, au 31 mars 2001,

* de la nécessité de ne pas réduire la somme à verser en deçà d'un montant de nature à supprimer son effet comminatoire et son but de sanction civile ;

Qu'à cet effet la Cour fixe la somme globale due au titre de la clause pénale, depuis l'échéance, non respectée, prévue au contrat, jusqu'à la date du présent arrêt à la somme de 500 000 francs ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

* Fixe à 500 000 francs à ce jour le montant dû par M. S. au titre de la clause pénale ;

* Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et jusqu'à complet paiement du surplus de la dette de M. S. (à savoir principal, intérêts et clause d'anatocisme), et ce dans les conditions fixées par le dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel du 1er février 2000 ;

* Condamne le demandeur à l'amende et aux dépens.

Composition

MM. Jouhaud prem. prés. rap. ; Malibert V. prés. ; Apollis, Cathala cons. ; Serdet proc. gén. ; Mme Bardy greffier en chef ; Mes Pasquier-Ciulla, Pastor av. déf. ; Xavier av. aux conseils.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 26841
Date de la décision : 21/03/2001

Analyses

Contrat - Contenu


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : F.-C.

Références :

Code civil
article 438-8 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;2001-03-21;26841 ?

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